Sur la discographie, je suis d'accord sur presque tout avec Lucas.
Déjà j'ai envie de dire que c'est globalement une belle discographie avec des enregistrements de qualité (et toutes les oeuvres ne peuvent pas se prévaloir d'une telle proportion de bonnes versions)
Je ne parlerai pas de la dernière version (Steckler) que je ne connais pas mais je possède toutes les autres.
1) Les versions Callas:
Callas est en très grande voix dans cette première version et bien entourée et dirigée mais le son mono est assez plat et ne permet pas de goûter pleinement tout le relief de cette musique. Elle est quasiment en aussi grande voix dans sa 2ème version (stéréo cette fois ci), merveilleusement entourée (au ténor près qui n'est cependant pas indigne du tout!) et dirigée. Pour l'époque la prise de son est superlative et Votto signe là une très grande version de référence. Quant à Callas, elle a considérablement approfondi le rôle et c'est là qu'il faut l'entendre bien davantage que dans sa 1ère version.
2) La version Cerquetti:
Là sera ma nuance d'avec Lucas car je trouve la direction de Gavazzeni absolument sensationnelle d'électricité dramatique. Evidemment pour la conclusion de
La Danse des Heures, on en vient à se dire que c'est absolument in-dansable mais quand on connait d'autres interprétations isolées de ce ballet par d'autres chefs (je pense à Solti par exemple), le tempo est rigoureusement le même que Gavazzeni. C'est donc à prendre comme une interprétation symphonique pour le disque. Pour ce qui est du chant, c'est superbe de bout en bout! Mention spéciale pour Cerquetti et petite nuance pour Del Monaco qui est beaucoup trop spinto. Il chante très bien (et non très objectivement il ne hurle pas à la mort et n'est absolument pas abominable) mais il me pose là le même problème que pour son Duc de Mantoue: ses moyens vocaux sont trop larges!
3) La version Previtali:
Beaucoup critiquée à cause de Milanov un peu fatiguée et de Di Stefano, usé vocalement et recourant à des effets vocaux vulgaires, cette intégrale n'en demeure pas moins une intégrale très intéressante d'abord parce qu'elle est merveilleusement enregistrée et dirigée. Ensuite Milanov et Di Stefano ne dénaturent pas cette partition dans laquelle ils arrivent tout de même à se couler assez bien et on leur doit de vrais beaux moments. Je dois préciser que Di Stefano pose tout de même le problème inverse que celui que pose Del Monaco: si ce dernier est trop large vocalement pour le rôle, Di Stefano ne l'est pas assez ...
Par ailleurs tout le reste du cast est de grande eau, Warren en tête.
4) La version Gardelli:
Gardelli est dans sa période DECCA c'est à dire sa meilleure période et il faut bien reconnaître que ce chef qui a certainement une des discographies lyriques les plus abondantes (et contrastées) de l'histoire du disque signe là une immense version. Très inspirée par une partition qu'il semble beaucoup aimer, il en restitue toute l'architecture sonore et toute la fibre dramatique. Il est merveilleusement aidé en cela aussi par une prise de son sensationnelle. Le cast est absolument magnifique et touche même au sublime avec Bergonzi. Le seul bémol, c'est peut-être la trop grande maturité du timbre de Tebaldi. Certes on ne peut pas le lui reprocher comme on est tout à fait légitime à le faire dans son intégrale de
Don Carlo mais certaines notes sont devenues un peu laides. Pour autant, elle signe là une de ses grandes intégrales car Gioconda a été un de ses très grands rôles.
5) La version Bartoletti:
Une belle version plutôt bien dirigée: c'est efficace mais moins inspiré que Votto, Previtali et Gardelli! C'est très bien enregistré, merci DECCA une fois de plus et c'est globalement très bien chanté. Est ce que Caballé était intrinsèquement une Gioconda ? Ce n'est pas certain mais elle s'en sort avec éclat. Est ce que Pavarotti est un Enzo ? Si l'on considère que ce rôle est essentiellement lyrique et écrit dans une zone de confort qui permet ce lyrisme et c'est le cas, alors oui le ténor lirico qu'est Pavarotti convient parfaitement. Ses moyens vocaux le placent dans un juste milieu entre Di Stefano et Del Monaco.
6) La version Patane:
C'est peut-être la version la moins convaincante et ce n'est pas le cast qui en porte la responsabilité car c'est globalement bien chanté. En fait, pour une raison que je m'explique pas, le responsable est Patane qui pourtant aimait beaucoup cette oeuvre : sa direction est un peu molle, sans grand relief et ça plombe un peu tout ... comme quoi
La Gioconda est aussi indubitablement un opéra de chef!
7) La version Viotti:
Très belle version dirigée avec classe par le regretté Marcello Viotti avec un cast de premier ordre. Je précise que c'est effectivement un des derniers enregistrements de Domingo (où il est un peu tendu et peut-être un peu trop musclé mais en grande voix!) ténor et je dirais même de Domingo tout court car tout ce qui suivra en mode baryton (qu'il n'est pas!) ça n'existe pas! En revanche, son Enzo dans cette version, là oui ça existe!
Les versions lives de Callegari et Renzetti:
Elles permettent de saisir l'impact en public de cette partition flamboyante et dramatiquement forte dans de bonnes conditions sonores et dans un niveau artistique tout à fait satisfaisant. Mention spéciale à Callegari, magnifique chef!
Et puis les regrets d'une telle discographie: Quel dommage que ni Muti ni Abbado ne se soient frottés à cette oeuvre. Chailly le fera t'il ??
Quel dommage qu'une maison comme DGG ne l'ait toujours pas à son catalogue.
Quel dommage que Souliotis ne l'ait pas enregistrée avec Gardelli et que Tebaldi ne l'ait pas enregistrée avec Previtali (à la place de Milanov) ...
Quel dommage que le meilleur Enzo n'ait pas été enregistré à savoir Franco Corelli ...
C'est pourquoi s'il y a un live qu'il faut connaître, c'est celui-là:
SUPERBE!!!