Elena Mosuc, l'intégrité professionnelle à l'écart du "star system"
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- Publication : dimanche 11 décembre 2005 00:00
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Elena Mosuc est née en Roumanie. Elle a reçu le Prix européen d'Encouragement pour la Musique en 1993, le Bellini d'or à Catania en 1995, le Prix Zenatello de Vérone en 2001 et le Prix Verdi de Modena en 2004. Son apparition au Gala du centenaire de la FIFA en 2004, sous la direction de Valery Gergiev, a été retransmis en direct par les télévisions de plus de cent-vingt pays.
Saviez-vous tout de suite que vous deviendriez chanteuse ? Comment est née votre vocation dans un pays dominé par le communisme ?
j'ai toujours eu envie d'être chanteuse, mais je n'aurais jamais pu imaginer que ce rêve deviendrait réalité, et ceci à cause du régime de Ceausescu. Quand j'ai eu 18 ans, j'ai commencé à travailler comme enseignante dans une école primaire, ça a duré sept ans, et en même temps je travaillais ma voix. Je me suis rendu compte que le chant était vraiment ma vocation et j'ai décidé d'abandonner l'enseignement. J'avais pris des leçons privées avec des chanteurs et après la Révolution de 1989, j'ai enfin eu la chance d'être acceptée par le Conservatoire "George Enescu" de Iasi, ma ville natale, en juillet 1990. Mais j'ai débuté avant la fin de mes études, en février 1990, à l'opéra de Iasi, dans le rôle de la Reine de la Nuit. Mais je ne suis restée qu'un an dans ce théâtre : en septembre 1990, j'ai remporté le premier prix du Concours Musical International de la ARD de Munich. Après ce Prix, j'ai passé quelques auditions et j'ai eu un contrat avec l'Opéra de Zurich, où je chante beaucoup. Mais je chante dans le monde entier ! Je n'ai pas encore débuté en Amérique, toutefois.
Retournez-vous de temps en temps en Roumanie pour chanter ?
Oui, deux ou trois fois par an, à l'Opéra ou à la radio?
Chantez-vous le répertoire roumain, en concert ou sur scène ?
Je chante seulement les chansons roumaines que j'ai enregistrées sur mon CD "Notre Amour" [cf. discographie].
Vous considérez-vous comme un soprano colorature ?
Je suis un soprano colorature, mais colorature dramatique.
Vous avez rapidement chanté dans les plus prestigieux théâtres, avec les chefs les plus prestigieux, comme Harnoncourt, von Dohnányi, Sir Colin Davis, Gielen, Inbal, Adam Fischer, Minkowski, Plasson ou encore Viotti. Avez-vous des souvenirs précis de certaines de ces collaborations ?
Oui, en particulier de Marcello Viotti, avec lequel j'ai chanté tant de fois Rigoletto,aux Arènes de Vérone et la Traviata à Venise et à Zürich. j'ai très bien travaillé avec lui et j'ai appris tant de choses ! c'est aussi merveilleux de faire de la musique avec Daniel Oren.
Quels artistes ont été (ou sont encore) vos modèles ?
J'aime énormément la façon de chanter de Renata Scotto, celle de Beverly Sills. j'aime les chanteurs qui sont authentiques quand ils chantent et pas ces stars d'aujourd'hui qui ne savent pas bien chanter.
Vous avez interprété Gilda avec Leo Nucci et Marcello Alvarez en 2003 aux Arènes de Vérone et ça a été un très grand succès : vous bissiez par exemple la fin du deuxième acte : « sì, vendetta ! » Quel effet cela fait-il de chanter devant autant de personnes, dans un lieu aussi extraordinaire ?
Chanter aux Arènes de Vérone est quelque chose de MAGIQUE. Le lieu contient une énergie magnifique et l'enthousiasme du public, l'ambiance formidable qu'il y a n'existent dans aucun autre théâtre du monde !
Votre répertoire est déjà très vaste. Rêvez-vous de nouveaux rôles ? Quels sont les prochains que vous aborderez ?
Cette saison [2005/2006], je vais chanter Liù et Maria Stuarda à Zurich. Je souhaite vivement chanter la Fille du Régiment, Manon (de Massenet), Juliette...
Le travail théâtral est-il un aspect important de votre vie professionnelle ? Vous sentez-vous une actrice aussi bien qu'une chanteuse ?
La direction d'acteurs est importante, mais le plus important c'est la musique. J'ai travaillé Traviata début décembre avec Franco Zeffirelli à Tel Aviv, et c'est un homme fantastique ! Tout doit aller avec la musique. Malheureusement, aujourd'hui, dans de nombreuses maisons d'opéra, la mise en scène est ce qu'il y a de plus important, souvent aux dépends de la musique.
Vous chantez beaucoup de musique sacrée ; est-ce important pour vous ?
Oui, c'est vraiment très important, car j'ai été élevée avec mes grands-parents à l'église, où je chantais chaque dimanche. Ma voix s'y est formée. Quand je chante, je me sens en contact direct avec Dieu. Je suis très heureuse quand je chante. c'est ma façon de dire quelque chose dans ce monde si triste.
Que pensez-vous de la crise actuelle du disque ?
Le problème est que beaucoup de chanteurs qui n'ont RIEN à dire musicalement enregistrent des disques de mauvaise qualité. Les labels ont fait des stars de ces personnes qui feraient peut-être mieux de rester chez elles. Par ailleurs, il y a trop d'enregistrements que le public n'achète pas.
Pensez-vous qu'il soit plus difficile pour un jeune chanteur de débuter, aujourd'hui ?
Malheureusement, vous ne pouvez pas faire une carrière aujourd'hui si vous n'avez pas les bonnes personnes derrière vous. Cela a toujours été mon problème : j'ai eu peu de chance avec les agents. dans le milieu de l'opéra, il faut avoir des relations. Après, la voix... Ma préoccupation a toujours été de travailler ma voix le mieux possible. Mais ça ne suffit pas...
Lien recommandé : Le site d'Elena Mosuc : www.mosuc.com
Propos recueillis et traduits de l'anglais par Jérémie Leroy-Ringuet.
Décembre 2005.