Re: I puritani (CD)
Posté : 22 déc. 2013, 14:33
J'ai acheté et vu ce fameux DVD d'I puritani à Amsterdam. Globalement, cette version m'a plu.
Les bons points: un très bon chef, d'abord. Giuliano Carella est intransigeant sur les tempi parfois allants, l'orchestre sonne très bien, on est très très loin d'une fanfare. Par ailleurs, le son est très nuancé, semblant ne jamais couvrir les chanteurs en salle. Les chanteurs, ensuite. Aucun n'est vraiment mauvais. Mariola Cantarero, bien qu'un peu raide dans certaines aiguës, est très musicale, sensible, nuancée, c'est du beau chant. John Osborn assume un rôle long, éprouvant, et s'il n'a pas la voix du siècle, il ne démérite pas et satisfera sans doute davantage les déçus de Korchak. Contre-ré et contre-fa en place (bien que cette dernière note soit un peu limite, mais compte tenu de l'ensemble, c'est très honorable). Riccardo Zanellato, très bonne basse italienne, quelque peu impersonnelle, mais très classe, très fluide, un plaisir. Quant à Fredrika Brillembourg, elle incarne véritablement une Enrichetta tourmentée, semblant vraisemblablement prendre plaisir à souligner davantage un personnage souvent sacrifié. Daniel Borowski (Gualtiero) et Gregorio Gonzalez (Bruno), vraiment investis dans leurs petits rôles, sont tout à fait honorables. Autre bon point, la mise en scène de Francisco Negrin, qui se sort admirablement d'un livret plutôt pauvre théâtralement. On est à mi-chemin entre du moderne pur et du respectueux, l'esthétique est entre les deux: on est dans un espace prison, dans lequel, hagarde, évolue Elvira. Costumes conventionnels. Alors, pour le coup, les gestes et actions décrites dans le livret ne sont pas toutes respectées: souvent les personnages restent sur scène alors qu'ils ne devraient pas y être, des situations sont exagérée, d'autres inventées (par exemple, Arturo est bel est bien tué à la fin): j'y suis opposé en principe, mais là, je rends les armes, car le travail sur les relations entre les personnages (notamment à partir de Riccardo) est colossal et le rendu tient la route, en lui-même. Alors oui, on est parfois loin de ce qu'a écrit Pepoli, mais cette vision a le mérite d'insuffler une tension et une émotion à une pièce pauvre en situations. On gagne en théâtre ce qu'on perd en respect dû à la lettre, mais ici, dans ce cas, vu le niveau d'ensemble, ça passe (pour moi). En outre, il y a dans le livret une analyse très intéressante sur la folie d'Elvira, et les relations entre les personnages dans cet ultime opus de Bellini.
Les mauvais points: il y en a peu. Déjà, Scott Hendricks, malgré une belle voix forte de baryton, semble bien à la peine dans ses passages virtuoses ou vocalisants. Et il semble plus d'une fois en difficulté dans l'aigu. Mais rien de véritablement mauvais, encore une fois. Autre chose, le parti pris de la mise en scène annule tout effet de coulisse: l'entrée d'Elvira, à chaque fois dans cet opéra, est précédée par un chant en coulisse, un très bel effet que j'aime beaucoup, mais qui est ici annulée, car tout est chanté sur scène. Enfin, les sous-titres français sont très approximatifs, on est souvent bien loin du livret italien...
Reste la version musicale proposée... Malheureusement, elle n'est pas tout à fait complète. Dans un des bonus du DVD, Giuliano Carella explique que la mise au point de cette édition critique est une excellente chose, car elle permet de découvrir de nombreux morceaux ou passages supprimés par la tradition. Pourtant, il pratique lui-même plusieurs coupures... C'est vraiment regrettable, car on tient là, sinon, la version DVD la plus complète qui se puisse trouver (en tout cas, plus complète que Machaidze à Bologne, Netrebko à New York, Gruberová à Barcelone et D'Angelo a Trieste): elle propose de nombreux numéros complets, le trio du I (divinement chanté par Osborn), la reprise du chant du trouvère (mais l'exposition en est un peu coupée), l'andante du duo d'amour, et la cabalette finale chantée, reprise et variée à deux (avec contre-ré à l'unisson). Sont coupés: la reprise de la cabalette de Riccardo, la reprise de « Non parlar di lei che adoro », la moitié du chœur d'introduction du II, la ritournelle de « Cinta di fiori » (mais pourquoi?! ), un bout de l'exposition du chant du trouvère, et la reprise de « Vieni fra queste braccia ». C'est pénible, mais dans l'ensemble, il faut saluer une version très peu coupée qui propose des morceaux injustement devenus rares, dans un belle exécution. C'est aussi pour cela que je ferme un peu les yeux sur les dérapages de la mise en scène (faire tuer Arturo).
Je le recommande chaudement!