Haendel : Ariodante - Curtis - TCE, le 23 mai 2011

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Haendel : Ariodante - Curtis - TCE, le 23 mai 2011

Message par Asvo » 24 mai 2011, 00:49

Alan Curtis direction

Joyce DiDonato Ariodante
Marie-Nicole Lemieux Polinesso
Karina Gauvin Ginevra
Sabina Puertolas Dalinda
Nicholas Phan Lurcanio
Matthew Brook Le Roi
Paolo Borgonovo Odoardo
Il Complesso Barocco

Compte-rendu à chaud de cette superbe soirée. Remarquez que vous pouvez écouter l'album avec presque cette distribution (en mieux en fait puisque Topi Lethipu remplace Nicholas Phan).

Je ne connaissais que des bouts de l'Ariodante avec Anne-Sophie von Otter. J'ai donc en premier lieu découvert un drame bien ficelé avec de superbes airs, de très beau ensembles : si l'on considère l'oeuvre en elle-même, je la trouve superbe, même si j'ai trouvé un peu "too much" les 3 airs presque consécutifs de lamentation de Ginevra. L'histoire est simple : Ariodante et Ginevra s'aiment, ce qui n'est pas au goût de Polinesso qui va faire croire à Ariodante que sa chérie le trompe (il met au point cette manipulation à l'aide de Dalinda). Au deuxième acte, Ariodante se sent perdu lorsqu'il croit que Ginevra le trompe (c'est le moment du "scherza infida"). Il part, on le croit mort : c'est alors à Ginevra de se lamenter. À la fin le méchant meurt et tout rentre dans l'ordre :)

Pour ma part, j'ai adoré, pour des raisons différentes mais avec une intensité égale, DiDonato et Lemieux. J'en parlerai plus tard.

Paolo Borgonovo joue un tout petit rôle, je n'ai pas les moyens de décrire sa performance.

L'autre ténor,Nicholas Phan, m'a laissé une impression mitigée. Objectivement je n'ai pas vraiment apprécié son timbre, son engagement scénique ou sa technique mais j'aimerais vraiment l'entendre dans disons 5 ans. Je n'ai pas d'expérience ou de connaissance particulière qui me donne de la légitimité pour dire ceci mais j'ai l'impression que c'est un ténor baroque en deveniR.

Le baryton-basse qui chante et joue le rôle du père de Ginevra est parfaitement dans son rôle : protecteur, aimant autant Ariodante que sa fille, la voix est maîtrisée et très théâtrale.

Grande découverte pour ma part à l'écoute de Sabina Puertolas. La voix est très légère, un peu verte et acidulée, parfait pour le rôle qu'elle a à chanter. Je n'aime pas la manière de faire ses vocalises mais je trouve ces voix assez translucides très appréciables pour des seconds rôles d'opéras baroques : cela permet de bien contraster avec les voix "poids lourd" des rôles principaux.

En parlant de rôles principaux, j'ai eu peur au début en entendant Karina Gauvin : la québécoise incarnait davantage un héros viril qu'une du type de Ginevra. Mais dès son troisième air, on sent un changement de personnalité et le souvenir que j'avais d'elle en superbe Holoferne vengeur de Judith dans l'opéra de Vivaldi, au profit de l'héroïne d'Ariodante. Sa virtuosité est superbe, bien que souffrant un peu de la comparaison avec Lemieux et DiDonato. En revanche elle est presque inégalable dans les airs lents : le troisième acte est sublimé par sa prestation.

Enfin, l'affrontement Lemieux / DiDonato est exceptionnel. Le contralto québécois, que je voyais pour la première fois, fait preuve d'un engagement scénique qui m'a bluffé. On se demande comment elle a fait pour ne pas arracher les pages de sa partition tant elle les tournait avec violence dans les airs de fureur :) J'ai particulièrement apprécié sa colère dans "Se l'inganno sortisce felice". La voix est encore plsu souple et profonde dans les graves, c'est impressionnant. En un mot, cela confirme ce que j'avais entendu en disque : je l'aime :D

DiDonato est peut-être plus discrète d'un point de vue de l'engagement théâtral, même si elle est très touchante dans certains moments le scherza infida). Mais la voix est toujours aussi parfaite. DiDonato ne cherche pas à imiter ce qu'a pu faire Von Otter : elle sait que sa voix est plus à l'aise dans l'aigu, et livre par exemple un scherza infida beaucoup moins macabre que celui de Von Otter, plus charnel, lumineux et amoureux. La virtuosité est beaucoup plus "légère"que celle des deux autres rôles principaux. Cela permet de bien opposer les deux rivaux.
DiDonato a remporté un triomphe après chaque air, triomphe bien mérité à mon avis.

--

Enfin, pour ce qui est d'Allan Curtis et de son complesso barocco, j'ai aussi eu une agréable surprise. Souvent déçu par Curtis et son orchestre dans les autres Haendel qu'il a enregistrés, je trouve moins de rigidité, plus de nuances que précédemment. Les violons me plaisent moyennement mais le pupitre de bois est formidable. Ce soir les cors ont eu de nombreux problèmes, mais bon ce sont des cors naturels.

En somme, une excellente soirée, un bon succès devant une salle comble, et 3 heures et demie qui passent à une vitesse incroyable.

Le CD est vraiment à écouter aussi.

rhetenor
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Message par rhetenor » 24 mai 2011, 01:42

Je te trouve bien tiède. Donato a été sublimissime... vraiment... rien ne lui résistait... elle était survoltée... personne n'osait tousser pendant qu'elle chantait. T'as entendu ce silence ?
Lemieux et Gauvin, excellentes, chacune dans leur genre, mais un cran en dessous néanmoins.
Sympa, la petite espagnole. Voix fraîche, vive, un peu pointue, comme souvent chez les Espagnoles. Belle musicalité.
Phan... ténor diaphane... les vocalises savonnées... la voix qui se durcit dès qu'il la pousse... et des détimbrages, ouh la la... mais je suis d'accord avec toi, il est attachant. Seulement il doit encore travailler.
Brooks... bof... un peu quelconque, la voix n'est pas très belle.
Le comprimari, je l'ai trouvé très mauvais... voix pas assurée du tout.
Orchestre moyen, parfois approximatif. Les cors ont eu de méchants couacs - j'ai failli éclater de rire pendant l'air du roi.
Dommage qu'ils aient viré les choeurs...
Super soirée, super ambiance, salle archi-comble et public en délire.
Ca valait le coup de venir !

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Message par Adalgeesira » 24 mai 2011, 08:22

Au début, c'est Gauvin que j'ai trouvé largement supérieure. didonato tiède. Et puis... Preparate a morire... Grandiose. Et scherza infida dans une tension émotionnelle incroyable. Un tour de chauffe et puis du grand JDD. Lemieux le mieux! magnifique, quelle présence, quelle aisance, quel son, quels graves, quelle agilité (bcp mieux que lors du récent orlando furioso)! enfin puertolas est une agréable surprise en Dalinda, fraîche et acidulée, souple et aisée, à suivre!

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Message par Ruggero » 24 mai 2011, 08:32

Salle archi-comble, en effet.
Dommage que Curtis distille un ennui incommensurable dans cette oeuvre pourtant géniale, mais ce n'est pas nouveau : sa direction pépère se délite dans des tempos étirés qui, en plus de frôler parfois le ridicule* et de mettre au défi les capacités d'étirement de nos mandibules, fait prendre de gros risques aux chanteurs.
Et en particulier à DiDonato qui, loin d'avoir été parfaite hier soir, a fait preuve d'un grand malaise (certains parleraient plutôt de prudence) dans les vocalises des airs de bravoure. Je ne sais pas si c'est totalement la faute du chef, mais ces respirations prises n'importe où et ces fins de phrases éteintes dans les extrémités de ses poumons vides ne rattrapent guère l'impression désagréable que laissent des intonations pas très propres (auxquelles elle nous a depuis longtemps habitués), notamment lorsqu'elle s'appuie sur ses graves tubati.
Dans ce triste tableau, on retiendra tout de même de beaux moments (un "scherza, infida" pris à un tempo décent, notamment), mais surtout grâce à Karina Gauvin et, dans une moindre mesure, Marie-Nicole Lemieux, dont la voix vibre beaucoup trop à mon goût pour ce répertoire mais qui fait tout de même de cette partition quelque chose d'intéressant.


* un ridicule renforcé par la gestuelle vaseuse de cet excellent musicologue mais très mauvais chef qu'est Curtis
L'opéra semble voué à être le dernier refuge du besoin de la beauté artistique en toc.
(Bernard Shaw, 1898)

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Message par Asvo » 24 mai 2011, 09:36

rhetenor a écrit :Je te trouve bien tiède. Donato a été sublimissime... vraiment... rien ne lui résistait... elle était survoltée... personne n'osait tousser pendant qu'elle chantait. T'as entendu ce silence ?
Non je n'étais pas tiède lorsque j'ai écrit le compte-rendu, simplement fatigué :)

Je suis parfaitement d'accord, JDD sait à merveille créer des instants de léger silence où toute la salle retient son souffle : c'est assez magique. C'est la deuxième fois seulement que je la vois en concert, j'ai l'impression qu'elle gère parfaitement son public, et parvient à l'emmener où elle veut.

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Message par utania27 » 24 mai 2011, 12:29

Vous vous souvenez sans doute de quelle manière JDD avait fait un atout de son handicap momentané dans la caractérisation de sa Rosine du Barbier au ROH. Et bien hier Joyce n’avait besoin ni de mise en scène ni de costumes pour Ariodante! Elle vivait totalement son personnage, gestes, attitudes, expressions du visage. Et la voix! C’est la première fois que je l’entendais “en live”. Admirablement projetée, jouant tantôt sur sa puissance, tantôt sur sa capacité à faire entendre inflexions et couleurs, qui enrichissent son interprétation de sublime façon! Et d’une virtuosité absolue, à l’aise dans les registres grave et medium, couronnant ses airs de coda très sopranisantes. A noter un tempo plus rapide que dans l’enregistrement qui vient de sortir, pour Dopo notte, qui sied davantage au climat et à la bravoure de l’air.
Triomphe mérité, même si la salle, quasiment en apnée (on aurait pu entendre une mouche voler), lui était acquise dès le départ (à en entendre les réflexions autour de moi, beaucoup étaient venus pour elle).
J’ai trouvé Karina Gauvin très bien, belle voix, puissante, virtuose, chant très sensible aussi, Sabina Puertolas et la basse Matthew Brooke étaient parfaits. J’ai bien aimé le timbre du ténor (Lurcanio), mais il est vrai qu’il y a encore quelques incertitudes dans la voix et le chant.
Toute petite déception du côté de M.N.Lemieux, j’ai trouvé que la voix manquait un peu de puissance, mais l’interprète est parfaite et très engagée!
Côté orchestre, nombreuses difficultés du côté des cornistes, et direction parfois un peu molle et manquant de vie d'Alan Curtis, par rapport à Minkowski.
Ambiance enthousiaste malgré ces quelques réserves, salle comble, une soirée comme on les aime!

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Message par genoveva » 24 mai 2011, 13:46

Oui, une soirée comme on les aime !

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Message par utania27 » 24 mai 2011, 21:24

Cela n’a plus rien à voir directement avec la musique, mais avez- vous remarqué comment Joyce multiplie les gestes de camaraderie envers ses collègues, et comme elle refuse de tirer la couverture (du triomphe) à elle ? Je trouve ça adorable, et assez rare comme comportement! :clapping:

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Message par Adalgeesira » 25 mai 2011, 00:53

U
utania27 a écrit :Cela n’a plus rien à voir directement avec la musique, mais avez- vous remarqué comment Joyce multiplie les gestes de camaraderie envers ses collègues, et comme elle refuse de tirer la couverture (du triomphe) à elle ? Je trouve ça adorable, et assez rare comme comportement! :clapping:
c'est ce que j attends d une grande chamteuse et les plus grandes paryagent toujours leurs triomphes.

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Message par utania27 » 25 mai 2011, 05:58

Tout à fait d'accord! C'est une preuve de sensibilité, de goût et d'intelligence, cela s'accorde avec le fait d'être une grande artiste!

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