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Re: Strauss - Salomé - Petrenko/Warlikowski - Munich - 06/2019

Posté : 08 juil. 2019, 12:27
par Luc ROGER
Grand merci à tous les intervenants pour ces contributions de qualité, grand merci à Niklaus Vogel pour son texte qui ouvre encore la discussion par ses références détaillées.

Re: Strauss - Salomé - Petrenko/Warlikowski - Munich - 06/2019

Posté : 09 juil. 2019, 19:14
par Hiero von Stierkopf
enrico75 a écrit :
06 juil. 2019, 22:45
Hiero von Stierkopf a écrit :
06 juil. 2019, 22:18
Je suis ressorti de cette soirée franchement déçu par cette production.
Une mise en scène que j'ai trouvée totalement hors de propos.
Petersen qui essaie de chanter Salomé sans y parvenir mais qui s'en sort en délivrant une performance scénique remarquable.
Heureusement il reste la musique, l'orchestre et Petrenko.

Globalement, peu d'impact au niveau vocal en salle, y compris pour Koch.
Bien aimé Michaela Schuster et le page de Rachael Wilson de l'Opernstudio. Ca résume assez bien ma soirée.
J'ai posté avant de lire ta réaction, comme quoi faut se méfier de la vidéo car les voix passaient merveilleusement bien :wink:
Mon ressenti en salle sur le plan vocal est à des années lumières de tout ce que j'ai pu lire de ceux qui ont vu le streaming.
Cette production est une des plus grosses déceptions de ma saison (résultat vs attentes).

Re: Strauss - Salomé - Petrenko/Warlikowski - Munich - 06/2019

Posté : 10 juil. 2019, 06:47
par Piero1809
NiklausVogel a écrit :
08 juil. 2019, 11:46
micaela a écrit :
08 juil. 2019, 11:38
Pour les Kindertotenlieder, le texte (qui n'est pas de Mahler) exprime la souffrance d'un père endeuillé après la mort de ses enfants. Tristement prémonitoire pour Mahler, qui perdra ses deux filles quelque temps après.
Pour le reste, je ne sais pas, je n'ai pas vu la mise en scène.
Salomé dans une yeshiva, l'idée me semble déjà bizarre et peu explicable.
Mahler n'a perdu qu'une fille. Anna Mahler n'est morte qu'en 1988.
Micaela aurait eu raison si elle avait écrit:
Tristement prémonitoire pour (Alma) Mahler, qui perdra deux de ses filles quelque temps après.
La deuxième fille est Manon Gropius, à laquelle Alban Berg dédiera son concerto pour violon à la mémoire d'un ange.

Re: Strauss - Salomé - Petrenko/Warlikowski - Munich - 06/2019

Posté : 10 juil. 2019, 08:32
par Snobinart
Hiero von Stierkopf a écrit :
09 juil. 2019, 19:14
enrico75 a écrit :
06 juil. 2019, 22:45
Hiero von Stierkopf a écrit :
06 juil. 2019, 22:18
Je suis ressorti de cette soirée franchement déçu par cette production.
Une mise en scène que j'ai trouvée totalement hors de propos.
Petersen qui essaie de chanter Salomé sans y parvenir mais qui s'en sort en délivrant une performance scénique remarquable.
Heureusement il reste la musique, l'orchestre et Petrenko.

Globalement, peu d'impact au niveau vocal en salle, y compris pour Koch.
Bien aimé Michaela Schuster et le page de Rachael Wilson de l'Opernstudio. Ca résume assez bien ma soirée.
J'ai posté avant de lire ta réaction, comme quoi faut se méfier de la vidéo car les voix passaient merveilleusement bien :wink:
Mon ressenti en salle sur le plan vocal est à des années lumières de tout ce que j'ai pu lire de ceux qui ont vu le streaming.
Cette production est une des plus grosses déceptions de ma saison (résultat vs attentes).
Same here

Re: Strauss - Salomé - Petrenko/Warlikowski - Munich - 06/2019

Posté : 10 juil. 2019, 10:50
par Loge Arythme
Salomé , une femme allemande .

Bonjour chers odébiens ,
Cette contribution inaugure (quoique avec un peu de retard à l'allumage) ma participation à ce site ; dont je lis les échanges avec le plus grand intérêt, et depuis fort longtemps .

Les mises en scène de Warli suscitent habituellement de beaucoup de réactions, et celle-ci n'échappe pas à la règle , empilant à plaisir les niveaux de significations et les temporalités , et jouant avec l’œuvre originelle comme le chat avec la souris . L'action est certes référencée durant la seconde guerre mondiale , dans une assemblée de juifs traditionalistes qui tentent de maintenir un semblant de vie culturelle en faisant jouer de la musique de la Vienne rêvée d'autrefois . D'un coup le sort frappe à la porte : un couple en habits typiquement années 40 surgit du dehors (seul surgissement de l'extériorité dans cette mise en scène) . Par ce geste , il rompt brutalement le charme du prologue malhérien et donne le départ de la musique de Strauss . Pour être accepté , l'homme tend des patates, geste très fortement marqué historiquement et affectivement (les années de guerre , et pas seulement en Pologne) ; le groupe de la yeshiva est pris de peur et se cache derrière le fond de scène , comme si les arrivants leur étaient étrangers ; rapide allusion à l'existence d'autres juifs . La rupture présente annonce la destruction future .

Mais très vite la temporalité se dissout et l'on passe à d'autres périodes , représentées ensemble ou successivement ; la robe rouge de Salomé paraît plutôt dater des années 50, sa robe de mariée plutôt années 30 ; les costumes des yeshivoth sont un peu de toutes les époques , et la synagogue montrée pendant la danse de Salomé est du XVIème ou XVIIème siècle . La pantomime initiale sur fond de musique de Mahler montre un Hérodias affublé d'un masque (de clown) et d'un costume , presque façon Charlot ; la courte scène où on le voit arracher la croix au prêtre ( cantor ? ) travesti , en le montrant se moquant d'une autre religion , rappelle l'attitude de complaisance du Herodias «historique» , et sa préférence plus affichée que sincère pour le judaïsme . La temporalité et le caractère de cette scène sont plutôt le Berlin du temps de la République de Weimar ; de même le jeu et le déshabillé de Salomé / Marlis Petersen - dont le jeu rappelle sa prestation en Lulu au Met . Ceci n'est évidemment pas un hasard , ni la marque d'un jeu limité – c'est tout le contraire , elle est époustouflante . C'est la mise en place d'un glissements chronologique et géographique : on passe du « Judenland » de l'Est au centre de l'Allemagne .

Le rôle et le caractère de Salomé se trouvent transformés par le contrepoint constant donné à sa présence par le groupe de membre de la yeshiva , toujours présent sur scène . Au lieu d'être sujet dominant de l'action ,elle devient protagoniste , agent perturbateur d'une histoire de fatalités victimaires emboîtées , On trouve à la fois des aspects symbolistes et expressionnistes (Stück et Beckmann réunis ?) à sa gestuelle de femme fatale , exécutée sur fond de décor d'ancienne synagogue , à base de signes du zodiaque et d'animaux imaginaires . La danse des sept voiles ne s'adresse plus à Herodias ; mais à une figure de la mort elle-même . Le propos n'est plus de faire concéder à Hérodias la tête de Jochanaan , mais de faire en sorte que la mort concède à une Salomé devenue figure emblématique de l'Allemagne des années 30, la tête du peuple juif tout entier . Ceci paraît bien dans la ligne des intentions du metteur en scène telles que rapportées dans le programme officiel du BSO . Il s'ensuit un renversement victimaire surprenant , qui fait de Jochanaan (lui aussi habillé moderne) , par l'usage de la symbolique du tatouage , non plus un fanatique indifférent à sa propre mort et à celle des autres , mais un prisonnier et une victime emblématique du totalitarisme ; ce choix , s'il convient bien au chanteur plein d'humanité qu'est Wolfgang Koch (voir son Barak de Frau Ohne Schatten) , n'est pas loin d'un contresens si l'on se réfère à l’œuvre prise à la lettre ; cela me paraît l'un des points discutables , parce que très (trop ? ) éloigné du sens originel du personnage .

J'ai retrouvé plutôt avec plaisir les éléments de discours scénique de Warli , tout en regrettant l'absence d'extériorité , logique certes dans cette mise en scène , mais éloignée de l’œuvre . En effet , nous sommes habitués à une dialectique intérieur / extérieur qui donne une respiration à ses mises en scène , et par là même, aux œuvres . Là , bien qu'une partie de l’œuvre soit supposée se dérouler sur une terrasse au clair de lune , toute extériorité est reniée . Pas d'extériorité , que de l'étouffement : on passe de l'espace confiné de la yeshiva à l'espace confiné de la « schwimnagogue ». De l'étouffement à l'enfermement : Salomé réclamant de manière obstinée et butée la tête de Jochanaan , devient la métaphore de l'enfermement de l'Allemagne dans sa folie meurtrière .

A cet enfermement dans l'espace correspond évidemment un enfermement dans la fatalité de la mort ; la seule option qui reste étant de décider soi-même de sa propre destruction , d'où l'inéluctabilité du suicide collectif final . Ne reste plus du désastre qu'un Jochanaan , dont on peut imaginer qu'il a ressuscité après sa décapitation , puisqu'il est présent sur scène , debout , devenant alors symbole du survivant – le tatouage le ramenant à sa condition initiale de juif ( sans oublier Naraboth le syrien qui lui aussi ressuscite – allusion à l 'actualité ? ) .

Beaucoup d'envies et d'intentions , dans cette mise en scène , au point même de paraître surcharger l'œuvre originelle , par elle-même si riche et si dense . La direction d'acteurs est comme toujours chez Warli (et Malgorszata) impressionnante de précision et d'inspiration , avec une profusion de détails et de soins apportés à la composition de chaque personnage . De même de la direction musicale et des voix , pour lesquelles j'incline à croire que la retransmission BSO Tv live tend à rétablir un équilibre scène / orchestre qui fait assez naturellement défaut dans cette salle , du fait de sa configuration .

Re: Strauss - Salomé - Petrenko/Warlikowski - Munich - 06/2019

Posté : 10 juil. 2019, 11:10
par micaela
Hérodias , c'est la femme d'Hérode (Hérodiade chez Massenet qui en a fait son personnage principal).
Je me trompe peut-être, mais il me semble que les "yeshivoth", c'est tout simplement le pluriel hébraïque de yeshiva, et non les élèves ou enseignants de celle-ci.
La grosse incohérence que je vois au départ, c'est que des Juifs traditionnalistes organisent une représentation de Salomé dans une yeshiva (même si on peut supposer qu'ils font avec les moyens du bord). Il y a bien eu des représentations dans les ghettos des années 40 ou au camp de Terezin, mais dans un cadre profane, pas dans la salle d'une école talmudique, dont une (qui a donné lieu à un documentaire sur le sujet) du Requiem de Verdi.

Re: Strauss - Salomé - Petrenko/Warlikowski - Munich - 06/2019

Posté : 10 juil. 2019, 13:15
par Loge Arythme
Merci Micaela pour ce correctif . Je suis confus de ces confusions . Pour ce qui est du terme de yeshivah , je le reprends par facilité, mais pas au premier degré ; je pense que le metteur en scène a voulu avant tout représenter un lieu clos , refuge de ce qui peut rester d'une culture assiégée . J'en veux pour témoin les étagères affaissées encore accrochées aux murs , avec encore les piles de livres écroulées , comme s'il s'agissait d'un « squat » .

Re: Strauss - Salomé - Petrenko/Warlikowski - Munich - 06/2019

Posté : 10 juil. 2019, 13:38
par micaela
Bien sûr. Et une yeshiva n'est pas un lieu sacré comme une église, juste un lieu d'étude et de réflexion sur les textes sacrés (Bible et Talmud). Ca me semble assez peu assorti à une représentation de Salomé, même dans des conditions précaires. Le sujet, de plus, relève en fait de la tradition chrétienne (l'histoire de Salomé telle qu'on la raconte, le plus souvent d'après Wilde, est issue d'un passage des Evangiles, et non de l"Ancien testament. Il y a sans doute une confusion avec une autre Salomé.
PS J'aime bien ton pseudo. Plutôt subtil, le jeu de mots...

Re: Strauss - Salomé - Petrenko/Warlikowski - Munich - 06/2019

Posté : 06 oct. 2019, 12:34
par franz
Bonjour,
Vu et entendu la représentation de Salomé à Munich hier soir.
Décevant à tout point de vu et je pense qu'il est inutile de me perdre dans cette déception. Salomé inexistante vocalement, Jochanaan insignifiant, Hérode et Herodiade en caricature 1000 fois vus, orchestre beaux mais plat et accommodé à la soupe Petrenko ( fluide, monocorde, insipide, sans imagination et ne se réveillant que lors des tutti fortissimo d'orchestre...). Et bien entendu les inévitables rugissements disproportionnés des timbales que ce chef chérit. Mise en scène anecdotique avec les 2 principaux rôles en avant scène type version de concert.
Quand on lit la logorrhée louangeuse que ce spectacle à inspiré à certains plus haut on se dit que effectivement l'herbe.... La je partage l"avis de certains, déjà exprimé pour d'autres représentations à Munich.
Accueil du public modéré à l"exception, probablement, des inconditionnels du chef dont les bravos animent un peu cette soirée bien grise par ailleurs.
Munich en dessous de son niveau attendu.

Re: Strauss - Salomé - Petrenko/Warlikowski - Munich - 06/2019

Posté : 14 oct. 2019, 08:50
par enrico75
Je dois faire ici même mea culpa. :cry:
J avais adoré cette nouvelle production de Salomé en juillet lors de la diffusion en streaming .
Malheureusement, en salle hier soir ,cela n'a pas fonctionné.
La faute à la mise en scène hautement sophistiquée,finalement très statique,de Warli non accessible directement pour un non initié ?
A l'abîme qui sépare une distribution vocale sous dimensionnée et un orchestre volcanique transformant Salomé en une immense symphonie avec voix concertantes?
Dans le détail :
Marlis Petersen Salomé, merveilleuse actrice mais la voix est trop menue,on a l'impression constante,même dans le monologue final d'une petite fille ,enfant gâtée qui fait son caprice.
Herodes jacasse ,il fait du" Mime" en permanence
Herodias est hystérique
Jochanaan ,Koch a la voix de plus en plus grise et le vibrato devient envahissant.
En contraste,l orchestre est somptueux, coloré ,tonitruant parfois,mais toujours précis lyrique,avec cette tension permanente marque de fabrique de Petrenko d 'ou ma frustration viv à vis des chanteurs.
Immense ovation pour Salomé et Petrenko aux saluts( c'était la dernière).
Comme quoi, :wink: toujours se méfier des retransmissions vidéos