Jessye Norman, Les Nuits d'été et Didon au TMP

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Jessye Norman, Les Nuits d'été et Didon au TMP

Message par Ruggero » 28 juin 2006, 08:18


Téâtre du Châtelet
Mardi 27 et Vendredi 30 juin à 20h
C W Gluck : extraits d'Orphée et Eurydice
Berlioz : Les Nuits d'été
Henry Purcell (1659 - 1695) : Dido and Aeneas

Opéra en un prologue et trois actes
Livret de Nahum Tate
Créé en 1689 à la Boarding School for Young Ladies and Gentlewomen of Josias Priest à Chelsea, Londres

Didon, reine de Carthage - Jessye Norman
Belinda, dame d'honneur - Erin Wall
Deuxième Dame - Gillian Webster
La Magicienne - Felicity Palmer
Première Sorcière - salomé Haller
Deuxième sorcière - Emmanuelle Goizé
Un esprit - Philippe Jarroussky
Enée, prince troyen - Russell Braun
Un marin - Barry Banks

Les Musiciens du Louvre - Grenoble
Choeur des Musiciens du Louvre - Grenoble

Direction Marc Minkowski



Reçu par erreur en proposition de news :
faro a écrit :Gluck, Berlioz et Purcell

Ce soir, mardi 27 juin, je ne me sentais plus de joie, enthousiaste que j´étais de voir l´éblouissante Jessye Norman (*1950) affronter Les Nuits d´été de Berlioz puis Didon et Enée de Purcell.
Afin de créer un climat "adéquat", cette programmation fut introduite par l´Air des Furies de Gluck (Don Juan ou le festin de Pierre) repris dans son Orphée un an plus tard, puis par d´autres extraits de ce même opéra.

j´ai beaucoup aimé cette "mise en place de décors", appréciant tout particulièrement cet Air des furies. Toutefois, s´il m´était permis d´émettre une critique - fort retenue - je me dois ici d´avouer ne pas avoir autant vibré que je l´eus souhaité, ayant un peu baigné dans l´interprétation à mon sens superlative que Hartmut Haenchen a livrée de cet air (Capriccio): car ce qui faisait peut-être défaut ce soir étaient ces cordes si lisses, alors que j´avoue succomber à leurs accents lorsqu´elles vibrent, rugueuses, sous des archets qui ploient véritablement: il ne semble pas que ce soit ni la même technique ni les mêmes instruments, mais je ne dispose pas immédiatement de l´enregistrement pour m´en assurer.

Avec les Nuits d´été de Berlioz (sur des poèmes de Théophile Gautier), est arrivée avec sa voix de brise du soir Jessye Norman: l´émotion était réelle, c´était ma première fois...

...une des dernières grandes diva arrive, port fier, hiératique, avec ce soupçon de reccueillement que laisse transparaître cet exceptionnel visage.

Pourtant, je n´ai pas vibré au début... j´avoue même m´être senti étonamment peu concerné par ces poèmes: outre une diction qui tout de même n´était pas extraordinaire, je l´ai sentie finalement assez distante, tant dans le dernier couplet du "spectre de la Rose": "Car sur ton sein j´ai mon tombeau..." que dans cet point culminant que pourrait constituer "au cimetière. En outre, ce n´était pas toujours très juste; même si je rougis d´asséner semblable critique à une artiste que j´admire.
Du coup, une très légère appréhension me gagna: qu´exprimerait "Didon"?
Après un court entracte sur la terrasse du théâtre, de retour à nos places, nous constatons que des accessoirs ont été mis en place: ce sera à n´en pas douter une version de concert "à l´italienne": et force est de constater qu´il n´en faut pas plus: un splendide sofa á la Louis quelquechose (que les antiquaire qui liront ceci n´en prennent pas ombrage!), sur une scène érigée à l´arrière de l´orchestre, lui même encadré de part et d´autre par le choeur.
L´opéra commence, mon coeur s´arrête: la formule est kitsch, mais bon. Elle arrive: et je pense que même nue, elle aurait tout d´une reine, d´une impératrice, tant sa prestance sans équivalent émeut: robe d´aristocrate de la plus haute lignée, rouge et ornée de broderies dorées: seule fausse note, un arrière plan vert amande qui a malgré tout heurté mon goût: je le trouvais inadéquat.
Chut: ca commence: je ne connaissais pas Erin Wall, mais ai apprécié sa Bélinda, très investie dans son rôle de Dame d´honneur. Elle exhorte sa Reine à ne pas se laisser aller au chagrin. La reine lui répond, mais avec des écarts que l´on ose à peine percevoir, tant on est touché par ce rôle qu´elle a fait sien, par cette voix qui n´est peut-être plus aussi chaude, par ce timbre qui s´est un peu durci...
Mais la distribution frappait par sa qualité d´ensemble: on avait engagé de grands artistes, et non pas des faire-valoirs: et c´est aussi avec une réelle émotion que j´ai vu la Magicienne de Félicity Palmer: dans son incarnation vile à souhait, cette artiste à l´âge presque improbable sur une scène se démenait avec toute cette science du théâtre et du chant qui la caractérisent: comment ne pas succomber à ses charmes?!
L´opéra se termine presque sur cet air exceptionnel du "lamento de Didon": "Thy hand, Belinda": et alors, ce fut un moment très particulier: l´orchestre, d´une lisibilité exceptionnelle soutenait une plainte d´une émotion rare: souffle maîtrisé, moire du timbre: nous étions saisis... quelques pas d´elle accentuaient encore ses accents de détresse et de renoncement: sa dernière posture me glaçait.

Mais a quoi pouvait bien penser Enée en envisageant de quitter semblable femme!??
L'opéra semble voué à être le dernier refuge du besoin de la beauté artistique en toc.
(Bernard Shaw, 1898)

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Message par JdeB » 28 juin 2006, 08:39

Effectivement Jessye ne fut pas toujours très juste dans les Nuits d'été, données sur un tempo trop lent.
Il faut souligner, à sa décharge, qu'elle a été trés perturbée par le premier violon, qui avait l'air de suffoquer et dont la respiration difficile était très forte. Il a été remplacé après l'entracte.
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Message par Ruggero » 28 juin 2006, 08:52

Je suis d'accord avec Faro, j'ai trouvé les cordes un peu lisses dans Gluck et dans Purcell, ça manquait de mordant, de contrastes, de couleurs, mais tout de même, c'était fabuleux!! C'est une question de goût, je préfère à toutes les versions que j'ai entendues de Didon (Gardiner, Jacobs, celle avec Baker et trois autres encore) celle d'Emmanuelle Haïm qui atteint des sommets!
En fait, on a un peu l'impression que Minkowski dirige Gluck, Rameau, Purcell de la même façon, mais c'est peut-être parce qu'il a réussit à créer un son bien identifiable avec son orchestre que j'ai cette impression. Déjà, ils jouent sans couac (à la différence du Concert d'Astrée, live du moins), ne nous plaignons pas!

Les Nuits :

J'ai été saisi par son étendue vocale, par son aisance dans l'aigu et par la beauté de son "linceul" dans le grave, c'était stupéfiant! La diction était claire dans les mélodies 2, 3, 4 mais dans pas vraiment dans les autres. Toutefois, on ne sent pas trop qu'elle est américaine dans sa diction, ça manque de clarté mais pas d'idiomatisme. Elle sussurait son texte comme si nous étions dans un salon de 50 personnes, ce qui fait qu'il fallait tendre l'oreille, que le public était très silencieux et que l'atmosphère dégagée était particulièrement intime. On sent bien évidemment du grand art derrière cette interprétation, une grande maîtrise des effets, une véritable grâce gestuelle et vocale. Mais il y a tout de même eu quelques problèmes, notamment dans une villanelle catastrophique (décalages avec l'orchestre, qui se sont poursuivis!), un legato approximatif et, c'est vrai, une certaine dureté dans le timbre. Je me souviendrai toutefois longtemps de cette interprétation, une vraie leçon d'intelligence d'exécution!

Didon et Enée :

Un de mes opéras préférés!
J'ai été plutôt gâté... à part ces quelques minces réserves sur l'orchestre, toutes personnelles, les Musiciens du Louvre ont joué magnifiquement, surtout la fin de l'oeuvre. Je le répète, j'aime un peu plus de contrastes et de couleurs.
Barry Banks chante un "Come away, fellow sailor" plein d'entrain. La voix n'est pas si belle que celle de Paul Agnew sur le CD d'Emmanuelle Haïm, mais c'est clair et enthousiaste.
Philippe Jaroussky est un bon spirit, sans plus. Je n'aime pas trop son timbre, en fait, il manque d'harmoniques graves.
Emmanuelle Goizé, dans un rôle souvent confié à des contre-ténors, si je ne me trompe, fait très bonne figure en deuxième sorcière, le timbre est riche, pas joli (ce qu'il faut!) et elle est très expressive.
Sa comparse, Salomé Haller, dont je commence à faire une indigestion ces jours-ci (elle chante partout en ce moment), est une assez bonne première sorcière, encore une fois parce que le timbre n'est pas très beau. Mais elle manque d'élégance sur scène.
Très correcte deuxième Dame de Gillian Webster, qui accompagne bien l'excellente Erin Wall, qu'on entend enfin dans un rôle qui lui va (sa Fiordiligi à Aix et Garnier est trop difficile pour elle) comme un gant! Elle tient ses promesses dans une Belinda fruitée, élégante, savoureuse.
Russel Braun n'a, à mon goût, pas été assez applaudi à la fin : il chante un Enée superbe de timbre, de diction, d'élégance vocale. ça manque peut-être un peu de passion, mais c'est d'une grande beauté.
Le clou d ela soirée a été au moins autant Felicity Palmer que Jessye : nous connaissions déjà sa sorcière au disque, c'est du même tonneau! J'entends déjà les amateurs de jolis gosiers se plaindre de cette voix roccailleuse, absolument horrible, mais j'adore! et ça convient tellement à ce rôle. Elle a été magistrale, comme à son habitude. Je rappelle l'existence d'un dossier (interview, chronologie, discographie) sur ODB.
Enfin, la reine de la soirée, plus à l'aise techniquement que dans Berlioz (malgré une incapacité flagrante à vocaliser dans ssa deuxième scène avec Enée) livre une carthaginoise magnifique de savoir-faire expressif. Elle arrive sur scène (une estrade a été montée derrière l'orchestre) en robe somptueuse rose/rouge/violet, une couleur intermédiaire, avec une collerette élizabéthaine brillante. Lors du choeur final, après la mort de Didon, elle se retourne, immobile et la collerette cache jusqu'à sa coiffure. La musique terminée, elle fait volte-face et reçoit les acclamations d'un public très enthousiaste.

Vivement vendredi!
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Message par JdeB » 28 juin 2006, 09:06

Tout à fait d'accord avec RR.
Dans Didon, elle portait la même robe très kitsch qu'elle arborait dans le documentaire d'André Heller diffusé sur Arte naguère.
Jessye Norman est bien, avec Placido Domingo, le dernier monstre sacré en activité à la hauteur de sa légende.
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Message par ziad » 28 juin 2006, 10:22

André Heller était dans la salle.

Il faisait très chaud car c'était plein et on nous a fait patienter trop longtemps dans la salle à l'entracte. D'où des odeurs de sueur...

Pitié, pour le reste de la semaine :

METTEZ DU DEODORANT !!!

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Message par Ruggero » 28 juin 2006, 11:32

ziad a écrit :André Heller était dans la salle.
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c'est qui?
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Message par ziad » 28 juin 2006, 11:39

un artiste autrichien dont JdeB a parlé !

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Message par abaris » 28 juin 2006, 12:12

JdeB a écrit :Effectivement Jessye ne fut pas toujours très juste dans les Nuits d'été.
C'est le moins que l'on puisse dire..... :?

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Message par mowglie » 28 juin 2006, 14:29

Tout à fait d'accord avec Faro que j'ai eu le plaisir de rencontrer hier soir.
Gruss mir die Welt

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Message par JdeB » 28 juin 2006, 14:55

ziad a écrit :André Heller était dans la salle.
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