Strauss - Salomé - Haenchen / Dodin - ONP, sept-oct 2006
Posté : 19 sept. 2006, 00:09
Salomé
Richard Strauss
Direction musicale Hartmut Haenchen
Mise en scène Lev Dodin
Assistant à la mise en scène Valery Galendeev
Décors et costumes David Borovsky
Lumières Jean Kalman
Chorégraphie Jourii Vassilkov
Dramaturgie Mikhail Stronine
Salomé Catherine Naglestad
Herodes Chris Merritt
Herodias Jane Henschel
Jochanaan Evgeny Nikitin
Narraboth Tomislav Mu?ek
Page der Herodias Ulrike Mayer
Erster Jude Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Zweiter Jude Eric Huchet
Dritter Jude Mihajlo Arsenski
Vierter Jude Andreas Jäggi
Fünfter Jude Yuri Kissin
Erster Nazarener Ilya Bannik
Zweiter Nazarener Paul Gay
Erster Soldat Friedemann Röhlig
Zweiter Soldat Scott Wilde
Orchestre et Choeurs de l?Opéra national de Paris
La première a eu lieu ce soir.
Un troisième spectacle de grande qualité pour l'ouverture de la saison 2006/2007 de l'Opéra de Paris, non pas, une fois de plus, dans sa totalité, mais c'est tout de même un spectacle digne d'une grande scène internationale.
La production de Lev Dodin, créée en 2003 pour Karita Mattila (si je me souviens bien c'était une prise de rôle, tout comme pour Catherine Naglestad aujourd'hui), est très esthétique et fonctionne toujours aussi bien qu'il y a trois ans pile (je me souviens que la dernière avec Mattila était le 18 octobre, et la dernière avec Naglestad sera le 18 octobre). Les lumières sont magnifiques, rendent à merveille l'atmosphère nocturne sans qu'on ait l'impression de rien y voir. La dominante jaune (costumes, fond de décor) se marie à la perfection avec ces éclairages et le décor est très fonctionnel. La direction d'acteur est très précise, mais on sent que certains sont plus à l'aise que d'autres pour interpréter leurs personnages : Chris Merritt est fabuleux, alors que Naglestad paraît un peu trop froide, notamment dans la scène de confrontation avec Jochanaan (mais peut-être est-ce dû à Dodin, je ne sais pas).
Musicalement, on n'atteint pas les sommets de Dohnanyi dans Elektra il y a un an et demi, ni ceux de Karajan dans l'enregistrement de Salomé réalisé à la fin des années 1970 pour EMI, mais en studio. C'est très bon, mais cela manque parfois de netteté. il y a d'excellentes choses, des contrastes appuyés, mais un léger manque de folie, probablement, et de somptuosité orchestrale. Je me réjouis quand même d'avoir pu entendre ce chef à Paris.
Les seconds rôles sont très bons, avec le seul bémol d'un page (Ulrike Mayer) un peu juste en termes de projection.
Tomislav Muzek, qui chantait un bon Némorino ici-même en juillet dernier, est un très bon Narraboth.
Evgeni Nikitin n'atteint pas les sommets offerts par Falk Struckmann en 2003, mais il paraît qu'il était meilleur à la générale, peut-être était-ce un mauvais soir. C'est tout de même très satisfaisant, pour le jeu scénique et pour la couleur vocale. On regrette un peu qu'il ne soit pas plus imposant vocalement, qu'il ne soit pas assez fascinant par la majesté que requiert le personnage.
Fabuleuse Hérodias de Jane Henschel, juste à la fois dans l'intonation et dans la caractérisation du personnage. De très belles interventions qui font un peu oublier Silja...
Chris Merritt, égal à lui-même, c'est-à-dire excellent acteur, chanteur très attentif au sens du texte et à la façon dont il faut le dire. Le rôle d'hérode est un rôle de Sprechgesang, pour une très large partie de la partition, et ça convient très bien à ce chanteur qui a été extraordinaire dans Rossini (Ermione, Elisabetta...) mais qui est un peu fatigué, vocalement.
Après des débuts timides vocalement, la Salomé de Catherine Naglestad prend peu à peu de l'ampleur. On peut lui reprocher, comme je le disais, une certaine froideur scénique dans la première partie de l'opéra, ainsi qu'une diction allemande chantée (car elle parle très bien cette langue) améliorable, mais quelle interprétation! à partir de l'arrivée d'Hérode, tout n'est plus que tension et accroissement de cette tension, jusqu'à la fin. La soprano passe sans aucun problème l'orchestre straussien et parvient à concentrer l'attention du public sur les détails sussurés des pianissimi avec une efficacité sans égal. Le summum de son interprétation est l'air final, en particulier la deuxième partie, à partir de "Ich habe deinen Mund geküsst, Jochanaan", qu'elle commence à chanter couchée sur le dos, tête renversée en arrière face au public, terrifiante et fascinante, incroyable de maîtrise vocale : les piani, les graves, la gestion de l'alternance de Sprechgesang et de fureur lyrique, c'est une grande Salomé que nous avons vu naître tout à l'heure.