Weber- Der Freischütz- Equilbey/Debailleul&Navarro- TCE- 10/2019

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JdeB
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Weber- Der Freischütz- Equilbey/Debailleul&Navarro- TCE- 10/2019

Message par JdeB » 17 oct. 2019, 07:22

Laurence Equilbey direction
Clément Debailleul et Raphaël Navarro (Cie 14:20) mise en scène
Valentine Losseau (Cie 14:20) dramaturgie
Clément Debailleul coordination artistique, scénographie et vidéo
Aragorn Boulanger chorégraphie
Siegrid Petit-Imbert costumes
Elsa Revol lumières

Stanislas de Barbeyrac Max
Johanni Van Oostrum Agathe
Chiara Skerath Ännchen
Vladimir Baykov Kaspar
Christian Immler L’Ermite
Thorsten Grümbel Kuno
Daniel Schmutzhard Ottokar
Anas Séguin Kilian
Clément Dazin Samiel

Insula orchestra
accentus direction Frank Markowitsch

Théâtre des Champs-Elysées, le 21 octobre 2019


La carrière du Freischütz, créé à Berlin le 18 juin 1821, a été aussi triomphale que fulgurante. De décembre 1821 à novembre 1822, le nouvel opéra fait son entrée au répertoire de 25 villes germaniques et s’impose d’emblée, pour la critique et pour le public, comme le premier opéra romantique allemand. Dans sa langue originale, il est très rapidement monté à Budapest (mai 1822), Amsterdam (automne 1822), Riga (octobre 1822), Berne (mars 1823) et Saint-Pétersbourg (janvier 1824) tandis que le livret est très vite traduit en danois, suédois, tchèque, russe et en anglais (Le Freischütz est créé à Londres à l’automne 1824). En mars 1825, il franchit l’Atlantique ; on l’applaudit à New York et Philadelphie.

Dès 1823, Habeneck, le directeur de l’Académie royale de musique, essaye de rentrer en contact avec Weber pour l’inviter à venir diriger cette partition dans notre capitale et lui passer commande d’un nouvel opéra dans notre langue. Le projet n’aboutira jamais. La création dans notre pays a lieu, dans une adaptation française très libre, le 7 décembre 1824 à l’Odéon sous le titre de Robin des Bois ou les trois Balles. Six ans plus tard, en mai 1830, Paris découvre la version originale au Théâtre des Italiens, dans la salle de l’Opéra-Comique, avec dans le rôle d’Agathe W. Schröder-Devrient, la créatrice de Fidelio. Berlioz et E. Pacini en donnent une autre version française en juillet 1841 sous la baguette d’Habeneck. A l’été 1842, la troupe allemande de Mme Gued et Eichfeld présente le Freischütz (et Fidelio) en langue originale à Nîmes.

Si l’œuvre ne s’est pas totalement imposée au répertoire en France, signalons quelques productions mémorables: celle du 9 juin 1927 avec Germaine Lubin à Garnier, la 234 ième et dernière représentation à l’Opéra. Elle a été néanmoins présentée à Paris, après une longue éclipse, en juin 1980 à Pleyel en version de concert, en mars 1988 au Châtelet (Janowski / Freyer) et en décembre 1999 au Théâtre des Champs-Élysées (Chung / Negrin). La version de Berlioz a été redonnée salle Favart en avril 2011 sous la direction de JE Gardiner (et en avril 2013 à Nice).

En province, c’est logiquement Strasbourg qui a su le mieux servir cet opéra au fils des productions de la saison 1958/59 avec Windgassen en Max, d’octobre 1972 avec José Van Dam en Kaspar, de février 1999 par le tandem Guschlbauer / Engel et la production du printemps dernier signée par Weiler et Morabito.

Il y a eu quelques autres productions notables en province, notamment à Lyon en 1980, à Marseille en 1986, à Nancy en mars 1999 dans une mise en scène d’Olivier Py, sa première pour un opéra…

Le théâtre des Champs-Élysées a aussi beaucoup fait pour la cause du Freischütz avec la production de Francisco Negrin dirigée par Chung en décembre 1999 et les versions de concert de 2015 et de l’an dernier.

Cette production confiée au collectif rouennais 14 : 20, fondé en 2000 mais débutant à l’opéra, vaut surtout pour quelques fulgurances visuelles comme les anamorphoses spectrales de la Gorge aux loups et sa capacité sidérante à placer les personnages, par éclairs, en apesanteur avec la grâce d’un ralenti poétique qui nimbe le spectacle d’une aura onirique.
Mais leur approche, privée de tension et sommaire en matière de direction d’acteur, ne s’ancre pas assez dans une véritable analyse de l’ouvrage sans doute trop riche de sens et de strates pour des novices dans l’art lyrique. Tout l’aspect de « naïveté rustique » soulignée par Théophile Gautier passe à la trappe à la faveur d’une esthétique si à la mode qu’on la retrouve, mais l'intensité en plus, à Strasbourg dès le lendemain pour Rusalka avec son camaïeu de gris et de noirs et son histoire parallèle qui essaye de faire contre-point en superposant une autre temporalité à celle de la lettre du livret.

Autre point commun de ses deux spectacles voués au primat du visuel mais fort bien chantés par ailleurs, la révélation en France de deux soprani sud-africaines de fort potentiel. Ici Johanni van Oostrum, au timbre qui allie pureté et puissance, artiste sensible à la technique déjà fort aguerrie, frappe vif pour ses débuts parisiens.
Stanislas de Barbeyrac, à la croisée des chemins d’une évolution vocale bien nette mais non encore accomplie, a gagné en largueur, en projection et en vaillance ce qu’il a perdu en délié, en suavité et en délicatesse, avec un timbre plus corsé mais moins élancé que naguère.
Chiara Skehrath donne bien du relief et du piquant à son rôle très porteur et contraste idéalement, de son timbre si singulier et si prenant, avec celui d’Agathe.
Les clés de fa se situent un cran en dessous. Elles remplissent leur tâche avec probité et efficacité mais sans éclat. Saluons la présence et le métier de Vladimir Baykov même si sa voix manque un rien de noirceur.

On sait depuis son Orfeo avec Fagioli que Laurence Equilbey excelle dans les scènes infernales. Mais sa lecture est trop unidimensionnelle, trop carrée, trop martiale et pas assez chatoyante ni assez colorée pour rendre justice à l’orchestration profuse, complexe et si variée de Weber.

Accentus se montre à la hauteur de sa très belle réputation mais on leur fait entonner leur morceau de bravoure, le chœur des chasseurs, trop en arrière-plan de la scène pour qu’il résonne avec la vigueur virile et le panache souhaités.

Ce spectacle sera retransmis sur France Musique le 9 novembre et a été aussi filmé par Arte pour une diffusion l'année prochaine.

Jérôme Pesqué.
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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HELENE ADAM
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Re: Weber- Der Freischütz- Equilbey/Debailleul&Navarro- TCE- 10/2019

Message par HELENE ADAM » 19 oct. 2019, 22:54

pingpangpong a écrit :
06 mars 2019, 17:20
Celles et ceux qui pensent que le versant fantastique du chef-d'œuvre de C.M Von Weber est trop souvent mal traité, ne se résumant la plupart du temps qu'à la scène de la Gorge-aux-loups, feraient bien de ne pas rater ce spectacle qui sera redonné au Grand Théâtre de Provence les 7 et 8 mars, puis au Théâtre des Champs-Elysées et à Rouen en octobre et novembre prochains.
Créée en 2000 par Clément Debailleul et Raphaël Navarro, cette compagnie expérimente et exploite à travers installations, performances ou spectacles, la magie en tant qu'expression artistique, donnant ainsi naissance au Mouvement Magie Nouvelle.

Le Livre des fantômes
(1810) de Johann Apel et les Elixirs du Diable (1816) d'E.T.A Hoffmann, sont les deux sources qui ont alimenté l'inspiration de Friedrich Kind, auteur d'un livret où le romantisme de Weber trouve de quoi s'exacerber.
Bien et Mal s'opposent au sein d'une nature dont les forces sont mi-maléfiques (la Gorge-aux-loups, les coïncidences de l'acte II ), mi-bienfaisantes (le chœur des chasseurs, la fête villageoise, l'Ermite).

Mais dans ce spectacle, même les instant d'insouciance peuvent sembler menaçants, à l'image des chasseurs cachés dans le feuillage, ou de ces demoiselles d'honneur qui agressent la fiancée dont elles sont censées célèbrer les noces.
Des éléments et une atmosphère troubles que Valentine Losseau ,Clément Debailleul et Raphaël Navarro ont pris soin d'exploiter pour plonger dans un environnement inquiétant des personnages qui manquent cruellement de consistance, la faute à un livret par ailleurs trop bavard dans ses dialogues, heureusement écourtés ici, que ce soit Max, anti-héros manipulé par un Kaspar intégralement mauvais, ou des jeunes femmes assez mièvres et passives, entre dévotion religieuse d'Agathe et naïveté d'Ännchen.
Tout juste pourrait-on reprocher à la mise en scène de placer les chanteurs trop souvent au devant de la scène.
La pantomime qui accompagne l'ouverture de l'opéra, et qui préfigure la fonte des balles, sème le trouble dans l'esprit du spectateur qui de scène en scène va devoir se frotter les yeux pour être sûr de ne pas rêver.
Hologrammes, empreintes en négatifs, ampoules électriques au comportement étrange, objets ou personnages en lévitation, glissant dans l'espace ou au ras du sol, affranchis de l'apesanteur, le tout avec une grâce et une lenteur qui ajoutent une touche poétique au surnaturel, jeux d'ombres, de miroirs sans tain, du moins on le suppose, qui permettent de dédoubler les chanteurs, sphères lumineuses évoluant sans fin dans les airs, etc. sont autant d'illusions qui donnent vie et force au drame, associées à la vidéo et à des éclairages précis.
Le personnage de Samiel, de surcroît, innerve toute l'action, et n'est plus seulement associé comme trop souvent à une voix réverbérée, mais se matérialise sous l'aspect d'un homme tout de noir vêtu, omniprésent, capable de se déplacer à la manière des esprits maléfiques tels qu'on les voit dans les films d'horreur, rampant autour de leurs victimes pour mieux les posséder, sans que celles-ci ne puissent les voir. Clément Dazin, qui l'incarne, sait aussi jongler sans que cela s'apparente à un numéro de cirque. Les balles magiques dans la Gorge-aux-loups n'ont jamais autant mérité leur qualificatif.
Cette scène, on s'en doute, est l'un des moments les plus réussis de la soirée. Le climax est amené sans surcharge ni excès, la musique dictant le juste tempo pour encore mieux faire son effet, Kaspar et Max se trouvant aux prises avec des forces surnaturelles comme jamais on n'en a vues.
L'humour de la scène du portrait de l'aïeul au début de l'acte II est une heureuse trouvaille, les dégradés de gris des costumes et le noir profond, condition sine qua non à la réussite visuelle du spectacle, n'étant contre-balancés que par les vidéos forestières ou par la très belle scène finale au bord de l'eau.
Eric Gibert
C'était l'excellent CR fait de ce spectacle alors donné à Caen.
Une bande d'imbéciles a gâché mon plaisir visuel absolument semblable à celui que décrit si bien Eric, en huant copieusement la mise en scène ce soir au TCE. :cry:
Et pourtant, quelle poésie et quel génie...
Je crois que c'est rédhibitoire, il y a vraiment des gens insupportables parmi le public d'opéra et ils ne savent même pas fermer leur g... à supposer que quelque chose dans cette belle mise en scène leur ai déplu...
(je reviendrai sur la musique et les interprètes, ce n'étaient pas tous les mêmes qu'à Caen).
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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Re: Weber- Der Freischütz- Equilbey/Debailleul&Navarro- TCE- 10/2019

Message par Inaha » 20 oct. 2019, 00:39

Oui, très belle mise en scène pleine de poésie pour ce Freischütz au TCE, je n'ai pas non plus compris pourquoi une partie du public a hué la mise en scène. C'est malheureusement devenu la mode maintenant de huer à chaque fois le metteur en scène et je suis d'accord, c'est insupportable et très mal élevé à mon avis.
Il y avait également de très bons chanteurs, notamment Stanislas de Barbeyrac (Max) et Johanni van Oostrum (Agathe), que je ne connaissais pas et que j'ai beaucoup aimé et également Chiara Skerath (Ännchen).

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Re: Weber – Der Freischütz – Equilbey / Debailleul & Navarro – TCE – 10/2019

Message par Efemere » 20 oct. 2019, 02:17

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Sur la page Web du spectacle (ici), il est indiqué « Ce spectacle fait l’objet d’une captation pour Arte Diffusion sur Arte et Arte Concert en 2020
France Musique diffuse cet opéra le 9 novembre à 20h
».

pingpangpong a écrit :
06 mars 2019, 17:20
(...) ce spectacle (...) sera redonné au Grand Théâtre de Provence les 7 et 8 mars, puis au Théâtre des Champs-Elysées et à Rouen en octobre et novembre prochains.
(...)
HELENE ADAM a écrit :
19 oct. 2019, 22:54
(...)
(je reviendrai sur la musique et les interprètes, ce n'étaient pas tous les mêmes qu'à Caen).

Après la création au Théâtre de Caen * (1er et 3 mars 2019), la production a été donnée aux Grand Théâtre de Provence * (7 et 8 mars 2019), BOZAR * en version de concert (17 mars 2019), Theater an der Wien * en version de concert (22 mars 2019), Ludwigsburger Schlossfestspiele * (14 juillet 2019) et Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg ** (6 et 8 octobre 2019).

* Distribution avec Tuomas Katajala (Max) et Samuel Hasselhorn (Ottokar)
** Avec Tuomas Katajala (Max) et Daniel Schmutzhard (Ottokar)

À l'Opéra de Rouen (15 et 17 novembre 2019), ce sera avec Stanislas de Barbeyrac (Max) comme au TCE, et Samuel Hasselhorn reprendra le rôle d'Ottokar.

~~~~~~~~~~

On peut télécharger les
• Programme du Théâtre de Caen > ici (PDF de 289 Ko)
• Dossier artistique de la Cie 14:20 > ici (PDF de 4,80 Mo).

Revue de presse de mars 2019 à voir > ici.

~~~~~~~~~~

Deux photos © Vincent Pontet

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Re: Weber- Der Freischütz- Equilbey/Debailleul&Navarro- TCE- 10/2019

Message par pingpangpong » 20 oct. 2019, 06:47

Une mise en scène fantastique dans tous les sens du terme, et que je me réjouis de revoir à Rouen en novembre.
Mais l'enthousiasme n'a pas non plus été unanime côté critiques lors de la création ou des reprises (presse écrite ou web). J'avais lu ici et là des commentaires pointant l'ennui, la répétition, l'absence de références au romantisme, le noir quasi constant, les chanteurs trop souvent à l'avant-scène....
Il faut se laisser surprendre je crois par cette mise en scène car jamais cet opéra n'a été traité de cette façon, qui, si elle n'est pas la seule possible, en est en tout cas une qui colle au livret avec efficacité.

(ci-contre le compte-rendu de la création à Caen http://www.odb-opera.com/viewtopic.php ... n#p364366 Par contre je ne comprends pas pourquoi les photos que j'avais jointes à mon article ont disparu.)
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard

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Re: Weber- Der Freischütz- Equilbey/Debailleul&Navarro- TCE- 10/2019

Message par philipppe » 20 oct. 2019, 08:27

HELENE ADAM a écrit :
19 oct. 2019, 22:54

il y a vraiment des gens insupportables parmi le public d'opéra et ils ne savent même pas fermer leur g...
Lol, lol, lol....

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Re: Weber- Der Freischütz- Equilbey/Debailleul&Navarro- TCE- 10/2019

Message par HELENE ADAM » 20 oct. 2019, 09:37

philipppe a écrit :
20 oct. 2019, 08:27
HELENE ADAM a écrit :
19 oct. 2019, 22:54

il y a vraiment des gens insupportables parmi le public d'opéra et ils ne savent même pas fermer leur g...
Lol, lol, lol....
On a le droit d'être insensible au romantisme allemand naissant de Freischutz, on n'est pas obligé d'aimer les mises en scène poétiques qui soulignent le caractère sombre de ce conte des forêts profondes de l'Allemagne, mais pourquoi faire profiter ses voisins de son sale caractère et de la vulgarité évidente de sa pensée en hurlant au moment où tous les artistes sont sur scène ?
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
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Re: Weber- Der Freischütz- Equilbey/Debailleul&Navarro- TCE- 10/2019

Message par Asvo » 20 oct. 2019, 10:21

De mon côté je découvrais en intégralité le Freischutz et je dois en effet faire partie des insensibles au romantisme allemand : l'œuvre entière ne m'a pas emballé... Ce qui ne m'a pas empêché de passer une soirée sympathique, grâce en effet à la belle inventivité de la mise en scène. J'ai eu peur de l'utilisation de la vidéo au début (encooore des projections vidéo !) mais elle a toujours un sens, et participe du merveilleux et du fantastique du livret. Quant à l'utilisation de la magie et de la jonglerie, elle émerveille sans démonstration. Bref une très belle mise en scène. Un peu, voire trop sombre, mais très belle !

Côte direction, je l'ai trouvée très analytique, prenant le temps de montrer les différents aspects d'une partition qui, même si elle ne m'a pas toujours ému ou emballé, est en effet d'une richesse qui présage du romantisme allemand futur et plus abouti.

L'orchestre possède une section de bois magnifique, dommage que, du côté des cuivres, le naturel des cors revienne au galop dès l'ouverture !

Je serai plus rapide sur les voix (j'attends de lire les commentaires d'odbiens plus familiers du freischutz) mais j'ai été très sensible aux deux voix féminines, ainsi qu'au médium de Stanislas de Barbeyrac. Malheureusement, la partition semblant solliciter beaucoup le médium et le grave pour les ténors, chaque passage dans les aigus semblait difficile au ténor français. Plutôt enthousiaste des autres voix, et très convaincu par accentus.

Une bonne soirée, vraiment grâce à la poésie de cette mise en scène !

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Re: Weber- Der Freischütz- Equilbey/Debailleul&Navarro- TCE- 10/2019

Message par pingpangpong » 20 oct. 2019, 11:00

HELENE ADAM a écrit :
20 oct. 2019, 09:37
philipppe a écrit :
20 oct. 2019, 08:27
HELENE ADAM a écrit :
19 oct. 2019, 22:54

il y a vraiment des gens insupportables parmi le public d'opéra et ils ne savent même pas fermer leur g...
Lol, lol, lol....
On a le droit d'être insensible au romantisme allemand naissant de Freischutz, on n'est pas obligé d'aimer les mises en scène poétiques qui soulignent le caractère sombre de ce conte des forêts profondes de l'Allemagne, mais pourquoi faire profiter ses voisins de son sale caractère et de la vulgarité évidente de sa pensée en hurlant au moment où tous les artistes sont sur scène ? J'en ai autant pour certains qui se répandent sur les réseaux sociaux en pratiquant le bashing systématique de tel ou tel chanteur/metteur en scène/ directeur d'opéra/chef d'orchestre en des termes d'une grossièreté bien protégée par l'anonymat.... :2guns:
A ce point là ? Tu es tombée sur un nid ou bien y avait-il d'autres gueulards répartis dans la salle ?
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
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Re: Weber- Der Freischütz- Equilbey/Debailleul&Navarro- TCE- 10/2019

Message par HELENE ADAM » 20 oct. 2019, 11:30

Der Freischutz Première du 19 octobre
Cette oeuvre a été écrite par Weber après avoir vu une représentation de Fidelio de Beethoven et la filiation musicale (jubilatoire) est assez évidente. Mais, comme pour son Oberon, Weber donne la mesure de sa puissance romantique, par ses thèmes (place au peuple, rôle central des choeurs, hommes, femmes, solistes, chants ou cris, oppositions entre les paysans et les chasseurs, récits de légendes populaires, place de la nature, fautes, crimes et rédemption), comme par la puissance orchestrale de l'ensemble.
Cette oeuvre annonce Berlioz (qui en fera d’ailleurs une version française en 1841) ou Tannhauser et les Meistersinger de Wagner (le jeune Wagner s’était d’ailleurs emballé pour les opéras de Weber).

Weber compose ses opéras à l’époque où triomphe l’opéra italien de Rossini. Il s’en affranchit très nettement (et s’y oppose très fortement) en affirmant finalement une nouvelle orientation thématique et musicale que sera ensuite la grande lignée du romantisme allemand. Cela concerne les thèmes : la nature fantastique, la forêt profonde, touffue d’une part et, d'autre part, la magie noire représentée par le rituel diabolique de Kaspar à la Gorge aux Loups, véritable sorcellerie. (Pour obtenir les balles magiques, il mélange « du plomb, puis de la poudre de verre d’un vitrail d’église, un peu de vif-argent, trois balles qui ont déjà touché, l’œil droit d’une huppe et l’œil gauche d’un lynx ».).

Mais cela concerne aussi le style musical qui tourne le dos aux grands airs valorisant les chanteurs insérés entre deux récitatifs. Là, à l’inverse, peu de grands airs, une continuité de style, des duos et des ensembles soignés et un rôle important des chœurs. On peut ajouter l’empreinte importante des cuivres, des solos de bois ou de cor, et des percussions créant une atmosphère d’angoisse.

En 2015 dans cette même salle du TCE une version concert avait été donné avec un orchestre contemporain, l’orchestre philharmonique de Hambourg sous la direction de Thomas Hengelbrock. Il est incontestable que l’on a davantage dans l’oreille du Beethoven et du Weber donné avec la force et la puissance des instruments actuels que ce retour aux sources proposé ce soir par Laurence Equilbey et il faut bien le dire, de ce point de vue, on craint le pire lors de l’ouverture (célèbre) de ce Freischütz quand les cors sonnent faux à plusieurs reprises et que les cordes sont un peu faibles peinant à donner l’élan nécessaire qui doit sonner aux oreilles du spectateur. L'orchestre devrait être autrement doté en fortes sonorités contrastées qui approchent bien davantage, à mon goût, cette orchestration qui souligne avec force les thèmes musicaux, leitmotivs de l’histoire et des personnages dont Wagner s’inspirera pour la structure de ses propres ouvertures.)
Cela s’arrange par la suite (non sans quelque retour aux couacs assez agaçants) mais je n’a pas été éblouie par la direction de Laurence Equilbey ni par sa formation Insula Orchestra. A sa décharge une acoustique qui étouffe les sons et peut-être un problème de rodage de Première.

La compagnie 14 :20, l’une des formations théâtrales les plus prometteuses, était à la mise en scène. Elle nous proposait une lecture poétique de ce conte allemand plongeant dans les profondeurs mystérieuses de la forêt noire s’appuyant tout à la fois sur de magnifiques vidéos que sur des « effets » surnaturels très réussis : les artistes s’envolent gracieusement, retombent sur le sol comme un film au ralenti, les « balles » sont autant de lumières façons lucioles, les jeux d’ombres et de lumières se succèdent, nous avons des pantomimes et des hologrammes, on se prend au « jeu » et il nous semble que, comme jamais, on pénère au fin fond de cette forêt. Le final, qui comme beaucoup d’autres passages, évoque furieusement celui de Fidelio, s’accompagne d’un magnifique effet scénique d’apparition de l’eau au pied des chanteurs.
Le personnage maléfique de Samiel, (Clément Dazin impressionnant dans un rôle parlé), le « chasseur noir », tel l’âme damnée du récit initiatique de ce Freischutz, est sans cesse sur scène, joué par un comédien tout vêtu de noir, que les autres ne voient pas en général et qui forme une inquiétante présence permanente.
Les dialogues parlés (en allemand comme il se doit) sont rétablis et s’insèrent correctement entre les airs chantés même si on peut regretter une sonorisation un peu forte.
On a là en tous cas, une représentation très fidèle au livret (contrairement à la version concert donnée en 2015 qui avait supprimé totalement ces dialogues et introduit des poèmes rajoutés), esthétiquement très poétique et ma foi, plutôt favorables aux voix des chanteurs et au déploiement du chœur, parfois visible, parfois dans l’ombre.

Côté voix, le plateau m’a paru très homogène et globalement de bonne qualité, dans ce style qui se situe assez près du Mozart de la Flûte enchantée (Weber est d’ailleurs le cousin de sa femme) mais s’inspirant aussi des qualités très particulières du Fidelio de Beethoven.
Mon coup de cœur ira à l’Agathe de Johanni Van Oostrum que j’ai trouvée tout simplement merveilleuse : très beau timbre, vocalises très bien maitrisées, émotion à revendre et simplicité touchante du personnage. Son « Leise, leise from Weise » est sublime.
Stanislas de Barbeyrac, pour sa prise de rôle, campe un Max à la silhouette juvénile qui fait immédiatement penser à son Tamino mais la comparaison s’arrête presque là. La voix s’est corsée et assombrie depuis la Flûte et l’aisance dans le grave et le médium lui permet de très belles réussites sauf peut-être le fameux et célébrissime « Durch die Wälder, durch die Auen » où les aigus « en trompette » qu’exige le rôle ne sont pas assénés avec suffisamment de confort. Mais une première reste une première et pour tout le reste, chapeau bas, le rôle est difficile et exigeant et venant juste après sa magnifique prestation dans les Indes Galantes, on s’incline d’autant plus sans réserve. Cela situe désormais Barbeyrac dans la lignée des "wagnériens lyriques" et rien ne lui interdit de penser, après ce Max, à Florestan d'une part, à Parsifal ou Lohengrin d'autre part...Belle diction en allemand et maitrise de la prosodie très particulière de cette langue.
Chiara Skerath est une délicieuse Ännchen dans ce rôle de soprano léger où finalement sa voix n’est pas si légère que cela et, surtout a le mordant nécessaire. J'aime beaucoup cette artistes qu'on voit de temps en temps dans Gluck ou Mozart (mais aussi dans Debussy) et qui a toujours énormément de grâce et de style dans le chant.
Vladimir Baykov est un puissant et remarquable Kaspar. Je crois que je n’avais jamais entendu ce baryton-basse, habitué de Hambourg, c’est un chanteur à suivre. Son Hier im ird’schen Jammertal » avait une prestance vocale impressionnante.
Tous les autres rôles sont fort bien tenus de Christian Immler en Ermite à Thorsten Grümbel en Kuno en passant par Daniel Schmutzhard en Ottokar (baryton que j’ai entendu de multiples fois en Allemagne) et Anas Seguin en Killian (belle présence scénique en plus !).
En bref, une belle soirée suffisamment mystérieuse et envoûtante pour supplanter les individus qui se sont permis de huer la mise en scène.

(Merci à Efemere pour les photos et les précisions diverses sur cette production et ses distributions).
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
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