Reprise d'Ariadne auf Naxos à Bastille

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Message par tuano » 30 oct. 2004, 11:33

C'est sûr que Gruberova n'aurait rien à faire parmi un groupe de vacanciers du Club Med qui va embêter une SDF dans un chantier laissé à l'abandon...

Je me doutais bien qu'on ne pourrait pas faire appel à elle, hélas, pour ce spectacle. De toute façon, son agenda est plein.

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Message par Christopher » 30 oct. 2004, 12:11

Mais Gruberova chantera-t-elle un jour à Bastille ?

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Message par Ouf1er » 30 oct. 2004, 12:14

Christopher a écrit : A la fin, l'orchestre était très admiratif de leur jeune chef Philippe Jordan, qui semble donc très apprécié des musiciens : on ne voit pas si souvent une telle marque d'admiration.
Oui, on l'avait oublié, çui-là dans les "dynasties musicales"...
Mais pour une fois qu'un artiste "fils à papa" a le talent requis pour faire honneur à la dynastie !

Philippe Jordan, (fils d'Armin, faut-il le rappeler) a été aussi tres apprécié par l'orchestre de l'opéra lors de son passage à Lyon. Sa carrière est en fort bonne voie.

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Message par tuano » 30 oct. 2004, 12:37

Christopher a écrit :Mais Gruberova chantera-t-elle un jour à Bastille ?
Non. Les oeuvres qu'elles chantent encore et qui sont au répertoire de l'Opéra Bastille sont Ariadne auf Naxos, Lucia di Lammermoor, Don Giovanni et Norma.

On sait déjà que c'est Christine Schäfer qui incarnera Donna Anna à l'Opéra de Paris.

Gruberova n'a chanté qu'un seul soir à l'Opéra Bastille. Je n'y étais pas.

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Message par faustin » 30 oct. 2004, 14:15


La production gagne vraiment au changement de lieu : le gigantisme du plateau de Bastille correspond parfaitement au décor de Chantal Thomas qui y est mis en valeur...
Pas d'accord, il n'y a pas de miracle. En dépit des qualités de la représentation à la Bastille, une grande part de magie s'est perdue et je m'y attendais.

A Garnier, la maison en construction faisait comme un petit château, elle est devenue un amoncellement de béton.

C'est une gageure, et peut-être un contre-sens de représenter à la Bastille cet opéra de toute évidence destiné à de petits espaces puisqu'il n'y a pas de choeurs et que l'orchestre est réduit.

A aucun moment l'esthétique de cette oeuvre n'est grandiloquente. En gonfler les dimensions ne peut que lui nuire. Les scènes de comédie n'ont pas besoin d'être représentées sur une vaste scène. Quant aux scènes "sérieuses", elles expriment une grandeur des émotions, des sentiments ressentis par les personnages; à aucun moment l'oeuvre ne se départit d'un certain intimisme et c'est pourquoi une scène de dimensions réduites lui convient mieux.

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Message par philou » 30 oct. 2004, 14:21

tuano a écrit : On sait déjà que c'est Christine Schäfer qui incarnera Donna Anna à l'Opéra de Paris.

Gruberova n'a chanté qu'un seul soir à l'Opéra Bastille. Je n'y étais pas.
Elle a chanté quoi Grubi ?

Schäfer en Anna ? Ca promet ! :tongue:

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Message par faustin » 30 oct. 2004, 15:02

tuano a écrit :Je n'ai jamais aimé ni compris cet opéra. L'intrigue ne fait que reprendre de manière délayée le sujet des nombreux airs de Metastasio au XVIIIème : après la pluie brille à nouveau le soleil etc. ...
Je trouve ça franchement sommaire comme sujet d'opéra.

Malgré tout ce que je viens d'écrire, je ne pense pas être un straussien moins patenté que d'autres. J'ai juste un problème avec Ariadne, surtout que le personnage sonne faux à cause du prologue, où ce n'est qu'une prima donna capricieuse et vaniteuse.

Pour moi, le Compositeur est une créature hybride, mal définie, sortie d'un chapeau pour essayer de sauver l'oeuvre du naufrage de la représentation avec le Bourgeois gentilhomme.
Cher Tuano, on n'est jamais obligé d'aimer et on ne comprends pas forcément tout du premier coup, ceci dit, ça fait assez mal de lire ça.

Ariane à Naxos, une oeuvre à la thématique sommaire? Mais c'est tout le contraire!

Si tu as un moment, essaye de lire ou de relire le livret de Hugo von Hofmanstahl. Ariane à Naxos est une méditation d'une subtilité incroyable sur l'art, sur les rapports entre art et société, sur la prostitution de l'art, mais surtout sur les rapports entre art de divertissement (la comédie italienne) et l'art qui aspire à l'absolu. La première partie est une comédie criante de vérité, je crois digne des plus grands auteurs dramatiques. Les personnages, tous autant qu'ils sont, sont criants de vérité. C'est absolument fantastique d'entendre, dans la musique apparaître, comme des échappées, les thèmes de la deuxième partie, cette interpénétration du trivial et du sublime a quelque chose de fabuleux! Il est admirable ce passage où le compositeur, séduit par la merveilleuse Zerbinette, a la révélation de ce que l'art de second ordre peut aussi accéder au grand art.

Le compositeur, c'est bien évidemment Richard Strauss lui-même qui se présente comme assoiffé d'idéal, qui ne supporte pas d'avoir à faire des concessions et qui tenté par le suicide tant lui est pénible l'incompréhension qu'il rencontre.

La thématique de l'opposition et du dialogue entre les différents univers artistiques prend toute son ampleur dans la deuxième partie. Le drame de la Princesse abandonnée par Thésée est vu comme une petite histoire banale du côté des comédiens qui ne pensent qu'à rigoler et comme une authentique tragédie par les autres et le dialogue entre les uns et les autres est un vrai bonheur pour les sens et pour l'esprit.

Il y aurait encore mille et mille choses à dire sur cette oeuvre qui est une des plus subtiles qui soient et je suis loin, pour ma part d'en avoir épuisé les richesses littéraires et musicales.

Faustin

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Re: un bonheur pour les sens et pour l'esprit

Message par tuano » 31 oct. 2004, 00:00

philou a écrit :
Elle a chanté quoi Grubi ?
Un Liederabend.

faustin a écrit :
Cher Tuano, on n'est jamais obligé d'aimer et on ne comprends pas forcément tout du premier coup, ceci dit, ça fait assez mal de lire ça.
Tu es sacrément fragile ! Après le duo des chats qui t'a traumatisé, voici le fait que je n'apprécie pas tellement cette oeuvre !

Merci pour tes explications qui me font mieux comprendre les qualités de cet opéra. Je suis tout à fait capable de changer d'avis. Lorsque je suis allé voir Arabella, un spectateur m'a dit à l'entracte pourquoi il trouvait cette oeuvre supérieure au Chevalier à la Rose. Depuis, Arabella est devenue mon opéra préféré alors que je trouvais le scénario médiocre !

Je continue à avoir du mal avec le Prologue. Déjà, ça a été rajouté pour sauver le reste. Strauss et Hoffmanstahl n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur certains points, en particulier la tessiture du Compositeur. Je doute fortement que Strauss se soit identifié à ce personnage. Non seulement, le choix d'en faire un soprano me semble contredire cette idée mais surtout, il n'est historiquement pas le compositeur qui ait eu besoin de se plier aux goûts du public ou des mécènes. Il était très apprécié, subir quelques échecs ne le dérangeait pas trop, travailler avec un écrivain juif ou rendre hommage au Führer dans un Lied n'avais pas l'air de lui donner des scrupules, il aimait la modernité et le classicisme : bref, il n'a pas eu batailler pour imposer sa vision intime de l'opéra.

De manière générale, j'ai du mal avec les oeuvres où il y a beaucoup de personnages et beaucoup d'ensembles.

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effectivement, c'est plus compliqué

Message par faustin » 31 oct. 2004, 07:41

Le duo des chats n'est pas de Rossini, ça va, je m'en suis remis. Ca na va pas gâcher mon week-end.

J'ai une immense prédilection pour ARIANE A NAXOS. Tu touches là, mon cher Tuano, quelque chose qui me tient particulièrement à coeur. C'est l'opéra que je suis allé voir le plus de fois, à égalité pour l'instant avec Pelléas et Mélisande et le Trouvère.

J'ai une admiration sans bornes pour Richard Strauss et aussi pour Hugo von Hofmannsthal et leur collaboration a été la plus fructueuse qui fut, elle a produit de prodigieux chefs d'oeuvre. Je ne vois pas d'équivalent dans toute l'histoire de l'opéra. La collaboration Mozart Da Ponte a été fructueuse mais pas à ce niveau de génie pour ce qui est du librettiste. En tout cas, rien n'est jamais simple dans ce qu'écrit Hugo von Hofmannsthal.

Ce n'est pas faux, mais insuffisant d'affirmer que Richard Strauss se met en scène dans le compositeur; ce serait trop simple dans cette oeuvre où rien ne l'est. En consultant le numéro de l'Avant-scène opéra, j'ai trouvé une hypothèse plus subtile et convaincante: Richard Strauss se trouverait dans le couple compositeur/maître de musique, le dialogue entre les deux personnages exprimerait son cas de conscience d'artiste en butte aux exigences de ses mandants.

Le compositeur est inspiré du personnage du jeune Beethoven. un être fougueux, passionné, idéaliste qui ne pense qu'à son oeuvre. Au-delà de Beethoven, il représente l'artiste romantique. Le maître de musique, c'est l'antithèse, l'homme social, les pieds sur terre, prêt à accepte les compromis. En contre-point, il y a les personnages odieux, le maître à danser, un philistin, un parfait imbécile et le majordome, une sorte d'adjudant de l'art, la voix de son maître, lequel esy lui aussi un philistin qui ne tient son autorité que de son immense fortune et pour qui l'art n'est qu'un prétexte pour étaler sa surface sociale.

La question de l'attitude de Richard Strauss au cours de la période nazie n'a pas à être posée car l'opéra a été écrit avant la première guerre mondiale (1911-1912). On pourrait cependant faire remarquer que par ses compromissions, Richard Strauss s'est trouvé davantage du côté du maître de musique que de celui du jeune compositeur. On peut voir dans le personnage du maître de musique une sorte d'anticipation, sauf que les arguments du maître de musique ne portent que sur le somaine artistique et sont de pur bon sens.

Puisque je traite d'ARIANE A NAXOS, je dois dire que l'interprétation pleine d'émotion et de sensibilité d'Ariane par Solveig Kringelborn, (la révélation de cette reprise), m'a pleinement convaincu et ce n'était pas facile de ne pas faire regretter la prestation de Katarina Dalayman de la saison passée.

Au risque de me répéter, il me paraît évident que représenter un tel opéra à la Bastille est une mauvaise action, inspirée par des motifs d'opportunité et non pas pour des raisons artistiques. Que vient faire cet orchestre réduit dans cette immense fosse? Que vient faire cette comédie qu'est le prologue sur cet immsense plateau? Les grands airs de "l'opéra", ceux d'Ariane, de Bacchus et leur duo expriment les sentiments des personnages, il faut leur conserver un certain caractère d'intériorité qu'un trop vaste espace ne peut guère favoriser. L'idéal, pour cette oeuvre, ce serait la salle Favart. Ce mauvais choix provoque de toute évidence un hiatus.

Dans la mise en scène à l'extrême fin, après son duo avec Bacchus, (und eher sterben die ewige Sterne, Eh' denn du stürbest sich über aus meinem Arm) ils ont cru bon d'innover: Bacchus se retire, Ariane s'effondre et reste seule. Ce qui voudrait dire qu'elle aurait rêvé, que jamais Bacchus ne serait venu la voir et lui aurait déclaré son amour. C'est un contre-sens. Rien dans le livret ne l'indique et surtout rien dans la musique. Richard Srtauss et Hugo von Hofmannstahl aiment les fins heureuses.
C'est une dénaturation de l'oeuvre, un contre-sens.

Faustin

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Message par tuano » 31 oct. 2004, 09:24

Je crois que justement, ça ne m'intéresse pas tellement de voir représentés sur scène les affres du pauvre compositeur qui fait un si dur métier. Les créateurs doivent parler d'eux-même mais pas de manière directe, selon moi. C'est comme tous ces one-man shows et pièces de théâtre qui parlent du dur métier de comédien, des romans qui parlent de la dure vie d'écrivain... Je trouve ça à peu près aussi créatif que la télé-réalité.

En plus ici, ça me paraît vraiment caricatural d'avoir comme personnages Arlequin qui fait des pitreries pas drôles, une divinité grecque qui vient sauver l'héroïne... Je préfère voir une pièce de Goldoni ou les Troyens de Berlioz.

Tout ça est affaire de goûts. L'air d'Ariane demeure très beau et le monologue de Zerbinette n'a pas d'équivalent dans l'histoire de la musique. Je trouve que ce passage montre effectivement le génie de Hoffmanstahl/Strauss.

Peut-être aussi ai-je besoin d'un type d'interprétation particulier pour adhérer à l'oeuvre. Je sais que l'Ariane de Julia Varady aurait dû être miraculeuse. Si elle avait enregistré le rôle dans le cadre d'une intégrale avec des partenaires à sa hauteur, je serais peut-être tombé amoureux de l'oeuvre.

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