Amina Edris

 

Amina Edris : la douceur de la flamme.

 

Amina Edris a fait sensation en avril 2019 pour ses débuts en Europe à Bordeaux. Le soir où je l’ai découverte elle remplaçait Nadine Sierra en Manon alors qu'elle l'avait déjà chantée la veille ! Elle s’était alors imposée d'emblée comme la plus crédible des Manon du circuit mondial, la seule qui parvienne à nous faire croire à l'extrême jeunesse du personnage mais avec une voix parfaitement projetée, au registre aigu d'une rare facilité et d'une réelle amplitude, un jeu très naturel et très physique, un français idiomatique. C'était une pure flamme !

Elle triomphe dans le même rôle à Bastille le 7 mars 2020, représentation que la fermeture de la salle pour cause de Covid-19 rendit unique.

Elle forme avec Pene Pati le couple le plus brillant de la jeune génération lyrique.

Peu avant ses débuts à l’Opéra de Paris, elle m’a reçu avec une simplicité désarmante dans un café de la place des Vosges.

Cédons-lui la parole.

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Venez-vous d’une famille de musiciens ?

Non, même si, du côté paternel, j’ai une tante qui joue du violon et du piano et un oncle qui joue de la guitare.

Vous êtes née en Egypte et vous étiez élève du lycée français du Caire d’où votre excellent français…

Oui, c’est vrai, mais je pratique beaucoup moins mon français et il me semble qu’il est devenu un peu débile, enfin…il faut dire que quand j’avais 10 ans, nous sommes partis vivre en Nouvelle-Zélande où j’ai grandi. C’est là, dans le cadre des activités extra-scolaires, que j’ai commencé la musique en jouant du trombone dans un jazz band et puis que j’ai chanté dans une chorale.

Vous vous destiniez à devenir chanteuse professionnelle ?

Non, pas du tout. A ce moment-là j’hésitais entre l’ingénierie, la médecine et le droit. Je n’envisageais la musique que comme un hobby. J’ai finalement opté pour des études d’ingénieur mais au bout de six mois j’ai passé une audition pour l’UFR de musique de la fac…C’était au milieu de l’année universitaire donc j’ai dû attendre 6 mois avant de commencer vraiment ma formation. Je suis donc rentrée en Egypte pour 6 mois et je suis revenu comme étudiante en musique classique. Il n’y avait de cours sur le jazz, le musical ni de cours de mise en scène. J’ai obtenu mon Bachelor de l’Université de Cantorbéry (Nouvelle-Zélande) et je suis partie au Pays de Galles  suivre les cours de Denis O’Neill dans son Académie internationale de la voix.

Et puis ce fut San Francisco ?

Oui, exactement. J’y ai pris 4 mois de cours et puis il y a eu la question du visa. J’ai fait un an en Post Graduate. J’ai auditionné pour le programme Merola. C’est un parcours de 12 semaines intensives de stage, très sélectives puisque nous étions 25 stagiaires et que seuls 3 d’entre nous ont été reçus. puis j’ai intégré le Adler Fellowship Program (résidence pour jeunes artistes) de l’Opéra de San Francisco

Et là, vous avez commencé à faire de la scène ?

Oui, on m’a donné des petits rôles comme Frasquita de Carmen, la Comtesse Ceprano de Rigoletto, Annina de La Traviata et un autre petit rôle dans la création mondiale de Dream of the Red Chamber de Bright Sheng, un avatar du mythe de Roméo et Juliette. J’ai eu la chance de travailler avec Laurent Pelly car j’étais la doublure de Norina. Et puis j’ai travaillé les grands rôles de sopranos : Manon, Juliette, Leila, Musetta de La Bohème.

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C’est là que vous avez rencontré Pene ?

Non, je le connais depuis 2011.

Vous avez passé des concours à cette époque-là ?

Oui, j’ai eu des prix au Joan Sutherland and Richard Bonynge (le Deborah Riedel Award), au Sydney Eisteddfod McDonald’s, au Palm Springs Opera Guild en 2016. Et puis, ici en France, à Bordeaux, j’ai gagné le concours Médoc lyrique il y a 2 ans.

Quels sont les chanteurs qui vous inspirent ?

J’aime beaucoup Sylvia Sass qui a été une Violetta formidable et que j’adore, Mirella Freni et Montserrat Caballé notamment pour se pianissimi magiques.

Vous avez des rêves de collaboration ?

J’aimerais beaucoup  pouvoir retravailler avec Laurent Pelly et Vincent Huguet et être dirigée par Yannick Nézet-Séguin.

Votre époux chante aussi du cross over dans le groupe qu’il forme avec son frère et un cousin. Ils sont beaucoup de succès. Vous pensez en faire aussi ?

Non, pas du tout. Je mène une carrière purement dans le classique.

Avez-vous des hobbies ?

Oui, j’adore danser la salsa. J’aimerais être plus régulière dans ce domaine.

 Quels sont vos projets ?

Je reviendrai en France chanter Micaela et Alice de Robert le Diable. Mais mon grand projet c’est Violetta, le plus grand rôle qui existe pour ma voix avec Manon, le plus complet sur le plan musical et dramatique, avec une grande arche psychologique.

N’est-ce pas un peu tôt pour Violetta ?

Non, quand on chante Manon, on peut chanter Violetta

Avez-vous un rêve artistique ?

Oui, je rêve de doubler un personnage de Disney. En arabe !

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Propos recueillis par Jérôme Pesqué

Photos Julien Benhamou