De l'Allemagne- 1800-1939 -Le Louvre

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Bernard C
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De l'Allemagne- 1800-1939 -Le Louvre

Message par Bernard C » 17 juin 2013, 17:41

Paris le 16 juin 2013 Musée du Louvre

Montant de ma province "à la capitale" pour assister à un très beau Crépuscule à l'Opéra , je suis allé le matin visiter l'exposition du Louvre "De l'Allemagne" n'ayant pas suivi les polémiques politiques autour de cette exposition ( depuis je me suis renseigné , et je mesure le bruit qu'elle a fait dans les journaux allemands)
Je ne savais pas à quoi m'attendre , j'en espérais bien évidemment quelques romantiques et quelques expressionnistes que j'aime absolument depuis que dans ma jeunesse j'avais écumé les musées de l'Est entre Dresde , Berlin et les trésors de peinture allemande de Saint Petersbourg .

Cette exposition est incontournable :
c'est de l' archi-génial-super-dément-éclate-totale ®

Des nazaréens - apolliniens - dionysiaques , de Lohengrin à Tannhäuser pour nous amateurs de Wagner , de la régénération gothique des cathédrales aux paysages alpins jusqu'à la césure de la guerre de 14 ...l'entre-deux-guerres et comme une fin de l'histoire 1939 .

Ainsi deux cents œuvres extra-ordinaires , car pour la plupart jamais vues en France sont présentées : un nombre considérable , une exposition en soi de C.D.Friedrich , qui viennent évidemment de Dresde , Berlin , de Russie ( avec évidemment notre "Arbre aux corbeaux " ) , mais aussi une exposition dans l'exposition d'Otto Dix ( avec un lot des eaux fortes du MOMA et notamment "troupes d'assaut avançant sous le gaz " .

Très exceptionnelles valent aussi à elles seules les xylographies de Käthe Kollwitsz dans la dernière salle , qui vous étreignent , vous impactent : "Votre fils a été tué"

On comprend que cette exposition choque . Par exemple on passe du Romantisme au néoromantisme de Radziwill avec violence . On est confronté à un face à face entre l'"Olympia" de Leni Riefenstahl et "Les Hommes le dimanche" de Robert Siodmak ; les images de "Metropolis" de Fritz Lang face au "Faust" de Murnau .

Captivant côte à côte des planches naturalistes de Goethe et les études de Paul Klee .

Je n'ai pas dit que l'exposition ouvre sur le "Goethe dans la campagne romaine " de Tischbein
Rien pour ce chef d'oeuvre il faut se déplacer , on ne le reverra pas de sitôt hors de Francfort .


Bref je n'ai pas dit grand chose de la puissance de cette exposition . Il faut suivre , lire l'intelligence du parcours ; l'audioguide est bien fait et le catalogue incontournable par ses articles de fond , on y trouvera des articles qui nous intéressent très particulièrement sur l'esthétique wagnérienne , sur l'"esthétique" faustienne .

L'exposition s'achève par le chef d'oeuvre de Max Beckmann : "l'Enfer des oiseaux" 1938 .

à jamais insupportable probablement .


Bernard
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Re: De l'Allemagne- 1800-1939 -Le Louvre

Message par Musanne » 18 juin 2013, 16:53

Il se trouve que j'ai aussi visité cette exposition la semaine dernière. Je suis moins enthousiaste que toi. Certes elle a le mérite de présenter un nombre appréciable des paysages de C.D. Friedrich, quelques-uns aussi de Carl Gustav Carus, peu connu en France, et le tableau de Tischbein dont tous les germanistes ont vu des reproductions mais qui en effet ne sort jamais de Francfort. D'accord aussi avec toi sur Käthe Kollwitz. Les séries « La guerre » d'Otto Dix et « L'enfer » de Beckmann ont déjà été vues, au moins partiellement, dans plusieurs expos mais c'est bien de les voir rassemblées et mises en pendant pour illustrer les horreurs de la guerre et de l'après-guerre.

MAIS. Mais sans reprendre les critiques excessives de la presse allemande, j'aurais quand même beaucoup de reproches à faire à cette rétrospective bancale. Elle ne se prétend pas exhaustive, ce qui serait de toutes façons impossible ne serait-ce que pour des raisons de place et de financement, mais les lacunes, souvent soulignées, sont tout de même criantes (Biedermeier, impressionnisme, expressionnisme, Nouvelle Objectivité, Bauhaus...) et les raisons invoquées ne sont pas très convaincantes. Que des artistes de divers horizons et nationalités se soient regroupés dans le « Blaue Reiter » ou « Die Brücke » n'empêche pas ces mouvements d'être aussi profondément allemands, inscrits dans tout un courant qui dépasse les arts plastiques. Inversement les peintres nazaréens se sont groupés à partir de l'Académie des Beaux-Arts de Vienne, et se sont ensuite installés à Rome. Cet « internationalisme » n'a pas empêché les commissaires de leur faire une place importante dans l'exposition, à juste titre dans la mesure où on les connaît mal en France. Parmi eux le papa du premier Tristan, Julius Schnorr von Carolsfeld.

Il y a selon moi une certaine incohérence entre la division, assez artificielle, en 3 sections thématiques, partiellement mais pas entièrement chronologiques (l'hellénisme, la nature, l'humain) et la ligne directrice des panneaux qui présentent chaque section et chaque salle à-travers un prisme idéologique unique : l'émergence du sentiment national, ce qui est bien réducteur. Ces panneaux sont souvent verbeux et n'évitent pas les poncifs. On préférerait plus de cartels explicatifs près des œuvres elles-mêmes, par ex. les travaux de Goethe sur la théorie des couleurs. Un petit exemple : la vitrine qui présente des feuilles d'herbier de Goethe et de Klee contient une feuille séchée du 1er Gingko biloba planté à Weimar par Goethe et qui existe toujours, accompagnée du manuscrit d'un poème fameux dans lequel il célèbre dans cette feuille la dualité dans l'unité, thème faustien ; quelques lignes, voire la traduction du poème, n'auraient pas nui.

Le choix lui-même des 3 thèmes est discutable, comme celui des œuvres choisies pour les illustrer. A cet égard la section centrale (le rapport à la nature) est la plus équilibrée. Pour le thème nietzschéen « Apollon et Dionysos » seules les œuvres néo-classique de la 1ère salle peuvent évoquer un art apollinien. Et aussi Goethe mais il est classé dans la section nature (comme objet d'observation scientifique). Les quelques toiles qualifiées de « dionysiaques », femmes fatales, scènes mythologiques un peu parodiques de F. von Stuck et Böcklin (qui est d'ailleurs suisse) laissent perplexe. On ne sait trop à quoi rattacher la petite salle sur le néo-romantisme, coincée entre les paysages « nationalistes » et la dernière partie et réduite à quelques toiles peu représentatives.
Quant à la dernière section « Ecce homo », elle est ambiguë, renvoyant au portrait (très beaux Menzel, et sélection des photos d'August Sander à la fin) mais aussi à une thématique sacrificielle, quasi christique, qui n'est qu'un des aspects de l'art allemand de la période 1914-1920.

Il est sans doute excessif de soupçonner les organisateurs d'avoir voulu présenter l'art allemand depuis le début du 19e siècle comme une trajectoire menant inéluctablement au nazisme. Mais l'insistance sur la recherche de l'unité et d'un patrimoine culturel commun, qui ont certes existé mais de façon beaucoup moins univoque que ce qui est présenté ici, peut susciter un malaise. D'un côté il y a simplification d'une histoire beaucoup plus complexe, d'un autre côté les tentatives de complexifier rendent l'ensemble un peu disparate.
Malgré tous ces défauts, c'est une exposition qui mérite la visite, par les œuvres peu connues qu'elle permet de découvrir, et parce qu'elle incite à la réflexion
En résumé c'est de l' archi-génial-super-dément au sens de Placido (=moyen)

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Re: De l'Allemagne- 1800-1939 -Le Louvre

Message par Bernard C » 18 juin 2013, 22:02

Musanne a écrit :Il se trouve que j'ai aussi visité cette exposition la semaine dernière. Je suis moins enthousiaste que toi.

Tu résumes bien les critiques (allemandes pour l'essentiel) faites sur cette exposition .
Je la trouve pour ma part unique en son genre et je ne partage pas ce relativisme devenu style qui consiste à ne plus rien apprécier avec étonnement .

Je n'ai pourtant presque rien découvert hormis quelques œuvres sorties des particuliers ; mais la scénographie de cette exposition révèle exactement ce que Dix nous dit sur l'art allemand dès 15

Que ça gène et que la shoah ne soit pas par hasard un fait allemand , c'est un fait et que l'art le dise et le montre , même si c'est très dérangeant , tant pis .

J'ai été très dérangé d'éprouver autant de jouissance dimanche après midi dans ce chœur "Was tost das Horn ?" J'avais le corps emporté en rythme comme un vassal moi-même , fasciné , fasciné comme je l'étais par ces rangs des mineurs de Metropolis pliant sous leur soumission .

Jouissance malsaine où la flèche gothique se prend pour la nature , ou la nature est soumise à l'érection du Moi .

Les panneaux n'étaient nullement verbeux , ils étaient sobres , trop sobres , et il suffit de se rendre aux textes remarquables du bouquin pour mesurer ce qu'on a à apprendre avant de réduire ce chemin à une "synthèse sommaire" comme tu t'en es faite la porte parole .

Lis par exemple les articles de Pierre Wat : "Une subversion sans fin . la peinture romantique allemande " et Paul Klee : "la nature et la création après l'histoire" de Marcella Lista , ou encore la traduction de Roman Gibbart : "le Second Faust , fantasmagorie du XIX ème Siècle " , ça remet les pendules à l'heure et c'est beaucoup plus instructif que le digest des critiques des journaux .( Tout se trouve dans l'ouvrage dirigé par Allard et Cohn qui sont les commissaires scientifiques de cette exposition ).

Louper cette exposition parcequ'on fait encore une fois la fine bouche , ne serait ce que parce que tout le monde ne va pas tous les jours au MOMA ou à la Gemäldegalerie Neue Meister de Dresde ou au Palais d'Hiver c'est vraiment très dommage .

Cette exposition est archi-génial-super-dément-éclate-totale ® .Ne vous en privez pas ! Il n'y en aura pas deux ! Foi de Quetzal !

Bernard
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Re: De l'Allemagne- 1800-1939 -Le Louvre

Message par Musanne » 18 juin 2013, 23:37

Tu résumes bien les critiques (allemandes pour l'essentiel) faites sur cette exposition .
Je n’ai pas lu les critiques allemandes mais seulement les échos qui en ont été donnés dans les media français. J’ai entendu aussi les avis de plusieurs amis, beaucoup plus critiques que moi

Je la trouve pour ma part unique en son genre et je ne partage pas ce relativisme devenu style qui consiste à ne plus rien apprécier avec étonnement .

Je n'ai pourtant presque rien découvert hormis quelques œuvres sorties des particuliers
Moi si. Je n’avais jamais vu beaucoup des œuvres présentées
; mais la scénographie de cette exposition révèle exactement ce que Dix nous dit sur l'art allemand dès 15
A quel texte fais-tu référence ?

Que ça gène et que la shoah ne soit pas par hasard un fait allemand , c'est un fait
Raccourci un peu rapide. La littérature sur cette question et sur celle du « Sonderweg » allemand, que j’ai eu professionnellement à beaucoup fréquenter, occupe des rayons entiers de bibliothèque
et que l'art le dise et le montre , même si c'est très dérangeant , tant pis .
Ce n’est pas dérangeant en soi. Ce qui gêne c’est que l’art ne dit et ne montre pas QUE cela et que l’exposition met principalement l’éclairage sur cet aspect qui n’est pas le seul

J'ai été très dérangé d'éprouver autant de jouissance dimanche après midi dans ce chœur "Was tost das Horn ?" J'avais le corps emporté en rythme comme un vassal moi-même , fasciné , fasciné comme je l'étais par ces rangs des mineurs de Metropolis pliant sous leur soumission .
Les rangs de mineurs de Metropolis sont fascinants mais je suppose que ce n’est pas là que tu les as découverts

Jouissance malsaine où la flèche gothique se prend pour la nature , ou la nature est soumise à l'érection du Moi .

Les panneaux n'étaient nullement verbeux , ils étaient sobres , trop sobres , et il suffit de se rendre aux textes remarquables du bouquin pour mesurer ce qu'on a à apprendre avant de réduire ce chemin à une "synthèse sommaire" comme tu t'en es faite la porte parole .
Je n’ai jamais parlé de « synthèse sommaire », ce que je reproche au contraire à cette exposition c’est d’être à la fois unilatérale et disparate, en aucun cas synthétique.

Lis par exemple les articles de Pierre Wat : "Une subversion sans fin . la peinture romantique allemande " et Paul Klee : "la nature et la création après l'histoire" de Marcella Lista , ou encore la traduction de Roman Gibbart : "le Second Faust , fantasmagorie du XIX ème Siècle " , ça remet les pendules à l'heure et c'est beaucoup plus instructif que le digest des critiques des journaux .( Tout se trouve dans l'ouvrage dirigé par Allard et Cohn qui sont les commissaires scientifiques de cette exposition
Je n’ai pas lu le catalogue, je le consulterai lors d’une prochaine visite au Louvre. Il permet sans doute de mieux éclairer les visées des commissaires. Le visiteur qui n’a pas ou pas encore étudié le catalogue ne peut réagir qu’aux œuvres qu’il voit, à leur accrochage, à la scénographie et aux fameux panneaux explicatifs

Louper cette exposition parcequ'on fait encore une fois la fine bouche , ne serait ce que parce que tout le monde ne va pas tous les jours au MOMA ou à la Gemäldegalerie Neue Meister de Dresde ou au Palais d'Hiver c'est vraiment très dommage .
Ce serait dommage en effet (mais elle est bientôt finie) car, même contestable, elle est stimulante

Cette exposition est archi-génial-super-dément-éclate-totale ® .Ne vous en privez pas ! Il n'y en aura pas deux ! Foi de Quetzal ![quote]

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Message par PlacidoCarrerotti » 19 juin 2013, 08:20

quetzal a écrit :
Cette exposition est archi-génial-super-dément-éclate-totale ® .Ne vous en privez pas ! Il n'y en aura pas deux ! Foi de Quetzal !

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Comme Nabila, je vais déposer l'expression à l'INPI.
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Re: De l'Allemagne- 1800-1939 -Le Louvre

Message par Snobinart » 19 juin 2013, 08:36

C'est un peu long à écrire, on peut se mettre d'accord sur " swag" ?

exemple : "sa race, ce spectacle il a trop le SWAG! tavu la grosse comment kel chante fort?"

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