Transposer l'action du livret

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Vincenzo
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Message par Vincenzo » 04 juil. 2005, 00:53

Friedmund a écrit :
A part le Ring de Chéreau à l'ère pré-industrielle, le Parsifal nucléaire genévois de Liebermann, et éventuellement les Mozart de Sellars, y a t'il vraiment eu quoi que ce soit de réellement fondamental?
Ce fameux Ring de Chéreau s'inscrivait dans une tendance, qui avait cours dans les années 70, à transposer les oeuvres à l'époque où elles avaient été créées. Tendance d'ailleurs qui a eu des précurseurs, comme Visconti s'inspirant de Tiepolo pour son Ifigenia scaligère avec Callas.
Peu avant ce Ring, le Faust de Lavelli situé au XIX ème siècle avait déclenché une véritable bronca lors de la première série de représentations à Garnier. Cette transposition m'avait paru on ne peut plus convaincante tant la musique et certains aspects du livret évoquent davantage le siècle de Gounod que le Moyen-Âge.
D'autres, après Lavelli (dont la production a été reprise pendant 30 ans) ont repris l'idée.
Toujours à Garnier, le même Chéreau avait mis en scène une Lulu exceptionnelle, transposée dans les années 30.
Quant à Sellars, c'est un remarquable directeur d'acteur auquel on pardonne volontiers certaines transpositions pour le moins hasardeuses.
De lui j'ai beaucoup aimé Saint François d'Assise à Bastille voici une dizaine d'année et surtout sa remarquable Teodora de Glyndebourne reprise durant l'automne dernier à l'opéra du Rhin.
V.

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Message par Friedmund » 04 juil. 2005, 01:04

Vincenzo a écrit :Ce fameux Ring de Chéreau s'inscrivait dans une tendance, qui avait cours dans les années 70, à transposer les oeuvres à l'époque où elles avaient été créées.
En ce qui concerne le Ring, idée préalablement, et brillamment, développée par Shaw dans le 'Parfait wagnérien' et en parfaite cohérence avec le parcours idéologique et historique de Richard Wagner. Je ne suis pas sûr que Wagner lui-même ait eu la pleine conscience de cela d'ailleurs, mais que le Ring soit porté par le souvenir des événements de Dresde et des amitiés de Wagner à cette époque (Bakounine en tête) me semble relativement évident, ce qui fait toute la force de la mise en scène de Chéreau. La 'transposition' de Chéreau est plus fidèle à l'esprit de l'oeuvre que l'oeuvre elle-même telle que décrite. Evénement unique dans l'histoire de la mise en scène et jamais renouvellé, et qui a du contribuer malheureusement à faire croire à certains qu'ils pourraient renouveller le miracle. :roll:

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Message par bajazet » 04 juil. 2005, 01:06

Assez d'accord avec Vincenzo. J'ajouterais l'Atys de Lully mis en scène par Villégier : une merveille. J'avais beaucoup aimé Les Maîtres-chanteurs de Wernicke au palais Garnier. (Lequel Wernicke ne m'a pourtant pas souvent séduit, c'est un euphémisme).

Mais comme le disait parfaitement Rameau, la transposition d'époque n'a d'intérêt que si elle s'intègre à une interprétation d'ensemble de l'?uvre (le Ring de Chéreau est un exemple frappant).
Et j'ajouterais, si elle préserve la part de fantasme ou même d'onirisme que véhiculent la plupart des opéras : comme le Ring de Chéreau, le Faust de Lavelli était fondamentalement poétique, quoique soutenu par une vision critique de la société du milieu du XIXe siècle.

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Message par DavidLeMarrec » 04 juil. 2005, 01:09

Friedmund a écrit :En ce qui concerne le Ring, idée préalablement, et brillamment, développée par Shaw dans le 'Parfait wagnérien' et en parfaite cohérence avec le parcours idéologique et historique de Richard Wagner. Je ne suis pas sûr que Wagner lui-même ait eu la pleine conscience de cela d'ailleurs, mais que le Ring soit porté par le souvenir des événements de Dresde et des amitiés de Wagner à cette époque (Bakounine en tête) me semble relativement évident, ce qui fait toute la force de la mise en scène de Chéreau. La 'transposition' de Chéreau est plus fidèle à l'esprit de l'oeuvre que l'oeuvre elle-même telle que décrite. Evénement unique dans l'histoire de la mise en scène et jamais renouvellé, et qui a du contribuer malheureusement à faire croire à certains qu'ils pourraient renouveller le miracle. Rolling Eyes
Sans compter que la représentation d'êtres mythologiques rend la mise en scène parfaitement fidèle ridicule.

David - hapax

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Message par Friedmund » 04 juil. 2005, 01:15

DavidLeMarrec a écrit :Sans compter que la représentation d'êtres mythologiques rend la mise en scène parfaitement fidèle ridicule.
Encore faut-il se mettre d'accord sur ce qu'est une mise en scène 'parfaitement fidèle'.

Je ne trouve en rien ridicule les Ring en cours du Met et de Vienne, bien qu'ils soient difficilement accusables de profonde subversion scénique. Je trouve même que l'imagerie simple et fidèle du Ring du Met est très réussie, et parfaitement relaxante.

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Message par bajazet » 04 juil. 2005, 01:16

Quand même, cette Iphigénie de Gluck en costumes Tiepolo, quel coup de génie ! J'ai vu une fois une production de cette ?uvre, genre peplum, tuniques antiques blanches, simili temple grec, etc.? on se serait cru dans Astérix.

Ce que je ne cesse d'admirer dans le Ring de Chéreau, entre autres, c'est comment il a su faire des dieux des allégories d'une société, tout en préservant cette espèce de dimension onirique, où le mythe reste un support à rêverie et à fantasme. Dans l'Or du Rhin, c'est fascinant, même dès le barrage du Rhin.

B., qui ressasse, et qui va se taire.

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Message par DavidLeMarrec » 04 juil. 2005, 01:22

Friedmund a écrit :Encore faut-il se mettre d'accord sur ce qu'est une mise en scène 'parfaitement fidèle'.

Je ne trouve en rien ridicule les Ring en cours du Met et de Vienne, bien qu'ils soient difficilement accusables de profonde subversion scénique. Je trouve même que l'imagerie simple et fidèle du Ring du Met est très réussie, et parfaitement relaxante.
Ah bon... Moi j'ai du mal lorsque Wotan depuis "das ewige Werk" jusqu'à "Bau" fait pour toute action de lever sa lance. Je trouve ça non seulement ridicule, mais insupportable. Je préfère quelque chose de laid et d'efficace, même si c'est insatisfaisant pour une raison ou une autre.

David - amha

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Message par DavidLeMarrec » 04 juil. 2005, 01:23

bajazet a écrit :B., qui ressasse, et qui va se taire.
Tant que ce n'est que jusqu'à demain, c'est un moindre mal.

David - pansé

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Message par bajazet » 04 juil. 2005, 01:25

DavidLeMarrec a écrit : Moi j'ai du mal lorsque Wotan depuis "das ewige Werk" jusqu'à "Bau" fait pour toute action de lever sa lance. Je trouve ça non seulement ridicule, mais insupportable.
C'est parce que tu n'as pas bien regardé, côté jardin, au fond, derrière la hutte, Fricka fait cuire un sanglier.

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Message par Friedmund » 04 juil. 2005, 01:26

bajazet a écrit :Ce que je ne cesse d'admirer dans le Ring de Chéreau, entre autres, c'est comment il a su faire des dieux des allégories d'une société, tout en préservant cette espèce de dimension onirique, où le mythe reste un support à rêverie et à fantasme. Dans l'Or du Rhin, c'est fascinant, même dès le barrage du Rhin.
... sans oublier la direction d'acteurs étonnante, qui contribue également au fantasme, du Loge de Zednik, à cette entrée de Brunnhilde enfantine et enjouée, et ce couple de Wälsungen à pleurer!!!

Autre détail étonnant, ne trouves tu pas que les tenues de soirée des Gibichungen, ou bien encore l'intérieur luxueux de Wotan au II de Walküre, participent justement à cet onirisme?

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