Chroniques d’opéras par temps de coronavirus

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HELENE ADAM
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Chroniques d’opéras par temps de coronavirus

Message par HELENE ADAM » 26 mai 2020, 14:17

Première partie du 17 mars au 2 mai

Privée d’opéras en salle, comme beaucoup d’amateurs passionnés, je me suis « contentée » de regarder nombre des retransmissions proposées par diverses maisons d’opéra dont l'opéra de Munich (qui nous donne également du "direct" avec ses concerts du lundi soir), le Mariinsky, l'ONP, L'opéra de Wallonie ou l'Opéra comique. Mention spéciale au MET de New York qui nous a sorti quelques uns de ses joyaux les plus emblématiques récents ou plus anciens d’ailleurs. J’ai noté quelques remarques plus ou moins développées à chaque fois. Les voici « rassemblées ". Elles ont été écrites en général le lendemain matin, au fil de l'eau donc, et avec des "inspirations" très différentes selon l'humeur du moment. Mes choix, quand plusieurs oeuvres étaient proposées, ont dépendu essentiellement de l'oeuvre d'une part, de la distribution d'autre part. C'est évidemment subjectif mais cela m' a permis d'opérer une sorte de retour en arrière sur les 10 à 15 dernières années essentiellement, mais aussi au-delà, on le verra dans la deuxième partie des retransmissions que j'ai pu voir...



Manon (Massenet) Opéra de Paris 17 mars
Beaucoup d'entre nous n'ont pas pu voir Manon, à l'Opéra de Paris, du fait de la crise sanitaire aigue, mais une captation avait été assurée, sans public, le 10 mars dernier. C'est à cette expérience bien singulière que nous sommes conviés ce soir : la dernière séance, le dernier verre avant la guerre. Avec Pretty Yende, Benjamin Bernheim et Ludovic Tézier.
Drôle d’ambiance quand même où les chanteurs et les musiciens se donnent à fond, mais sans avoir l’interaction du public, laquelle est, toujours, un précieux baromètre de la performance. Parfois le public s’ennuie et s’agite, souvent il se tait et se concentre sur les parties les plus réussies et puis, il y a ces instants de miracle pur où le souffle du public tout entier, est suspendu face à l’exceptionnelle réussite d’un moment d’opéra.
Je n’ai pas pu voir du tout ce Manon « en vrai », autrement qu’au travers d’une séance de travail sur l’acte 1 et l’acte 3 ce qui est assez limité…
La retransmission proposée n’est pas totalement convaincante pour deux raisons : une mise en scène conventionnelle sans imagination que j’ai trouvée assez lourde et une direction d’orchestre trop peu allégée pour Massenet, compositeur qui demande de nombreuses respirations, un peu d’humour et de légèreté pour mieux faire ressortir les moments dramatiques de ses œuvres. Dan Ettinger dirige de manière trop monolithique une œuvre qu’on doit ciseler au contraire avec beaucoup de facettes et de subtilité.
Par contre le plateau vocal du trio que j’avais déjà vu ensemble à Garnier en début de saison dans la Traviata, confirme son excellence et son adéquation aux trois rôles, séparément et ensemble.
Pretty Yende a tout compris des contradictions de la jeune Manon, de son aspiration à la liberté, de sa jeunesse dont elle veut tant profiter et du drame qui se nouera autour de ses relations avec Des Grieux. C’est bien chanté et magnifiquement interprété. Benjamin Bernheim est le meilleur Des Grieux de ces dernières années : chant magnifique, souffle infini, timbre exquis, il sait se montrer jeune et volage, puis grave et sérieux, passionné et déchiré (ah la scène de Saint Sulpice !) et vous faire ressentir les mille émotions du personnage. Lescaut de grand luxe, Ludovic Tézier est à son habitude, dominant et royal sur scène, donnant une dimension supplémentaire au personnage parfois un peu négligé dans les distributions, du frère de Manon, par qui une partie des malheurs arrive.
Bref, un gros regret : ne pas avoir vu ce Manon sur scène… en entier !
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20 mars, le Trovatore (Verdi), Munich, BSO.
Ce Trovatore que j'ai vu en juillet 2013 à Munich est rempli pour moi de souvenirs émus, sans doute parce qu’il sortait résolument de l’ordinaire du fait d’une mise en scène baroque et moderne d’Olivier Py et surtout parce que le couple déjà mythique formé par Anja Harteros et Jonas Kaufmann, démontrait une fois encore son incomparable talent dans une œuvre parfois assez loufoque au livret abracadabrantesque. Des Trovatore il n’en manque pas, c’est une œuvre régulièrement donnée un peu partout dans le monde. On avait assez largement reproché à JK toutes sortes d'hétérodoxie notamment concernant le "legato" de Manrico ou encore, le contre ut devenu contre si, mais, franchement, l'émotion créée en salle par une interprétation impressionnante du personnage, qui lui est personnelle comme tout ce qu'il fait, mais entrait en forte concordance avec les intentions du metteur en scène Olivier Py, avait balayé toute comparaison et m'a laissé, intact, le souvenir d'une très grande soirée. Et finalement ce Trovatore reste unique dans ma mémoire du fait du souvenir d'une salle très "accrochée" et d'artistes particulièrement en forme et totalement impliqués. Le voir en retransmission après toutes ces années, était tout à la fois réconfortant et émouvant face à la question : reverrons-nous bientôt ces artistes sur scène ?
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26 mars, die Walkure (Wagner) MET
Die Walküre, MET Opéra 2011, Eva-Marie Westbroek, Jonas Kaufmann, Bryn Terfel, Deborah Voigt. Mise en scène de Lepage.
Ce « Ring » est un classique désormais, régulièrement donné au MET. Je n’ai regardé à nouveau que la Walküre. Un nouveau « Ring » était prévu à Paris Bastille à partir de début avril qui aurait permis d’ailleurs de retrouver le couple Westbroek/Kaufmann en frère et sœur jumeaux et incestueux, mais tout a été annulé, le monde de l’opéra s’étant tu pour de nombreux mois. De ce premier jour du Ring, revu avec émotion, on retiendra le magnifique et magistral Siegmund de Kaufmann (son premier…), qui offre son interprétation personnelle de Wagner, loin de certaines traditions (pas forcément wagnériennes d’ailleurs) de concours de décibels, offrant un chant rempli de nuances et de changements de style et de ton pour faire vivre le drame du personnage, ses colères, ses moments héroiques et ses moments poétiques comme autant de passages contrastés, du presque « Lied » de Winterstürme au double « cri » de « Wälse » parfaitement contrôlé et impressionnant de longueur, en passant par la rencontre avec la Brünnhilde de Deborah Voigt au deuxième acte juste avant sa mort. Eva-Marie Westbroek faisait aussi des débuts très remarquées en Sieglinde et son incarnation est absolument magnifique là aussi le timbre est encore intact et le phrasé superbe. J’ai eu l’occasion de les réentendre ensemble dans l’acte 1 durant un concert mémorable à Amsterdam, puis de réentendre encore le Siegmund de Kaufmann en entier lors du Ring dirigé par Petrenko à Munich, l’été 2018. En Wotan Bryn Terfel ne rencontre pas son rôle le plus réussi même s’il parvient à nous émouvoir dans sa magnifique scène finale tout comme Deborah Voigt est une Brünnhilde très inégale. Mais on ne boudera pas son plaisir de revoir, dans une très belle mise en scène, un morceau choisi du Ring.
(il existe en DVD complet pour les amateurs).


Roberto Devereux MET 30 mars
Revu Roberto Devereux (Donizetti) dans la mise en scène de Mc Vicar que nous aurions du voir au Théâtre des Champs Elysées si le coronavirus n'avait pas frappé... C'est donc l'une des représentations du MET en 2016 qui nous était proposée. Je l'avais vu à l'époque en retransmission cinéma. Exceptionnelle distribution et très belle direction d'acteurs : Sondra Radvanovski, très engagée et fascinante reine Elizabeth, on peut trouver parfois le timbre un peu strident, mais impossible de ne pas succomber à l'exceptionnelle incarnation, Elina Garanca dans l'un de ses plus beaux rôles (avec la Favorite du même Donizetti), noblesse, beauté, douleur, le magnifique baryton Mariusz Kwiecien quo'n ne voit plus guère hélas suite à des soucis récurrents de santé mais qui à l'époque était au sommet de son art et de son talent (et que j'avais également vu dans la Favorite à Munich), et Matthew Polenzani, son art de la nuance et là aussi, si on excepte quelques toutes petites faiblesses, démontre une bien belle adéquation au rôle. Une version de référence...au final littéralement époustouflant.

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1er avril Lucia Di Lamermoor (Donizetti) Munich BSO
C'est la retransmission d'une des représentations de la première série de cette production qui est proposée actuellement (et exceptionnellement comme programme "alternatif" du fait de la fermeture des salles, sur le site de l'opéra de Munich.
Il s'agit de la séance du 8 février 2015 sous la direction de Kiril Petrenko et avec Dalibor Jenis , Diana Damrau , Pavol Breslik, Emanuele D'Aguanno , Georg Zeppenfeld
Rien que pour la qualité de l'orchestre, la beauté du Glass Harmonica (que la caméra filme plusieurs fois), la direction inventive de Kiril Petrenko, ce spectacle vaut d'être vu (ou revu pour moi...).
Diana Damrau n'est pas ma Lucia préférée mais l'engagement est impressionnant (trop peut-être même dans la folie ?), et l'ensemble de la distribution masculine est de très bonne tenue, notamment Dalibor Jenis (qu'on ne voit pas assez souvent :wink: ) et surtout Georg Zeppenfeld qui donne un relief inhabituel au personnage.
J'avais vu cette mise en scène quelques années plus tard avec une autre distribution (dont Adela Zaharia, découverte de la soirée remplaçant Diana Damrau malade, Piotr Beczala dont la voiture n'avait pas voulu démarrer au moment-clé et Ludovic Tézier).

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2 avril Parsifal (Wagner) BSO Munich
J'ai vu hier soir, la retransmission de ce Parsifal proposé actuellement par l'opéra de Munich à l'occasion du confinement. J'étais dans la salle le jour de la captation, je n'avais donc pas vu le film retransmis à l'époque en direct une seule fois. C'était le 8 juillet 2018, au début du festival d'été de la BSO, et le jour de l'oper für alle, celui où l'ont peut suivre gratuitement la projection sur grand écran sur la place devant l'opéra qui était, à l'occasion, noire de monde, les 5 heures de Parsifal ne rebutant pas le bavarois enthousiaste et wagnérien dans l'âme.
Si l'on perd un peu, du fait des gros plans, de la vision d'ensemble d'un décor et d'une scénographie fidèle à la lettre à un Wagner repeint avec talent par Bazelitz (et Audi), on gagne une vision des détails des expressions et émotions traduites par les visages des protagonistes d'une distribution de très grande qualité. Le jeu des lumières prend un relief particulièrement séduisant quand les éclairages caressent les corps valorisant les souffrances et les doutes, la peine, le sang, la douleur, et la beauté tout à la fois.
Je ne reviendrai pas sur les détails de la mise en scène très esthétisante et à plus d'un titre bouleversante, pour m'attacher surtout à l'absolue réussite du choix musical fait par Kiril Petrenko qui insuffle en quelque sorte une homogénéité de style aux artistes (fabuleux choeurs compris) où l'art de la nuance, l'expressivité, la coloration du timbre, les changements de style, tout ce qui créée l'émotion, sont dominants. Jamais les voix ne sont forcées, toujours les timbres sont harmonieux, on est loin très loin des recherches de décibels de certains chefs d'orchestre qui poussent à l'extrême l'orchestre forçant les chanteurs à hurler. Et je dois le dire... Nina Stemme dans ce cocon musical parfait, livre une prestation d'une beauté sidérante où la voix se fait charmeuse, amoureuse, malheureuse, remplie de pitié et d'empathie, campant une Kundry aux multiples facettes (la voix comme le physique évoluent de manière impressionnante). Je ne vois pas de meilleur Parsifal aujourd'hui que Jonas Kaufmann, physiquement magnifiquement valorisé par la prise de vue, non seulement du fait d'un chant qui reste exceptionnel et peut-être encore plus fouillé et complexe que ses précédents Parsifal déjà passionnants, d'une diction qui frise la perfection, et d'un sens des nuances qui s'exprime au milieu même d'une phrase musicale "héroïque" (avec toujours le merveilleux accompagnement de Petrenko) mais parce que à chaque seconde et sans relâche, il incarne cet enfant naïf et vaguement effrayé qui sauvera le Graal après avoir résisté à la séduction. La caméra permet de profiter pleinement de cet art qui se lit sur ses traits et ses postures et qui lui est propre à l'heure actuelle. Et sacrément séduisant.
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René Pape est également un habitué de Gurnemantz qu'il campe avec une certaine bonhomie qui sied au personnage le rendant plus qu'humain et véritable éducateur du jeune étourdi qu'est Parsifal à l'acte 1. Son long récit est si coloré musicalement, si parfaitement prononcé, qu'il ne créée aucun ennui malgré son incroyable longueur, nous faisant vivre les malheur du Graal et d'Amfortas sans effet particulier de mise en scène, sur le simple talent immense de chanteur de la basse allemande. Chapeau.
L'Amfortas de Christian Gerhaher a fait l'objet à l'époque de controverses que je ne partageais pas lorsque je l'ai vu en live, et qui me paraissent toujours très exagérées dans le cadre de cette retransmission. Certes le timbre du baryton, spécialiste du Lied mais interprète génial également d'un Wozzek et d'un Wolfram, n'est pas forcément celui qu'on attend dans le rôle d'Amfortas, qui manque sans doute parfois un tout petit peu de relief, mais l'incarnation est subtile et ne dépare absolument pas dans le choix musical équilibré d'un Petrenko.
Le Klingsor de Wolfgang Koch est parfait dans le rôle du "méchant" traité là aussi sans la moindre caricature, avec subtilité et richesse d'interprétation qui sont le propre du baryton rompu à toutes sortes de rôles wagnériens et qui excelle si souvent sur la scène de Munich qu'il en est devenu un incontournable.
Une lecture de Wagner que j'apprécie de plus en plus, qui valorise les timbres et les couleurs, et permet à chaque chanteur d'exprimer le meilleur de lui même sans rechercher l'effet "décibel" (qui dominait par exemple dans le Parsifal à la Bastille deux mois plus tôt). Dans cette salle à l'acoustique parfaite (en dehors des sièges latéraux extrêmes), le relief de cette partition qui frôle souvent le génie, et les dialogues entre l'orchestre et les chanteurs, étaient parfaitement rendus.
Les ovations à la fin de chaque acte et l'ovation finale qui s'est terminée avec la sortie des chanteurs et du chef sur l'esplanade de l'opéra, ont été à la hauteur de ce premier événement du festival de 2018 (quinze jours plus tard, un Ring mémorable était donné dans cette même salle).
Un peu de nostalgie aussi en évoquant ce souvenir...


3 avril les Pêcheurs de Perle (Bizet) MET
Revu avec plaisir cette très belle production bien jouée et plutôt bien chantée. Magnifique scène d'affrontement entre Zurga et Leila, une des plus impressionnantes de la représentation et très émouvant Nadir. Belle direction d'orchestre de Noseda et choeurs impressionnants.
La mise en scène de Penny Woolcock, pour cette série de représentations du MET, transpose l'action au Sri Lanka de nos jours, avec un rare bonheur : décor superbe de maisons sur pilotis, un peu d'exotisme mais pas trop, la mer et ses pêcheurs en eau profonde, et ses vagues menaçantes, et son tsunami en guise d'orage, représentés (fort bien) dans une vidéo de fond d'écran, la maison de Zurga, sorte de gigantesque fatras de livres, de dossiers, et l'incendie du final, tous les décors font mouche. Si on rajoute ces scènes de foule au mouvement précis et rythmé avec un choeur musicalement très au point, tout est fait pour donner un cadre enchanteur à l'ensemble de l'opéra, qui lui sied fort bien.
Mariusz Kwiecień campe un Zurga magnifique, même si sa voix est un peu terne au départ, le baryton Polonais a parfois un peu de mal à se chauffer mais c'est juste la critique d'une fan inconditionnelle car ensuite la voix prend son envol magnifique habituel, son jeu d'acteur est phénoménal comme à l'habitude. Mariusz Kwiecień est un des meilleurs barytons actuels, sans doute parce qu'il allie une très belle lignes de chant, un véritable interprétation de ces rôles (le baryton est souvent le "méchant", mais il a presque toujours une part d'humanité et de contradictions), et un engagement scénique d'acteur très efficace. Il a malheureusement eu quelques problèmes de santé ces deux dernières années, qui l’ont conduit à annuler beaucoup de ses engagements….
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Diana Damrau a le charme discret de la prêtresse, belle sous ses voiles de toutes les couleurs, et module magnifiquement une voix parfois un peu acide dans les aigus, mais avec un style de grande classe. On croit à sa Leila, d'un bout à l'autre de l'opéra, à ses hésitations, à sa loyauté, à son amour pour Nadir, à ses réserves dues à sa fonction. Je ne suis pas fan de la soprano allemande, mais elle prouve que, bien dirigée, elle est très convaincante.
Matthew Polenzani nous offre une belle leçon de chant dans un rôle difficile, qu'il prend en "voix mixte" sans chercher la facilité, nous emmenant dans son beau rêve de pêcheur amoureux et rêveur. Son "Je crois entendre" est un modèle du genre. Et, un peu à la manière du Rodolfo de Calleja, il sait utiliser son physique pour camper un Nadir émouvant, un peu naïf, la tête dans les étoiles, jouet du destin qui émeut à plusieurs reprises jusqu'aux larmes.
Nicolas Testé, le seul chanteur Français de la troupe (mais ils chantent tous très bien dans notre langue), a l'autorité nécessaire à son rôle et impressionne dans ses scènes. Globalement le spectacle vaut d'être réécouté et revu.
Belle direction d'orchestre pour moi, ni trop rapide, ni trop lente, interprétant un Bizet très chantant, sachant mettre les accents sur les côtés tragiques et donnant un relief nouveau aux thèmes les plus connus.
Très, très belle réussite que j'avais déjà noté à l'écoute, qui se confirme en voyant l'ensemble.



8 avril Cavaliera Rusticana - Festival de Salzbourg
Ce soir, j’ai revu le magnifique Cavaliera Rusticana du festival de Salzbourg (disponible en livestream sur le site), vu en salle en 2015, Jonas Kaufmann, Ambroglio Maestri, Luidmyla Monastyrska sous la direction de Christian Thielemann. Du grand opéra vériste...
Cinq ans après avoir vu la représentation en salle, je retrouve une émotion intacte avec cette montée de la tension perceptible et très bien rendue tant par la mise en scène que par le jeu et le chant des interprètes et la direction serrée, précise et dramatique de Thieleman. Pas de pathos superflu, un drame sicilien presque "ordinaire" dans un village très réaliste avec ce formidable "jeu" des fenêtres qui s'ouvrent et se ferment sur les secrets d'alcôve et les passions déchainées.
Kaufmann exceptionnel dans un rôle dont il chante souvent en récital les grands airs (je l'avais d'ailleurs entendu avant Salzbourg au gala de Baden Baden en juillet 2013, dans une interprétation époustouflante des duos avec la Santuzza de Elina Garança) mais qu'il n'a jamais depuis Salzbourg interprété intégralement. Liudmyla Monastyrska passe un peu moins bien à la retransmission qu'en "vrai", ce n'est pas une voix très phonogénique (contrairement à celle de Kaufmann d'ailleurs) et c'est un peu dommage. Le timbre semble parfois devenir un peu ténu alors que la soprano nous avait donné une très belle prestation, très égale sur toute la tessiture, dans un rôle qui sied aux mezzo-soprano comme aux sopranos dotées, comme elle, d'un solide médium.
Maestri comme à l'ordinaire époustouflant.
Les applaudissements ont été gommés à l'enregistrement, mais, dans mon souvenir, beaucoup de grands airs et de duos ont été chaleureusement applaudis en cours de route.
Pagliacci (à suivre dans la retransmission du festival), était donné le même soir dans la foulée et un Requiem de Verdi assez inoubliable lui aussi avait été donné deux jours avant (Liudmyla Monastyrska- Anita Rachvelishvili- Jonas Kaufmann · Ildar Abdrazakov ).



9 avril Falstaff (Verdi) MET
Falstaff ce soir, les retransmissions du MET opéra, à ne pas rater !
Dans une très belle mise en scène de Robert Carsen (entre modernité et frantaisie), ce Falstaff est l’un des plus réussis de ces dernières années.
Ambroglio Maestri (encore !) dans le rôle titre, le meilleur Fasltaf actuel est éblouissant de drôlerie et de bêtise, infatué de lui-même et aveugle aux moqueries de ses proches, explose littéralement musicalement et scéniquement sans temps mort. C’est très bien chanté avec les excès du personnage parfaitement maitrisés et une leçon de chant de très haut niveau. Mais c’est l’ensemble du plateau qu’on revoit avec plaisir : le Ford très bien chanté de Franco Vassalo, la truculente Alice d’Angela Meade, la désopilante Mistress Quickly de Stephanie Blythe et le charmant couple formé par Lisette Oropesa and Paolo Fanale en Nannetta and Fenton. Et puis, surtout, la formidable direction musicale de James Levine.
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11 avril Parsifal (Wagner) MET
Parsifal au MET cette fois, enregistrement de 2013. Plaisir et émotion de revoir cette superbe mise en scène de Girard, sans doute la plus belle, la plus réussie, la plus émouvante depuis une quinzaine d'années (et j'en ai vues pas mal...). Version plus spirituelle et "biblique" que celle qu'Audi avait réalisée pour Munich (et qu'on peut encore revoir sur le site de l'opéra de Munich), la deuxième dans mon ordre de préférence et qui serait, disons, plus "légendes des forêts profondes germaniques". Les deux interprétations sont extrêmement satisfaisantes et illustrent magnifiquement ce qui pour moi, reste le plus bel opéra de Wagner (avec Tristan). La direction de Daniele Gatti n'égale pas à mes oreilles, celle de Kiril Petrenko (Munich) notamment lors de l'ouverture et de l'acte 1 qui m'ont paru un peu lents et manquant de couleurs. Par contre dès l'acte 2 (le plus impressionnant musicalement) et à l'acte 3, le maestro italien brille de mille feux. Et puis reconnaissons lui la qualité de donner, lui aussi, du Wagner contrasté sans avoir pour objectif de faire du décibel là où les infinies nuances sont nécessaires.
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Question "interprétation", nous avions déjà en 2013 au MET, le "couple" Jonas Kaufmann en Parsifal et René Pape en Gurnemantz. A la réserve près des différences de mise en scène avec Munich (qui ne sont pas, dans leurs rôles, si importantes que cela), les deux chanteurs étaient déjà exceptionnels et finalement, possédaient déjà cette qualité du chant wagnérien capable d'exprimer de longues lignes musicales lyriques brusquement interrompu avec force par l'irruption du chant héroïque, sans que leurs voix ne paraissent affectées par la parfaite maitrise de cet art. Ajoutons l'extrême humanité (déjà) du Gurnemantz de René Pape, et l'habileté de Kaufmann à changer totalement de voix et de personnage au milieu de l'acte 2 avec le fameux "Amfortas die WUnde", devenu légendaire.
Exceptionnel aussi dans cette "version" du MET, l'Amfortas de Peter Mattéi (inégalé sur ces quinze dernières années à mon avis même si j'en ai entendu d'excellents). Il y a, je crois, pour Peter Mattéi, ce "plus" qui fait qu'après l'avoir vu, on n'imagine plus Amfortas autrement que dans la peau de ce chanteur grand par la taille et par la qualité d'incarnation, appuyé sur ses béquilles humaines, à bout de force, prêt à mourir juste avant que la lance de Parsifal ne le sauve enfin...
Là où le bât blesse (un peu), c'est avec la Kundry de Katharina Dalaymann, nettement moins convaincante de Nina Stemme (Munich), timbre trop ténu pour un rôle qui nécessite un très solide médium colorée et changeant que la soprano ne domine pas vraiment. Du coup le chant et le personnage sont assez uniformes alors qu'à l'instar de Parsifal, Kundry subit de très importantes métamorphoses durant l'opéra.
Le Klingsor d'Evguenni Nikitine n'est pas non plus exempt de défauts mais au moins, a-t-il, avec un faux air de Jack Nicholson dans Shinning, l'air d'un parfait méchant.
Les choeurs, masculins, féminins, l'ensemble et les solistes des superbes filles-fleurs, parachèvent une représentation "de référence" ne serait-ce que par la beauté des décors et des ensembles fresques "picturaux" que la mise en scène imagine, tableau par tableau, dans un ensemble terriblement émouvant.

14 avril Rusalka (Dvorak) MET
Reprise de cette mise en scène diffusée en 2014 au cinéma en retransmission direct, proposée ce 14 avril pendant le coronavirus par le MET en retransmission gratuite
Si la voix de Renée Fleming se perd un peu dans les grandes salles en « live », elle est plutôt valorisée dans cette retransmission et c'est avec plaisir qu'on retrouve cet art et cette grâce assez unique (pareil pour son interprétation de la Maréchale ou d'Arabella par exemple) et ce beau timbre qui compense largement quelques faiblesses dans les passages plus héroïques d'un rôle qui est loin d'être anecdotique vocalement même si Renée Fleming semble tout maitriser même la langue.
Emily Magee est également royale dans son rôle tout comme Piotr Beczala qui campe un prince un tantinet mièvre (pour mon gout) mais après tout, le personnage assez ambigu de ce conte, peut aussi s'interpréter ainsi. Personnellement, trois ans plus tard, celle de Brandon Jovanovitch (époustouflante dans sa rudesse et son originalité) m'avaient paru beaucoup plus adéquates. Question de goût, ces deux ténors sont radicalement différents dans leurs approches des rôles.
Bonne princesse de Dolora Zajick mais papa décevant de John Relyea dont je n'ai pas trouvé le timbre très séduisant et qui manque singulièrement de couleurs dans le timbre.
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La mise en scène est kitsch mais cinématographiquement, elle est agréable à regarder, comme un écrin de jolis tableaux assez évocateurs des situations et les costumes jouant, comme les décors, sur le contraste couleurs chaudes/couleurs froides sont plutôt réussis. Dans le genre traditionnel selon le coeur de Jérome, j'aime bien celle-ci pas trop chargée et très bien vue.
Enfin Yannick Nézet Séguin, à son habitude, donne du relief à l'ensemble avec sa fougue habituelle et son délicat respect pour les chanteurs et les solistes instrumentaux de cette superbe partition.

15 avril Boris Godounov MET
Honnêtement j’ai moyennement accroché à ce Boris Godounov de 2010 dans une mise en scène de Stephen Wadsworth, conventionnelle et un peu terne. Pourtant la direction musicale de Gergiev était magnifique tout comme l’interprétation du rôle-titre par le grand, l’immense René Pape, qui est sans doute l’un des plus grands interprètes de ce rôle difficile dont il fait ressortir les nuances et la complexité avec génie. Mais dans l’ensemble j’ai eu plutôt l’impression d’une succession de belles performances que d’une histoire racontée avec interaction entre les personnages. Question « voix » c’est très réussi dans l’ensemble en particulier la Marina d’Ekaterina Semenchuk, le splendide Pimène de Mikhail Petrenko, décidément en tous points remaquable tout comme Alexey Markov qui campe l’autorité de Schelkalov avec un talent insolent, ou même le Rangoni de Yevguenni Nikitine. Par contre je resterai décidément vraiment pas convaincue par les prestations du ténor Aleksandr Antonenko, dont la voix avait déjà à l’époque des « trous » et des problèmes récurrents avec la justesse et qui nous offre un Dimitri assez débraillé vocalement (je précise que je l’ai vu par la suite dans pas mal de rôles, notamment à Bastille, dont Radamès, Samson et Otello et que j’ai fini par le mettre définitivement sur ma « liste noire » malgré les critiques favorables qui se sont longtemps succédées à son propos).
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17 avril Macbeth Liège
Revu hier sur Mezzo ce Macbeth permet surtout de revoir l'exceptionnelle Lady de Tatiana Serjan qu'on ne voit pas assez souvent, hélas.
Engagement, subtilité, nuances, force du drame, couleurs, tout y est pour une chanteuse/actrice qui brûle les planches. J'ai adoré la revoir.
Léo Nucci donne l'impression d'être un peu au bout du rouleau. Bref, il garde une belle allure malgré tout mais cela s'arrête un peu là...


16 avril Dame de Pique (Tchaikovsky) Mariinsky
Valery Gergiev (Direction)
Maxim Aksenov (Ténor) : Herman
Irina Churilova (Soprano) : Lisa
Roman Burdenko (Baryton) : Count Tomsky
Maria Maksakova (Mezzo-soprano) : Countess
Le soir c'était la Dame de Pique, une de mes oeuvres préférées du merveilleux répertoire russe, retransmission depuis le Mariinsky de Saint Pétersbourg, une magnifique mise en scène de 2015, sous la direction du maestro Valery Gergiev, avec une distribution époustouflante dominée par l'étonnant et fascinant Herman du jeune Maxim Aksenov. Très belle production impressionnante de beauté dotée d'une magnifique direction d'acteurs. Gergiev très à son aise dans son répertoire préféré.
Distribution plutôt homogène, haute qualité russe avec l'étonnant et fascinant Herman du jeune Maxim Aksenov qui mériterait une carrière moins confidentielle. Il n'avait alors que 25 ans et sa maitrise vocale et scénique d'un rôle qu'il habite littéralement, est assez bluffante.
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Très beaux "tableaux" à l'occasion des scènes de choeurs.
Duos magiques notamment Liza/Polina. De très grands moments avec la comtesse également.
Barytons excellents (mais qu'on a déjà vu dans ces rôles).
Bref, une super belle soirée

18 avril - Die Frau Ohne Schatten (Strauss) Munich
Quelques mots à propos de cette "Frau Ohne Schatten" de Richard Strauss, production de Warlikowski de 2013 à Munich : il faut d'abord souligner l'excellence de Kiril Petrenko, alors nouveau directeur musical de Munich, déjà connu et apprécié par pas mal d'entre nous à cause (notamment ) de ces Ring à Bayreuth. Les applaudissements qui lui sont réservés montrent en effet que le public du BSO, adopte d'emblée cette exceptionnel chef qui confirmera d'année en année, son talent avant d'être élu chef d'orchestre du Berliner Philharmoniker. Espérons qu'en ces temps troublés, la prochaine saison, dernière avec la présence du maestro, pourra se dérouler sans encombre mais rien n'est moins sûr, hélas.
J'ai trouvé également que Elena Pankratova en teinturière et Wolfgang Koch en Barak, dominaient nettement le plateau vocal : je l'ai revue à Berlin l'an dernier (dans la mise en scène de Guth au Staatsoper), elle incarne son rôle avec énormément de sensibilité sans faiblir face aux acrobaties vocales (un tout petit peu de fatigue sur la fin peut-être mais très secondaire) et campe une femme blessée qui cherche sa raison de vivre avec beaucoup de crédibilité. J'aime son timbre et son style, elle vous touche par la puissance de sa voix sans jamais paraitre à bout de souffle ou criarde, bref, pour moi, c'est l'une des meilleures teinturières.
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Wolfgang Koch, magnifique baryton, à la voix sombre et sobre, que nous avons eu l'occasion d'entendre dans de multiples rôles (notamment wagnériens) dans son port d'attache de Munich, montrait là une belle interprétation techniquement impressionnante (mezzo voce, diminuendo, changements de couleurs très bien maitrisés) et humainement touchante.
Adrianne Pieczonka est une très belle et très élégante Kaiserin mais la voix ne suit pas toujours et les aigus sont parfois bien tirés (elle me fait penser aux problèmes actuels d'une Eva-Marie Westbroek avec la même tendance à "jeter" ses aigus qui peuvent devenir soit criards, soit en délicatesse avec la justesse) mais elle a des moments magnifiques notamment tout le dernier acte qui sollicite moins les excès vocaux et lui permet de déployer son beau soprano/
J'ai trouvé que Deborah Polaski en nourrice était un peu le point faible de la distribution : elle peine à avoir l'air vraiment méchant, la mise en scène ne la sert pas vraiment, et elle parait à plusieurs reprises un peu dépassée par le rôle.
Johan Botha chantait bien et même très bien mais hélas avec bien peu de charisme, pas vraiment de passion, pas mal de "transparence". Les qualités vocales du regretté ténor sont incontestable dans ce rôle comme dans d'autres tels que Tannhauser, Walter, Lohengrin ou Otello, et sa technique est toujours d'une grande qualité mais l'incarnation de ses personnages restait souvent un peu en surface.
La mise en scène de Warli est foisonnante, colorée, avec de multiples références cinématographiques à son habitude (premières images vidéo de L'année dernière à Marienbad d'Alain Resnais), pas forcément tout à fait convaincante mais avec des images fortes dominées par l'enfant, son absence, sa présence, son omniprésence même, les obsessions que fait naitre le désir d'enfant. A voir même si ce n'est pas dans cet opéra, ma mise en scène préférée.
Et puis quand même, quelle oeuvre phénoménale sur le plan musical....
A revoir par ce lien

19 avril Norma (Bellini) ROH de Londres
Revu hier soir sur Mezzo et mis du temps à retrouver le fil. 4 ans déjà...
Bref rien à dire sur la mise en scène, je n'avais vu cette Norma qu'en salle (quel souvenir) et moult détails n'apparaissaient pas nettement (surtout depuis le haut de l'amphi au ROH) : c'est le décor monumental et impressionnant de cette "fusion" de croix christiques comme enserrant littéralement les personnages qui dominait presque exclusivement avec des jeux de lumière très impressionnants.
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Le détail est nettement moins impressionnant évidemment, voire sans grand intérêt. Contrairement à ce qui se dit parfois ici, les mises en scène sont souvent bien meilleures "en vrai" (ne serait-ce que par leur amplitude) qu'en retransmission où l'on ne voit plus qu'un personnage en gros plan.
Bref.
Par contre Pappano+Yoncheva+Calleja, c'est un trio gagnant qu'on réentend avec un immense plaisir.
Calleja est, comme dans mon souvenir, le meilleur Pollione entendu ces dernières années, il a tout, le timbre, le style, l'engagement, l'intelligence du rôle. Yoncheva faisait ses débuts en Norma, débuts qu'elle n'a pas confirmé par la suite, passant à autre chose et c'est bien dommage : sa Norma avait une classe folle et aurait pu murir encore, tant le rôle comporte des airs magnifiques, différents, qui nécessitent un travail de fond. Bref, elle m'émeut toujours autant malgré tout....
Plutôt agréablement surprise a posteriori par Ganassi qui s'en sort mieux que dans mon souvenir.
Et puis Pappano, royal, formidable. Orchestre et choeurs très en forme aussi.
Bref à revoir....


20 avril - Rosenkavalier (Strauss) MET
Revu ce Rosenkavalier de Strauss dans la splendide mise en scène de Carsen : trois actes, trois décors fabuleux, une direction d'acteurs intelligente à tel point qu'on se demande comme les interprètes font preuve d'autant de charisme scénique tout en chantant merveilleusement bien. Ils sont tous épatants mais je ne me rappelais pas à quel point Günther Groissböck était excellent en Baron Ochs. Elīna Garanča se surpasse en permanence en Octavian, sans jamais surjouer passant d'un genre à l'autre, d'un état d'âme à l'autre avec un talent fou. Erin Morley a énormément de personnalité dans un rôle parfois mièvre à qui elle donne un sacré caractère et Renée Fleming se fond parfaitement dans le costume très "classe" de la Maréchale (c'était sa dernière) et nous fait fondre littéralement lors de ses adieux émouvants.
Bref, une grande soirée avec un grand opéra.



23 avril Les contes d’Hofmann (Offenbach) MET
Ce soir, les Contes d'Hoffmann d'Offenbach, production du MET de New York de 2009 avec Anna Netrebko, Kathleen Kim, Ekaterina Gubanova, Joseph Calleja, direction James Levine.
Belles retrouvailles avec ces Contes dans une mise en scène de Bartlett Sher, et surtout sous la baguette franchement géniale dans ce répertoire (mais pas que…) de James Levine.
Joseph Calleja alors en grande forme vocale, prouve s’il en est besoin, qu’il maitrise particulièrement bien ce rôle, sans doute l’un des meilleurs Hofmann de ces dix dernières années, élégance de la ligne de chant, beau timbre et incarnation séduisante, chapeau ! Ebouriffante Kim en poupée mécanique, belle Gubanova et excitante Netrebko dans une de ses réussites incontestables. J’ai d’ailleurs beaucoup vu Anna Netrebko dans toutes ces retransmissions, et franchement, repasser en revue une partie de sa carrière éblouissante a été l’un des grands plaisirs de cette série….
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24 avril - Eugène Onéguine (Tchaikovsky ) Mariinsky
Ce soir un magnifique Eugène Onéguine (Tchaikovsky) issu du Mariinsky de Saint Petersbourg (2015), sous la direction de Valery Gergiev. Très belle mise en scène très efficace d'Alexei Stepanyuk, artistes de la troupe du Mariinsky, parfaitement adéquats aux rôles, excellents acteurs et chanteurs. Plateau vocal grand luxe finalement par la subtilité des interprétations du cynique Eugène Onéguine de Andrey Bondarenko qui comprendra trop tard ce que sa morgue de dandy lui aura coûté, la délicieuse juvénile et rêveuse Tatiana de Yekaterina Goncharova, le romantisme déchirant du merveilleux Lenski de Evgeny Akhmedov sans oublier les seconds rôles luxueusement tenus par tous et toutes. Saint Petersbourg excelle décidément dans l'opéra russe, et nous réserve toujours d'excellentes surprises.


27 avril Attila Mariinsky
Ce soir, Attila, retransmission du Mariinsky de Saint Petersbourg (2010) avec le meilleur Attila du moment, Ildar Abdrazakov et une très belle équipe Anna Markarova, Vladislav Sulimsky, Sergei Skorokhodov, Mikhail Makarov, Timur Abdikeyev (jeunes interprètes russes remarquables comme l'est toujours la troupe de Saint Petersbourg), direction Valery Gergiev, belle mise en scène, choeurs superbes, et surtout un rôle-titre (le premier Attila d’Iladar ?) magistralement maitrisé par la jeune basse déjà star d’ailleurs à l’époque au moins chez elle à Saint Petersbourg. Efficace et impressionnante retransmission.


27 avril Munich Récital Jonas Kaufmann/Helmut Deutsch
Dichterliebe de Schumann. En direct, en « vrai » mais sans public….
Concert de Munich magnifique, une tristesse insondable de voir la salle vide de l'opéra que nous connaissons si bien et tellement d'émotions de voir et d'entendre les artistes "maisons" et "notre Jonas Kaufmann" comme l'a affectueusement présenté le directeur Bachler.
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Un Kaufmann en état de grâce (et la voix étonnamant claire) créant une intense émotion par une interprétation inspirée, plus extravertie et intense que traditionnellement, presque rageuse par moment (« Ich grolle dich » fascinant) mais toujours infiniment maitrisée, remplie de couleurs et de variations sur chaque mesure, sur chaque note, autour de ces magnifiques Dichterliebe (les « amours du poète » de Robert Schumann. Et puis il y a l’immense complicité (même à « distance ») avec le pianiste Helmut Deutsch, son professeur de Lieder qui, à l’époque de l’école de musique de Munich, l’avait choisi pour sa fougue et son caractère vif. Qu’il a su « dompter » d’ailleurs, canaliser plutôt, tout en laissant à son élève cette manière bien à lui d’interpréter le Lied allemand. Il y a des années maintenant qu’ils sont partenaires dans cet exercice de « Liederabend » dont j’ai entendu de nombreux cycles à Munich, Paris ou même Barcelone, toujours avec beaucoup de bonheur.
J’ai d’ailleurs entendu chanter ces Dichterliebe par Jonas Kaufmann (et par quelques barytons de talent), à plusieurs époques de sa carrière et, comme souvent chez les grands interprètes, le plus passionnant est de découvrir sa faculté à faire évoluer sa lecture du répertoire. Il est facile d’imaginer que le contexte a rajouté, cette fois, quelques touches supplémentaires dans la charge émotionnelle que Kaufmann renvoie à un public virtuel dans une salle qui est presque la sienne. Avec ses derniers mots avant le « baisser » du rideau : « ce n’est pas pareil sans audience ».


28 avril Anna Boleyna (Donizetti) MET
Ce soir.... (mais ce n'est pas la première Anna Boleyna d'Anna....qui avait pris le rôle quelques mois plus tot à Vienne.
Très belle production "classique" mais avec une superbe direction d'acteurs de Mc Vicar (en costumes mais simples). Un vrai plaisir de retrouver Anna Netrebko dans l'un de ses très beaux rôles qu'elle incarne avec talent, timbre tout à la fois délicat et corsé, quelque chose d'assez unique qui n'est jamais vulgaire tout en ayant une force de caractère étonnante, bref notre "Anna" dans un rôle de bel canto qu'elle maitrise bien, et qui n'est certainement pas devenue la superstar qu'on connait aujourd'hui par hasard. Quel talent et quelle présence sur scène. Ildar Adrazakov qui chantait le roi un an à peine après son éblouissant Attila revu avant-hier depuis le Mariinsky de Saint Pétersbourg, lui donne la réplique de sa belle voix de basse, encore juvénile et séduisante de même que la troisième russe du plateau, Ekaterina Gubanova, belle "Seymour" remplie d'émotions à fleur de peau, presque fragile par instant face à la force incroyable de sa compatriote. Et puis jolie surprise avec le Percy de Stephen Costello qui était manifestement au sommet de sa forme, ténor énergique au bel canto agréable et partenaire engagé sur scène. Direction enlevée d'Armiliato et hélas, quelques coupures fâcheuses dans les reprises et cabalistes qui coupent un peu les ailes de l'oeuvre de Donizetti.
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Le 29 avril - la Nonne Sanglante (Gounod) Opéra Comique
Gros plaisir hier soir en regardant cette retransmission de la "Nonne sanglante", opéra "rare" de Gounod que j'avais vu en salle avec délice à l'époque. La captation cinéma est soignée, valorise les étranges et mystérieux éclairages, le jeu des acteurs/chanteurs, tous et toutes excellents, le charme un peu macabre de la mise en scène de David Bobée. Michael Spyres allie beauté du timbre, intelligence du chant, incarnation très crédible et diction parfaite pour camper un Rodolphe dont le rôle semble écrit pour lui. Il est magnifiquement accompagné par l'émouvant et majestueux Pierre de Jean Teitgen (quelle voix là aussi et quelle justesse ...), la mystérieuse et magistrale nonne de Marion Lebègue, la belle et énergique Agnès de ma chère NiNa Vannina (Santoni) que j'ai revue avec beaucoup d'émotion dans un de ses très beaux rôles, sans oublier l'excellent Jérôme Boutillier en Ludorf ou Jodie Devos, désopilant Arthur, et tous les rôles secondaires très bien tenus, le choeur Accentus comme toujours exceptionnel et la direction de Laurence Equilbey qui a participé à la dramaturgie avec le metteur en scène pour la re-création de cette oeuvre oubliée et lui donne cette touche de magie noire parfaite qui vous transporte. A regarder, lien sur le site de l'opéra comique.


Le 30 avril Boris Godounov Munich
Et ce soir pour moi ce fut Boris Godounov (production de 2013) retransmission de l'opéra de Munich avec Alexander Tsymbalyuk (direction Kent Nagano), mise en scène complexe et troublante de Calixto Bieito qui ne m’a pas convaincue, la transposition moderne ne fonctionnant pas très bien sur un opéra décidément difficile à mettre en scène. La représentation vaut surtout pour Alexander Tsymbalyuk, du fait de l’extrême beauté de sa voix et de sa prestance générale dans le rôle, renforcée par la crédibilité de sa jeunesse et de son élégance naturelle. Je l’ai revu dans ce rôle quelques années plus tard à Bastille, en alternance avec Ildar Abdrazakov, avec grand plaisir. C’est René Pape qui devait reprendre le rôle en juin…



2 mai L’Ange de Feu (Prokofiev) Munich
A propos de l'Ange de Feu (Prokofiev) retransmis par Munich (Bayerische Staatsoper), production du metteur en scène Barrie Kosky, dont j'avais vu la retransmission en direct le 12 décembre 2015 et qui repasse dans les propositions de Munich au temps du coronavirus.
Barrie Kosky déplace l´action vers le 21ème siècle dans la suite d´un hôtel de luxe que les protagonistes ne quitteront pas un peu comme si tout ce cauchemar éveillé était tout droit sorti du cerveau de l'extravagante Renata qui sort d'ailleurs de sous le lit de la suite dès les premières minutes.
C'est très efficace, on entre très rapidement dans l’histoire, pas de temps mort, pas de diversion. Comme le lit bouge, les autres meubles vont également se déplacer trompant le spectateur (tiens ce n’était comme ça il y a quelques minutes) et le rétrécissement de la scène (dommage que la retransmission ne cadre pas toujours au bon endroit de ce point de vue) devient vite cauchemardesque. Ambiance correspondant parfaitement aux thèmes de l’opéra, à la musique, au chant et au jeu (très développé et très convaincant) des artistes.
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La scène comme enfermée dans une boite (qui s'écrasera peu à peu d'ailleurs) devient rouge au moment de l'arrivée de Mefisto comme si elle avait littéralement pris feu. Beaucoup de représentations d'un expressionnisme exacerbé. C'est hallucinant et inoubliable et surtout, comme souvent avec Kosky, parfaitement en phase avec la musique du compositeur russe.
Le chef russe, Vladimir Jurowski, semble lui aussi possédé par la musique aux très riches contrastes de cet Ange de Feu. La tension qu'il imprime à la partition magnifique de Prokofiev (compositeur dont on n'entend, hélas, rarement les magnifiques opéras) n'est pas pour autant synonyme de décibels. Au contraire la musicalité domine à chaque instant et cette lecture analytique rend justice à une oeuvre magistrale.
Mais cette retransmission vaut aussi pour l'excellence de son plateau vocal et notamment la grande et belle surprise (et découverte à l'époque) du chant et du jeu de Svetlana Sozdateleva en Renata (Evelyn Herlitzius qui devant tenir le rôle, est tombée malade et a annulé). Un nom à retenir absolument : non seulement elle chante avec une voix beaucoup plus belle que celle d’Herlitzius mais en plus, elle a un engagement physique largement égal à cette dernière.
J’ai déjà entendu plusieurs fois Evgeni Nikitin (Klingsor, Don Pisarro, le Hollandais) mais je ne l’avais jamais trouvé aussi brillant que dans ce répertoire russe qui lui va comme un gant : superbe timbre, plein et entier dans le grave comme dans les aigus, aucun décrochage dans une partition pourtant difficile (et qui sollicite beaucoup ses solistes presque tout le temps sur scène), un jeu d’acteur parfait.
Les autres rôles sont également très bien tenus avec la qualité munichoise habituelle qui ne se dément jamais ( citons : Goran Jurić (L’inquisiteur) ; Heike Grötzinger (L’aubergise) ; Elena Manistina (Diseuse de bonne aventure) ; Okka von der Damerau (Abbesse) ; Vladimir Galouzine (Agrippa von Nettesheim) ; Kevin Conners (Méphistophélès)

A suivre...
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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Re: Chroniques d’opéras par temps de coronavirus

Message par Markossipovitch » 26 mai 2020, 14:48

Merci beaucoup, Hélène, pour ces retours émouvants.

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Re: Chroniques d’opéras par temps de coronavirus

Message par HELENE ADAM » 26 mai 2020, 15:12

Et voici la deuxième partie qui va du 2 mai au 25 mai. En espérant voir bientôt l’opéra reprendre sa place normale dans les salles…

Gala inauguration du Mariinsky 2 le 3 mai
Réécouté hier soir le gala donné en 2013 par toute l'équipe du Mariinsky pour l'inauguration du Mariinsky2, l'autre salle de Saint Petersbourg.
Superbe spectacle où se mêlent extraits de ballets et extraits d'opéras, et défilé d'artistes de grande qualité, Anna Netrebko dans Macbeth, Ildar Abdrazakov dans Rossini, rené Pape en Mefisto dans Gounod, Evguieni Nikitine dans Boris Godounov, Michail Petrenko dans le superbe et émouvant "Bateliers de la Volga" («Эй, ухнем!»), Ekaterina Semenchuk en Carmen, Alexei Markov dans Iolanta, (et Placido Domingo dans un Wintersturme, catastrophique mais bon, rien n'est parfait en ce bas monde). Final tous ensemble sur un air de DonGiovanni.


Le Prince Igor (Borodine) MET le 4 mai
Ce soir nous avions le Prince Igor de Borodine, représentation du MET qui date de 2014, distribution exceptionnelle notamment par les débuts dans le rôle d’Ildar Abdrazakov, aux côtés d’une impressionnante Anita Rachvelishvili et de la basse russe Mikhail Petrenko que j’apprécie dans tous ses rôles. Mais si je garde (comme toujours la concernant) des réserves sur les stridences d’Oksanna Dyka, je salue également les belles prestations de la basse slovaque Štefan Kocán, ainsi que du ténor Sergei Semishkur. Belle équipe et belles images pour un Prince Igor puissant et qui a marqué cette saison du MET….


Iolanta (Tchaikovsky) le 6 mai Mariinsky
Ce soir, encore un opéra russe, depuis le Mariinsky de Saint Petersbourg, Iolanta de Tchaikovsky, avec Anna Netrebko, Alexei Markov, Direction Valery Gergiev....Que dire encore de cette osmose entre Netrebko/Markov et le chef Gergiev, tant elle magnifie tout, y compris cette mise en scène peu inspirée et parfois brouillonne dont la fin, bien inutile et purement scénique, trahit le sens de l’œuvre ? Mais bon voilà pour la Iolanta de Netrebko, jeune fille pure et innocente dont les yeux vont peu à peu se déciller, il faut avoir vu cette représentation qui date de 2009 et montre à quel point la soprano russe a déjà, tous les atouts qui font aujourd’hui sa renommée internationale : sens infini des nuances qui font « l’interprétation » propre de l’artiste, couleurs variées et riches sur un timbre de toute beauté, aigus délicats et lumineux et belle ligne de chant soignée dans sa langue natale où on regrette de ne plus guère l’entendre… Elle est formidablement accompagnée par Sergei Skorokhodov, en Vaudémont, ténor aux grandes qualités lyriques, par le formidable Robert d’Alexei Markov (c’est fou que j’ai revu ce baryton russe étonnant de tous les points de vue durant ces retransmissions) et beau René de Sergei Aleksashkin.
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Mazeppa (Tchaikovsky) Mariinsky 7 mai
Ce soir Mazeppa, l'un des superbes opéras de Tchaikovsky, rare hélas, que nous devions entendre en Version concert à la Philharmonie de Paris le 14 mars dernier, donné par le Bolchoi (de Moscou) sous la direction de Tugan Sokhiev, et qui a été annulé suite au coronavirus. Le Mariinsky (de Saint Petersbourg), avait donné une version mise en scène par Ilya Shlepyanov, sous la direction de Valery Gergiev, avec Vladislav Sulimsky en Mazepa, Stanislav Trofimov en Kochubei, Ekaterina Semenchuk en Lyubov et la magnifique et émouvante Maria Bayankina en Maria. Mariinsky TV nous donne décidément de superbes retransmissions (Iolanta hier soir, avec Anna Netrebko dans un de ses meilleurs rôles d'il y a quelques années). J'avais chroniqué ce Mazeppa sur ODB dans le fil "représentations".


8 mai - War and Peace (Prokofiev) Mariinsky
Et ce soir, encore une rare retransmission du Mariinsky (honneur aux Russes en ce 8 mai), War and Peace de Sergei Prokofiev dans la brillante mise en scène de Andrei Konchalovsky, avec Prince Andrei Bolkonsky: Vladimir Moroz, Natasha Rostova: Anna Netrebko, Sonya: Ekaterina Semenchuk et Pierre : Alexei Steblianko direction de Valery Gergiev, mise en scène de Andrei Konchalovsky. Opéra en "tableaux" qui sont plutôt bien rendus par la mise en scène (et la captation), représentation de 2000 où irradie littéralement l'interprétation exceptionnelle de la jeune Anne Netrebko (déjà célèbre cependant) en Natacha tour à tour jeune fille amoureuse, impétueuse, impatiente, malheureuse, révoltée, désespérée, un timbre juvénile mais déjà corsé, une voix divine qu'on reconnait immédiatement d'ailleurs, et un talent de comédienne qui fait merveille (et puis l'opéra russe lui convient si bien...). Elle est accompagnée de la très belle Sonya de Ekaterina Semenchuk qu'on voit et entend toujours avec plaisir. Bon et émouvant Vladimir Moroz en prince, bien qu’il soit sans aucun doute en dessous de l’interprétation que Dmitri Hvorotovsky donna de ce rôle, dans la même formation (Gergiev/Netrebko) au MET. L'oeuvre est un peu inégale du fait de très longs moments mettant en scène l'armée, le peuple, valorisant des choeurs superbes par ailleurs, tout ceci restant fidèle à l'épopée du roman de Tolstoi mais déséquilibrant parfois les scènes plus intimistes. Mais c'est à (re)voir absolument !
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10 mai - La Bohème (Puccini) MET 1977
Bon ben ce soir hein, on rate pas l'immense et irremplaçable Pavarotti et sa regrettée Mimi préférée (la mienne aussi d'ailleurs), la touchante Renata Scotto mais aussi la Musetta étonnante et de très forte personnalité de Maralin Niska, et les barytons Ingvar Wixell et Allan Monk, ainsi que la basse Paul Plishka.
Redécouvrir le talent inimitable de Pavarotti dans un de ses rôles fétiches, quand la voix était jeune et sublime est un plaisir en soi. Constater que le ténor mythique chantait aussi bien sans le moindre effort apparent et avec un sens de l’incarnation qui allait bien au-delà du simple « beau » chant, voilà une des grandes jouissances de cette soirée. Quant à Renata Scotto, si son physique ne se mariait guère avec l’image qu’on se fait de la petite cousette Mimi, le fait est que la voix, le style irréprochable, la beauté du regard et bien d’autres merveilles encore, nous la rende inoubliable.
Rien de plus beau que les solos et les duos Pavarotti-Scotto, direction Levine irremplaçable aussi et un final qui laisse sans voix (mais avec des larmes), juste impossible de savoir comment Pavarotti nous donne ce "Mimi" sans crier mais en donnant de la voix, une voix enroulée littéralement dans la musique de l'orchestre, quelque chose d'unique pour un opéra que j'ai pourtant vu des dizaines de fois. Mythique...
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Eugène Onéguine 11 mai Komische Oper de Berlin
Retour sur Eugène Onéguine, mis en scène par Barrie Kosky au Komische Oper de Berlin, avec l'émouvante Asmik Grigorian en Tatiana.
Cette retransmission reste disponible quelques temps sur la chaine Youtube de Operavision, et je vous la recommande pour sa fraicheur et sa modernité, une vision musicale et esthétique très enthousiasmante de la célèbre histoire d'Eugène Onéguine, des soeurs Larina et du pauvre Lenski. D'abord Barrie Kosky (directeur du Komische Oper de Berlin) prend le parti de situer l'intégralité de l'action dans un parc où tout est vert : l'herbe qui forme parfois des collines ou se déplace en pans entiers pour valoriser les danses des paysans (acte 1) et des aristocrates (acte 2). Dans le fond des arbres qui barrent l'horizon, charmant paysage bucolique qui n'a pas d'avenir comme l'aristocratie russe du 19ème siècle n'en avait guère, prairies dont l'aspect paisible dissimule mal les passions douloureuses des êtres, leurs passés et leurs présents emprisonnés dans les obligations morales, sociales et politiques. Le pot de confiture (dans lequel on met des doigts gourmands) est l'accessoire essentiel qui symbolise le désir et l'envie. A l'acte 1 madame Larina et la nourrice se racontent leurs jeunesses en remplissant des pots de confiture, Lenski et Olga se draguent en s'échangeant un pot de confiture, Tatiana avoue son désir à Oneguine en trempant enfin son doigts dans le pot de confiture qu'il tient... Et quand des "murs" plus que des bâtiments complets viennent illustrer l'intérieur de la demeure des Larina où se tient le bal pour l'anniversaire de Tatiana à l'acte 2, ou la riche demeure du Prince Grémine l'acte 3, l'herbe est toujours là et même les arbres qui bouchent décidément l'horizon du bonheur.
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Kosky est magnifiquement servi par la distribution qu'il a choisi : ils sont tous jeunes, excellents acteurs, valorisés par son choix de leur donner bien plus de relief et de caractère que ce n'est généralement le cas dans cet opéra très souvent joué. Ainsi Lenski par exemple ( Aleš Briscein) est-il un jeune homme clairement jaloux et possessif, blessé et vexé par l'attitude d'Olga, qui devient brutal, méchant et injuste (ce qui correspond à ce qu'il fait par ailleurs en la repoussant et en provoquant Onéguine en duel), loin de l'amoureux romantique généralement valorisé par un "Kuda, Kuda" qui vous arrache des larmes. Là son célèbre air est plus "rageur" que désespéré, enfin c'est un mélange des deux, tout comme d'ailleurs les deux amis éprouvent le besoin de boire plus que de raisons pour se résigner à se battre en duel puisque les codes de l'honneur l'exigent. Onéguine aussi est tout à la fois un jeune homme qui brûle la vie par tous les côtés après une adolescence sinistre, et ne se croit pas capable d'apporter du bonheur et de la joie dans un foyer, et finalement, un jeune homme plus "humain" et vraisemblable dans ses hésitations et surtout ses regrets que bien souvent. Saluons d'ailleurs la très brillante interprétation de Günter Papendell qui nous offre notamment une scène finale déchirante qui suscite un délire dans la salle tout à fait justifié. Mais tout tourne autour de la magnifique Tatiana d'Amis Grigorian qui nous stupéfie à chacune de ses incarnations. Elle est de ces artistes qui plonge à bras le corps dans le rôle, en étudiant toutes les facettes (et Tatiana n'est pas un personnage lisse loin de là), faisant ressortir les contradictions inhérentes à la situation d'une jeune fille qui rêve de l'exceptionnel et devra se contenter de l'ordinaire prévu pour elle de longue date finalement. Outre le chant qui est absolument parfait, timbre divin, nuances et colorations dénotant la qualité d'une technique très maitrisée, Asmik Grigorian a la jeunesse dans la voix et dans la gestuelle, de cette toute jeune fille cruellement désillusionnée sur les hommes et qui renoncera à ses passions par raison. Si on ajoute la charmante Olga de Karolina Gumos, qu'on voudrait défendre et prendre dans ses bras quand Lenski la repousse méchamment parce qu'elle a osé vouloir un tout petit peu s'amuser, elle le feu follet sans arrière pensée, la touchante nourrice de Margarita Nekrasova qui raconte comme elle a été mariée à 13 ans et a tout simplement "changé" de maison, ou l'aristocratique mais très humaine Madame Larina de Christiane Oertel ou même la très belle basse d'Alexei Antonov en Prince Grémine (l'un de ces rôles très courts de l'opéra où l'on fait son succès garanti sur un air...), on comprend que c'est l'ensemble de l'équipe qui fonctionne parfaitement, de même que les choeurs d'ailleurs qui ont toute leur importance dans cette oeuvre et l'orchestre habilement dirigé par Henrik Nánási.
Bref à ne pas rater : sous-titres disponibles en français.

Werther (MET) 12 mai
Retour sur ce poignant Werther (Massenet) revu avant-hier (grâce aux exceptionnelles retransmissions que nous offre la période de fermeture des opéras pour tenter de nous consoler).
En comparaison avec la même distribution des rôles principaux (Jonas Kaufmann en Werther et Sophie Koch en Charlotte) qui défraya à juste titre la chronique en 2010 à Paris Bastille dans la mise en scène du cinéaste Benoit Jacquot, cette représentation du MET en 2014 marque une nette rupture de l'interprétation. C'est assez rare finalement que des artistes chanteurs et acteurs d'opéra, proposent à quatre ans d'intervalle, deux visions assez différentes de leurs personnages. Mais c'est un fait. Beaucoup ont d'ailleurs à l'époque regretté le Werther, tout jeune, fougueux, impétueux, trop amoureux, lumineux et tragique du Kaufmann de 2010, et l'innocence empêtrée dans ses obligations qui oscille entre la jeune fille et la "mère" de substitution de Sophie Koch alors elle aussi très pure. Personnellement, j'avais été plutôt sidérée par l'assombrissement très net du personnage de 2014 sous les traits du ténor bavarois, épousant sans hésiter le côté "Tempête et passions" du personnage romantique créé par Goethe, un Werther très allemand, terriblement sombre et tourmenté, qui joue avec la mort presque dès les premières notes, n'a jamais de moment de répit dans sa course vers le suicide et entraine finalement Charlotte dans ce désir de mort plus fort que l'amour. Vocalement Kaufmann est à son sommet, les airs sont plus soutenus, moins lyriques qu'en 2010, c'est différent, tout aussi bouleversant et surtout passionnant et envoûtant.
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Sophie Koch, sublime en 2010, semble là vocalement parfois dépassée par les envolées héroïques de son partenaire et sa rage passionnelle, mais campe une Charlotte globalement très convaincante malgré tout. La mise en scène, esthétique et irréprochable sur le plan de sa fidélité au texte, n'a pas le caractère épuré de la tragédie en marche qu'avait su recréer Jacquot (sa mise en scène a d'ailleurs été reprise de multiples fois à Bastille d'une part, à Londres d'autre part avec une galerie de stars...). Les décors un peu lourds semblent sans cesse en contradiction avec l'importance du texte qui devrait relativiser tout accompagnement superflu. J'avais découvert à l'époque (et beaucoup revu depuis) la délicieuse et mutine Sophie de Lisette Oropesa, sans doute la meilleure Sophie entendue dans les multiples Werther que j'ai vus. Et regretté l'absence d'Elina Garança prévue à l'origine en Charlotte et dont nous avions pu voir les premières notes avec Jonas Kaufmann, dans un gala mémorable à Baden Baden en 2013. La direction d'Alain Altinoglu sans égaler celle de Michel Plasson à Paris en 2010, est suffisamment colorée et riche pour valoriser une partition qui reste l'une des plus belles de Massenet.

14 mai : Ariadne auf Naxos – MET
Ariadne auf Naxos (2e version), avec Jessye Norman, Tatiana Troyanos, Kathleen Battle, James King, Dawn Upshaw, Barbara Bonney, Orchestre du Metropolitan Opera de New York, James Levine Un enregistrement de 1986. Encore un petit plaisir offert par le MET que la possibilité de revoir la grande Jessye Norman dans ce superbe rôle de la Diva puis d'Ariadne. Mise en scène classique sans problème pour l'illustration de cet opéra de Strauss qui s'interroge sur la création, l'art, et finalement les "droits" d'auteur (au sens non pécunier du terme) avec humour et gravité. On notera l'excellent "compositeur" (tristement bafoué) de Tatiana Troyannos, l'étonnant Bacchus (très lyrique, voix très claire) de James King, et la Zerbinetta de Katherine Battle qui m'a un peu déçue je dois dire par un manque de sonorité à la retransmission. Très belle direction musicale de James Levine.


15 mai 2020 Peter Grimes MET
Ce soir, Britten au MET pour le plaisir de voir cet opéra musicalement foisonnant, le premier de Britten, qui contient toute la passion du compositeur britannique, ménage des choeurs phénoménaux qui résonnent comme la foule des pêcheurs et des villageois en quête de vérité tandis que les solistes se frayent un chemin vocal au milieu de la tempête des mots et des notes. Orchestration impressionnante. La mise en scène propose une illustration très fidèle de l'oeuvre, très réussie, avec une direction d'acteurs remarquables. Plaisir de voir le ténor Anthony Dean Griffey, qui excelle dans l'opéra contemporain (récemment "Marnie" puis "A streetcar named desire") et qui campe un puissant Peter Grimes à la voix tout à fois claire et expressive, très colorée, et dont le jeu est parfait jusque dans l'évolution subtile du personnage dans sa confrontation avec la communauté villageoise comme avec l'institutrice Ellen Ford, magnifiquement incarnée par Patricia Racette. Très bon Anthony Michaels-Moore en capitaine également et mention spéciale à tous les autres rôles, qui ont toute leur importance dans l'oeuvre de Britten et qui "marquent" profondément la représentation par leur présence vocale et leur charisme scénique. Direction plutôt rajeunie de Runnicles. Très agréable notamment dans les nombreux interludes de la partition. Bref, à voir !

16 mai Lucia di Lamermoor MET
Ce soir Lucia, le bel canto et la "Stupenda" (pour les initiés), c'est à dire Joan Sutherland, l'immense....(et puis il y aussi Alfredo Kraus...)
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Un enregistrement de légende pépite musicale parmi les joyaux que nous offre le MET, seul opéra au monde qui aligne les chefs d'oeuvre de son répertoire offerts en retransmission depuis le début du confinement. Il n'est pas sûr que la grande maison, qui tient ses subventions du privé et adultes licencier ses musiciens, les principes du chômage partiel n'existant pas aux USA, se relève facilement de la crise. Le talent vocal, la technique fabuleuse dans les trilles et vocalises du rôle, et les allures de diva de Joan Sutherland transportent en tous cas au septième ciel assez rapidement dès l'apparition de Lucia (applaudie par le public, comme il se doit, avant même qu'elle ouvre la bouche d'ailleurs) et la scène de la "folie", donnée dans son intégralité, restera dans les annales, même si, sauf erreur de ma part, la diva a alors 56 ans, ce qui n'est pas exactement l'âge de la jeune Lucia quand elle assassine son époux suite au mariage forcé dont elle est victime. Son âge il se voit d'ailleurs physiquement dans cette presque ultime représentation mais on l'oublie rapidement, parce que la voix est presque intacte et tellement sublime... Elle est accompagnée de l'élégant Alfredo Kraus (même âge d'ailleurs à l'époque) en Edgardo, sans doute là aussi, l'Edgardo le plus "chic" et le plus "old fashioned" vu depuis longtemps dans cette oeuvre. Le timbre est là aussi, resté de toute beauté dans ces exercices belcantistes complexes où l'immense ténor ne perd jamais de vue le rôle qu'il interprète. Pablo Elvira ne semble pas avoir eu forcément la carrière qu'il méritait quand on le réentend ainsi en 1982, très brillant interprète de Enrico le frère implacable de Lucia et la basse Paul Plishka assure par sa présence et sa prestation, un très beau Raimondo. L'ensemble du plateau vocal est assez époustouflant (choeurs compris) ce qui nous donne quelques scène "d'ensembles" anthologie elles aussi, sous la baguette de Richard Bonynge, lui aussi chef mythique de cette oeuvre qu'il maitrise parfaitement. On regrettera que l'air de folie ne soit pas accompagné du "Glass Harmonica" de rigueur mais par une flûte. Il n'empêche... quelle suprême élégance que l'ensemble de ces talents réunis....

17 mai - La Légende de la ville invisible de Kitège de Rimski-Korsakov, Dutch Opera
Ce soir retour à l'opéra russe mais issu d'une production de l'opéra d'Amsterdam qui date de 2012, « La Légende de la ville invisible de Kitège et de la demoiselle Fevronia » de Rimski-Korsakov.
Cette oeuvre est, avec Snegorouchka et le Coq d'Or, l'un des plus beaux opéras de Rimsky-Korsakov dont on sous-estime généralement, hélas, la beauté et la richesse de l'oeuvre lyrique. Comme les deux autres, et comme son titre l'indique, cette oeuvre est tirée d'une légende russe où se mêlent, comme toujours, puissantes évocations de la nature et des saisons, histoires d'amour et épopées héroïques. On a donc tout à fois ces magnifiques airs de l'acte 1 où la jeune Fevronia, qui vit dans la forêt au milieu des animaux et des plantes, évoque les fleurs, les oiseaux (le "coucou" avec écho dans l'orchestre...), les arbres, les transformations du printemps, les mystères de la puissance des arbres, avant de rencontrer le prince égaré de la ville de Kitège (la "magnifique"), puis à l'acte 2, les préparatifs de la Noce avec ses figures hautes en couleur du peuple en liesse dans la "petite" Kitège bientôt menacée par l'invasion des Tatars (superbes choeurs de lamentation des habitants et massacres, vacarme des cuivres et des percussions), récit épique et tragique de Fyodor au "grand" Kitège devant le peuple cherchant les moyens d'échapper à leur tour au massacre, puis un superbe et sinistre interlude décrivant la défaite des troupes du grand Kitège et la mort du Prince. Mais la ville a été rendue invisible par les prières de Fevronia qui s'enfuit pour retrouver sa forêt où deux oiseaux magiques lui annoncent qu'elle va mourir, trouver l'immortalité et le Prince, et terminer enfin ces noces tragiquement interrompues.
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Tcherniakov, metteur en scène souvent controversé, nous offre une lecture assez contrastée de ce poème épique et élégiaque. Après un très bel acte 1 où les symboles de la vie simple de Feyronia sont joliment illustrés de même que sa rencontre avec le jeune Prince, les deux actes suivants sont moins réussis, la transposition dans le monde actuel faisant des Tatars des hordes fascisantes, Tcherniakov multipliant à son habitude, les symboles dans les costumes et les décors, se rapportant à des scènes contemporaines et s'éloignant un peu trop de la magie du conte qu'il retrouve heureusement au dernier acte au "Paradis" et avec quelques scènes assez fulgurantes précédemment comme l'incendie du petit Kitège ou les nuages enveloppant progressivement le grand Kitège. La distribution est, à l'inverse, remarquable de qualités vocales et scéniques. La jeune Svetlana Ignatovich est éblouissante de fraicheur, de beauté, timbre juvénile infiniment émouvant, elle est Fevronia dans toute son éclatante jeunesse. Et Maxim Aksenov en jeune prince, a lui aussi, l'âge du rôle comme on dit et du talent en reste. Leur couple est magique d'un bout à l'autre et on se laisse entrainer par ce fil rouge de leur amour contrarié qui se retrouvera dans un ailleurs rêvé. Puissant Fyodor, Alexey Markov nous donne une scène du récit des massacres, hallucinante de vérité, et Vladimir Vaneev (Prince Yuri) et John Daszak (Grichka) campent de solides personnages. Le tout est magnifiquement chanté dans un russe irréprochable et très bien prononcé. L'orchestre est d'excellente qualité sous la baguette de Marc Albrecht. Dommage que la "balance" de l'enregistrement se soit trop souvent "calée" sur les chanteurs au détriment des instruments qu'on entend pas toujours suffisamment clairement en dehors des morceaux orchestraux purs. Cette retransmission est encore valable quelques mois. Ne serait-ce que pour découvrir ou re-découvrir cette oeuvre magistrale, n'hésitez pas !


20 mai – Lohengrin (Wagner) - MET
Ce soir un Lohengrin de derrières les fagots... (pas sûr qu'il aurait pas du y rester....) Eva Marton, Leonie Rysanek, Peter Hofmann, Leif Roar, et John Macurdy, dirigé par James Levine. Performance de janvier 1986. Surtout pour Levine et Rysanek. Hofmann a toujours été très surestimé à mon goût. Un Lohengrin bien falot, qui ne vous émeut jamais, ignore les nuances dans un style très monolithique et trop "réservé" même pour Lohengrin. Eva Marton n'est pas très à l'aise en Elsa, les aigus sont très tirés et le timbre à la limite de la stridence parfois. Impressionnante Leonie Rysanek en Ortrud cependant, qui valait le déplacement surtout opposée au Telramund de Leif Roar, inégal sur l'ensemble du rôle mais manifestement stimulé par le charisme de Rysanek. Direction Levine inégal elle aussi, avec quelques beaux moments musicaux et quelques passages plus ... étranges. Public qui applaudit n'importe quand et qui parait un peu facilement en extase. Mise en scène sans originalité mais avec beaucoup de poncifs finalement assez mal trouvés.

21 mai – Un ballo in maschera (Verdi) MET
Ce soir "un bal masqué" (Verdi) offert par le MET, production de 2012, mise en scène de David Alden et direction de Fabio Luisi, avec le regretté Dmitri Hvorostovsky, Sondra Radvanovsky, Kathleen Kim, Stephanie Blythe, et Marcelo Alvarez.
Comme souvent dans les opéras de Verdi, le livret n'est pas simple et comporte quelques invraisemblances difficiles pour tout metteur en scène telle que les scènes où le grand naïf Renato ne reconnait pas sa femme alors qu'il la surprend en pleine scène d'amour avec le gouverneur Riccardo, et la raccompagne pour la mettre en sécurité sans chercher à savoir qui elle est... On le sait, l'oeuvre fut inspirée par l'assassinat en 1792 de Gustave III de Suède pendant un bal masqué mais pour des raisons diverses de censure, Verdi transposa l'histoire et l'action. Riccardo (Gustavo) n'est donc que ... le gouverneur de Boston. Le metteur en scène David Alden est fidèle au livret mais sa transposition "chic" dans un 20ème siècle très dépouillé (décor minimaliste et obsession du mythe d'Icare se brûlant les ailes pour avoir volé trop près du soleil, ne m'ont pas paru spécialement évocateurs du foisonnement "verdien" de ce très bel opéra sur le plan musical. Les personnages semblent du coup "figés " et la tâche de rendre vivant et clair le tortueux scénario, ne leur est pas facilité. D'autant que seul Hvorostovsky en Renato exprime réellement le caractère de son personnage, entre la fidélité aveugle à son prince et le fureur de se voir cruellement trahi, les évolutions de posture sont perceptibles au delà même des changements de ton et de style de chant. Alvarez (hélas) pourtant habitué du rôle de Riccardo, ne parvient pas à incarner la noblesse du personnage que sa passion pour Amelia rend vulnérable. Il prend, comme à son habitude, une posture de "ténor" de scène qui prête trop souvent à sourire pour être prise au sérieux. Stéphanie Blyte ne ressemble guère à l'image que l'on se fait de la sorcière mystérieuse Ulrica qui jette des sorts dans une atmosphère de maléfice qui n'a rien de comique. Kathleen Kim campe bien son personnage d'Oscar qui rejoint Icare à la fin du bal. Quant à Sondra Radvanovsky, que j'ai vu deux fois en "vrai" dans ce rôle à Bastille (dont une à la place d'Anja Harteros, initialement prévue mais qui avait déclaré forfait), si son jeu n'est pas des plus subtils, elle se sort bien de l'incarnation d'Amélie ici en 2012 au MET, avec un poil plus de raideur qu'à Bastille en 2018... Mais la qualité globale du chant est à la hauteur de ce qu'on attend dans cette partition où Verdi même le bel canto au chant déjà "spinto", presque héroïque, demandant à ses interprètes des prouesses vocales dont ils se tirent tous plus que bien.
Mention spéciale de ce point de vue à Sondra Radvanosky qui donne une véritable leçon de chant, alternant pianissimo et fortissimo sans jamais "décrocher", colorant son chant de mille facettes et nuances et créant à plusieurs reprises des émotions sublimes et inoubliables.
Mais notre regretté baryton russe, mort prématurément il y a plus de deux ans maintenant, Hvorotovsky, n'est pas en reste, chant noble au timbre sombre, legato souples et aigus percutants, il était probablement, avec Ludovic Tézier (qui excella également dans ce rôle), le meilleur baryton verdien du moment.
Alvarez à l'instar de son "jeu", est avare en nuances mais pas en beau chant, son ténor lyrique alors au somment de sa beauté, faisant merveille dans un rôle très exigeant dont il se sort vocalement magnifiquement bien, même si, un Beczala par exemple, m'avait semblé plus impressionnant deux ou trois ans plus tard à Munich, car donnant une interprétation plus complexe et plus "juste".
Bonne coloratura d'Oscar et bons seconds rôles. Blythe ne s'en sort pas trop mal non plus au niveau chant. Et surtout très beaux choeurs et belle direction de Luisi, toujours intéressant dans Verdi. Pas sûre cependant que ce "bal masqué" soit parmi les meilleurs opéra du maestro italien....

23 mai : Don Giovanni (Mozart) MET
Ce soir : Don Giovanni de Mozart, avec une distribution de référence, James Morris en DG mais aussi Gabriel Bacquier qui vous a quittés il y a quelques jours et qui incarnait Leporello, Joan Sutherland (la "Supenda") qu'on a revue il y a une dizaine de jours en Lucia, et la direction musicale de son époux Richard Bonynge. Et il faut reconnaitre que ce Don Giovanni mythique qui date de 1978, avait une sacrée allure. Quelques images sont projetées d'ailleurs durant l'ouverture avec un texte donnant les grands moments de l'opéra pour que le téléspectateur béotien s'y retrouve et l'ensemble de la mise en scène est volontairement très fidèle et très explicite avec une belle direction d'acteur digne des qualités d'une pièce de théâtre ce qui convient bien à l'opéra de Mozart. Drame mais aussi comédie, ce DG est un véritable chef d'oeuvre musical et Bonynge, sans être le meilleur chef que j'ai entendu en la matière, sait donner les accents dramatiques qui ponctuent une partition souvent plus légère, soulignant le génie orchestral et mélodique de Mozart. James Morris est un élégant Don Giovanni, celui dont on rêve sur scène, il a l'élégance de l'aristocrate qui s'amuse, l'insolence et le mépris de sa morgue de sa classe qu'il défend brillamment jusque dans ses lâchetés quand il est découvert dans ses tentatives de "séduction" des femmes, le chant est beau tout en restant parfaitement naturel tout comme le jeu de l'artiste très charismatique et très convainquant (et très puni comme la morale l'exige). Mais le Leporello gouailleur, drôle et très attachant de Gabriel Bacquier lui dispute la vedette en permanence, offrant un subtil contrepoint au cynisme de son maitre, par son attitude plus qu'humaine. Et quelle facilité dans le chant, quelle éblouissante prestation du début à la fin. Avoir une telle paire sur scène était, à coup sûr un bonheur de chaque minute. Mais ce n'était pas tout. Il y a avait aussi la Donna Anna de Joan Sutherland, magnifique dans ses airs de Bel canto, éblouissante de trilles, vocalises, et autres prouesses vocales, dont on regrettera malgré tout le jeu un peu guindé. A l'inverse Julia Varady est une Donna Elvira selon mon coeur sans la moindre réserve. J'aime son jeu décidé qui sait faire apparaitre clairement les hésitations amoureuses d'une femme complexe, dont les failles ne manquent pas. Le chant est vif, décidé, le timbre superbe, et ma foi, je crois que j'ai toujours vraiment apprécié cette magnifique soprano qui s'est beaucoup produite à Munich. Pour parfaire la distribution presque idéale, nous avions également l'excellente Zerlina de la canadienne Huguette Tourangeau. Un cran en dessous, le ténor John Brecknock en Don Ottavio fait un peu pâle figure notamment dans un jeu assez sommaire même si la voix est jolie (le ténor également) et s'il chante avec élégance. Il ne faut pas oublier les "petits" rôles fort bien tenus de Masetto par Allan Monk et du Commendeur par la basse John Macurdy. Un bon Don Giovanni exige cette perfection globale. Celui-ci est resté dans les annales de ce fait.
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24 mai – Faust (Gounod) MET
Ce soir, la classe encore avec l'élégant Faust de Jonas Kaufmann, le Méfisto machiavélique de René Pape, et la Marguerite de Marina Poplavskaya, soprano très en vogue il y a quelques années et qui a arrêté brutalement sa carrière. Direction Yannick Nezet-Seguin, de venu depuis, le directeur musical du MET. Je suis pas fan de cette oeuvre mais la distribution vaut le déplacement....Production de 2011.
La mise en scène de Desmond McAnuff ne faisait pas l'unanimité dans sa proposition d'illustrer ce Faust de Gounod en l'imaginant savant atomiste qui, alors qu'il est déjà vieux, voit exploser la bombe atomique et lorsqu'il signe un pacte avec le diable pour retrouver sa jeunesse, se retrouve propulsée à l'époque, non moins violente, de la Première guerre mondiale. Cela vaut des incursions dans la belle époque, avec ses costumes masculins chics et fort seyants, blancs, puis noir, noeud papillon et cannes à pommeau, ses uniformes et sa croix rouge. Mefisto, comme il se doit, est le diable qui se cache dans les détails des méfaits involontaires du savant atomiste dont on voit la bande de laborantins observer de loin ou de haut, le monde de Marguerite évoluer à ses pieds. L'idée tourne assez vite court et si, esthétiquement, on garde une vision plutôt belle de l'ensemble (vidéos comprises), le fil ne laisse pas de souvenirs marquants pour une mise en scène qui s'appuie sur le décor unique de deux escaliers en colimaçon qui se font face et pratique de très nombreuses coupures qui dépouille un peu l'oeuvre de certaines de ses richesses musicales (sur le plan du livret, j'ai toujours trouvé cet opéra de Gounod trop "boursouflé"). Toute autre chose est la direction musicale colorée, enjouée, subtile et intelligente de "YNS", tout jeune chef canadien à cette époque, déjà enthousiaste (qu'on voit comme Kaufmann, Pape, Marina, interviewé par Joyce Di Donato présentatrice de la soirée) et qui est, aujourd'hui, le directeur musical du MET (entre autres!). Un des "grands" d'aujourd'hui. Il faut dire, que comme il le déclare lui-même, il a une distribution de rêve, retransmission dans tous les cinémas du monde oblige. Jonas Kaufmann, contrairement à ce qui s'écrivit d'ailleurs à tort à l'époque par ceux qui semblaient le découvrir depuis très peu d'années, ne faisait pas sa prise de rôle en Faust à cette occasion. Outre le Faust de la Damnation de Berlioz qu'il avait chanté à maintes reprises dans diverses productions (à la Monnaie sous la direction de Pappano ou à Genève dans une mise en scène très controversée d'Olivier Py), il avait également chanté ce Faust de Gounod en 2004 à Zurich son port d'attache du début des années 2000, se faisant d'ailleurs déjà amplement remarqué dans le rôle par son interprétation magistrale. Il faut dire qu'il allie à une diction enviable et très bien articulée (malgré un léger accent...), un magnifique "phrasé", la beauté d'un timbre très pur, barytonnant sans excès ("sa" marque de fabrique), la facilité d'interpréter un personnage sans pour autant se départir de la recherche du beau chant jusque dans les détails. Il chante l'intégralité du rôle, et la voix et le style coléreux du vieux Faust du début, tranche avec l'élégance et la jeunesse du Faust qui a signé son pacte. Mezzo voce, diminuendo, pianissimo, forte en aigus brillants et longuement tenus (dont l'éclatant contre ut de "demeure chaste et pure", aucune technique n'échappe à Kaufmann, déjà devenu incontournable en cette année 2011 où il vient de briller dans la Walkure sur cette même scène du MET, démontrant sa capacité à incarner Gounod peu après Wagner, mélange des genres assez rare pour un chanteur de son niveau. Talent qu'il partage avec l'étonnant et magnifique René Pape (avec qui il a partagé l'affiche de plusieurs Parsifal d'ailleurs...), capable de "tout" chanter ou presque lui aussi, et notamment ce Mefistofelès de Gounod qui est l'une de ses plus belles incarnations avec celui de Boito dans lequel j'ai eu la chance de le voir à Munich. Très à l'aise dans les grands airs du "diable", il sait aussi se montrer autoritaire, menaçant, moqueur et meneur de revue avec la force de conviction des grands chanteurs-acteurs. Sa complicité avec son vieil ami Kaufmann se ressent d'ailleurs sur scène.
Marina Poplavskaya est une Marguerite un rien chichiteuse, meilleures chanteuse cependant que dans mon souvenir (cela fait quelques années qu'on ne la voit plus sur scène), avec de très grands moments et qui démontre qu'elle avait une "présence" qui sans égaler le charisme de ses partenaires masculins, ne déparait pas. La direction d'acteurs (ou plutôt sa quasi-absence) la livre un peu à elle-même et elle semble se démener un peu "dans le vide" sans vraiment "accrocher" avec ses partenaires. La "passion" entre elle et Faust parait souvent un peu unilatérale...
Beau Valentin de Russell Braun et Siegel un peu effacé par la mise en scène mais bien interprété de Michèle Losier. Les rôles de Wagner (Jonathan Meyer) ou de Dame Marthe (Wendy White), subissent également des coupures qui les rendent très "secondaires" et ne facilite pas la tâche des chanteurs.
Ce "Faust" était sorti en DVD en 2014. On peut donc le revoir pour son exceptionnelle qualité musicale. Avec plaisir.
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25 mai, Manon (Massenet) MET
Ce soir Manon, Netrebko, Beczala....Superbe distribution pour une production de 2012 ! Belle mise en scène de Pelly, intelligente et esthétiquement irréprochable avec quelques idées originales (l'escalier de la liberté à l'acte 1, le ballet qui se termine par les actes prédateurs de ces messieurs en noir à l'encontre de leurs "danseuses"), de très beaux décors et costumes et une excellente direction d'acteur mais que je persiste à trouver un peu "froide" ce qui est un comble pour Manon. L'un des plus beaux rôles d'Anna Netrebko à l'époque, et du coup, l'une des plus vibrantes Manon des dix dernières années. Une métamorphose physique particulière réussie de la jeune fille qui veut s'amuser, à la fille perdue qui meurt sur les bords d'une route, en passant par la séduisante courtisane aux belles robes et bijoux de luxe qui semble trainer son ennui avec distinction. La voix capiteuse et souple épouse le jeu et si les suraigus sont parfois un tout petit peu hasardeux, l'incarnation est si véridique que l'émotion et l'admiration naissent à chacun de ses airs. Piotr Beczala est irréprochable sur le plan du chant même si la voix parait souvent "sur le fil" notamment lorsqu'il la force, ce qui n'est pas toujours du plus bel effet en retransmission. Son jeu me parait toujours un peu suranné et cette fois ne fait pas exception. Dans la même mise en scène, malgré un chant beaucoup plus "débraillé", j'ai trouvé Fabiano beaucoup plus émouvant récemment (aux côtés de Lisette Oropesa). Le Des Griefs de Paulo Szot tient bien son rang et ne manque pas de charisme sur scène, mais on retient surtout dans les rôles secondaires le Guillot de Morfontaine de Christophe Mortagne, le seul qui chante correctement la langue de Molière (qui est la sienne, certes) qu'on peine parfois à reconnaitre dans la prononciation très aléatoire des autres chanteurs. La direction de Fabio Luisa est vive et enjouée, ce chef, sans être exceptionnel, est décidément une valeur sure à l'opéra...
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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Re: Chroniques d’opéras par temps de coronavirus

Message par Loïs » 26 mai 2020, 15:22

HELENE ADAM a écrit :
26 mai 2020, 14:17
Le détail est nettement moins impressionnant évidemment, voire sans grand intérêt. Contrairement à ce qui se dit parfois ici, les mises en scène sont souvent bien meilleures "en vrai" (ne serait-ce que par leur amplitude) qu'en retransmission où l'on ne voit plus qu'un personnage en gros plan.
Ca c'est une discussion qui mériterait un fil dédié mais surtout des contributions de metteurs en scène: dans quelle mesure la retransmission TV ou DVD à venir influe sur la mise en scène? Quand on produit un spectacle au MET on sait que le monde entier y aura accès dans une salle de cinéma de même que l'on sait dès le départ si un spectacle sera enregistré et diffusé ou pas. Est ce que cela entre dans la conception dès le départ (quand je vois certains spectacles de Mc Vicar, je me dis qu'il a déjà une caméra dans l’œil pour certains détails qui seront repris en gros plan) ou il y a t'il une "deuxième lecture" pour l'enregistrement?
Comment se gère les plans larges qui donnent une idée des décors et de leur spatialité et les gros plans qui rendent justice à une direction d'acteur? D'ailleurs en caricaturant il faut mieux la première solution pour les mises en scène conventionnelles mais sans idée qui alignent les personnages sur le plateau comme des poireaux dans un potager (mais avec de beaux costumes) et la seconde pour des contemporaines aux interprétations psychologiques fulgurantes mais où il faut éviter que le regard se fixe sur le lavabo en fond de scène. :mrgreen: Quid de celles qui savent allier les deux?

Je suis preneur de commentaires sur ce sujet de la part de metteurs en scène car si je souscris évidemment pleinement à la phrase d'Hélène je ne peux pas croire que le poids économique et de communication que génère maintenant la redif. ne soit pas prise en compte à la conception d'un spectacle. Et nosu avons bien compris que le monde d'après va accentuer le phénomène surtout si on facture les retransmissions à l'unité et non plus en abonnement.

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Re: Chroniques d’opéras par temps de coronavirus

Message par raph13 » 26 mai 2020, 15:52

HELENE ADAM a écrit :
26 mai 2020, 15:12
10 mai - La Bohème (Puccini) MET 1987
Bon ben ce soir hein, on rate pas l'immense et irremplaçable Pavarotti et sa regrettée Mimi préférée (la mienne aussi d'ailleurs), la touchante Renata Scotto mais aussi la Musetta étonnante et de très forte personnalité de Maralin Niska, et les barytons Ingvar Wixell et Allan Monk, ainsi que la basse Paul Plishka.
Redécouvrir le talent inimitable de Pavarotti dans un de ses rôles fétiches, quand la voix était jeune et sublime est un plaisir en soi. Constater que le ténor mythique chantait aussi bien sans le moindre effort apparent et avec un sens de l’incarnation qui allait bien au-delà du simple « beau » chant, voilà une des grandes jouissances de cette soirée. Quant à Renata Scotto, si son physique ne se mariait guère avec l’image qu’on se fait de la petite cousette Mimi, le fait est que la voix, le style irréprochable, la beauté du regard et bien d’autres merveilles encore, nous la rende inoubliable.
Rien de plus beau que les solos et les duos Pavarotti-Scotto, direction Levine irremplaçable aussi et un final qui laisse sans voix (mais avec des larmes), juste impossible de savoir comment Pavarotti nous donne ce "Mimi" sans crier mais en donnant de la voix, une voix enroulée littéralement dans la musique de l'orchestre, quelque chose d'unique pour un opéra que j'ai pourtant vu des dizaines de fois. Mythique...
Attention : cette Bohème date de 1977 et je pense que tu confonds Scotto (bien vivante) avec Freni qui nous a quitté il y a peu.
D'ailleurs l'animosité entre Scotto et Pavarotti est bien connue, la chanteuse a même été jusqu'à le supprimer de la discographie de sa bio, ne l'y citant que comme "un certain ténor"...
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Re: Chroniques d’opéras par temps de coronavirus

Message par HELENE ADAM » 26 mai 2020, 16:56

raph13 a écrit :
26 mai 2020, 15:52
HELENE ADAM a écrit :
26 mai 2020, 15:12
10 mai - La Bohème (Puccini) MET 1987
Bon ben ce soir hein, on rate pas l'immense et irremplaçable Pavarotti et sa regrettée Mimi préférée (la mienne aussi d'ailleurs), la touchante Renata Scotto mais aussi la Musetta étonnante et de très forte personnalité de Maralin Niska, et les barytons Ingvar Wixell et Allan Monk, ainsi que la basse Paul Plishka.
Redécouvrir le talent inimitable de Pavarotti dans un de ses rôles fétiches, quand la voix était jeune et sublime est un plaisir en soi. Constater que le ténor mythique chantait aussi bien sans le moindre effort apparent et avec un sens de l’incarnation qui allait bien au-delà du simple « beau » chant, voilà une des grandes jouissances de cette soirée. Quant à Renata Scotto, si son physique ne se mariait guère avec l’image qu’on se fait de la petite cousette Mimi, le fait est que la voix, le style irréprochable, la beauté du regard et bien d’autres merveilles encore, nous la rende inoubliable.
Rien de plus beau que les solos et les duos Pavarotti-Scotto, direction Levine irremplaçable aussi et un final qui laisse sans voix (mais avec des larmes), juste impossible de savoir comment Pavarotti nous donne ce "Mimi" sans crier mais en donnant de la voix, une voix enroulée littéralement dans la musique de l'orchestre, quelque chose d'unique pour un opéra que j'ai pourtant vu des dizaines de fois. Mythique...
Attention : cette Bohème date de 1977 et je pense que tu confonds Scotto (bien vivante) avec Freni qui nous a quitté il y a peu.
D'ailleurs l'animosité entre Scotto et Pavarotti est bien connue, la chanteuse a même été jusqu'à le supprimer de la discographie de sa bio, ne l'y citant que comme "un certain ténor"...
La date est rectifiée, mes excuses c'est le MET qui a commis l'erreur et je ne m'en suis pas aperçue tout de suite (alors que la jeunesse de Pavarotti dans cette retransmission saute aux yeux)... quant à Scotto et Freni, non... je ne confonds pas, :wink:
Je pense vraiment que ce fut la plus belle "Mimi" de Pavarotti, de très loin...(question chant fusionnel si tu vois ce que je veux dire).
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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Re: Chroniques d’opéras par temps de coronavirus

Message par jerome » 26 mai 2020, 17:28

Non mais Scotto n'était pas la Mimi préférée de Pavarotti! Sa préférée a toujours été Mirella Freni.

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Re: Chroniques d’opéras par temps de coronavirus

Message par jerome » 26 mai 2020, 17:34

Pour le Don Giovanni extraordinaire avec Morris, Bacquier, Sutherland et Varady, j'ai quand même une réserve: Huguette Tourangeau pas du tout à l'aise dans ses 2 airs. Je sais pourquoi Bonynge l'a voulue (Il a toujours considéré à juste titre que Zerlina n'a jamais été un emploi de soprano léger ni lyrique-léger!) mais là, c'était assez limite ... Mozart ne lui va pas. Cette voix, un peu brute de décoffrage avait besoin de grands élans dramatiques.

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Re: Chroniques d’opéras par temps de coronavirus

Message par raph13 » 26 mai 2020, 18:57

HELENE ADAM a écrit :
26 mai 2020, 16:56
La date est rectifiée, mes excuses c'est le MET qui a commis l'erreur et je ne m'en suis pas aperçue tout de suite (alors que la jeunesse de Pavarotti dans cette retransmission saute aux yeux)... quant à Scotto et Freni, non... je ne confonds pas, :wink:
Je pense vraiment que ce fut la plus belle "Mimi" de Pavarotti, de très loin...(question chant fusionnel si tu vois ce que je veux dire).
C'est l'emploi du terme "regrettée" qui m'a fait penser que tu confondais, puisque c'est Freni qui a disparu récemment :-)
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Re: Chroniques d’opéras par temps de coronavirus

Message par HELENE ADAM » 26 mai 2020, 22:06

raph13 a écrit :
26 mai 2020, 18:57
HELENE ADAM a écrit :
26 mai 2020, 16:56
La date est rectifiée, mes excuses c'est le MET qui a commis l'erreur et je ne m'en suis pas aperçue tout de suite (alors que la jeunesse de Pavarotti dans cette retransmission saute aux yeux)... quant à Scotto et Freni, non... je ne confonds pas, :wink:
Je pense vraiment que ce fut la plus belle "Mimi" de Pavarotti, de très loin...(question chant fusionnel si tu vois ce que je veux dire).
C'est l'emploi du terme "regrettée" qui m'a fait penser que tu confondais, puisque c'est Freni qui a disparu récemment :-)
Oui à la relecture ma phrase est vraiment bizarre. Il y en a surement d'autres, c'est écrit sur le vif et je n'ai pas voulu revoir ma copie. C'est comme je le sentais et certains soirs étaient particulièrement anxiogènes ce qui ne facilite pas toujours le fonctionnement des neurones... :mrgreen:
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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