Re: Verdi - Nabucco - Steinberg/Scarpitta - Orange - 07/2014
Posté : 10 juil. 2014, 21:47
J'me lance pour un ch'tit CR.
Théâtre antique d'Orange
Mercredi 09 juillet 2014
Nabucco (1842), opéra en quatre parties de Giuseppe Verdi
J'étais très content d'assister à la générale et à là première représentation de Nabucco, un opéra que j'aime vraiment beaucoup, à Orange. À la générale de la veille mais plus encore à la première, il y a eu du vent, on avait froid dans le public mais ce sont surtout les chanteurs, dont les costumes balançaient allègrement, qui ont dû lutter... Bravo déjà à tous les artistes (et en particulier les chanteurs des rôles principaux) qui ont proposé deux soirs de suite l'ouvrage.
Je connaissais (pour l'avoir, comme beaucoup, attentivement regardée lors de sa retransmission télévisée en mars 2011) la production de Jean-Paul Scarpitta. Et j'avais honnêtement des doutes quant à son adéquation avec la scène d'Orange, pas tant du fait de la mise en scène proprement dite que des décors: et pour cause, il n'y en avait pas (ou si peu). À l'arrivée dans le théâtre, ça donnait donc ça:
(photo bof bof prise pour document avec mon téléphone)
Rien. Le vide. Tout juste la scène était-elle un peu surélevée. Le reste, malheureusement, était à l'avenant: des chanteurs livrés à eux-mêmes, sans direction d'acteurs. Du coup, de sacrés tunnels au niveau scénique: le trio du I, les trois grands airs à cabalette de la partition, le duo du III, la prière de Zaccaria au II, etc. Les chanteurs se perdent sur cette scène géante, restent statiques (Zaccaria) ou marchent pour faire un peu de mouvement (le trio du I, ils faisaient la ronde). Pour le coup, et ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre, on a eu une mise en scène non transposée, mais tout ce vide, c'est franchement light, pour ne pas dire foutage de gueule vis-à-vis du public...
Alors comme ça devient un peu la coutume depuis quelques années à Orange, on choisit d'« habiter » le mur par des projections vidéos pour meubler quand il n'y a pas grand-chose d'autre sur scène (et pas que...). Mais qué besoin d'habiter le mur? Et si encore c'était fait de façon cohérente, je veux dire si ça avait un sens! Pendant le grand air d'Abigaille, au début du II, on voit ainsi une sorte d'immense nuage de points blancs recouvrir le mur, genre semoule. Pendant tout l'air. Juste après, pour la prière de Zaccaria, une sorte de motif crépi beige. Pourquoi faire? En plus d'être inutile, c'est très moche! Je fais mien le bon mot de PlacidoCarrerotti: non plus « Soirée diapo chez les Roubaud » (cf. Aida en juillet 2011), mais « Soirée diapo chez les Duffaut » (ou « Soirée diapo pour Nabucco », ça marche aussi).
À la limite, je dirais que les scène de foule (les finales des I, II, IV) sont les mieux réussies, car tous ces figurants, ces choristes et ces solistes sont disposés de façon que l'espace est mieux habité, et pour le coup les lumières aux couleurs chaudes particulièrement adaptées font un bel effet. Mais pas de « mise en scène », juste un vide comblé... Et encore, avec son lot d'incohérences. Ainsi les Hébreux, pendant « Va, pensiero », sont entourés de gardes babyloniens armés. Perso, je trouve ça bête, mais pourquoi pas... Non, le pire, c'est que juste après, pendant que Zaccaria prophétise la destruction de Babylone (« Pas une pierre ne dira à l'étranger où se dressait la fière Babylone! »), eh bien les soldats assyriens restent là et le regardent sans bouger. Pareil, au dernier tableau, quand Nabucco survient pour sauver les Hébreux et détruire l'idole, il fait fuir le grand prêtre de Baal et les autres prêtres babyloniens, mais les gardes assyriens restent là, jusqu'à la fin de l'opéra. Normal.
Bref, sans même parler de ces détails, je trouve franchement limite le traitement réservé à ce Nabucco vendu comme « mis en scène », alors même que les photos des maquettes de l'Otello du mois prochain montrent de grands et impressionnants éléments de décor...
Le niveau musical était globalement bon. Presque aucun des chanteurs ne m'a totalement convaincu, mais l'ensemble était loin d'être indigne. Il faut dire que tous, même les trois rôles principaux, se sont vraiment donnés lors de la générale, et qu'ils ont rempilé le lendemain avec la même puissance. Bravo à eux pour cela, car le public de la générale a vraiment pu entendre du chant mardi.
Martina Serafin chantait pour la première fois Abigaille. Ce qui m'a d'abord frappé, c'est sa présence sur scène, son port altier, qui en font une princesse particulièrement crédible (c'est une belle femme, ce qui ne gâte rien). La voix est puissante et pour ce rôle redoutable qu'elle a chanté deux soirs de suite, la fin de l'opéra ne la montrait pas plus fatiguée qu'au début... Cependant, comme aurait sans doute dû l'indiquer la liste des rôles à son répertoire (Maddalena, Tosca, Sieglinde, la Maréchale), elle n'est pas du tout une chanteuse belcantiste... Aucune coloration dans la voix (elle chante « Io t'amava! » ou « Anch'io dischiuso » comme elle chante « Salgo già », du coup c'est vite ch***), une gestion des registres hasardeuse (les graves, un coup j'te les sors en poitrine, et un coup en voix de tête inaudible, parfois dans la même phrase, cf. le terrible double saut d'octaves de son récitatif initial du II), aucune vocalise propre (quand elle n'est pas savonnée, cf. « Egro giacevi » ou « Tale ti rendo », elle est ralentie à l'extrême, lourde et laborieuse, cf. toutes les autres), trop peu de nuances (tout ce qui dépasse le la est invariablement forte, du coup la cadence de son air ou les dernières envolées du IV perdent tout leur charme). Mercredi soir, elle est passée complètement à côté de sa cabalette (problèmes de souffle, de poitrinage, j'étais vraiment mal pour elle), alors que pour la générale de la veille elle l'avait mieux réussie. Malgré tous ces défauts qui la disqualifient du bel canto (j'imagine qu'elle doit être autrement meilleure en Elisabetta de Don Carlo), j'avoue que son incroyable présence, sa vaillance de chanteuse et son cran m'ont emporté, et j'ai pris beaucoup de plaisir devant son Abigaille.
George Gagnidze est un bon Nabucco, ça m'a semblé indéniable. Il a une voix puissante, des aiguës faciles (sol et la bémol dardés généreusement à la fin de sa cabalette) et une bonne assise dans le grave; sa présence physique sur scène attire directement l'attention, il est le moteur des deux premiers finales d'actes. Cependant, je trouve son chant souvent relâché, très peu soigné. De trop rares nuances, pas d'attention au phrasé, bien peu de noblesse du chant, tout est en plus monotone: « Tremin gl'insani » est chanté comme « Ahi! miserando veglio, l'ombra tu sei del re ».
Dmitry Beloselskiy chantait Zaccaria. Voix plutôt belle, qui sonne bien, mais hélas des notes graves sous le la inaudibles: ce n'est pas le plus important, mais bon la cadence de son air tombe à plat, la romance du II et son long sol grave final tombent à plat, les fa dièses graves de la prophétie sont inexistants. Beaucoup de musicalité, une fluidité agréable dans l'ensemble, mais il faut aimer les voix typiquement slaves dans ce répertoire; perso, ce n'est pas trop ma tasse de thé, comme avec Gagnidze. Enfin, Beloselskiy ne semble pas quoi faire de son personnage: Zaccaria devrait être le fanatique inconditionnel, le moteur du drame, or le Russe reste debout, lève son bras pour poignarder Fenena mais c'est tout, le reste du temps il est planté là et il attend. Zéro émotion, zéro investissement.
Excellente Karine Deshayes, dans une très belle robe rose (qui détonait franchement des autres chanteurs, mais bon ): aisance sur toute la tessiture, sa voix haute et claire rend Fenena juvénile et très sensible, une juive attachante. Rôle bref mais bien habité, son air est joliment phrasé, c'est en tout cas la plus belcantiste de la distribution!
Piero Pretti, jolie petite voix, mais couverte dès qu'il y a un peu d'orchestre (même dans les récitatifs!). Ce ténor est manifestement un petit ténor lyrique, le rôle (bien que court), demande une voix un peu plus puissante et dramatique pour passer la rampe.
Luca Lombardo à oublier en Abdallo, Nicolas Courjal honorable (mais vraiment, je pense qu'il serait autrement plus intéressant et pertinent dans l'opéra français) et Marie-Adeline Henry enthousiasmante, une voix puissante et bien timbrée (on n'entend qu'elle dans l'ensemble « Immenso Jehovah »!) dont je me rappelle avoir bien aimé la Comtesse à Avignon.
Pinchas Steinberg dirigeait l'Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon. Une ouverture bien ciselée, les pupitres respirent, c'est prometteur. Après, j'ai trouvé que dès le grand air de Zaccaria, le chef se relâchait un peu, et tout devenait mou. Il soutenait visiblement les chanteurs en adaptant les tempi à leur débit ou à leur souffle, ce qui donne parfois à l'écoute un sentiment de « ou ça va trop vite / ou ça va trop lentement »: ainsi la strette finale du I est très lente, alors que la pseudo-cabalette prophétique de Zaccaria « Niuna pietra ove sorse l'altera » et les dernières mesures de l'opéra sont expédiées. Le chef n'évite pas certains moments pompiers, il faut dire que ses cuivres étaient particulièrement en forme! Dernière chose très regrettable: les coupures!!!!!! Strette du I raccourcie, cabalette d'Abigaille coupée en deux (mais tant mieux pour Serafin) et fin du chœur d'intro du III raccourcie.
Les Chœurs des Opéras de régions (coordonnés par Emmanuel Trenque), bien que statiques les trois quarts du temps, font monte d'un bel investissement sur scène. Leur chant est soigné, attentif au chef et capable de belles nuances. Le « Va, pensiero » était un moment de grâce, où les chœurs ont su quand il le fallait alléger leur instrument à l'infini, chanter avec passion et délicatesse, au diapason d'un orchestre impeccable à ce moment-là. Très beau moment dont on n'a pu mieux profiter mercredi soir, car pour la générale, une large frange du public s'est crue obligée d'accompagner les chanteurs sur scène
Public assez mou hier, avec applaudissement à chaque double-barres... Le Théâtre était presque plein.
À la fin de la représentation d'hier, tous les artistes ainsi que l'ensemble des costumières/couturières/éclairagistes/techniciens, etc. sont venus saluer sur scène, conformément à ce que Raymond Duffaut avait annoncé avant le début du spectacle. Voici une photo que j'ai médiocrement prise après le départ des figurants-soldats babyloniens, pendant les saluts avec les intermittents:
Rolando Villazón était là hier soir, il se faisait filmer en train de présenter l'opéra avant l'ouverture, à l'entracte et à la fin. Le spectacle a sans doute été filmé pour une rediffusion sur Internet ou dans un cinéma?...
Malgré les nombreuses réserves, j'ai quand même passé une bonne soirée, c'était la première fois que j'entendais Nabucco sur scène. J'adore vraiment cet opéra, et au vu de la « mise en scène », je me dis qu'une bonne version de concert n'aurait pas changé grand-chose sur scène, mais aurait peut-être permis une meilleure exécution musicale, les chanteurs se perdant moins à faire les cent pas...
Théâtre antique d'Orange
Mercredi 09 juillet 2014
Nabucco (1842), opéra en quatre parties de Giuseppe Verdi
J'étais très content d'assister à la générale et à là première représentation de Nabucco, un opéra que j'aime vraiment beaucoup, à Orange. À la générale de la veille mais plus encore à la première, il y a eu du vent, on avait froid dans le public mais ce sont surtout les chanteurs, dont les costumes balançaient allègrement, qui ont dû lutter... Bravo déjà à tous les artistes (et en particulier les chanteurs des rôles principaux) qui ont proposé deux soirs de suite l'ouvrage.
Je connaissais (pour l'avoir, comme beaucoup, attentivement regardée lors de sa retransmission télévisée en mars 2011) la production de Jean-Paul Scarpitta. Et j'avais honnêtement des doutes quant à son adéquation avec la scène d'Orange, pas tant du fait de la mise en scène proprement dite que des décors: et pour cause, il n'y en avait pas (ou si peu). À l'arrivée dans le théâtre, ça donnait donc ça:
(photo bof bof prise pour document avec mon téléphone)
Rien. Le vide. Tout juste la scène était-elle un peu surélevée. Le reste, malheureusement, était à l'avenant: des chanteurs livrés à eux-mêmes, sans direction d'acteurs. Du coup, de sacrés tunnels au niveau scénique: le trio du I, les trois grands airs à cabalette de la partition, le duo du III, la prière de Zaccaria au II, etc. Les chanteurs se perdent sur cette scène géante, restent statiques (Zaccaria) ou marchent pour faire un peu de mouvement (le trio du I, ils faisaient la ronde). Pour le coup, et ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre, on a eu une mise en scène non transposée, mais tout ce vide, c'est franchement light, pour ne pas dire foutage de gueule vis-à-vis du public...
Alors comme ça devient un peu la coutume depuis quelques années à Orange, on choisit d'« habiter » le mur par des projections vidéos pour meubler quand il n'y a pas grand-chose d'autre sur scène (et pas que...). Mais qué besoin d'habiter le mur? Et si encore c'était fait de façon cohérente, je veux dire si ça avait un sens! Pendant le grand air d'Abigaille, au début du II, on voit ainsi une sorte d'immense nuage de points blancs recouvrir le mur, genre semoule. Pendant tout l'air. Juste après, pour la prière de Zaccaria, une sorte de motif crépi beige. Pourquoi faire? En plus d'être inutile, c'est très moche! Je fais mien le bon mot de PlacidoCarrerotti: non plus « Soirée diapo chez les Roubaud » (cf. Aida en juillet 2011), mais « Soirée diapo chez les Duffaut » (ou « Soirée diapo pour Nabucco », ça marche aussi).
À la limite, je dirais que les scène de foule (les finales des I, II, IV) sont les mieux réussies, car tous ces figurants, ces choristes et ces solistes sont disposés de façon que l'espace est mieux habité, et pour le coup les lumières aux couleurs chaudes particulièrement adaptées font un bel effet. Mais pas de « mise en scène », juste un vide comblé... Et encore, avec son lot d'incohérences. Ainsi les Hébreux, pendant « Va, pensiero », sont entourés de gardes babyloniens armés. Perso, je trouve ça bête, mais pourquoi pas... Non, le pire, c'est que juste après, pendant que Zaccaria prophétise la destruction de Babylone (« Pas une pierre ne dira à l'étranger où se dressait la fière Babylone! »), eh bien les soldats assyriens restent là et le regardent sans bouger. Pareil, au dernier tableau, quand Nabucco survient pour sauver les Hébreux et détruire l'idole, il fait fuir le grand prêtre de Baal et les autres prêtres babyloniens, mais les gardes assyriens restent là, jusqu'à la fin de l'opéra. Normal.
Bref, sans même parler de ces détails, je trouve franchement limite le traitement réservé à ce Nabucco vendu comme « mis en scène », alors même que les photos des maquettes de l'Otello du mois prochain montrent de grands et impressionnants éléments de décor...
Le niveau musical était globalement bon. Presque aucun des chanteurs ne m'a totalement convaincu, mais l'ensemble était loin d'être indigne. Il faut dire que tous, même les trois rôles principaux, se sont vraiment donnés lors de la générale, et qu'ils ont rempilé le lendemain avec la même puissance. Bravo à eux pour cela, car le public de la générale a vraiment pu entendre du chant mardi.
Martina Serafin chantait pour la première fois Abigaille. Ce qui m'a d'abord frappé, c'est sa présence sur scène, son port altier, qui en font une princesse particulièrement crédible (c'est une belle femme, ce qui ne gâte rien). La voix est puissante et pour ce rôle redoutable qu'elle a chanté deux soirs de suite, la fin de l'opéra ne la montrait pas plus fatiguée qu'au début... Cependant, comme aurait sans doute dû l'indiquer la liste des rôles à son répertoire (Maddalena, Tosca, Sieglinde, la Maréchale), elle n'est pas du tout une chanteuse belcantiste... Aucune coloration dans la voix (elle chante « Io t'amava! » ou « Anch'io dischiuso » comme elle chante « Salgo già », du coup c'est vite ch***), une gestion des registres hasardeuse (les graves, un coup j'te les sors en poitrine, et un coup en voix de tête inaudible, parfois dans la même phrase, cf. le terrible double saut d'octaves de son récitatif initial du II), aucune vocalise propre (quand elle n'est pas savonnée, cf. « Egro giacevi » ou « Tale ti rendo », elle est ralentie à l'extrême, lourde et laborieuse, cf. toutes les autres), trop peu de nuances (tout ce qui dépasse le la est invariablement forte, du coup la cadence de son air ou les dernières envolées du IV perdent tout leur charme). Mercredi soir, elle est passée complètement à côté de sa cabalette (problèmes de souffle, de poitrinage, j'étais vraiment mal pour elle), alors que pour la générale de la veille elle l'avait mieux réussie. Malgré tous ces défauts qui la disqualifient du bel canto (j'imagine qu'elle doit être autrement meilleure en Elisabetta de Don Carlo), j'avoue que son incroyable présence, sa vaillance de chanteuse et son cran m'ont emporté, et j'ai pris beaucoup de plaisir devant son Abigaille.
George Gagnidze est un bon Nabucco, ça m'a semblé indéniable. Il a une voix puissante, des aiguës faciles (sol et la bémol dardés généreusement à la fin de sa cabalette) et une bonne assise dans le grave; sa présence physique sur scène attire directement l'attention, il est le moteur des deux premiers finales d'actes. Cependant, je trouve son chant souvent relâché, très peu soigné. De trop rares nuances, pas d'attention au phrasé, bien peu de noblesse du chant, tout est en plus monotone: « Tremin gl'insani » est chanté comme « Ahi! miserando veglio, l'ombra tu sei del re ».
Dmitry Beloselskiy chantait Zaccaria. Voix plutôt belle, qui sonne bien, mais hélas des notes graves sous le la inaudibles: ce n'est pas le plus important, mais bon la cadence de son air tombe à plat, la romance du II et son long sol grave final tombent à plat, les fa dièses graves de la prophétie sont inexistants. Beaucoup de musicalité, une fluidité agréable dans l'ensemble, mais il faut aimer les voix typiquement slaves dans ce répertoire; perso, ce n'est pas trop ma tasse de thé, comme avec Gagnidze. Enfin, Beloselskiy ne semble pas quoi faire de son personnage: Zaccaria devrait être le fanatique inconditionnel, le moteur du drame, or le Russe reste debout, lève son bras pour poignarder Fenena mais c'est tout, le reste du temps il est planté là et il attend. Zéro émotion, zéro investissement.
Excellente Karine Deshayes, dans une très belle robe rose (qui détonait franchement des autres chanteurs, mais bon ): aisance sur toute la tessiture, sa voix haute et claire rend Fenena juvénile et très sensible, une juive attachante. Rôle bref mais bien habité, son air est joliment phrasé, c'est en tout cas la plus belcantiste de la distribution!
Piero Pretti, jolie petite voix, mais couverte dès qu'il y a un peu d'orchestre (même dans les récitatifs!). Ce ténor est manifestement un petit ténor lyrique, le rôle (bien que court), demande une voix un peu plus puissante et dramatique pour passer la rampe.
Luca Lombardo à oublier en Abdallo, Nicolas Courjal honorable (mais vraiment, je pense qu'il serait autrement plus intéressant et pertinent dans l'opéra français) et Marie-Adeline Henry enthousiasmante, une voix puissante et bien timbrée (on n'entend qu'elle dans l'ensemble « Immenso Jehovah »!) dont je me rappelle avoir bien aimé la Comtesse à Avignon.
Pinchas Steinberg dirigeait l'Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon. Une ouverture bien ciselée, les pupitres respirent, c'est prometteur. Après, j'ai trouvé que dès le grand air de Zaccaria, le chef se relâchait un peu, et tout devenait mou. Il soutenait visiblement les chanteurs en adaptant les tempi à leur débit ou à leur souffle, ce qui donne parfois à l'écoute un sentiment de « ou ça va trop vite / ou ça va trop lentement »: ainsi la strette finale du I est très lente, alors que la pseudo-cabalette prophétique de Zaccaria « Niuna pietra ove sorse l'altera » et les dernières mesures de l'opéra sont expédiées. Le chef n'évite pas certains moments pompiers, il faut dire que ses cuivres étaient particulièrement en forme! Dernière chose très regrettable: les coupures!!!!!! Strette du I raccourcie, cabalette d'Abigaille coupée en deux (mais tant mieux pour Serafin) et fin du chœur d'intro du III raccourcie.
Les Chœurs des Opéras de régions (coordonnés par Emmanuel Trenque), bien que statiques les trois quarts du temps, font monte d'un bel investissement sur scène. Leur chant est soigné, attentif au chef et capable de belles nuances. Le « Va, pensiero » était un moment de grâce, où les chœurs ont su quand il le fallait alléger leur instrument à l'infini, chanter avec passion et délicatesse, au diapason d'un orchestre impeccable à ce moment-là. Très beau moment dont on n'a pu mieux profiter mercredi soir, car pour la générale, une large frange du public s'est crue obligée d'accompagner les chanteurs sur scène
Public assez mou hier, avec applaudissement à chaque double-barres... Le Théâtre était presque plein.
À la fin de la représentation d'hier, tous les artistes ainsi que l'ensemble des costumières/couturières/éclairagistes/techniciens, etc. sont venus saluer sur scène, conformément à ce que Raymond Duffaut avait annoncé avant le début du spectacle. Voici une photo que j'ai médiocrement prise après le départ des figurants-soldats babyloniens, pendant les saluts avec les intermittents:
Rolando Villazón était là hier soir, il se faisait filmer en train de présenter l'opéra avant l'ouverture, à l'entracte et à la fin. Le spectacle a sans doute été filmé pour une rediffusion sur Internet ou dans un cinéma?...
Malgré les nombreuses réserves, j'ai quand même passé une bonne soirée, c'était la première fois que j'entendais Nabucco sur scène. J'adore vraiment cet opéra, et au vu de la « mise en scène », je me dis qu'une bonne version de concert n'aurait pas changé grand-chose sur scène, mais aurait peut-être permis une meilleure exécution musicale, les chanteurs se perdant moins à faire les cent pas...