Verdi - Les Vêpres siciliennes - Pappano/Herheim - ROH 10/13

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paco
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Verdi - Les Vêpres siciliennes - Pappano/Herheim - ROH 10/13

Message par paco » 17 oct. 2013, 23:38

Royal Opera House, Londres, 17 octobre 2013

Mise en scène : Stefan Herheim
Direction musicale : Tony Pappano

Hélène : Lianna Haroutounian
Henri : Brian Hymel
Guy de Monfort : Michael Volle
Procida : Erwin Schrott
Thibault : Neal Cooper
Robert : Jihoon Kim
Béthune : Jean Teitgen
Vaudemont : Jeremy White
Daniel : Nicolas Darmanin
Ninetta : Michelle Dally


Eh bien finalement, malgré tout ce que l’on pouvait craindre (distribution pas enthousiasmante sur le papier, production précédée de couacs avec notamment le retrait de la participation du Royal Ballet), ce spectacle est une réussite, pas un sommet car il y a çà et là quelques faiblesses, mais une vraie réussite, tant vocalement que théâtralement, saluée par une salle enthousiaste, ne ménageant pas ses ovations aux chanteurs, aux danseuses, au chœur, à Tony Pappano et à Stefan Herheim (avec pour celui-ci quelques rares huées isolées - inévitables pour toute nouvelle production de nos jours, même à Londres- vite couvertes par les ovations avec même des grappes de spectateurs ovationnant debout au parterre et aux balcons…).

Ceux qui espéraient de Stefan Herheim une lecture provocatrice en seront pour leurs frais (j’imagine d’ailleurs qu’il va, pour cette raison, se faire massacrer par la presse UK qui adore le « décalé »). La production surprend en effet par son classicisme et son travail très soigné de la partition musicale. Elle se lit à trois niveaux :

- un contexte « Risorgimento » bien dans l’esprit de l’œuvre, avec ses soldats autrichiens tout en noir et or contrastant avec la foule de paysans aux habits très colorés

- l’esprit « Grand Opéra », rendu par l’omniprésence du ballet. Le décor est d’ailleurs une sorte de reconstitution de la Salle Le Pelletier, avec son foyer de la danse. Cette approche donne lieu à des images absolument saisissantes, notamment les jeux de miroir reflétant, dans des tons noir & blanc, des danseuses en tutu comme sorties d’une lithographie de l’Opéra, il ne manque plus que le parfum de la naphtaline… Cette recherche des racines « Grand Opéra » est également poussée jusqu’à la gestuelle de certains duos ou quatuors, où les chanteurs se tiennent par la main face au public comme dans l’opéra de grand-papa. Quant au ballet, il intervient à de nombreuses reprises, toujours très à propos par rapport à la partition et à l’action, et toujours comme une réminiscence du contexte de la création de l’œuvre : tutus, barres, pointes, toupies, fouettés, …

- 3e niveau : un travail approfondi du personnage de Guy Monfort, transformé ici en personnage central du drame qui se noue, dont la complexité tyran sanguinaire / père qui souffre du rejet de son fils est particulièrement travaillée.

Quelques sommets : le duo père-fils du IIIe acte, tant théâtralement que vocalement, la scène de la prison, avec ses miroirs déformants. Quelques faiblesses aussi : par exemple, pourquoi avoir supprimé le Ballet des Quatre saisons au IIIe acte dès lors que la thématique du ballet est centrale à cette production ? Egalement une difficulté à faire de Lianna Haratounian une actrice, probablement faute de répétitions (elle remplace Poply).

La réussite majeure de cette production réside dans sa capacité à coller à la partition, à transformer ses différents climats en quelque chose d’évident sur scène, que ce soit au niveau esthétique que théâtral.

Egalement un travail très soigné sur l’acoustique, les différents mouvements de machinerie (oui, le décor – déjà impressionnant en soi - se promène souvent sur la scène) permettant quand il le faut de créer une véritable coque pour les chœurs et chanteurs, valorisant les chants patriotiques et grands ensembles lyriques. Moi qui goûte peu cette œuvre, j’ai pourtant été ému à deux reprises ce soir !
Et globalement, une succession d'images, de lumières, de diagonales, de plans tous très beaux, très bien travaillés, très en situation, intelligents. Voilà un metteur en scène !!!

Au niveau des interprètes, le triomphe de la soirée repose selon moi en grande partie sur le génial Michael Volle, que je n’imaginais pas du tout dans Verdi. Outre une composition remarquable du personnage, son chant est magnifique de bout en bout, puissant, homogène, coloré.
Epatant aussi, Bryan Hymel, malgré un tout petit accident sur un contre-ut dans son grand air du IV. Mais la bonne vingtaine de si, contre-ut et contre-ré qui parsèment le reste de la partition, il les chante avec une puissance et un naturel stupéfiants ! Très investi dans son rôle, il sait aussi varier les couleurs et finit à plusieurs reprises par émouvoir. Avec Michael Volle, il nous a livré ce soir un grand moment dans le duo du IIIe acte.

Le cas de Lianna Haroutounian est plus compliqué : le début est spectaculaire, les aigus tranchants, les vocalises chantées avec une bravoure sidérante, les couleurs remarquablement variées, du piano sombre et velouté au medium puissant. On se dit « Wouaou, on tient là l’Hélène de la décennie ! et même une Odabella, une Abigaille, … ». Mais à partir du IVe acte la voix commence à fatiguer, jusqu’à un tout petit accident sur un aigu dans son grand air, et au V une sicilienne menée proprement mais où on sent l’effort, l’aigu devenant de plus en plus poussif au fur et à mesure que la soirée avance. Par ailleurs, la musicienne est froide, on sent rarement l’émotion. Sans doute murira-t-elle au fur et à mesure des représentations, cela vaudra le coup de revenir dans deux ou trois semaines.

Enfin, Erwin Schrott, triomphateur à l’applaudimètre, m’a surpris : eh oui, lui d’ordinaire si indigent vocalement s’est révélé plutôt bon ce soir. Bon certes il faut aimer cette voix « à la Furlanetto », caverneuse, tubée, mais force est de dire que la puissance, la chaleur du timbre, le legato, le charisme étaient là, ce que je n’avais encore jamais vu chez lui. Une très bonne surprise !

Les seconds rôles sont théâtralement très soignés, vocalement de bon niveau (excellent Jihoon Kim), en revanche leur français est incompréhensible…

Tony Pappano a recueilli un triomphe au salut final, avec tapements de pieds, hurlements etc. Personnellement pour une fois je ne partage pas cet enthousiasme, j’en parle d’autant plus facilement que la plupart du temps j’admire le travail de ce chef. Ce soir j’ai entendu une lecture propre, dynamique, aux tempi bien choisis, mais il manquait une interprétation, des contrastes. C’était très bien, mais Pappano nous a habitués à plus original.

Enfin, les danseuses choisies par le chorégraphe André de Jong, techniquement fort sollicitées, sont excellentes (et furent très applaudies).

Au global cette soirée fut une très bonne surprise (j’étais tellement peu tenté sur le papier que j’avais pris des places au dernier moment), il s’agit finalement de la première réussite, en termes de nouvelle production, du mandat de Kasper Holten. Enfin !

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Re: Verdi - Les Vêpres siciliennes - Pappano/Herheim - ROH 1

Message par Bernard C » 18 oct. 2013, 00:03

Merci pour cette passionnante critique

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Re: Verdi - Les Vêpres siciliennes - Pappano/Herheim - ROH 1

Message par jerome » 18 oct. 2013, 00:29

Donc pas de contre-mi dans le Boléro je suppose ?

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Re: Verdi - Les Vêpres siciliennes - Pappano/Herheim - ROH 1

Message par Snobinart » 18 oct. 2013, 06:27

Je vais à la dernière. On pourra comparer :) (moi ce sera avec Pospy si ça ne change pas)

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Re: Verdi - Les Vêpres siciliennes - Pappano/Herheim - ROH 1

Message par Martine » 18 oct. 2013, 08:38

J'y serai le 2 novembre avec Poply peut-être ...

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Re: Verdi - Les Vêpres siciliennes - Pappano/Herheim - ROH 1

Message par PlacidoCarrerotti » 18 oct. 2013, 09:25

jerome a écrit :Donc pas de contre-mi dans le Boléro je suppose ?

Pas plus qu'à Bilbao, j'imagine :wink:
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Re: Verdi - Les Vêpres siciliennes - Pappano/Herheim - ROH 1

Message par Snobinart » 18 oct. 2013, 09:28

Il est écrit ou donné par tradition interprétative ?

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Re: Verdi - Les Vêpres siciliennes - Pappano/Herheim - ROH 1

Message par calbo » 18 oct. 2013, 09:31

Merci pour ce CR détaillé. Nous voila donc "au parfum" en ce qui concerne ces Vêpres :mrgreen: . Je serai à la retransmission du 4 novembre. A suivre :)
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Re: Verdi - Les Vêpres siciliennes - Pappano/Herheim - ROH 1

Message par paco » 18 oct. 2013, 11:28

jerome a écrit :Donc pas de contre-mi dans le Boléro je suppose ?
non

un contre-ut arraché au milieu d'une vocalise (mais les aigus des trois premiers actes étaient impeccables)

en revanche Hymel n'a fui devant aucun aigu, contre-ré inclus, et avec beaucoup de panache !

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Re: Verdi - Les Vêpres siciliennes - Pappano/Herheim - ROH 1

Message par paco » 18 oct. 2013, 11:30

Pour ce qui est de l'éventuel retour de Popsy, j'ai de sérieux doutes si j'en juge par les conversations entendues hier à l'entracte, elle fait réellement face à de sérieux problèmes de santé depuis quelques mois, qui affectent ses possibilités vocales, et je ne vois pas comment elle serait miraculeusement guérie pour début novembre

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