L'ONP et les critiques

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Calaf
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Message par Calaf » 23 juin 2007, 13:07

EdeB a écrit : Mais qu'un directeur de théâtre essaye de mégotter sur la liberté de la presse (bien mise à mal en général), c'est scandaleux. Ce n'est pas son rôle et ne l'a jamais été.
Je suis d'accord : Mortier s'est montré plutôt indélicat, et très maladroit. Mais il faut néanmoins garder la mesure.
Mortier dit que Machart fait mal son boulot, et vous hurlez à l'atteinte de la liberté de la presse. Quand Machart dit que Mortier fait mal son boulot, en choisissant de mauvais artistes, vous devriez hurler à la censure. Mais vous ne le faites pas, parce que, visiblement, Mortier a toujours tout faux avec vous.

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Message par Ruggero » 23 juin 2007, 14:00

Je trouve cette histoire très intéressante et les réactions qu'elle suscite non moins significatives.

Je ne suis pas très étonné de la réaction de Mortier. Je mets de côté la qualité intrinsèque de la production de Traviata. Mortier est quelqu'un de très attachant parce que c'est un passionné (il peut avoir tous les défauts du monde, on ne peut pas lui reprocher de ne pas aimer l'opéra ; on peut mal et aimer, certes). Qu'il ait des réactions à fleur de peau (et j'imagine ses crises de colères plus qu'à "fleur" de peau, à la lecture des papiers de Machart), c'est tout lui, qu'il ne réfléchisse pas trop au sens que cela a d'attaquer un critique sur le site officiel de l'ONP, sans le citer et en le montrant artificiellement comme isolé, c'est aussi tout lui. Venant de quelqu'un d'autre, ça m'aurait scandalisé davantage.

Sur le fond, je suis assez d'accord avec la lassitude qu'il exprime vis-à-vis des poids lourds de la critique. J'ai le plus grand respect pour la personne de Renaud Machart (et celle de Marie-Aude Roux) mais je pense aussi que ce monsieur fait mal son métier, certes devenu très difficile aujourd'hui. Je mets encore une fois entre parenthèse le cas précis de Traviata, pour parler plus généralement. M. Machart est sûrement quelqu'un qui connaît bien la musique, mais il donne l'impression (je ne dis pas que c'est le cas) d'un musicien raté qui passe son aigreur sur les spectacles auxquels il assiste en première catégorie sans payer (je rappelle à ce propos son papier sur Idomeneo, je crois, à la Scala, où il se plaignait benoitement de l'acoustique du parterre du théâtre milanais... Des baffes se perdent). Ce n'est peut-être qu'une impression, mais le fait qu'elle soit donnée suffit, et qu'elle soit ressentie. Avez-vous déjà parlé des critiques avec des musiciens d'orchestre ou des chanteurs?

Je passe sur les imprécisions, les bourdes et autres lapsus qui parsèment les colonnes de Libération et du Monde, en particulier (mais s'il n'y avaient qu'eux), nous en faisons tous mais nous ne sommes pas payés pour en faire, nous!! et comme le remarquait un de nous il y a quelques jours, pour les connaissances sinon pour le style que ce métier requiert (et que possède sans conteste Renaud Machart), plusieurs d'entre les amateurs qui s'expriment ici pourraient remplacer les critiques officiels.

Enfin, à quoi bon s'exciter si, comme une étude à laquelle certains d'entre nous ont probablement répondu il y a un an et demi dans les couloirs de l'ONP ou de plusieurs autres salles européennes le démontre, seulement 1% des spectateurs se déterminent à aller assister à une pièce en fonction des critiques lues dans la presse? Eh bien parce que les scrivaillons qui sévissent dans la presse nationale sont aussi lus par ceux qui ne vont pas à l'opéra. Si l'on pense à l'image qu'ont de l'opéra actuel les centaines de milliers de lecteurs de ces journaux, je trouve qu'il y a de quoi s'inquiéter sur ce "pouvoir". La démarche de Mortier, dans cette perspective, n'est qu'un légitime retour de bâton : il répond avec la même mauvaise foi et les mêmes mauvaises manières. La conclusion restant dans les mains du quidam qu'est chacun de nous et qui va assister au spectacle pour son propre compte.
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Message par EdeB » 23 juin 2007, 14:13

Calaf a écrit :
EdeB a écrit : Mais qu'un directeur de théâtre essaye de mégotter sur la liberté de la presse (bien mise à mal en général), c'est scandaleux. Ce n'est pas son rôle et ne l'a jamais été.
Je suis d'accord : Mortier s'est montré plutôt indélicat, et très maladroit. Mais il faut néanmoins garder la mesure.
Mortier dit que Machart fait mal son boulot, et vous hurlez à l'atteinte de la liberté de la presse. Quand Machart dit que Mortier fait mal son boulot, en choisissant de mauvais artistes, vous devriez hurler à la censure. Mais vous ne le faites pas, parce que, visiblement, Mortier a toujours tout faux avec vous.
La manière dont j'ai perçu le "droit de réponse de Mortier" est la suivante : il me semble ne pas supporter qu'un critique n'aime pas sa direction artistique et les choix qu'il fait comme programmateur, et donc les spectacles qui en résultent. C'est là où à mon sens il y a erreur. On a le droit d'aimer ou pas, c'est tout. Nier indirectement le droit d'un critique à faire son métier me semble un dérapage pour le moins dangereux. Je ne pense pas qu'il s'agisse de censure de la part d'un journaliste, seulement de l'affirmation d'un goût personnel et d'une attente prononcée. Il est logique avec lui-même, c'est tout. S'il voulair répondre, pourquoi ne pas écrire une lettre ouverte dans une tribune, dans le Monde ?

Quant à Mortier en tant que personne, je l'ai trouvé charmant, passionné et dissert à Salzbourg (où j'ai eu l'occasion de lui parler à de nombreuses reprises), j'étais fort contente de sa nomination à l'ONP (et très déçue des résultats !) et je lui dois de très très beaux moments à La Monnaie et à Salzbourg, et certains qui restent d'anthologie ! Je n'ai pas aimé ce que j'ai perçu comme une dérive dogmatique et un espèce de culte de la personnalité, dans ses interventions, ces dernières années, mais cela m'a plus fait rire qu'autre chose. De toute façon, la personnalité d'un directeur d'opéra ne m'a jamais interpellée au niveau de mon vécu ! :wink: A part l'influence sur les choix artistiques qui sont faits et payés avec mes impôts, en l'occurrence. Sinon, je ne fais pas d'anti-Mortierisme par principe, et n'étant pas satisfaite de la politique actuelle de l'opéra de Paris (ni de celle de Bergé et Gall, d'ailleurs), j'en ai tiré des conséquences logiques et je n'y mets les pieds que rarement.
Une monstrueuse aberration fait croire aux hommes que le langage est né pour faciliter leurs relations mutuelles. - M. Leiris
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Message par Ruggero » 23 juin 2007, 14:24

EdeB a écrit :
La manière dont j'ai perçu le "droit de réponse de Mortier" est la suivante : il me semble ne pas supporter qu'un critique n'aime pas sa direction artistique et les choix qu'il fait comme programmateur, et donc les spectacles qui en résultent.
Je perçois cela différement, comme le ras-le-bol (partagé par d'autres directeurs d'opéras parisiens et pas mal de musiciens) contre les humeurs aigries de Renaud Machart entre autres. Il n'en reste pas moins que la réaction aurait dû être différente. Mais je ne pense pas que Mortier ne puisse pas supporter qu'un critique n'aime pas ses choix : il est persuadé d'avoir raison mais respecte la liberté de la presse.
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Message par EdeB » 23 juin 2007, 14:35

C'est évident qu'il y a un ras le bol. Et qui est logique !! Comment bien prendre le fait que des semaines (voire plus) de boulot soit expédiés méchamment dans des formules lapidaires, réductrices (forcément) et quelquefois jouissivement méchantes ? souvent un artiste n'est qualifié que par un seul adjectif !! C'est rendre avec finesse et détail toute une prestation et tout ce qui la construit...
Ceci ne règle en rien l'injustice qu'il y a pour un artiste de se traîner des critiques parfois mal fondées, méchantes gratuitement (car il y en a, c'est tellement plus facile de faire un bon mot en brocardant), mal renseignées, ou pré écrites (un/e tel/le (avant d'avoir vu le spectacle) se faisant envoyer sur telle production pour "se payer le metteur en scène"). Ce type d'attitude existe et c'est cruel et lamentable.

Mais il y a aussi des papiers pus solides qui prennent le temps d'expliquer et qui argumentent. Heureusement !!

Ce n'est pas le contenu de l'article de Machart que je défendais en tant que tel ; uniquement le droit du critique à garder son libre arbitre et de le publier sans faire du léche-cul professionnel. On peut dire beaucoup, à condition d'argumenter et d'expliquer ses attentes : ce qui replace les choses dans leur contexte et leur subjectivité. Et un minimum de courtoisie, qui est dû à tous, qu'il soit artiste ou pas !
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Message par JdeB » 23 juin 2007, 18:54

On pourrait envisager une autre hypothèse. G. Mortier s'est bien aperçu qu'on parle de moins en moins de lui dans la presse, sur les forums, dans les diners en ville, au ministère, chez les artistes, surtout depuis la désignation de son successeur, et essaye d'occuper encore un peu le créneau médiatique français.

L'idée selon laquelle beaucoup de critiques ne seraient que des artistes ratés donc aigris, que Ruggero développe à propos de R. Machart, est bien connue (et parfois vraie). Il me semble que G. Mortier, avec l'âge, tend de plus en plus à rentrer lui dans cette catégorie lui qui ne cesse de s'agréger de force à l'équipe artistique en parlant sans cesse de "notre Tristan", "notre Cardilac", etc...

J'ai beaucoup apprécié son travail à Salzbourg, je me suis réjouis de son arrivée à Paris, j'ai vite déchanté. Son dogmatisme de plus en plus affiché, son mépris grandissant pour le public qui ne partage pas sa vision radicale et politique de l'opéra et n'y voit qu'un simple divertissement, sa mise en avant permanente de lui-même qui a surtout mis à nu son manque de culture, son peu d'audace véritable et son incapacité à retenir de grands chefs, m'ont lassé.
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Message par PaoloAlbiani » 23 juin 2007, 19:39

JdeB a écrit :On pourrait envisager une autre hypothèse. G. Mortier s'est bien aperçu qu'on parle de moins en moins de lui dans la presse, sur les forums, dans les diners en ville, au ministère, chez les artistes, surtout depuis la désignation de son successeur, et essaye d'occuper encore un peu le créneau médiatique français.
Il devrait lire ODB... On parle de lui (en bien ou en mal, mais on en parle...)
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Message par JdeB » 23 juin 2007, 19:41

Ne t'en fais pas, il le lit tous les jours ! :lol: Et il y a longtemps qu'on avait pas parlé de lui, donc il s'inquiétait... :D :lol:
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Message par PaoloAlbiani » 23 juin 2007, 19:51

JdeB a écrit :Ne t'en fais pas, il le lit tous les jours ! :lol: Et il y a longtemps qu'on avait pas parlé de lui, donc il s'inquiétait... :D :lol:
mdr
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Message par PlacidoCarrerotti » 23 juin 2007, 20:25

Ruggero a écrit : Enfin, à quoi bon s'exciter si, comme une étude à laquelle certains d'entre nous ont probablement répondu il y a un an et demi dans les couloirs de l'ONP ou de plusieurs autres salles européennes le démontre, seulement 1% des spectateurs se déterminent à aller assister à une pièce en fonction des critiques lues dans la presse? Eh bien parce que les scrivaillons qui sévissent dans la presse nationale sont aussi lus par ceux qui ne vont pas à l'opéra. Si l'on pense à l'image qu'ont de l'opéra actuel les centaines de milliers de lecteurs de ces journaux, je trouve qu'il y a de quoi s'inquiéter sur ce "pouvoir".
Tout à fait. Pour une carrière dans le "créneau" choisi par Mortier, peu importe que les spectacles soient bons ou mauvais, que le public hue ou pas, du moment que la critique "à la pointe" encense l'administrateur comme un moderniste génial et incompris : c'est ce qui lui garantit son prochain point de chute.
Les salles sont vides ? C'est que le directeur a pris le courageux parti de renouveler le public !

Mais si les influenceurs médiatiques branchés ne suivent pas, catastrophe !
Les salles sont vides ? Normal avec une programmation aussi médiocre : que fait le ministre?

Les pages cul-culturelles de l'im-Monde n'étant pas exactement à la tête de l'arrière-garde-retrogrado-bourgeoise-social-traître, Mortier doit enrager de ne pas y trouver le soutien qu'il pouvait escompter (même chose avec Labération).

Pareil côté officiel : pour un ministre, avoir nommé quelqu'un considéré comme un toccard par la presse bobo-branchouille, c'est le pire des désaveux.

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