Rameau a écrit :Sinon, comme quelqu'un l'a évoqué, j'aimerais bien savoir qui a effectué ces coupures et comment Minko les a acceptées. S'il est vraiment partie prenante du massacre, je n'en serai pas vraiment étonné mais vraiment désolé; j'aime beaucoup son talent de chef, mais pas toujours son rapport au répertoire et son opportunisme...
Je crois que c'est moi qui avait fait allusion aux tensions artistiques entre metteur en scène et directeur musical et les catas qui peuvent en résulter.
Pour élargir le débat, puisque je n'ai vu ni le spectacle, ni entendu la retransmission (mais je compte y remédier samedi si Realplayer coopére) et qu'il serait malhonnète de gloser sur un arrangement de l'oeuvre que je ne connais que par témoignages interposés, je pense que ce triste état de chose est une tendance lourde -comme on dit- et que les oeuvres et le public en font les frais. Et il n'y a pas que Minkowski de concerné. Tout le monde est plus ou moins coupable de ce genre de tripatouillages.
De plus en plus, on subordonne la
partition et son r
endu musical à un
rendu purement scénique, à un parti pris (souvent à priori) d'un metteur en scène, qui est parfois mal placé et mal documenté pour appréhender l'oeuvre. Sans parler du primat du visuel (un joli décor, quelque soit la direction musicale ? c'est une production réussie. Un décor peu apprécié mais une direction d'acteur signifiante et pensée ? c'est quand même raté (cf Cosi à Aix) Un plantage scénique total mais une direction musicale extraordinaire ? On hurle d'horreur tout de même) qui est sensible dans l'évolution de la critique, et qui déteint de plus en plus sur le public, on est obligé de constater que l'opéra est en train de devenir une annexe du théâtre parlé dans le sens où l'on est sans doute arrivé à la même impasse que certaines des productions d'Avignon de cet été.
Dans ces dernières années, on a assisté à de nombreuses productions dont on avait supprimé le
lieto fine (j'ai suffisamment râlé sur ODB à ce propos, les curieux retrouveront les messages antérieurs) ...
Ceci dit, la tendance s'accentue : à une époque, on pouvait s'attendre à ce qu'on ratiboise de ci de là car "le public n'est pas capable de rester le cul sur sa chaise pendant x heures" (ben, si, moi oui ! quand c'est bon), mais le sens de l'oeuvre restait fidèle à l'original.
Maintenant, on peut s'estimer heureux si on nous restitue 90% de l'oeuvre musicale originale, tout en ne voyant pas sur le plateau une action scénique qui dit exactement le contraire de ce qui est dit. En espérant que la structure d'ensemble reste la même.
Le problème c'est quand les coupures et aménagements atteignent un certains seuil d'intolérabilité : on arrive à des versions comme l'
Idomeneo version Strauss ou Paumagartner (qui avaient coupé dans le gras du sujet, réorchestré un chouia et changé des trucs de place, parce qu'avec les coupures, les enchaînements devenaient hasardeux.) Le problème, c'est que je suis une femme bêtement élevée dans l'idée simpliste de la recherche de l'authenticité maximale, et que je prends assez mal ce type de bricolage. La préhistoire certes, c'est intéressant à écouter historiquement parlant, mais plus pour nous, "auditeurs" éclairés !! Donc quand un chef estimable et estimé, qui a bâti sa réputation sur son intégrité phililogique vis à vis du texte se met à imiter les grands ancêtres, je le vis très très mal. Tout le monde est visé : Harnoncourt, Christie, Rousset, Minkowski, Haim, Malgoire etc... Tous les susnommés s'y sont collés un jour ou l'autre, avec plus ou moins de bonheur.
Alors, pourquoi ?
Plusieurs explications me viennent à l'esprit :
-obligation de simplifier car on n'a plus sous la main des calibres vocaux identiques à ceux pour lesquels les oeuvres ont été conçues, donc on aménage (jusqu'ici tout va bien, c'est une pratique courante et acceptée/able, tant qu'on ne prend pas des DeuxChevaux achetées aux Puces pour faire de la Formule 1)
-le chef n'a pas son mot à dire : il produit la bande son du spectacle et n'a qu'à la fermer (caricature volontaire, mais on va de plus en plus vers cela) , il se conforme aux idées du metteur en scène et rentre après tranquillement chez lui faire une dépression nerveuse rétropective -le chef n'a pas un contrôle artistique complet : on lui impose peu ou prou la distribution (plus le lieu est prestigieux, plus les pressions administratives doivent être fortes, je suppose)
- le chef n'a pas de contrôle sur la durée du spectacle ni des entractes (because pause pipi des mamies locales et recette de la buvette)
- le chef n'a pas pu imposer sa volonté à monsieur X ou madame Y qui est archi
bankable pour la multinationale et qu'il ne faut donc pas contrarier, et qui fait ses roulades à sa façon, en coupant ce qui ne lui convient pas (
Teatro alla moda, pas mort !)
- le public ne connait pas l'oeuvre et il ne dira rien (essayez d'imposer cela à un Wagnérien ou à un Meyerbeerien, vous verrez la réaction en salle !!) donc l'impunité est certaine
- on pense à tort que ces oeuvres ont été conçues pour un public radicalement différent et qu'il faut adapter au goût du jour -ce n'est pas un mauvais calcul, car effectivement la plupart de ses oeuvres étaient à modulations variables, et la notion de respect intrinsèque est bien récent. Ceci dit, tout est une question de dosage. Ce qui est valable pour la ligne vocale le devient aussi pour la structure de l'oeuvre.
- L'histoire tout le monde s'en fout. C'est du réchauffé. Faut faire du neuf, vieux !
&c &c &c
Ceci dit, en l'espèce, si je n'aime désormais plus l'orientation générale de la direction de Minkowski, mon jugement sur ces coupures salzbourgeoises n'a rien à y voir et je suis extrêmement surprise de l'ampleur des modifications annoncées. Il me semble quasi impossible que ce musicien dans l'âme ait consenti à un tel débroussaillage de cet opéra.
Je suppose qu'il a du subir les pression particulière de Salzbourg, ce qui est cause de ce caviardage censé rendre l'oeuvre plus accessible et sympa pour le metteur en scène et le public.
Si c'est bien le cas, c'est très inquiétant pour l'évolution des choses, car Salzbourg annonce toujours certaines tendances économiques du monde lyrique, et cela voudrait dire que l'opéra ne serait plus qu'un prétexte à un spectacle drammaturgique sur lequel court une bande son modifiable à l'infini... quelle que soit l'oeuvre, et quel que soit le chef.
On n'est pas sortis de l'auberge.
Rameau a écrit :Pour finir, je voudrais dire que pour moi LE MITRIDATE DE ROUSSET EST UN DES MEILLEURS ENREGISTREMENTS D'OPERA DE CES 20 DERNIERES ANNEES, et encore je me modère...