A votre avis, assiste-t-on à un renouveau de l'âge d'or de l'école de chant français?
Quels sont les artistes actuels qui vous comblent le plus?
Pensez-vous qu'ils soient suffisamment présents sur les scènes françaises?
Y-a-t-il un décalage entre Paris et la province?
Quels sont les concerts et les enregistrements récents ou à venir qui vous semblent les plus intéressants?
Quels seraient vos souhaits en la matière?
Voici un copier-coller reprenant les interventions qui traitaient du sujet sur le fil dédié à Don Carlos et attention au hors-sujet :
Lucas a écrit : ↑02 avr. 2019, 10:53Je relance ce sujet (dont le fil initial a été fermé) en raison de la diffusion sur Arte de ce spectacle pendant tout le mois d'avril.
A vrai dire, j'en salivais d'avance dans la mesure où je n'avais assisté qu'à la représentation B qui m'avait néanmoins enthousiasmé.
Malheureusement quelle déception en raison de la diction consternante de l'ensemble du cast à l'exception de Tézier et d'Abdrazakov
La palme en la matière revient à Garanca, voix superbe qui a malheureusement avalé un chamallow, talonnée de près par Yoncheva qui nous sert une bouillie de voyelles et dont les stridences pénibles dissimulent mal une parfaite inadéquation stylistique. Quand on pense que certains la comparent à Callas qui faisait claquer les consonnes comme personne avec un registre grave et une caractérisation dramatique dont Yoncheva ne peut que rêver.
Un exemple parmi cent : dans le grand air d'Elisabeth au second acte culminant par "Tu vas revoir la France, porte lui mes adieux", on entend "tu a e uoi a fance pau eu lui mes aïeux" Pas sûr que nos aïeux soient vraiment concernés à moins qu'elle n'ait parlé de pot-au-feu, les paris sont ouverts ...
Franchement, à l'aune de ce spectacle qui ne mérite guère sa flatteuse réputation, j'ai souvent pensé au Don Carlos en studio de Claudio Abbado où tout le monde, à l'exception de Raimondi et Domingo, chantait en espéranto ...
Mais plus encore, je ne comprends pas pourquoi on ne confie pas tous ces rôles à des chanteurs français. L'école de chant nationale connait un âge d'or qu'on n'avait pas vu depuis un demi siècle et Courjal, Deshayes et Gens (sous réserve qu'elle ait gardé sa forme vocale de l'enregistrement avec Rousset) donnerait ainsi une réplique autrement idiomatique à Alagna et Tézier (ou Degout si l'on voulait bien penser à lui)
Bref, je sais bien que "nul n'est prophète en son pays" mais quand même ...
HELENE ADAM a écrit : ↑02 avr. 2019, 11:06Sans vouloir relancer toujours les mêmes discussions, il est généralement acquis que les chanteurs français ont une meilleure diction en français que les autres mais d'une part, il y a des exceptions, d'autre part, c'est une règle (chaque chanteur dans sa langue), qui n'a pas trop de sens.
Parmi les exceptions : il suffit d'aller écouter Spyres en ce moment dans le Postillon à Favart pour voir qu'il n'a strictement rien à envier aux "natifs" comme Alagna, Dubois, Barbeyrac ou Degout en diction impeccable. Mais c'est vrai quasiment pour tous les chanteurs américains et... bien d'autres.
Quant à la "règle", elle n'est vraiment pas souhaitable ! Imagine-t-on que Netrebko n'aie chanté que le répertoire russe (car un tel souhait ne peut pas marcher que pour un pays dans un art qui est international par nature) ou Garança le répertoire... letton ?
Concernant le plus connu des chanteurs français, Alagna, impossible de plus, de ne pas penser qu'une bonne partie de ses engagements, relève de son propre choix (il a un poids suffisant pour cela)...
La diction cela se travaille (et se retravaille), pour tous les artistes et c'est vrai que Kaufmann a eu une bien meilleure diction dans Werther ou dans sa tournée "grand opéra français" que lors de ce Don Carlos à Paris par exemple.
PS : le cas "Garança" est spécifique : c'est un peu sa manière de chanter dans n'importe quelle langue...
HELENE ADAM a écrit : ↑02 avr. 2019, 11:06il suffit d'aller écouter Spyres en ce moment dans le Postillon à Favart pour voir qu'il n'a strictement rien à envier aux "natifs"
Lucas a écrit : ↑02 avr. 2019, 10:53Bien sûr que Spyres est une exception aujourd'hui tout comme l'était Berganza hier.
Malheureusement, les chanteurs aussi scrupuleux sont aujourd'hui l'exception et il suffit de voir Netrebko déchiffrer Lohengrin sur un prompteur pour s'en convaincre.
Enfin, je parle de ce Don Carlos et d'aucun autre spectacle et je maintiens que, sur le plan linguistique, c'est un désastre. Sans les sous-titres, on ne comprend rien!
Enfin il me semble que l'école de chant français connaît un âge d'or comme jamais et il serait temps d'en prendre conscience. Inutile d'aller systématiquement chercher ailleurs ce que l'on a sous la main.
Markossipovitch a écrit : ↑02 avr. 2019, 11:18Je répète ce que j'ai dit maintes fois : ajoutons à la liste Jérôme Varnier, Jean Teitgen, François Lis, totalement sous-exploités, Alexandre Duhamel, quasi absent de l'ONP, Julien Dran à qui l'on n'offre que des pannes, trop de chanteurs magnifiques sous-employés par des directeurs de casting au petit pied...
micaela a écrit : ↑02 avr. 2019, 11:24+ 1 Il faudrait d'ailleurs dire chanteurs francophones, sinon que ferait-on des artistes belges ou québécois ?
Et puis il ne faut pas confondre prononciation et diction. Un diction claire avec un accent est préférable à une bouillie servie par un francophone…
Oui, l'ONP fait en ce moment une large part à de jeunes chanteurs. Voire la saison prochaine, et aussi par exemple le prochain Don Giovanni, qui fait une large part à la jeune génération.
Pour Julien Dran, c'est dommage de le voir cantonné aux petits rôles à l'ONP, mais ça relève sans doute en partie d'un choix : pour le moment, il préfère peut-être aborder des rôles plus importants sur des scènes moins exposées.
Lucas a écrit : ↑02 avr. 2019, 11:27Un exemple parmi cent : l'intervention de Thibault qui annonce "Le roi" au second acte. La diction est parfaite, le timbre fort beau et l'on y prête d'autant plus attention qu'on comprend enfin quelque chose après un océan d'esperanto.Markossipovitch a écrit : ↑02 avr. 2019, 11:18Je répète ce que j'ai dit maintes fois : ajoutons à la liste Jérôme Varnier, Jean Teitgen, François Lis, totalement sous-exploités, Alexandre Duhamel, quasi absent de l'ONP, Julien Dran à qui l'on n'offre que des pannes, trop de chanteurs magnifiques sous-employés par des directeurs de casting au petit pied...
Je jette un coup d’œil à la distribution : Eve-Maud Hubeaux. Inconnue au bataillon et pourtant, la reine c'est elle. Je regarde sa fiche sur Wikipedia : elle chante beaucoup à Lyon, Lausanne et Barcelone mais très peu de choses à Paris. Honte à Lissner ...
C'est ce que j'ai voulu dire naturellementHELENE ADAM a écrit : ↑02 avr. 2019, 11:26Oui francophone est le bon terme en effet puisqu'on parle "prononciation" ou "diction" et pas "nationalité" en effet.
Mais ce n'est pas dans Don Giovanni que j'ai envie de les entendre mais dans le répertoire français. Pourquoi ne pas avoir pensé à Véronique Gens pour Elisabeth? Est-ce trop tard?
Quant à cette Eve-Maud Hubeaux, elle aurait avantageusement remplacé Garanca dans Eboli. Le timbre, au demeurant fort beau, est peut être moins légendaire que celui de Garanca mais quel style!
Lucas a écrit : ↑02 avr. 2019, 11:41Il est normal qu'on parle de l'ONP pour critiquer un spectacle de la Bastille. Tu préfèrerais qu'on parle de l'Opéra de Liège?
Et bien ci, c'est peu admissible et manifestement, on fait à Lyon le travail que Lissner ne fait pas à Paris
J'ajouterai que la prestation de Kaufmann est très quelconque. Outre le français appris entre deux avions dans une version qu'il ne reprendra pas, la voix est trop dramatique et mûre, ne suggérant à aucun moment la jeunesse et les élans de l'infant. Tout est trop calculé et "fake" et j'ai trouvé que sur le plan de la prestation scénique (mais pas vocale car il est trop léger pour le rôle), Pavel Černoch lui était très préférable
Sinon, Markossipovitch, outre Alagna, connaissez-vous d'autres chanteurs français susceptibles de bien chanter Don Carlos?
HELENE ADAM a écrit : ↑02 avr. 2019, 11:53Indépendamment de cette Eboli, Eve-Maud Hubeaux, est une mezzo-soprano qui monte, beaucoup moins connue que Garança au moment où ce cast a été décidé (probablement dès 2014 au vu des agendas des stars engagées), mais qui multiplie maintenant les engagements de plus en plus importants. Vue sa jeunesse (née en 1988), c'est au contraire une vraie chance que l'ONP l'ait engagée en Tebaldo dans une production à retentissement international, qui a contribué incontestablement à la faire mieux connaitre puisque son talent dans ce petit rôle a été systématiquement souligné. L'avantage de figurer (bien) dans une production de ce type, est que la presse internationale est présente dès la première, si, par bonheur, elle vous a remarqué, c'est une accélération évidente pour votre carrière.
Elle chante lors de la prochaine saison. à Paris : Suzuki dans la reprise de Butterfly à l'ONP, Telbaldo dans celle de Don Carlo (en Italien cette fois), Isis dans Isis au TCE. Not so bad....
PS : aucune envie de reprendre la discussion sur ce Don Carlos. Dans la salle c'était du délire à la fin de chaque représentation et un grand souvenir opéra en direct pour moi. Jamais regardé le film...
PS2 : les artistes même les plus en vue, ont commencé dans de tout petits rôles de quatrième zone. Il n'y a que rarement des exceptions dans ce nécessaire chemin vers la gloire ( )
Markossipovitch a écrit : ↑02 avr. 2019, 17:02Pour répondre à Lucas, je ne vois qu'Alagna pour le rôle actuellement, mais c'était bien en français qu'il fallait le distribuer.
Pour répondre à d'autres... si vous voulez un robinet d'eau tiède qui encense un établissement qui frustre autant de chanteurs que de spectateurs, allez voir du côté de l'AROP.
Lucas a raison de rappeler des réalités bien évidentes autant que tristes pour les amateurs de l'art lyrique.
Lucas a écrit : ↑02 avr. 2019, 17:09C'est un peu ce que je craignais mais comme vous connaissez mieux que moi les chanteurs français plein d'avenir, j'espérais que vous auriez le nom d'un éventuel successeur.Markossipovitch a écrit : ↑02 avr. 2019, 17:02Pour répondre à Lucas, je ne vois qu'Alagna pour le rôle actuellement, mais c'était bien en français qu'il fallait le distribuer.
Pour ma part, outre son absence dans Don Carlos en français (heureusement que je l'ai entendu là-dedans il y a 20 ans au Châtelet), je regrette vraiment qu'il n'ait pas profité de l'année Berlioz pour enregistrer La damnation de Faust par exemple où il aurait été parfait
Enfin, à ce type d'emploi près, je trouve que le chant français en ce moment, c'est Byzance!
Markossipovitch a écrit : ↑02 avr. 2019, 17:10Là aussi je suis d'accord. C'est fort dommage.Il sera bientôt trop tard.
Lucas a écrit : ↑02 avr. 2019, 17:28Tiens, en relisant un ancien fil, je tombe sur cette suggestion de Jérôme qui s'était amusé à faire une pochette imaginaire et idéale d'un enregistrement des Huguenots. Dommage que personne ne s'en soit inspiré pour Don Carlos ... car Courjal (Philippe II), Gens (Elisabeth), Deshayes (Eboli) et Tézier (Rodrigue) auraient formé un "carré d'as" parfait. On rajoutait Alagna et c'était "in the pocket of the kangaroo"
Et cela nous aurait agréablement changé du volapük du Don Carlos de l'an dernier ...
Oui, elle est hors concours : timbre sublime mais diction inepteHELENE ADAM a écrit : ↑02 avr. 2019, 11:06PS : le cas "Garança" est spécifique : c'est un peu sa manière de chanter dans n'importe quelle langue...
Quand on la regarde de près, c'est un modèle pour l'ouverture du pharynx
Revers de la médaille : elle est tellement obsédée par cette contrainte technique qu'elle a en permanence une patate chaude dans la bouche qui l'empêche de bien articuler
jerome a écrit : ↑02 avr. 2019, 22:22Mais mon Lucas, figure-toi que je l'avais fait aussi pour Don Carlos:Lucas a écrit : ↑02 avr. 2019, 17:28Tiens, en relisant un ancien fil, je tombe sur cette suggestion de Jérôme qui s'était amusé à faire une pochette imaginaire et idéale d'un enregistrement des Huguenots. Dommage que personne ne s'en soit inspiré pour Don Carlos ... car Courjal (Philippe II), Gens (Elisabeth), Deshayes (Eboli) et Tézier (Rodrigue) auraient formé un "carré d'as" parfait. On rajoutait Alagna et c'était "in the pocket of the kangaroo"
JdeB a écrit : ↑03 avr. 2019, 07:48ODB a reçu tous ces artistes (sauf Robinson dont je n'ai jamais entendu parler) !
Je doute fort que KD puisse se hisser au niveau d'Eve-Maud Hubeaux, formidable princesse Eboli à Lyon.
Je ne vois pas trop V. Gens (entendue avant-hier) en Elisabeth à ce stade de sa carrière où alors avec les Talens lyriques...
j'aime beaucoup Courjal mais Philippe II ne semble pas son meilleur rôle.
je préfère Degout à Tézier en Posa
srourours a écrit : ↑03 avr. 2019, 08:58Idem. J'adore Gens mais je ne l'entends absolument pas dans VERDI. Hubeaux doit être préférable à deshayes que j'entends trop soprano 2 pour le rôle. Courjal ça devrait être pas mal du tout. Et pour Posa, Dégoût n'est pas prêt de rechanter le rôle je pense...
Lucas a écrit : ↑03 avr. 2019, 09:23Sur Véronique Gens, vous ne faites que conforter mes craintes émises dans un autre fil.
Et pourtant, il y a 8 ans, son air d'Elisabeth au dernier acte était superbe dans le récital ci-dessous :
Oui, Hubeaux que je viens de découvrir et dont j'ai parlé hier serait une Eboli idéale
Quant à Courjal, on peut entendre son grand air de Philippe II sur YT et c'est royal
Enfin, suis-je le seul à en avoir ras-la-casquette de René Pape distribué dans le Don Carlo italien de l'an prochain à l'ONP? Franchement, outre Courjal, on peut trouver aujourd'hui beaucoup mieux dans la jeune génération, du coté des deux Alexander (Tsymbalyuk et Vinogradov) notamment et l'on ne dénoncera jamais assez la fainéantise des directeurs artistiques des grandes salles qui préférent distribuer des chanteurs à la retraite (Domingo, Nucci, Furlanetto dans la Forza de Londres dans un rôle jadis défendu par Siepi et Ghiaurov à leur zénith!) au lieu de donner leur chance à des jeunes chanteurs infiniment plus talentueux et à l'agenda un peu clairsemé au prétexte qu'ils sont probablement moins "bankable"