En effet, il faut faire un immense reproche à madame Antonacci : celui de nous empêcher désormais d'écouter ce vénérable enregistrement de DECCA sans soupirer après l'émotion éprouvée hier.
Antonacci ne chante pas ces Nuits, elle les vit, elle déploie son art dans toute l'ampleur que permet un cycle à la fois symboliste et dramatique, aux registres extrêmement variés. Le tempo choisi par le chef est très lent et les interprètes habitent cette lenteur avec une présence inédite. Le chant parcourt une gamme de couleurs longue à perte de vue, exprime tour à tour le gémissement, le lyrisme, la douleur, la passion, l'ironie, la légèreté... Bien sûr, il y a quelques accrocs par-ci par-là, un aigu pas tout à fait juste et le mot "linceul" est écrit un peu trop grave pour elle ; certains aigus sont encore un peu tirés ; dans l'extrême aigu la diction se perd parfois, alors qu'elle est d'une très grande clarté le reste du temps. Mais n'oublions pas que nous avons entendu une interprétation "live" et non un enregistrement discographique. Ces petits défauts ne sont rien à côté de la pure beauté dont il nous a été donné de jouir.
On comprendra que j'ai été fort agacé d'entendre certains faire la fine bouche! J'ai entendu de la part d'amis placés au second balcon qu'elle aurait eu une mauvaise diction! un ami critique a même dit qu'elle chantait sans nuances

Bref, c'est tout de même pour moi une des plus belles soirées musicales de ces deux dernières saisons.