Xavier a écrit :Certes, Sigurd n'est peut-être pas ce qu'il y a de plus intrinsèquement beau, mais c'est sans conteste le rôle le plus difficile et partant le plus valorisant. Sa tessiture est meurtrière puisqu'il a les pieds dans le médium et qu'il passe son temps à faire des sauts d'aigu. L'archétype du ténor héroïque.
Voilà pourquoi Vezzani, un vrai ténor dramatique avec un aigu à faire pâlir d'envie Tony Poncet, a beaucoup enregistré ses solos, et surtout l'entrée de Sigurd, Prince du Rhin. Dans le genre, Sigurd est vainqueur se pose là aussi.
Voici l'extrait en question (merci Cantabile Subito) :
http://tinyurl.com/do8cy
Et deux autres extraits de Sigurd par le même Vezzani :
http://tinyurl.com/a2tgy et
http://tinyurl.com/9qpjb (libres de droits).
Ca ne donne qu'une très maigre idée de Sigurd, mais pas pour la difficulté du rôle ! Quand on voit cette petite entrée de rien du tout (en termes de durée), avec une voix très sombre, dotée des caractéristiques décrites par Xavier, tout doit ici tenir, notamment dans le haut médium, avec recours fréquents à l'extrême aigu, et avec une ligne mélodique très modulante, voire chromatisante, farcie de pièges. Entre les réflexes mélodiques traditionnels et la tenue vocale, c'est quasiment impossible à chanter sans détonner ! Ne parlons pas des ténors qui manquent de mordant...
Même Vezzani, d'ailleurs, je trouve que ses aigus s'étranglent un peu, ont moins de puissance que le reste. Chauvet m'est plus convaincant, moins raffiné sans doute, mais justement, pourvu d'une autorité supplémentaire.
Pour revenir au très beau duo entre Hilda et Brunhild, son écoute confirme ce que nous disions hier. Chez Meyerbeer ou Halevy, comme dans le duo entre Fidès et Berthe à l'acte IV, entre Ines et Selika au V ou Rachel et Eudoxie au IV, un tel duo se serait terminé par une strette endiablée culminant sur un aigu à l'unisson, à l'italienne quoi (ce qui est très sexy, reconnaissons le
). Ce n'est pas le cas ici, ce qui n'empêche que le duo, emprunt de beaucoup de noblesse, est pour autant splendide.
C'est peut-être cette épure qui caractérise Sigurd, par rapport à l'histrionisme (souvent plein de justesse et très excitant au demeurant) du Grand Opéra. L'issue du duo où chacune entonne en canon, puis ensemble "Sigurd m'aime" est absolument renversante.