Verdi - La Forza del destino - Pappano/Loy - ROH - 03/04/2019

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Re: Verdi - La Forza del destino - Pappano/Loy - ROH - 03/04/2019

Message par paco » 04 avr. 2019, 14:30

Lucas a écrit :
04 avr. 2019, 12:02
Il prezzo a écrit :
03 avr. 2019, 22:41
Mon principal grief est ici l'alternance "drama-buffa", qui ralentit l'action, et fait complètement retomber l'émotion et la tension
Ce n'est pas complètement faux mais il ne faut pas perdre de vue que la Forza a été créée à Saint-Petersbourg

On insiste souvent sur l'influence du Grand opéra à la française sur Verdi. Mais peut-être le compositeur italien a-t-il voulu rendre ici un hommage à l'opéra russe qui regorge en "scènes de genre"
En soi cela peut faire sens, mais je pense comme Placido que la référence est plutôt du côté de Meyerbeer. Ceci pour la raison que, dans toute la seconde moitié du XIXe siècle et jusqu'en 1917, l'intelligentisa tsariste avait un profond mépris pour les compositeurs russes. Pour eux, le talent était d'abord chez les italiens, puis tout juste après chez les français (les français pour la danse, les italiens pour l'opéra). Les Rimsky, Moussorgski et autres Tchaïkovski avaient un mal fou à faire "admettre" leur talent : aux yeux de la Cour et de l'académie ils étaient de toute façon relégués dans ce que l'on appellerait aujourd'hui une "catégorie B" par rapport à un Verdi.

De fait, je ne pense pas que Verdi ait eu un quelconque intérêt à rendre hommage à l'opéra russe à travers la Forza. Au contraire, cela lui aurait plutôt attiré un accueil glacial de la part de ses hôtes. Il a tout simplement été appelé pour faire de l'opéra italien et il a fait de l'opéra italien. Mais son passage à Paris a laissé des traces évidemment, et l'influence de Meyerbeer notamment.

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Re: Verdi - La Forza del destino - Pappano/Loy - ROH - 03/04/2019

Message par micaela » 04 avr. 2019, 17:00

Tout à fait d'accord. En découvrant les Huguenots, j'ai pensé "c'est du Verdi avant Verdi". L'influence est plus que nette.
Pour Verdi et l'opéra russe, j'ai lu je ne sais plus où ni par qui un commentaire qui faisait un rapprochement en Don Carlo(s) et l'opéra russe, en partie (si je me souviens bien) à cause du duo de basses, sans parler d'influence directe.
Je n'en vois pas dans la Forza .
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paco
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Re: Verdi - La Forza del destino - Pappano/Loy - ROH - 03/04/2019

Message par paco » 04 avr. 2019, 17:06

micaela a écrit :
04 avr. 2019, 17:00
Tout à fait d'accord. En découvrant les Huguenots, j'ai pensé "c'est du Verdi avant Verdi". L'influence est plus que nette.
Pour Verdi et l'opéra russe, j'ai lu je ne sais plus où ni par qui un commentaire qui faisait un rapprochement en Don Carlo(s) et l'opéra russe, en partie (si je me souviens bien) à cause du duo de basses, sans parler d'influence directe.
Je n'en vois pas dans la Forza .
Don Carlo plaisait effectivement énormément à la cour de Russie. Pour l'anecdote, le premier jour de la révolution de février 1917, une grande partie de la Cour (sans le Tsar) était au Théâtre Marie en train d'écouter Chaliapine en Philippe II ...
Mais cela n'en fait pas pour autant un opéra russe : ce que la Cour aimait c'était le Don Carlo du compositeur Verdi, le comparer à un compositeur russe eut été infamant à leur goût.

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Re: Verdi - La Forza del destino - Pappano/Loy - ROH - 03/04/2019

Message par fomalhaut » 04 avr. 2019, 17:48

PlacidoCarrerotti a écrit :
04 avr. 2019, 13:21
fomalhaut a écrit :
04 avr. 2019, 11:44
PlacidoCarrerotti a écrit :
03 avr. 2019, 20:55
fomalhaut a écrit :
03 avr. 2019, 20:31
Un des plus nuls livrets de Verdi ?
C'est bien mon avis. La version primitive de cet opéra (1862) m'a toujours semblé bien moins pire sinon bien meilleure.

fomalhaut
C’est le plus Meyerbeerien des Verdi : tout s’explique !
Mise en boite, petite vanne ?
Je ne crois toutefois pas que la référence à Meyerbeer soit pertinente.

fomalhaut
On ne va pas noyer le fil, mais c'est une évidence : alternance d'ambiance, du tragique au comique, duo Guardanio / Leonora qui vient de celui Marcel / Valentine, Rataplan qui vient aussi des Huguenots...
Tu as raison, ne polluons pas le fil.

Je ne conteste pas les ressemblances (assez tardives, quand même) entre quelques passages des Huguenots et de La forza del destino.
Clarifions donc : Je me suis mal exprimé, j'aurais du écrire : Dans mon cas, je ne crois pas....

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Re: Verdi - La Forza del destino - Pappano/Loy - ROH - 03/04/2019

Message par Snobinart » 05 avr. 2019, 11:29

Des londoniens pour la dernière du cast À ce soir ?

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Re: Verdi - La Forza del destino - Pappano/Loy - ROH - 03/04/2019

Message par HELENE ADAM » 05 avr. 2019, 12:26

paco a écrit :
04 avr. 2019, 10:04
Il est toujours intéressant d'observer, 3 semaines après avoir vu un spectacle, ce qu'il en reste. Clairement, cette Forza m'aura marqué. Ce qu'il m'en reste, 3 semaines après l'avoir vue, c'est une impression globale de spleen, de mélancolie, de couleurs mordorées (merci Pappano !!). Et ce que dit le Newyorker (merci Hélène !) de la Leonora "Dostoïevskienne" de Netrebko me semble tout à fait décrire ce qu'il me reste en mémoire de cette grande soirée.

Mes souvenirs des grandes Forza de mon enfance et adolescence, celles des Caballé-Domingo-Carreras-Kabaivanska-Cappuccilli etc., étaient de la fièvre, du drame passionnel, de la fougue. Ce qu'il me reste de celle-ci est tout autre : de la mélancolie, une détresse presque impalpable.

C'est là selon moi le très grand tour de force de cette production (et sans aucun doute, je rejoins Hélène : merci Pappano, car tout repose sur lui dans le cas présent !!!) : avoir réinventé complètement l'interprétation de la Forza, sans aucunement dénaturer l'oeuvre bien au contraire. Formahault parlait de la version primitive : pour moi cette production du ROH, bien que jouant l'ultime version de l'oeuvre, se rapproche bien davantage de la première version dans son esprit de tragédie désespérée, noire, sombre. La force de cette représentation est d'avoir réussi à créer une nouvelle "référence" dans l'histoire de l'interprétation de la Forza : on ne dira pas "les versions Corelli and co étaient bien mieux" ou "la version ROH est bien meilleure", on dira "nous tenons là deux versions radicalement différentes mais toutes les deux très abouties et électrisantes".
+1
J'ai évidemment les mêmes références que toi concernant les "Forza" historiques mais celle, vu en direct fin 2013, de Munich avec l'Alvaro de JK, la Leonore d'Harteros et le Carlo de Tézier, avait déjà constitué pour moi une divine surprise : il était possible d'avoir trois chanteurs exceptionnels dans cette oeuvre qui exige ce minimum, et de disposer d'une interprétation radicale de cet Forza, en l'occurence celle d'une forte contestation de l'Eglise et de la religion puisque malgré leurs immenses sacrifices en faveur de Dieu, Leonora et Alvaro seront rattrapés par le destin et par la main impitoyable et qu'aucune clémence ne convainc, du bras armé vengeur de Don Carlo.
Grâce à Pappano (et malgré, pour moi, une mise en scène moins forte de ce point de vue), on atteint en effet avec cette "nouvelle" Forza une lecture d'une force inouïe, au travers du prisme de la noire désespérance des relations humaines. Chantés et joués par des chanteurs qui sont aussi des "interprètes" exceptionnels, les paroles se chargent d'un très lourd sens de quête impossible du bonheur toujours contrarié.
Le "retournement" (de ton, de style, de voix) qu'opère Leonore-Netrebko quand elle se résigne à disparaitre hors du monde, cachée le reste de sa vie dans une grotte obscure dont on a jeté la clé, alors qu'elle est jeune, belle, aimée et innocente, est une tragédie à lui tout seul et il ne s'agit pas seulement des performances vocales exceptionnelles de Netrebko mais de beaucoup plus que cela, une héroïne tragique qui va lutter contre l'horreur de son destin avant de s'en "remettre à la vierge" ne pouvant pas se battre à armes égales dans ce monde où les règles sont fixés par les hommes.
Le récit de ses malheurs auquel se livre Alvaro-Kaufmann est bien plus là aussi qu'un bel air de récital, tout comme les multiples moirures de son chant ne sont pas une démonstration de sa technique, il s'agit de tout autre chose là aussi : le récit d'un éternel paria, d'un fugitif, qui voudrait tant trouver l'amitié après avoir perdu l'amour, et dont tous les actes traduisent cette volonté de trouver une place enfin dans la communauté des hommes. L'importance des duos ténor-Baryton s'inscrit d'ailleurs dans cette lecture de la Forza : ces deux là, Alvaro le désespéré et Carlo le cruel, croient l'un et l'autre un court instant (oh si intense et beau, si bien traduit par l'amitié des deux chanteurs à la ville), s'être trouvés un frère. Mais c'est impossible, malgré toutes les tentatives d'Alvaro et les tentations de Carlo, cela doit mal finir.
Pappano ne perd jamais cette trame de vue : les thèmes du destin qui se font écho, se répètent à l'infini. Les "moments de distraction ou de respiration" semblent eux même garder en mémoire la fin tragique.
Et ce final... à quatre mais surtout à trois puis à deux, est dépouillé à l'extrême pour ne laisser que nos deux superstars totalement pénétrés de leurs rôles, ayant oublié toutes leurs étoiles en coulisse, et faisant partager au public leur abominable destin. Et puis il n'en reste qu'un, seul, abandonné, dont le visage seul exprime le désespoir du monde.
Qui n'a pas alors la larme à l'oeil ?
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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Re: Verdi - La Forza del destino - Pappano/Loy - ROH - 03/04/2019

Message par micaela » 05 avr. 2019, 16:20

C'était en effet une fin bouleversante, absolument pas gâchée par la retransmission, au contraire , grâce aux plans rapprochés.
J'ai préféré cette mise en scène à celle de Kusej, qui ne m'avait pas convaincue (heureusement, on avait là aussi un trio de très grande classe).
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Re: Verdi - La Forza del destino - Pappano/Loy - ROH - 03/04/2019

Message par Lucas » 05 avr. 2019, 16:39

paco a écrit :
04 avr. 2019, 14:30
Ceci pour la raison que, dans toute la seconde moitié du XIXe siècle et jusqu'en 1917, l'intelligentisa tsariste avait un profond mépris pour les compositeurs russes. Pour eux, le talent était d'abord chez les italiens, puis tout juste après chez les français (les français pour la danse, les italiens pour l'opéra). Les Rimsky, Moussorgski et autres Tchaïkovski avaient un mal fou à faire "admettre" leur talent : aux yeux de la Cour et de l'académie ils étaient de toute façon relégués dans ce que l'on appellerait aujourd'hui une "catégorie B" par rapport à un Verdi.
paco a écrit :
04 avr. 2019, 17:06
Mais cela n'en fait pas pour autant un opéra russe : ce que la Cour aimait c'était le Don Carlo du compositeur Verdi, le comparer à un compositeur russe eut été infamant à leur goût.
Là, j'ai du mal à voir la cohérence du propos.

Faut-il rappeler que Tchaïkovski a eu droit à des obsèques quasi nationales à son décès en 1893?

Bref, il faut avoir une vision bien "occidentaliste" de la musique russe pour placer ainsi Verdi au-dessus de tout. La Russie était aussi secouée, à l'époque, par un vaste mouvement slavophile qui la conduisait à rejeter les influences extérieures et à affirmer son identité propre. Il suffit de lire les Karamazov de Dostoïevski pour s'en convaincre

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Re: Verdi - La Forza del destino - Pappano/Loy - ROH - 03/04/2019

Message par paco » 05 avr. 2019, 18:44

Lucas a écrit :
05 avr. 2019, 16:39
Bref, il faut avoir une vision bien "occidentaliste" de la musique russe pour placer ainsi Verdi au-dessus de tout. La Russie était aussi secouée, à l'époque, par un vaste mouvement slavophile qui la conduisait à rejeter les influences extérieures et à affirmer son identité propre. Il suffit de lire les Karamazov de Dostoïevski pour s'en convaincre
Non, tu confonds les russes d'un côté (là tu as raison), et l'intellingentsia tsariste de l'autre côté, les tactiques géopolitiques d'un côté (et notamment la "slavophilie" qui allait jusqu'à considérer qu'il fallait à tous prix réintégrer Constantinople dans l'Empire), et la vision artistique de l'autre.
Je faisais allusion à l'intelligentsia tsariste, ce petit microcosme de la Cour de St-Petersburg, de l'Académie et du Théâtre Marie, là où se décidaient la diffusion ou non des oeuvres. Et c'est cette intelligentsia qui considérait les compositeurs italiens (et globalement tout ce qui était étranger, non-russe) comme au-dessus des artistes russes. N'oublions pas que, dans l'entourage même du tsar, il y avait encore en 1914 une majorité de conseillers, princes et ducs qui considéraient qu'il valait mieux se marier avec l'Allemagne et l'Autriche plutôt que de voler au secours des Serbes, la slavophilie n'était pas partagée par tous.
Les obsèques nationales de Tchaikovski dont tu parles ne peuvent faire oublier tous les tracas auxquels ce denier a été confronté jusqu'à la fin de sa vie pour faire créer ses oeuvres. Et il ne s'agissait pas de censure politique mais bel et bien d'accès à la diffusion. Des chefs-d'oeuvre comme le Lac des Cygnes ou Casse-Noisette ont bien failli ne jamais être représentés.

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Re: Verdi - La Forza del destino - Pappano/Loy - ROH - 03/04/2019

Message par Hiero von Stierkopf » 05 avr. 2019, 23:15

Sublime Anna Netrebko ce soir !
Désormais, elle arrive à me filer la chair de poule juste avec ses graves.

Tézier toujours aussi excellent d'insolence vocale.

Kaufmann m'a semblé un cran en dessous de ce qu'il a fait en début de série.
Mais c'était quand même très bien.
Comment ça, merde alors ?! But alors you are French !

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