Le personnage de Don Ottavio - A GARDER DISCUSSION DE FOND

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Message par bajazet » 28 juil. 2005, 23:09

Friedmund a écrit :Non ti fidar... oui, ça commence bien, mais un personnage qui s'apitoie autant sur son propre ridicule en le rendant public.
Mais pourquoi tant de haine ?
Bon, là il faut que tu m'expliques, stp.

À ce compte-là, 70 % des personnages d'opera seria seront ridicules.

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DavidLeMarrec
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Message par DavidLeMarrec » 28 juil. 2005, 23:13

Friedmund a écrit :L'ultima prova... oui, sous un certain angle cela peut-être tout à fait représenté de façon comique, et je ne parierai pas sur le fait qu'à Prague en 1787 cela n'ait pas fait rire le public de voir cette pauvre fille s'empêtrer encore dans son obsession et son ridicule, et se faire humilier une fois de plus par Don Giovanni.
L'ultima prova, c'est quand même l'équivalent de l'injonction pieuse et détachée chez Molière. Certes, ce n'est pas le cas ici, l'amour profane est bien présent, mais la charge que porte cette scène me semble beaucoup plus tragique - d'autant plus qu'Elvira a accepté d'être le dernier rempart de DG contre la damnation. Elle croise même la mort. Ca, c'est comique ?

Non ti fidar... oui, ça commence bien, mais un personnage qui s'apitoie autant sur son propre ridicule en le rendant public. Là aussi, je parie sur la possibilité des rires à Prague...


Je veux bien que ça fasse rire chez Pagnol, mais les Ciel! Che aspetto nobile! Che dolce maestà! Mi trae dagli occhi etc., tu en fais quoi ?

Si Anna et Ottavio ne sont pas une bonne caution du seria, je n'y comprends plus rien.

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Message par bajazet » 28 juil. 2005, 23:21

Amen, roi David.

Impossible de nier que l'irruption d'Elvira pendant le festin fait souvent sourire les spectateurs, mais c'est dû, je crois, à l'interprétation hystérique du rôle chez plus d'une chanteuse. Les metteurs en scène en rajoutent en l'occurrence souvent une louche.

Problème assez analogue avec la pièce de Molière. J'ai vu 2 productions ces dernières années, et venant de gens de théâtre qui n'étaient pas les derniers, où Elvire était traitée comme une hystérique pleurnicharde, avec convulsions et tout. Et les gens se marrent, évidemment.

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Message par Friedmund » 28 juil. 2005, 23:36

bajazet a écrit :
Friedmund a écrit :Non ti fidar... oui, ça commence bien, mais un personnage qui s'apitoie autant sur son propre ridicule en le rendant public.
Mais pourquoi tant de haine ?
Bon, là il faut que tu m'expliques, stp.
J'essaie de mettre en valeur l'aspect comique, via le ridicule, du personnage, qui est à mon sens vraisemblablement la conception originelle du personnage chez Mozart.
bajazet a écrit :À ce compte-là, 70 % des personnages d'opera seria seront ridicules.
Il y a quand même une nuance forte entre chanter sa douleur dans une aria seule en scène, et expliquer à la première paysanne venue sa cocufication, non?

Exercice de style: Elvira et Tourvel...

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Message par Friedmund » 28 juil. 2005, 23:42

DavidLeMarrec a écrit :L'ultima prova, c'est quand même l'équivalent de l'injonction pieuse et détachée chez Molière. Certes, ce n'est pas le cas ici, l'amour profane est bien présent, mais la charge que porte cette scène me semble beaucoup plus tragique - d'autant plus qu'Elvira a accepté d'être le dernier rempart de DG contre la damnation. Elle croise même la mort. Ca, c'est comique ?
Rempart contre la damnation, croisement de la mort... pourquoi pas dans une vision furtwänglerienne... Et si la staute du commandeur n'était qu'un artifice théatral d'un dramma giocoso, autrement dit un opéra-bouffe?

A tout prendre le fatras métaphysique 19ème qui entoure Don Giovanni vaut-il mieux que le fatras psychanalytique pour Elektra?
Si Anna et Ottavio ne sont pas une bonne caution du seria, je n'y comprends plus rien.
Don Giovanni n'est pas un opera seria... Anna et Ottavio ne sont pas Ilia et Tito, et ils ont par ailleurs l'un et l'autre leurs propres ridicules dans ce dramma giocoso.

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Message par Friedmund » 28 juil. 2005, 23:45

bajazet a écrit :Impossible de nier que l'irruption d'Elvira pendant le festin fait souvent sourire les spectateurs, mais c'est dû, je crois, à l'interprétation hystérique du rôle chez plus d'une chanteuse. Les metteurs en scène en rajoutent en l'occurrence souvent une louche.
Et si c'était simplement du au projet originel de notre tandem Lorenzo-Wolfgang?
Et si l'interprétation hystérique ne découlait pas naturellement de l'écriture originelle de mezzo-carattere du personnage, quoi que l'on puisse vouloir en faire?

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Message par bajazet » 28 juil. 2005, 23:45

Friedmund a écrit :Il y a quand même une nuance forte entre chanter sa douleur dans une aria seule en scène, et expliquer à la première paysanne venue sa cocufication, non?
Je croyais que nous parlions du Quatuor.
Les paroles d'Elvire à Zerline ont pour première justification de faire échouer la séduction de Don Giovanni, et j'y regarderais à 2 fois avant d'en tirer des conclusions sur son manque de dignité en l'espéce, mais bon ?

Mozart aurait eu d'Elvira une conception comique, pourquoi pas ? Mais comment accorder cela avec la musique qu'il lui donne ? Le Quatuor, une fois encore, le Quatuor ! Sans compter le trio des Masques. (Et sans parler de "Mi tradi") Même la scène du balcon me semble d'une ambiguïté extraordinaire. Ce que David rapportait de l'analyse de D. Colas me semble extrêmement séduisant.

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Message par DavidLeMarrec » 28 juil. 2005, 23:56

Friedmund a écrit :Rempart contre la damnation, croisement de la mort... pourquoi pas dans une vision furtwänglerienne...
La vision furtwaenglerienne n'est pas automatiquement disqualifiable, même si je ne la partage pas.

Chez Molière déjà, Elvira était une figure profondément sérieuse.

Et si la staute du commandeur n'était qu'un artifice théatral d'un dramma giocoso, autrement dit un opéra-bouffe?
8O Tu vois beaucoup de meurtres dans les opéras-bouffe ?

Je ne sais pas si drama giocoso est l'exact équivalent d'un opéra bouffe. En tout cas, la forme utilisée par Mozart était déjà ancienne, alors qu'on tendait plutôt au mélange des "classes" dans le buffo du temps (Le Nozze sont dans cette veine).
Damien Colas décrit assez bien l'intégration de ces deux univers esthétiques dans Don Giovanni. Je ne crois pas que le désespoir d'Anna ou Or sai chi l'onore soient bouffe. Sans parler de l'écriture vocale de Non mi dir...

A tout prendre le fatras métaphysique 19ème qui entoure Don Giovanni vaut-il mieux que le fatras psychanalytique pour Elektra?
Dire qu'il y a une dimension seria dans Don Giovanni n'est pas dix-neuvièmiste !

DLM a écrit :Si Anna et Ottavio ne sont pas une bonne caution du seria, je n'y comprends plus rien.
Don Giovanni n'est pas un opera seria... Anna et Ottavio ne sont pas Ilia et Tito, et ils ont par ailleurs l'un et l'autre leurs propres ridicules dans ce dramma giocoso.
Anna, ridicule ? Tu es pire que moi, en vérité !

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Message par bajazet » 29 juil. 2005, 00:01

Ouais, le fossé se creuse ? Anna a des ridicules maintenant. :roll:

Friedmund, je t'aime beaucoup, mais si tu arrêtais d'assimiler toute interprétation réticente au comique d'Elvire ou d'Anna à du "fatras métaphysique", je t'en serais très reconnaissant.

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Message par Friedmund » 29 juil. 2005, 00:02

bajazet a écrit :
Friedmund a écrit :Il y a quand même une nuance forte entre chanter sa douleur dans une aria seule en scène, et expliquer à la première paysanne venue sa cocufication, non?
Je croyais que nous parlions du Quatuor.
Après avoir révélé son 'état' à Zerlina, elle en remet une couche avec Anna et Ottavio dans le quatuor. Même principe pour l'air et le quatuor
bajazet a écrit :Mozart aurait eu d'Elvira une conception comique, pourquoi pas ? Mais comment accorder cela avec la musique qu'il lui donne ? Le Quatuor, une fois encore, le Quatuor ! Sans compter le trio des Masques. (Et sans parler de "Mi tradi").
Mi tradi provient du caprice d'une diva, Mozart a laissé parler son coeur. Air sublime, mais pièce rapportée quand même.

Et si le quatuor était parodique? Et si le stéréotype des réponses conventionnelles d'Anna et Ottavio, pasticcio de seria, n'y contribuait pas également! Come scoglio isolé de son contexte pourrait passer pour un air des plus tragiques...

Idem pour le trio des masques: il y a quand même une véritable démesure entre les sentiments exprimés et la réalité de l'action théatrale du moment. Déjà joué à un tempo décent, l'effet émotionnel du trio change radicalement.
bajazet a écrit :Même la scène du balcon me semble d'une ambiguïté extraordinaire. Ce que David rapportait de l'analyse de D. Colas me semble extrêmement séduisant.
Bien sûr! C'est tout le génie de Don Giovanni que d'avoir produit un opéra inclassable... et bouffe! Mozart nous a montré qu'il savait très bien faire du tragique et du seria avec Idomeneo et la Clemenza, si tel avait été son propos pour Don Giovanni, il nous aurait fait un opera seria, ce qui n'est pas le cas du tout.

La perte du tragique dans Don Giovanni, vous coûte t'elle donc tant... et pourquoi? :wink:

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