Paul Cabanel (1891 - 1958)

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Paul Cabanel (Oran 29 juin 1891 – Paris 5 novembre 1958).

 

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 Fils d’un chef de gare, il fait ses études au lycée d’Oran, sa ville natale. Après s'être orienté vers le droit, il étudie au Conservatoire de Toulouse de 1911 à 1913. Il combat sur la Somme et sur la Marne. Grièvement blessé à Verdun le 15 juin 1916, il est décoré de la Croix de guerre avec deux citations et hospitalisé près de 3 ans. En mai 1919, il retourne au Conservatoire de Paris où il obtient son premier prix de chant en 1920 et son premier prix de déclamation l’année suivante.

Sa carrière débute à l’Opéra du Caire en 1921. En Egypte, il chante Méphisto, Athanael, le Père de Louise, Phanuel, etc... De retour en France, il trouve un port d’attache à Bordeaux, sept saisons de rang. Il chante aussi à Rennes et à Nantes, au Casino du Touquet et surtout à Vichy où il se produit avec les plus grandes vedettes de l’époque (Lubin, Vallin, Thill, Luccioni, Journet, …)

En octobre 1924, il est engagé dans la troupe du Grand-Théâtre de Genève où après de petits rôles (Angelotti dans Tosca), il aborde très vite des personnages de premier plan (Mephisto, Basile, …).

A l’automne 1927, il débute à Paris, à La Gaiété-lyrique, dans Le Barbier de Séville. Le critique de Lyrica (nov. 1927.) loue « une voix magnifique et un talent de composition hors de pair ». Il lui faut attendre le 18 janvier 1932 pour débuter à l'Opéra-Comique dans Scarpia et le 4 août de l’année suivante pour être affiché à l'Opéra de Paris en Méphisto de Berlioz. Le 14 mars 1934, il y incarne Leporello sous la baguette de Bruno Walter, puis Boris Godounov en 1945.

Son répertoire immense ne compte pas moins de 150 rôles différents ! Il a participé à des créations importantes comme celle du Marchand de Venise de Reynaldo Hahn (le 21 mars 1935) où son Antonio marque la critique par son « autorité impressionnante » (Lyrica, avril 1935). Le 11 juillet 1927, à Vichy, il est aussi à l’affiche de la création française de L’Hirondelle (version française de La Rondine) de Puccini.

C’est aussi un wagnérien de premier plan ; il chante Wotan dans L’Or du Rhin à l’Opéra en 1935 et 1941 et dans La Walkyrie (Nantes, Lille, Paris…), mais aborde aussi Parsifal ou Les Maîtres chanteurs avec un égal succès.

Il est à l’affiche de la « première audition intégrale en France », dans la version française de J. Chantavoine, de la Daphné de Strauss à Vichy la 24 août 1955 sous la direction d’Henri Tomasi.

Il a été dirigé par les plus grands chefs de son temps (Toscanini, Walter, Ansermet, Hahn, Münch, Monteux, Cluytens, Inghelbrecht, Desormière…).

En avril-mai puis en octobre-novembre 1941 il enregistre Arkel dans la mythique version Desormière sous la houlette du chef de chant Georges viseur, un des collaborateurs les plus appréciés de Debussy, qui était là en avril 1902 lors de la création mondiale de Pelléas et Mélisande.

En 1942, il est nommé à la chaire de déclamation lyrique au Conservatoire de Paris. Il a aussi dirigé l’Opéra d’Angoulême.

Il est le seul des professeurs de Régine Crespin qui devint son partenaire. Ensemble, ils ont chanté dans Boris à Vichy (1951), Tosca à Nîmes (1953 et 1955) et à Nice (1955 et 1956), Hérodiade à Nice (1954), La Walkyrie et La Damnation à Vichy (1954 et 1955), Pénélope lors d’une longue tournée en province au début de l’année 1957, dans Les Troyens aux Arènes de Fourvière en juin 1958 et quelques jours seulement avant sa mort, lors d’un gala au profit des sinistrés du Gard à Nîmes, ultime apparition en public de la grande basse. C’était le 30 octobre 1958. Il nous a quittés six jours plus tard.

Comme sa plus illustre élève, il était à la fois un grand chanteur, incarnation de la basse chantante française, et un excellent acteur. La première grande scène parisienne qu’il foula n’a pas été celle du Palais Garnier ni de l’Opéra-Comique mais celle de la Comédie française qui avait exhumé, au printemps 1921, une comédie-ballet de Molière et de Lully comportant des rôles chantés, Le Sicilien ou l’Amour peintre.

Citons deux critiques, parmi cent, qui en témoignent. Tout d’abord celle des Noces de Figaro dirigées à l’Opéra-Comique par Reynaldo Hahn : « M. Cabanel s’est révélé un Figaro de haute classe, le chanteur est superbe, la voix ronde et nuancée à la fois et l’interprète déploie une intelligence, une souplesse et une vivacité étonnantes. Décidemment, Cabanel s’impose d’année en année comme un de nos plus brillants artistes », écrivait Fred Orthys dans Le Matin du 4 juillet 1939. Lisons aussi celle du Journal de Genève du 26 novembre 1951 « Son Scarpia cauteleux, fourbe et cynique était haut en couleur et puissamment dessiné. Son timbre d’un beau volume, son physique qui se prête exactement au personnage contribuaient largement à la perfection de sa composition ».

A sa mort, on pouvait lire dans le journal Combat du 6 novembre 1958, (…) Doté d’une très belle voix de basse, d’une excellente articulation, il avait une science parfaite du théâtre. C’était un artiste complet, adoré de ses élèves, et qui ne comptait que des amis. »

Citons enfin une critique du compositeur américain Virgil Thomson qui écrivait dans ses colonnes du New York Herald Tribune, le 16 juin 1946, « Paul Cabanel qui chantait le rôle d’Athanael aux côtés de la Thaïs de Mademoiselle Boué, possède une formidable et grande voix, une diction parfaite, un art du chant empreint de noblesse et de remarquables qualités d’acteur. ».

On ne peut que souscrire aussi à ce jugement de Jean-Louis Dutronc (in Chorégies d’Orange (1896-1988), Avant-Scène Opéra n° 111.) : « Avec près d’un millier de Méphisto, Paul Cabanel s’est à coup sûr taillé une fabuleuse réputation de basse chantante. Son Arkel (avec Desormière) est un modèle de beau chant avec tout ce que ce terme sous-entend de style, d’intelligence, de naturel dans l’émission d’une voix de haute qualité. (…) Soyons francs : on ne lui a pas trouvé de réel successeur. »

Héroïque lors des deux guerres mondiales, au front puis dans la Résistance, il a su l’être aussi dans la vraie vie de la scène.

 

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Charles Cambon, Paul Cabanel, Hélène Bouvier

 Jérôme Pesqué

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