Récital de Roberto ALAGNA à Lacoste, 17 juillet 2006
Récital de Roberto ALAGNA à Lacoste, 17 juillet 2006
Festival de Lacoste "Pierre Cardin"
17 juillet 2006
Récital de Roberto Alagna
Jeff Cohen, piano
Première partie
ARIE ANTICHE
Bononcini, Per la Gloria d'adorarvi
Scarlatti, O cessate i piagarmi
Stradella, Pietà signore
AIRS D'OPERAS
Grétry, L'amant jaloux, "tandis que tout sommeille"
Bizet, La jeune fille de Perth, "à la voix"
Rabaud, Marouf, "à travers le désert"
MELODIES
Tosti, Chanson de l'Adieu
Tosti, A Vucchella
Leoncavallo, Sérénade française "mon gentil Pierrot"
Drigo, Les millions d'Arlequin
Deuxième partie
MELODIES NAPOLITAINES
Anonyme : Fenesta che lucive
Di Capua : I' te vurria vasà
Mario : Santa Lucia lontana
Falvo : Dicintelle vuie
Cioffi : Na sera a maggio
Tagliaferri : Passione
Cardillo : Core 'ngrato
BIS :
Anonyme : Ciccarellu
Gastaldon : Musica Proibita
Et un troisième bis en cours d'identification?
Ce qui frappe avant tout c'est le caractère peu traditionnel de la façon dont Roberto Alagna donne un récital. Les puristes s'indigneront, les néophytes seront heureux de voir brisée la forme figée du Liederabend en costume sombre.
Alagna arrive sur la scène des carrières du Château de Lacoste en pantalon blanc et chemise noire au col ouvert, troquée contre une chemise blanche pour la seconde partie. Malgré la grande froideur du public, qui ne s'est réchauffé que vers la moitié des chansons napolitaines, il essaie d'établir le contact avec lui en le faisant rire, en lui donnant une (fausse) impression d'amateurisme, en regardant presque chaque fois sur le pupitre du Steinway quelle partition le pianiste s'apprête à jouer, en partant de temps en temps côté cour, en sortant avant que le piano ait terminé après "Na sera e maggio" ou en sortant de façon inattendue après certaines mélodies (par exemple, entre Passione et Core 'ngrato, ce qui est dommageable à la continuité du spectacle). Mais cette impression d'amateurisme est trompeuse car, si parfois le jeu scénique est décalé par rapport au texte des mélodies, il est le plus souvent très émouvant et très approprié, comme dans l'air de Rabaud ou quand, dans "A vucchella", il termine en s'accroupissant (face à Angela?) pour accompagner son pianissimo.
L'idée de saluer avec le pianiste côté cour, puis côté jardin, puis au centre, comme à Vérone, est également originale même si cela donne un étrange aspect "Show Alagna" à la soirée.
Le niveau vocal était excellent. Alagna interprète toutes ces mélodies et tous ces airs par c?ur, sans trou de mémoire.
Les AIRS ANTIQUES sont un répertoire habituel des grands ténors (Ramon Vargas en a fait un enregistrement chez RCA) qui n'hésitent pas à passer outre les exigences stylistiques de ces airs "baroques".Ainsi, il ne fallait pas espérer, hier, entendre des notes sans vibrato et une interprétation vraiment propre. Alagna ne se prive même pas de prendre certaines notes à la cuillère (Stradella) qui auraient fait frémir les puristes. C'est d'ailleurs la partie la moins convaincante de son récital. Le Bononcini est interprété assez platement, sans respiration et sans liberté, avec une gestuelle à la Des Grieux? Scarlatti est plus émouvant, les trilles de Stradella sont très corrects et, surtout, on entend tout de suite une grande voix. Alagna ne détimbre pas, ni dans l'aigu ni dans le grave. L'homogénéité de la voix est parfaite, la diction excellente en italien.
Elle l'est aussi en français dans les AIRS D'OPERA qui suivent, rares mais déjà enregistrés par Alagna dans son disque "Sérénades". Rien à dire, c'est son répertoire, c'est parfait. On en vient à regretter que ces Marouf et autres Amant Jaloux ne soient pas montés alors qu'on en possède aujourd'hui l'interprète rêvé. Les intervalles de l'air de Bizet sont parfaitement maîtrisés, mais l'aigu final de Rabaud est un tout petit peu tiré.
S'il donne l'impression, dans les MELODIES qui suivent, de ne pas être très attentif à son pianiste, il nous persuade aussi que ce répertoire lui va comme un gant. Les Tosti lui permettent de nous donner un avant-goût des superbes pianissimi et diminuendi qu'il nous fera entendre dans la seconde partie. Le murmure dans lequel s'achève la "Chanson de l'Adieu" est un moment inoubliable de ce récital. Les deux dernières mélodies font également partie de son disque "Sérénades". Un incroyable diminuendo conclut la première partie.
Les MELODIES NAPOLITAINES sont le meilleur de cette soirée, le répertoire dans lequel il se régale véritablement et nous donne à entendre des partitions magnifiquement maîtrisées techniquement et expressivement (mais je suis loin d'être un spécialiste de ce répertoire).
Il fait passer une telle émotion dans le public (sans pour autant, ce qu'on peut lui reprocher parfois, en faire trop), que le public, très froid (très parisien et très snob) commence vraiment à se réchauffer et à se manifester. On applaudit aussi bien ces pianissimi extraordinaires ("Fenesta che lucive") que cet aigu de tête à la fin de "Santa Lucia lontana" ou son engagement scénique (tragique "Dicitencelle vuie"). Le public finit debout, malgré le léger craquement e l'aigu final de Core 'ngrato.
Généreux, il revient avec trois bis. Il passe du temps à présenter le premier, une "très vieille chanson sicilienne à la fois triste et gaie" qui parle d'une âne à la voix "aussi belle que celle d'un ténor" : "Ciccarellu". Suit une magnifique "Musica Proibita". Arrivé à la dernière strophe, il invite Angela Gheorghiu à le rejoindre, ce qu'elle finit par accepter. Malheureusement, le public se met à applaudir en même temps qu'elle se commence à chanter en duo, ce qui fait qu'on ne l'a pas beaucoup entendue. Enfin, le troisième bis (peut-être de trop après cette conclusion originale bien à l'image du reste de la soirée) est encore en cours d'identification dans nos laboratoires , si quelqu'un d'autre sait ce que sait il vous le dira avant moi?
En résumé, une soirée magnifique (malgré les sièges inconfortables, l'acoustique pas très bonne partout, la présentation interminable d'Eve Ruggiéri) sous un ciel étoilé (pas d'orage après trois jours de mauvais temps ici, pas de vent comme l'an passé, qui avait fait s'envoler les décors de l'Enlèvement au Sérail). Une vraie Grande Voix qui chante son répertoire avec un excellent pianiste. Un régal.
Prochains rendez-vous avec le Festival lyrique de Lacoste :
21 juillet, Spectacle "Sade-Casanova", avec J.F. Vinciguerra, C. Gay, I. Philippe
23 juillet, Spectalce "Mozart, l'itinéraire libertin", avec D. Higbee, A. Destraël, O. Dumait
Réservations au 04 90 75 93 12 (bonne connaissance de l'accent vauclusien indispensable).
Rappellons l'existence d'un Dossier ODB consacré à Roberto Alagna (Interview, article, chronologie) : http://site.operadatabase.com.site.hmt- ... page&pid=8
17 juillet 2006
Récital de Roberto Alagna
Jeff Cohen, piano
Première partie
ARIE ANTICHE
Bononcini, Per la Gloria d'adorarvi
Scarlatti, O cessate i piagarmi
Stradella, Pietà signore
AIRS D'OPERAS
Grétry, L'amant jaloux, "tandis que tout sommeille"
Bizet, La jeune fille de Perth, "à la voix"
Rabaud, Marouf, "à travers le désert"
MELODIES
Tosti, Chanson de l'Adieu
Tosti, A Vucchella
Leoncavallo, Sérénade française "mon gentil Pierrot"
Drigo, Les millions d'Arlequin
Deuxième partie
MELODIES NAPOLITAINES
Anonyme : Fenesta che lucive
Di Capua : I' te vurria vasà
Mario : Santa Lucia lontana
Falvo : Dicintelle vuie
Cioffi : Na sera a maggio
Tagliaferri : Passione
Cardillo : Core 'ngrato
BIS :
Anonyme : Ciccarellu
Gastaldon : Musica Proibita
Et un troisième bis en cours d'identification?
Ce qui frappe avant tout c'est le caractère peu traditionnel de la façon dont Roberto Alagna donne un récital. Les puristes s'indigneront, les néophytes seront heureux de voir brisée la forme figée du Liederabend en costume sombre.
Alagna arrive sur la scène des carrières du Château de Lacoste en pantalon blanc et chemise noire au col ouvert, troquée contre une chemise blanche pour la seconde partie. Malgré la grande froideur du public, qui ne s'est réchauffé que vers la moitié des chansons napolitaines, il essaie d'établir le contact avec lui en le faisant rire, en lui donnant une (fausse) impression d'amateurisme, en regardant presque chaque fois sur le pupitre du Steinway quelle partition le pianiste s'apprête à jouer, en partant de temps en temps côté cour, en sortant avant que le piano ait terminé après "Na sera e maggio" ou en sortant de façon inattendue après certaines mélodies (par exemple, entre Passione et Core 'ngrato, ce qui est dommageable à la continuité du spectacle). Mais cette impression d'amateurisme est trompeuse car, si parfois le jeu scénique est décalé par rapport au texte des mélodies, il est le plus souvent très émouvant et très approprié, comme dans l'air de Rabaud ou quand, dans "A vucchella", il termine en s'accroupissant (face à Angela?) pour accompagner son pianissimo.
L'idée de saluer avec le pianiste côté cour, puis côté jardin, puis au centre, comme à Vérone, est également originale même si cela donne un étrange aspect "Show Alagna" à la soirée.
Le niveau vocal était excellent. Alagna interprète toutes ces mélodies et tous ces airs par c?ur, sans trou de mémoire.
Les AIRS ANTIQUES sont un répertoire habituel des grands ténors (Ramon Vargas en a fait un enregistrement chez RCA) qui n'hésitent pas à passer outre les exigences stylistiques de ces airs "baroques".Ainsi, il ne fallait pas espérer, hier, entendre des notes sans vibrato et une interprétation vraiment propre. Alagna ne se prive même pas de prendre certaines notes à la cuillère (Stradella) qui auraient fait frémir les puristes. C'est d'ailleurs la partie la moins convaincante de son récital. Le Bononcini est interprété assez platement, sans respiration et sans liberté, avec une gestuelle à la Des Grieux? Scarlatti est plus émouvant, les trilles de Stradella sont très corrects et, surtout, on entend tout de suite une grande voix. Alagna ne détimbre pas, ni dans l'aigu ni dans le grave. L'homogénéité de la voix est parfaite, la diction excellente en italien.
Elle l'est aussi en français dans les AIRS D'OPERA qui suivent, rares mais déjà enregistrés par Alagna dans son disque "Sérénades". Rien à dire, c'est son répertoire, c'est parfait. On en vient à regretter que ces Marouf et autres Amant Jaloux ne soient pas montés alors qu'on en possède aujourd'hui l'interprète rêvé. Les intervalles de l'air de Bizet sont parfaitement maîtrisés, mais l'aigu final de Rabaud est un tout petit peu tiré.
S'il donne l'impression, dans les MELODIES qui suivent, de ne pas être très attentif à son pianiste, il nous persuade aussi que ce répertoire lui va comme un gant. Les Tosti lui permettent de nous donner un avant-goût des superbes pianissimi et diminuendi qu'il nous fera entendre dans la seconde partie. Le murmure dans lequel s'achève la "Chanson de l'Adieu" est un moment inoubliable de ce récital. Les deux dernières mélodies font également partie de son disque "Sérénades". Un incroyable diminuendo conclut la première partie.
Les MELODIES NAPOLITAINES sont le meilleur de cette soirée, le répertoire dans lequel il se régale véritablement et nous donne à entendre des partitions magnifiquement maîtrisées techniquement et expressivement (mais je suis loin d'être un spécialiste de ce répertoire).
Il fait passer une telle émotion dans le public (sans pour autant, ce qu'on peut lui reprocher parfois, en faire trop), que le public, très froid (très parisien et très snob) commence vraiment à se réchauffer et à se manifester. On applaudit aussi bien ces pianissimi extraordinaires ("Fenesta che lucive") que cet aigu de tête à la fin de "Santa Lucia lontana" ou son engagement scénique (tragique "Dicitencelle vuie"). Le public finit debout, malgré le léger craquement e l'aigu final de Core 'ngrato.
Généreux, il revient avec trois bis. Il passe du temps à présenter le premier, une "très vieille chanson sicilienne à la fois triste et gaie" qui parle d'une âne à la voix "aussi belle que celle d'un ténor" : "Ciccarellu". Suit une magnifique "Musica Proibita". Arrivé à la dernière strophe, il invite Angela Gheorghiu à le rejoindre, ce qu'elle finit par accepter. Malheureusement, le public se met à applaudir en même temps qu'elle se commence à chanter en duo, ce qui fait qu'on ne l'a pas beaucoup entendue. Enfin, le troisième bis (peut-être de trop après cette conclusion originale bien à l'image du reste de la soirée) est encore en cours d'identification dans nos laboratoires , si quelqu'un d'autre sait ce que sait il vous le dira avant moi?
En résumé, une soirée magnifique (malgré les sièges inconfortables, l'acoustique pas très bonne partout, la présentation interminable d'Eve Ruggiéri) sous un ciel étoilé (pas d'orage après trois jours de mauvais temps ici, pas de vent comme l'an passé, qui avait fait s'envoler les décors de l'Enlèvement au Sérail). Une vraie Grande Voix qui chante son répertoire avec un excellent pianiste. Un régal.
Prochains rendez-vous avec le Festival lyrique de Lacoste :
21 juillet, Spectacle "Sade-Casanova", avec J.F. Vinciguerra, C. Gay, I. Philippe
23 juillet, Spectalce "Mozart, l'itinéraire libertin", avec D. Higbee, A. Destraël, O. Dumait
Réservations au 04 90 75 93 12 (bonne connaissance de l'accent vauclusien indispensable).
Rappellons l'existence d'un Dossier ODB consacré à Roberto Alagna (Interview, article, chronologie) : http://site.operadatabase.com.site.hmt- ... page&pid=8
L'opéra semble voué à être le dernier refuge du besoin de la beauté artistique en toc.
(Bernard Shaw, 1898)
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- Christopher
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Que ce programme est alléchant!!! Savez-vous si une retransmission à la radio ou à la télé est prévue? Car je rêverai d'entendre Alagna chanter "Pieta signore" de Stradella ou la Chanson de l'Adieu de Tosti. Mais peut-on espérer un enregistrement Tosti ou un enregistrement d'airs antiques maintenant qu'Alagna est chez Deutsche Grammophon? Je crois qu'il préfère malheureusement le cross-over...
E il labbro mio mormorò un'ardente preghiera: Oh Dio ch'ella non sappia mai, non sappia mai, la mia vergogna! Ahimè!
Je ne sais pas pour le CD, par contre ce ne sera pas diffusé. Peut-être que quelques pirates circuleront...
Je n'ai qu'entraperçu Gigi.
de 50 à 140 euros. (en fait trois catégories, 50, 100 et 140).Christopher a écrit :merci pour ce compte-rendu Jeremie.
quel etait le prix des places ?
as-tu demande a Angela pourquoi elle se desiste de Fiesque ?
Je n'ai qu'entraperçu Gigi.
L'opéra semble voué à être le dernier refuge du besoin de la beauté artistique en toc.
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- Mezzo Soprano
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Re: Récital de Roberto ALAGNA à Lacoste, 17 juillet 2006
Elle n'arrêtera donc jamais !!!!!!RuggeroRaimondi a écrit : En résumé, une soirée magnifique (malgré ... la présentation interminable d'Eve Ruggiéri)
Vissi d'arte, Vissi d'amore
Re: Récital de Roberto ALAGNA à Lacoste, 17 juillet 2006
non, elle aime trop se faire mousserBil a écrit :Elle n'arrêtera donc jamais !!!!!!RuggeroRaimondi a écrit : En résumé, une soirée magnifique (malgré ... la présentation interminable d'Eve Ruggiéri)
Non temer, d'un basso affetto,
Non temer, d'un basso affetto
Non fu mai quel cor capace
Non temer, d'un basso affetto
Non fu mai quel cor capace