Mon père était encore collégien en 1976 et pourtant je ne te vois pas du tout comme un vieux schnock rabat-joie. Après la première, je suis retourné hier soir voir cet Or du Rhin et, bien que mieux placé, mes impressions de la première se sont confirmées, voire aggravées. Je souscris aux commentaires dénonçant l'accumulation bête de poncifs dans ce spectacle, malgré de jolies choses (les vagues de mains rouges, et en fait, pas grand chose d'autre!). Del Monaco, dans Chénier, n'offrait aucune unité stylistique d'un acte à l'autre. Ici, Krämer propose quelque chose d'assez uni mais qui constitue un tel fourre-tout qu'on ne perçoit aucune unité de sens. Lui qui met tellement en avant (nouveau poncif, d'ailleurs) les "fils", notamment rouges (4e scène), semble n'avoir aucun fil rouge à proposer au spectateur. Et ces costumes sont décidément bien laids.Olric a écrit : Je sais, pour les jeunes spectateurs, qui n'étaient pas nés en 1976 et qui découvrent le Ring, mon discours peut paraître un peu vieux schnock rabat-joie.
Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est la direction musicale. J'avais un préjugé très favorable sur Philippe Jordan, pourtant. Mais un directeur musical qui ne dirige, en une saison entière, que les deux premiers volets d'une œuvre, le Ring, et qui apparemment ne sait pas diriger cette musique, c'est tout de même préoccupant, notamment en ce qui concerne la saison prochaine (mais où sont les grands chefs??? Mêmes les théâtres de répertoire invitent des chefs comme Ozawa, Dohnanyi, Muti, Minkowski, Salonen, etc.). Un prélude aussi raté que la "marche" conclusive, une incapacité à proposer des nuances en-dessous du mezzo-piano et au-dessus du mezzo-forte, un tel manque de fluidité, aussi peu de sens théâtral s'ajoutent à une maladresse navrante dans la gestion des contrastes de couleurs qui sont pourtant un des fondamentaux de cette partition. Bref, un ensemble terne, sans saveur, qui n'a pas progressé entre la première et la presque dernière représentation.
La soirée n'est pas vraiment sauvée par la distribution, moyenne, avec, pour nuancer ce que j'écrivais ici après la première, des éléments moins bons ou moins mauvais que d'autres. Tout le monde remplit son contrat, chante les notes sans accident, certes. Mais beaucoup ont des timbres très peu séduisants (Struckmann, Begley), des problèmes de projection (Sidhom), ou encore manquent tellement d'éclat (Struckmann encore, Youn). Heureusement, la belle Fricka de Koch (malgré un jeu d'actrice peu convainquant), la caractérisation du personnage d'Alberich par Sidhom, la belle voix de Paterson ou encore l'interprétation très honorable d'Ablinger-Speerhacke compensent ces impressions négatives.
Bref, même si on n'est pas au niveau pitoyable des Mireille, Chénier, Sonnambula et autres ratages joeliens, on ne peut vraiment pas dire que cette production soit un grand moment d'opéra, ni scéniquement ni musicalement. A quoi bon avoir demandé une nouvelle production à un tâcheron qui en est à sa troisième version du Ring (alors que bien des gens auraient eu leur beau mot à dire, Py notamment, comme suggéré plus haut)? Pourquoi prendre le risque de confier cette partition à un jeune chef qui n'en est pas à la hauteur?