Meyerbeer - Les Huguenots - Minkowski/Wieler et Morabito - Genève 02-03 / 2020

Représentations
Avatar du membre
dge
Basse
Basse
Messages : 3242
Enregistré le : 20 sept. 2004, 23:00
Localisation : lyon
Contact :

Meyerbeer - Les Huguenots - Minkowski/Wieler et Morabito - Genève 02-03 / 2020

Message par dge » 24 févr. 2020, 13:27

Giacomo Meyerbeer : Les Huguenots

Opéra en 5 actes sur un livret d’Eugène Scribe et Emile Deschamps
Crée à l’Opéra de Paris, salle Le Peletier, le 29 février 1836

Grand Théâtre de Genève – Février/mars 2020


Direction musicale : Marc Minkowski
Mise en scène et dramaturgie : Jossi Wieler & Sergio Morabito
Scénographie et costumes : Anna Viebrock
Lumières : Martin Gebhardt
Chorégraphie : Altea Garrido
Direction des chœurs : Alan Woodbridge

Marguerite de Valois : Ana Durlovski
Raoul de Nangis : John Osborn • (Mert Süngü le 28/03)
Marcel : Michele Pertusi
Urbain : Léa Desandre
Le Comte de Saint-Bris : Laurent Alvaro
Valentine de Saint-Bris : Rachel Willis-Sørensen
Le Comte de Nevers : Alexandre Duhamel
Tavannes : Anicio Zorzi Giustiniani
Cossé : Florian Cafiero
Thoré / Maurevert : Donald Thomson
De Retz : Tomislav Lavoie
Méru : Vincenzo Neri
Bois-Rosé / Le valet : Rémi Garin
Un archer : Harry Draganov
Une coryphée/première bohémienne : Iulia Elena Preda
Une dame d’honneur/deuxième bohémienne : Céline Kot


Orchestre de la Suisse Romande
Chœur du Grand Théâtre de Genève



Représentation du 26 février


Image
©Magali Dougados

Opéra emblématique de ce que l’on a appelé le Grand Opéra à la française, joué sur toutes les scènes du monde au 19eme siècle, première œuvre à dépasser les 1000 représentations à l‘Opéra de Paris en 1903, Les Huguenots ont pourtant traversé au siècle suivant une période de demi-sommeil que quelques maisons d’opéra ont essayé de rompre, comme Montpellier en 1990 et dont il nous reste un enregistrement de référence. L’œuvre retrouve depuis quelques années les honneurs de la programmation. Bruxelles (2011 dans la mise en scène d’Olivier Py -https://odb-opera.com/viewtopic.php?f=6 ... 11#p163013 , reprise à Strasbourg l’année suivante - https://odb-opera.com/viewtopic.php?f=6 ... 12#p176749) , Nice ( 2016 dans une mise en scène de Tobias Kratzer), Berlin (2016 dans une mise en scène de David Alden - https://odb-opera.com/viewtopic.php?f=6&t=18096 ) ou Paris ( 2018 dans une mise en scène d’Andreas Kriegenburg - https://odb-opera.com/viewtopic.php?f=6&t=20847 ) ont, parmi d’autres, permis de « revisiter » cette œuvre et d’en révéler les qualités musicales et dramaturgiques oubliées par des décennies de non programmation pour de bonnes et souvent mauvaises raisons. Il est vrai que monter Les Huguenots est une entreprise difficile, qui nécessite beaucoup de moyens et c’est tout à l’honneur du Grand Théâtre de Genève, ville historiquement liée à la Réforme, d’avoir voulu relever ce défi d’autant que l’œuvre n’y avait pas été jouée depuis 1927.

Image
©Magali Dougados


« Le grand opéra est le précurseur du film historique, du peplum, mais aussi des comédies musicales ou des revues ». confient les metteurs en scène Jossi Wieler & Sergio Morabito dans un entretien publié dans le programme de salle. L’action se déroule dans un espace pouvant être « décrit comme un mélange de studio de cinéma et de dépôt d’accessoires en coulisse ». Le décor assez sobre d’Anna Viebrock, qui réalise aussi les costumes, consiste en une juxtaposition d’éléments rappelant une église - piliers qui semblent tout droit sortis de la Cathédrale Saint-Pierre de Genève, bancs de prière, balustrades... - et de nombreux accessoires cinématographiques : caméras, projecteurs, tours de transformateurs électriques, table de maquillage… On va en effet tourner un film à grand spectacle dont la réalisatrice n’est autre que Marguerite de Valois qui de temps en temps supervise les prises de vue assise dans un fauteuil à son nom. Le luxe on le trouve dans les costumes, particulièrement ceux des Catholiques, qui renvoient aux années hollywoodiennes des années 1930-1940. Les protestants sont moins bien traités, en particulier ce pauvre Raoul affublé d’un pantalon mal ajusté et d’une veste beaucoup trop grande pour lui qui cache mal un sous-vêtement taché de sang. S’agit-il de lui donner un air de Chaplin ou de Keaton ? Toujours est-il qu’il traversera les cinq actes ainsi ridiculement vêtu, victime d’un des poncifs du regietheater consistant à illustrer lourdement le fait que son personnage est rejeté socialement dans la société de son époque.

Image
©Magali Dougados

Ce choix de transposer le drame dans l’univers cinématographique fonctionne assez bien au premier acte mais disparaît presque complètement aux trois actes suivants avant de réapparaitre au cinquième où le mariage de Marguerite et du futur Henri IV donne lieu à une scène à grand spectacle qui se veut sans doute la scène finale du film en cours de tournage. Mettre en scène Les Huguenots en faisant abstraction du conflit religieux fait perdre beaucoup de pertinence à l’œuvre et nécessite, si tant est que ce soit possible, une dramaturgie théâtrale qui tienne la distance sur les cinq actes. Malheureusement ce n’est pas le cas ici.
Pour combler ce manque, les deux metteurs en scène font preuve de beaucoup d’imagination scénique, mais à côté de bonnes idées ( la rupture des fiançailles au premier acte avec rendu de la bague ) on doit souvent subir une agitation sur scène qui dilue un peu plus le propos : ainsi de ces danseurs ensanglantés qui pendant l’ouverture miment les âmes des huguenots assassinés et qui réapparaitront à plusieurs occasions pour nous rappeler le massacre final…avant qu’il ait eu lieu ou bien, lors du troisième acte, une non séparation des catholiques et des protestants qui se livreront pendant le ballet à une ridicule danse de saint Guy rendant bien peu compréhensible ce que raconte le livret. Dommage aussi que trop souvent certains passages soient traités avec dérision, comme la dispute entre Raoul et Saint-Bris ramenée à un combat de boxe et qui frise le ridicule.
Reconnaissons pourtant à Jossi Wieler & Sergio Morabito un grand talent de direction d’acteurs qui fait que ce spectacle se regarde avec un certain plaisir dès lors que l’on n’y cherche pas ce qu’ils n’ont pas voulu y mettre. En un mot la mise en scène ne vient presque jamais heurter le plaisir musical.

Et ce plaisir musical est immense tant la distribution réunie est homogène et de qualité.



Image
©Magali Dougados

Prononciation parfaite, ligne de chant toujours maîtrisée, John Osborn fait face avec brio à l’écriture redoutable du rôle de Raoul. Le chant n’est jamais forcé même dans les passages les plus délicats. La voix reste souple et lui permet une large palette de nuances. Seule une grande maîtrise technique peut lui permettre d’arriver à la fin de l’ouvrage sans signe perceptible de fatigue.

Il trouve en Rachel Willis-Sørensen une partenaire remarquable. Cette prise du rôle de Valentine est une réussite complète. On ne sait que louer le plus, la plénitude vocale, la maîtrise de la tessiture, la noblesse des phrasés, l’intelligence musicale. Son français est parfaitement compréhensible et l’investissement scénique très convaincant. Son air « Parmi les pleurs mon rêve se ranime » montre toute la sensibilité dont elle est capable grâce à un chant stylé et un sens poussé de la coloration. Le duo du quatrième acte avec John Osborn est un grand moment de chant et d’émotion musicale. Drapée dans une magnifique robe verte qui lui donne une allure de star hollywoodienne elle doit déclarer son amour à un Raoul toujours aussi mal fagoté. Quel talent ont ces deux artistes pour nous emporter malgré tout dans leur passion !

Ana Durlovski entre parfaitement dans son rôle de productrice de cinéma et fait preuve d’un bel abattage scénique. La voix manque un peu de projection mais elle s’acquitte très honorablement des pyrotechnies vocales que réclame le rôle de Marguerite de Valois.

Sans les coupures fréquemment pratiquées, Léa Desandre investit avec talent le rôle du page Urbain dont elle maîtrise parfaitement l’écriture et séduit par une voix fraiche et lumineuse. Transformée en script-girl elle compose un personnage piquant qui lui vaut un beau succès au rideau final.
Michele Pertusi ne peut cacher une certaine usure de la voix et les notes graves du rôle lui échappent mais son Marcel est incarné avec justesse et humanité. Prise de rôle aussi parfaitement réussie pour Alexandre Duhamel qui compose un Comte de Nevers racé, investi scéniquement et admirable vocalement. Laurent Alvaro fait preuve d’une belle santé vocale et donne toute la noirceur nécessaire au Comte de Saint-Bris.
Il faut aussi des rôles secondaires qui ne déparent pas cette excellence musicale. Anicio Zorzi Giustiniani (Tavannes), Florian Cafiero (Cossé), Donald Thomson (Thoré, Maurevert), Tomislav Lavoie (De Retz) , Vincenzo Neri (Méru), Iulia Elena Preda et Céline Kot (les deux bohémiennes) se montrent à la hauteur de l’enjeu.

Image
©Magali Dougados


Dans un entretien publié dans le programme de salle, Marc Minkowski nous fait part de sa passion pour Meyerbeer. Optant pour une version qui nous a semblé intégrale, il dirige un Orchestre de la Suisse Romande très investi et appliqué, avec des tempi plutôt rapides, une énergie sans faille et un réel travail sur les couleurs. Les soli instrumentaux sont très bien mis en valeur et il n’hésite pas à faire monter sur scène des instrumentistes solistes ce qui nous vaut le plaisir de voir et d’entendre la viole d’amour qui accompagne Raoul dans son air « Plus blanche que la blanche hermine ». Les chœurs sont dans cette œuvre un personnage à part entière tant ils sont sollicités et le Chœur du Grand Théâtre, très bien préparé par Alan Woodbrige, accomplit une très belle prestation. La bénédiction des poignards au quatrième acte est saisissante de puissance.

Avec ce niveau musical, ces Huguenots genevois resteront longtemps dans nos mémoires.


Gérard Ferrand

Avatar du membre
raph13
Basse
Basse
Messages : 4310
Enregistré le : 03 déc. 2005, 00:00
Localisation : Paris

Re: Meyerbeer - Les Huguenots - Minkowski/Wieler et Morabito - Genève 02-03 / 2020

Message par raph13 » 24 févr. 2020, 14:31

Je suis très surpris du nombre de places restantes à la vente pour toutes les dates !
« L’opéra est comme l’amour : on s’y ennuie mais on y retourne » (Flaubert)

mariuszbartok
Mezzo Soprano
Mezzo Soprano
Messages : 168
Enregistré le : 04 août 2016, 11:04

Re: Meyerbeer - Les Huguenots - Minkowski/Wieler et Morabito - Genève 02-03 / 2020

Message par mariuszbartok » 24 févr. 2020, 14:50

J'y serai vendredi 06 mars.

Quelqu'un sait-il quelle édition de l’œuvre sera donnée ? La même qu'à Bruxelles en 2011, ou bien une encore améliorée ? Je ne trouve aucune info à ce sujet sur le site du théâtre (où l'on lit que les metteurs en scène vont transposer l'intrigue dans des studios de cinéma, j'espère que cela ne perturbera pas trop et restera lisible).

La campagne promotionnelle met en avant une bière spéciale pour l'occasion, la "meilleure bière pour Meyerbeer":

Image

Markossipovitch
Ténor
Ténor
Messages : 970
Enregistré le : 05 août 2011, 23:00

Re: Meyerbeer - Les Huguenots - Minkowski/Wieler et Morabito - Genève 02-03 / 2020

Message par Markossipovitch » 25 févr. 2020, 08:04

Il semble que ce soit pareil qu'à Bruxelles.
4h45 avec deux entractes. Environ 4h de musique.
Très belle générale hier où tous ont brillé sauf Pertusi bien trop court de grave et usé.
Mise en scène très creuse mais belle direction d'acteurs.
Grande joie de voir des Huguenots sans coupure!

Avatar du membre
dge
Basse
Basse
Messages : 3242
Enregistré le : 20 sept. 2004, 23:00
Localisation : lyon
Contact :

Re: Meyerbeer - Les Huguenots - Minkowski/Wieler et Morabito - Genève 02-03 / 2020

Message par dge » 27 févr. 2020, 14:06

mariuszbartok a écrit :
24 févr. 2020, 14:50

La campagne promotionnelle met en avant une bière spéciale pour l'occasion, la "meilleure bière pour Meyerbeer":
Elle est vraiment excellente ! A déguster absolument.

Plus sérieusement, la représentation d'hier soir était excellente sur le plan musical. Quel acte 4 ! Pour le reste de la production....
( sur son interprétation d'hier, je comprends mal les réserves faites sur RWS).

CR à venir

Avatar du membre
Remigio2
Alto
Alto
Messages : 479
Enregistré le : 28 mai 2005, 23:00
Contact :

Re: Meyerbeer - Les Huguenots - Minkowski/Wieler et Morabito - Genève 02-03 / 2020

Message par Remigio2 » 27 févr. 2020, 20:16

Cette production sera-t-elle reprise à Bordeaux la saison prochaine comme cela avait été évoqué ?

Sinon, j'ai deux places à 17CHF à revendre pour demain soir : 3615-qui n'en veut ?

R.
"Qu'on parle de vous, c'est affreux. Mais il y a pire : c'est qu'on n'en parle pas !" Oscar Wilde

Markossipovitch
Ténor
Ténor
Messages : 970
Enregistré le : 05 août 2011, 23:00

Re: Meyerbeer - Les Huguenots - Minkowski/Wieler et Morabito - Genève 02-03 / 2020

Message par Markossipovitch » 27 févr. 2020, 23:03

Qui avait émis des réserves sur Rachel Willis Sørensen ?

wrossini
Messages : 42
Enregistré le : 20 avr. 2011, 23:00

Re: Meyerbeer - Les Huguenots - Minkowski/Wieler et Morabito - Genève 02-03 / 2020

Message par wrossini » 28 févr. 2020, 23:03

Markossipovitch a écrit :
27 févr. 2020, 23:03
Qui avait émis des réserves sur Rachel Willis Sørensen ?
J’y suis allé le 26 et je l’ai trouvé magnifique. Comme aussi Osborne et Minkowski. Le reste des chanteurs assez alternes et la mes abominable.

Avatar du membre
dge
Basse
Basse
Messages : 3242
Enregistré le : 20 sept. 2004, 23:00
Localisation : lyon
Contact :

Re: Meyerbeer - Les Huguenots - Minkowski/Wieler et Morabito - Genève 02-03 / 2020

Message par dge » 01 mars 2020, 11:26

CR en tête de fil.

Markossipovitch
Ténor
Ténor
Messages : 970
Enregistré le : 05 août 2011, 23:00

Re: Meyerbeer - Les Huguenots - Minkowski/Wieler et Morabito - Genève 02-03 / 2020

Message par Markossipovitch » 01 mars 2020, 18:19

Merci, dge, très bon CR (j'y étais).
En fait il semble que W et M aient voulu faire de Raoul une sorte de Groucho Marx. D'où les cheveux frisés, plus godillots et costume trop large. Mais sans moustaches ni lunettes, on ne comprend pas. C'est la métaphore d'une mise en scène qui s'arrête en cours de route....et perd tout sens.

Répondre