Massenet - Manon - Benini/Pelly- Metropolitan - 09/2019

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Massenet - Manon - Benini/Pelly- Metropolitan - 09/2019

Message par PlacidoCarrerotti » 07 oct. 2019, 10:31

Production
Laurent Pelly

Direction
Maurizio Benini

Manon Lescaut
Lisette Oropesa

Le Chevalier Des Grieux
Michael Fabiano

Le Comte des Grieux
Kwangchul Youn

Lescaut
Artur Ruciński

Guillot de Morfontaine
Carlo Bosi

De Brétigny
Brett Polegato

Représentation du 28 septembre


Salle à moitié vide (ce n'est pas une façon de dire mais une constatation) pour cette matinée (c'est vrai qu'il faisait très beau et que, rétrospectivement, j'aurais mieux fait de rester dehors).

Pelly est-il capable de réussir une production "tragique" ? Après les terribles Puritani de Bastille, j'en doute de plus en plus. La production n'est pas une surprise (vue à Londres avec Netrebko et Grigòlo, autrement plus électrisants).
Pelly transpose l'action au XIXe siècle mais AMHA se trompe de période AMHA. Le XIXe hypocritement puritains, celui de La Dame aux camélias (1848), ce n'est pas le même que celui de Massenet (création de Manon en 1884) : or, la frivolité de la Régence est plus proche de ce second XIXe que que premier. Chez Massenet, on parle régulièrement de "volupté" par exemple.
Au delà de cette démarche vaine de transposition, c'est globalement moche et théâtralement raté, je ne vais pas me fatiguer à écrire des pages là dessus, vu que j'avais écris ceci à l'époque de la création londonienne (quel style !) :
Il est des transpositions qui éclairent un ouvrage et d’autres qui l’appauvrissent : en situant l’action au XIXe siècle (ou aux débuts du XXe, on ne sait trop), Pelly et sa décoratrice Chantal Thomas font là aussi fausse route. La « petite chambre » nous ramène au premier acte de La Bohème, voire à Louise ;Guillot, Brétigny et les chœurs sont habillés en bons bourgeois sortis de chez Flora dans Traviata ; Des Grieux est vêtu comme le Julien de Louise, et il provoque Lescaut à la boxe ; les ballerines nous rappellent les toiles de Degas … Seulement voilà, il n’y a pas grand rapport entre le siècle de Manon (l’action se situe à la fin du règne de Louis XIV, juste avant la Régence EDIT : dans le livre, pas dans l'opéra) et celui de Traviata ; les quelques correspondances ne résistent pas à l’analyse. Certes, la Régence voit éclore le libertinage des mœurs qui évoluera jusqu’au cynisme des Liaisons dangereuses : mais celui-ci n’a rien à voir avec l’hypocrisie bourgeoise de l’époque glorieuse des « grandes horizontales », où les jeunes héritiers fortunés pouvaient à loisir « jeter leur gourme » tandis que les futures épouses restaient bien sagement à la maison. Certes aussi, ces deux périodes historiques voient l’ascension sociale de nouvelles fortunes, mais on ne peut faire abstraction de la problématique de classes sociales dans la société aristocratique de l’Ancien Régime : c’est ainsi la seule raison pour laquelle Manon finit aux galères sur la simple accusation de Guillot, tandis que Des Grieux ne subit aucune conséquence de ses incartades supposées. De même, la « prolétarisation » du Chevalier affadit sa propre descente aux enfers, tout en rendant improbable son admission au séminaire de Saint-Sulpice.
Au final, une production froide, sans émotion, qui se veut implacable mais qui passe à côté des subtilités de l’œuvre dans une transposition qui n’apporte rien, bien au contraire.


Lisette Oropesa fait fugitivement penser à Beverly Sills avec son émission un peu grelottante. Dramatiquement, le compte n'y est pas : c'est la coquetterie de Marguerite des Huguenots d'un bout à l'autre, sans beaucoup de profondeur et quasiment aucune évolution. La voix est insuffisamment puissante (on l'entend mais elle ne "remplit" pas), les coloratures sont plutôt bien exécutées mais les deux contre-ré (?) du Cours la Reine sont vrillés et le contre-ut (?) à la fin de l'acte IV est trop bas.

Michael Fabiano est plutôt à la ramasse dans ce répertoire avec de légers accidents : maîtrise défaillante du mixte dans "Ah ! Fuyez !" et tessiture trop tendue dans le duo qui suit. Pas de contre ut à l'acte IV (Ah... Alfredo.... !) : le suraigu n'est pas son fort.

Ruciński sympa mais trop léger pour la salle. Youn un peu âgé et chevrotant mais digne. Excellent Bosi.
Partition très complète : l'acte I ne se termine pas sur le duo, on a droit au ballet, le Le portier du séminaire de Saint-Sulpice a sa petite réplique au milieu de l'air de Des Grieux mais pas celle à la toute fin ("Il est jeune ... et sa foi semble sincère ... Il a fait grand émoi / Parmi les plus belles /De nos fidèles !).

Benini métronomique, rapide mais sans tension.
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Re: Massenet - Manon - Benini/Pelly- Metropolitan - 09/2019

Message par HELENE ADAM » 07 oct. 2019, 10:48

PlacidoCarrerotti a écrit :
07 oct. 2019, 10:31
Michael Fabiano est plutôt à la ramasse dans ce répertoire avec de légers accidents : maîtrise défaillante du mixte dans "Ah ! Fuyez !" et tessiture trop tendue dans le duo qui suit. Pas de contre ut à l'acte IV (Ah... Alfredo.... !) : le suraigu n'est pas son fort.
je l'ai trouvé aussi pas mal à la ramasse en Faust récemment au ROH. La ligne de chant n'est plus très soignée me semble-t-il.
Espérons que Don Carlo lui convienne mieux...
(j'ai prévu d'aller voir ce Manon en retransmission cinoche, bon tant pis on verra :mrgreen: )

NB : dans l'article de 2010 que tu cites ci dessus, j'aime aussi ton :
"A ses côtés, Vittorio Grigolo est un Des Grieux tout en testostérone et dégoulinant de latinité." :mrgreen:
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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Message par PlacidoCarrerotti » 07 oct. 2019, 12:19

HELENE ADAM a écrit :
07 oct. 2019, 10:48
PlacidoCarrerotti a écrit :
07 oct. 2019, 10:31
Michael Fabiano est plutôt à la ramasse dans ce répertoire avec de légers accidents : maîtrise défaillante du mixte dans "Ah ! Fuyez !" et tessiture trop tendue dans le duo qui suit. Pas de contre ut à l'acte IV (Ah... Alfredo.... !) : le suraigu n'est pas son fort.
je l'ai trouvé aussi pas mal à la ramasse en Faust récemment au ROH. La ligne de chant n'est plus très soignée me semble-t-il.
Espérons que Don Carlo lui convienne mieux...
(j'ai prévu d'aller voir ce Manon en retransmission cinoche, bon tant pis on verra :mrgreen: )

NB : dans l'article de 2010 que tu cites ci dessus, j'aime aussi ton :
"A ses côtés, Vittorio Grigolo est un Des Grieux tout en testostérone et dégoulinant de latinité." :mrgreen:
Erreur : je citais ma contribution au fil ODB ;-)
viewtopic.php?f=6&t=8826&p=149900&hilit ... lo#p149900
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Re: Massenet - Manon - Benini/Pelly- Metropolitan - 09/2019

Message par valery » 07 oct. 2019, 17:22

PlacidoCarrerotti a écrit :
07 oct. 2019, 10:31
Lisette Oropesa fait fugitivement penser à Beverly Sills avec son émission un peu grelottante. Dramatiquement, le compte n'y est pas : c'est la coquetterie de Marguerite des Huguenots d'un bout à l'autre, sans beaucoup de profondeur et quasiment aucune évolution. La voix est insuffisamment puissante (on l'entend mais elle ne "remplit" pas), les coloratures sont plutôt bien exécutées mais les deux contre-ré (?) du Cours la Reine sont vrillés et le contre-ut (?) à la fin de l'acte IV est trop bas.
Oui, contre-ré au Cour-la-reine et l'ultime note de l'acte IV est un ré.

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Message par Remigio2 » 10 oct. 2019, 19:28

J'ai vu cette Manon samedi dernier et n'ai relevé aucun des défauts relevés par Placido, notamment à propos de Fabiano qui m'a positivement surpris par son legato et ses demi-teintes (une fois n'est pas coutume): comme quoi les artistes suivent ODB pour s'améliorer de représentation en représentation :D

En revanche, j'ai trouvé le Macbeth très mauvais : seul Zeljko le loustique s'en est à peu près bien tiré (c'est dire le niveau du reste :?). J'ai vraiment regretté ce soir là de ne pas avoir opté pour Mahler 5 par l'Orchestre de Cleveland (superbe la veille dans les extraits orchestraux du Rosenkavalier) dans le merveilleux mais très inconfortable Carnegie Hall :cry:

R.
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Re: Massenet - Manon - Benini/Pelly- Metropolitan - 09/2019

Message par HELENE ADAM » 26 oct. 2019, 19:44

Fabiano en bonne forme vocale et séduisant (entracte de la retransmission cinéma)
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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Re: Massenet - Manon - Benini/Pelly- Metropolitan - 09/2019

Message par Loge Arythme » 26 oct. 2019, 19:56

Oui mais pas beaucoup d'émotion malgré la bonne qualité d'ensemble. Je crains que ça ne vienne de l'opéra lui-même. Fabiano prêt pour un Carlo anticipé ?? Au cas où...

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Re: Massenet - Manon - Benini/Pelly- Metropolitan - 09/2019

Message par houppelande » 27 oct. 2019, 08:33

La retransmission d'hier m'a paru bien meilleure que ne le laissait craindre le commentaire de Placido sur le vif. Les choses se sont peut-être améliorées, la retransmission gomme certains défauts (comme le manque de puissance ou de projection) et transforme le grain de la voix perçue. Pour ma part, j'ai beaucoup aimé la séance d'hier, redécouvrant avec plaisir les mérites de la musique de Massenet. La mise en scène de Pelly m'a également plu, même si elle lorgne plus du côté de l'opérette que du grand opéra, mais Manon est un opéra-comique après tout.

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Re: Massenet - Manon - Benini/Pelly- Metropolitan - 09/2019

Message par HELENE ADAM » 27 oct. 2019, 08:58

Cinéma , matinée du 26 octobre retransmise en direct depuis le MET de NY.
C'était assez réussi en effet mais je ne suis pas une fan de ce "Manon", je préfère le traitement de Puccini qui m'a toujours paru plus "juste" dans la relation musique et livret d'une part, histoire racontée d'autre part.
L'opéra de Massenet du fait de certaines scènes (à commencer par la première à l'auberge d'ailleurs) se prête en effet à une interprétation "opérette" avec laquelle Pelly joue beaucoup dans sa mise en scène. C'est très bien réalisé (décors et costumes superbes) mais laisse le spectateur, je trouve, un peu désemparé, surpris à rire et à sourire plus souvent qu'il ne le fait habituellement avec cette oeuvre.
S'y rajoute dans mes réserves, l'interprétation de Lisette Oropesa où, je crois, je rejoins les impressions de Placido : elle est jolie, vive, remuante et sa voix est charmante, mais rien ne passe vraiment, peu de variations de colorations, un chant un rien monolithique. Elle reste une midinette qui peine à nous convaincre de ce qui apparait comme des sautes d'humeur. Elle est très agréable à regarder mais n'impressionne jamais. Et hélas, ses suraigus commencent à être difficiles avec des "lancers" approximatifs qui font craindre plusieurs fois l'accident. Elle est visiblement très populaire au MET, comme elle le fut à Paris pour les Huguenots.
Michael Fabiano tente énormément de mezzo voce assez réussies qui rende son chant nettement plus émouvant, démontrant d'ailleurs que lorsqu'il est à l'aise dans un personnage et une partition (ce qui n'était pas le cas dans le dernier Faust où je l'ai vu au ROH en live cette fois), c'est un très bon interprète. La voix sait s'enfler dans les moments tragiques et lors de la scène de Saint Sulpice, il réussit à nous émouvoir quand elle reste un peu à la surface des choses.Son timbre se corse et s'assombrit régulièrement ce que je trouve assez adéquat au rôle (et le sera également dans celui de Don Carlo à mon sens). Il est également très populaire au MET (depuis pas mal d'années).
Le Lescaut d'Artur Ruciński est un charmant jeune homme, dont on perçoit bien l'évolution même si je trouve qu'il surjoue un peu du fait du parti pris parfois carrément bouffon de la mise en scène. La voix n'est pas immense, et la retransmission, si elle ne donne pas d'idée de la projection, ne gomme pas grand-chose des caractéristiques d'un timbre qu'on perçoit souvent noyé dans les ensembles par exemple.
Le Comte des Grieux de Kwangchul Youn avait du perdre son diapason en route, il a chanté faux une bonne partie de sa partition (décidément... :cry: )
Bons Guillot de Morfontaine (Carlo Bosi qui a la tête de Verdi (et son chapeau), c'est marrant) et De Brétigny de Brett Polegato.
Incursion d'un vrai ballet en tutus qui donne lieu, encore une fois, à une scène de grand-guignol juste avant Saint Sulpice (j'ai trouvé Pelly globalement très facétieux).
La direction de Benini est scolaire, il accentue les passages "climax" sur les thèmes les plus célèbres sans beaucoup d'imagination.
Ce qui rend ces retransmissions cinéma assez fastidieuses (je ne sais ce que ça donne en salle de ce point de vue) ce sont tous ces "arrêts de jeu" vraiment excessifs en nombre et en longueur dans un opéra de cette taille : trois jetés de rideaux très longs, et deux entractes interminables...
Cela joue dans le fait que le rythme est alors systématiquement cassé...

PS : salle de cinéma bien remplie au Gaumont Opera.
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
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Re: Massenet - Manon - Benini/Pelly- Metropolitan - 09/2019

Message par philopera » 27 oct. 2019, 09:09

HELENE ADAM a écrit :
27 oct. 2019, 08:58

S'y rajoute dans mes réserves, l'interprétation de Lisette Oropesa où, je crois, je rejoins les impressions de Placido : elle est jolie, vive, remuante et sa voix est charmante, mais rien ne passe vraiment, peu de variations de colorations, un chant un rien monolithique. Elle reste une midinette qui peine à nous convaincre de ce qui apparait comme des sautes d'humeur. Elle est très agréable à regarder mais n'impressionne jamais. Et hélas, ses suraigus commencent à être difficiles avec des "lancers" approximatifs qui font craindre plusieurs fois l'accident. Elle est visiblement très populaire au MET, comme elle le fut à Paris pour les Huguenots.
Je n'ai jamais compris les louanges excessives sur Oropesa après Les Huguenots ou Robert le Diable ... content de voir que cette Manon la remette à sa place pour certains :roll:
"Gérard Mortier a raison d'offrir Elektra sans entracte"
( Eric Dahan Libération 25/06/2005)

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