Une très belle soirée hier pour la reprise de la Dame de Pique à l?ONP malgré un concours de tousseurs, moucheurs (quelques huîtres) et éternueurs. Au premier balcon c?était vraiment l?horreur. Ne parlons pas des bracelets, du type qui tapait ses talons ferrés chaque fois qu'il décroisait les jambes, de la dame derrière qui avait un sac plastique sur ses genoux sur lequel elle reposait ses jumelles avant de rechausser ses lunettes maintenues par un colier-chaînette bien sonore. Un couple de connards au premier rang : lumière s?étend, Papi met 2 minutes à rentrer dans la fosse, le rideau se lève pour 30 secondes d?action dans le silence. La musique commence alors plus de 2 minutes après l?extinction des lumières : monsieur prend ses jumelles dans sa pochette à SCRATCH et madame s?époumone sans scrupule pendant tous les piani. On peut quand même se moucher et tousser discrètement que je sache !!! Passons...
La mise en scène propose une réinterprétation complète de l?opéra particulièrement « séduisante intellectuellement » pour reprendre les termes de Friedmund. J?avoue avoir été plusieurs fois paumé dans l?intrigue et ne pas comprendre le parti pris radical de relecture permanente. Le fait de procéder à un tel redécoupage me paraît irrespectueux de Tchaikovski et de Pouchkine. Malgré cela j?avoue avoir été assez séduit par le résultat visuel et j?ai trouvé de nombreuses pistes de relecture à l?oeuvre. C?est une des grandes mises en scène de la saison et surtout des années Gall, radicale, discutable mais réussie.
Mais le vrai bonheur était du côté de la musique. Le plateau vocal était vraiment d?une grande qualité. Galouzine impeccable, je trouve vraiment exagérées les critiques à son égard. Tézier possède une présence scénique qui correspond formidablement au rôle, vocalement il manque un peu de puissance mais son chant dans l?aria est tellement superbe (timbre, nuances, couleurs, diction, des aigus superbes), un vrai grand qui n?a pas fini de nous étonner. Par contre il a toujours chanté les yeux fermés... La Lisa de Papian manque certes de nuances et de présence (j?avais l?impression de voir Mimi) mais j?avoue ne pas avoir été gêné outre mesure et son timbre m?a beaucoup plu, un peu Crespin (je vais me faire taper dessus). Nikolai Putilin m?a aussi beaucoup plu. Quant à la comtesse d?Irina Bogatcheva, je ne l?ai pas sentie dans le personnage* même si c?était d?une grande qualité vocale. En somme pas un plateau d?exception mais d?une très bonne tenue, dominé par le Hermann hyper investi de Galouzine.
Le vrai bonheur était bien sûr dans la fosse avec la direction de Rozhdestvensky. L?équilibre avec les voix était un régal depuis le premier balcon. On aimerait certes avoir plus de tension dans certains passages mais c?était tellement bien fait. C?est lent mais je préfère ça, rien de tel pour mettre un orchestre en valeur. L?orchestre de l?ONP était vraiment magnifique. Les solistes, grâce à une mise en lumière du chef, magnifiques, mais toujours dans un fondu magnifiquement fait.
Enfin si on a pas la Dame de Pique la plus mémorable de la décennie, on a au moins une reprise d?une très grande qualité et j?avoue avoir vraiment goûté mon plaisir ! Des soirées comme ça j?en redemande ! Une des grandes réussites de la première saison de Mortier selon moi.
Je ne comprends donc pas pourquoi la salle était encore si vide hier (guère mieux que pour Janacek la veille)...
* j?ai eu la chance il y a quelques années (2000 ?) de voir Rita Gorr dans le rôle, c?était quelque chose !