Mirella Freni - La douceur de l'audace

 

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Mirella Freni, à l'instar, des grandes dames du chant, a hérité d'un surnom : « la prudentissima. » Mais cette épithète judicieuse ne doit pas masquer chez elle un dur désir d'élargir ses horizons au delà des limites naturelles de ses débuts.
Sa carrière peut être lue comme l'histoire d'une conquête, celle d'une perpétuelle prise de risques. Le bonheur, l'intelligence de ses choix, sa technique émérite, son intégrité artistique feront de ses coups de dés autant d'agréables surprises, de succès inattendus. De triomphes remportés avec la douceur de l'audace.

 


 

Biographie

 

Le 27 février 1935 Mirella Fregni naît à Modène dans une famille de musiciens. Sa grande-mère n'était-elle pas artiste lyrique ?

A peine âgée de douze ans, en 1947, elle est remarquée lors d'un radio-crochet par l'illustre Benjamino Gigli qui l'a reçoit chez lui à Rome et lui dit : "Dio ti ha dato grandi potenzialità e vedo che hai anche voglia di interpretare, di metterci del sentimento. Mi auguro che tu non ti perda per la strada"

A partir de 1952 elle prend des cours auprès d'Ettore Campogalliani, qui fut aussi le professeur de Renata Tebaldi ou d'Alain Fondary. Selon Mirella, "Campogalliani è stato una straordinario insegnante. Mi ha aiutato a sviluppare un gusto, una linea interpretative di canto che forse avevo già in embrione, ma che poi è diventata prioritaria. Era, poi, un maestro moderno, aperto nelle scelte musicali", Giornale delal musica, avril 2000, p. 2.

Son compagnon d'étude n'est autre que son frère de lait Luciano Pavarotti. Ils font le trajet ensemble ou dans la "sgangherata Topolino" du futur Tenorissimo. Au cours de ses études , elle fait une autre rencontre capitale, celle de Leone Magiera, qui deviendra son accompagnateur et son mari jusqu'en 1977. Elle épousera la basse Nicolaï Ghiaurov en 1981.

Le 3 février 1955 Elle fait ses débuts professionnels à Modène, sa ville natale, dans le rôle de Micaëla. C'est un triomphe.

De 1959 à 1960 elle chante aux Pays-Bas dans la troupe du Nederlandse Opera les rôles qui feront sa gloire plus tard : Marguerite, Liu, Micaela, Mimi. Elle participe au Festival de Hollande à la recréation mondiale de La Griselda de Scarlatti sous la direction du compositeur Bruno Maderna.

En 1958 elle remporte le célèbre "premio internazionale Giovanni Battista Viotti a Vercelli" avant de retrouver Micaëla à Palerme aux côtés de Simionato et de Corelli.

c'est au cours de l'été 1960 qu'elle obtient son premier engagement de prestige. Elle est Zerlina aux côtés d' E. Blanc et de J. Sutherland au Festival de Glyndebourne.

L'année suivante, en 1961 elle débute à Covent Garden dans le rôle de Nanetta (Falstaff) à la demande de Carlo Maria Giulini, six jours avant la première, dans la célèbre production de Franco Zeffirelli. Elle y forme un couple délicieux avec le Fenton de Luigi Alva. Dès lors des contrats fructueux affluent, sa carrière fuse.

En 1962elle chante pour la première fois à Milan, d'abord à la Piccola Scala dans l'une des premières reprises contemporaines du Serse de Haendel puis au Teatro alla Scala dans Falstaff en remplaçant, à la fin d'un cycle de représentations, Renata Scotto.

Toutefois, c'est l'année 1963 qui marque un tournant décisif dans sa trajectoire artistique. Elle franchit l'Atlantique et fait ses débuts aux USA dans Faust à Chicago.

Mais c'est la Scala qui lui offre ses galons d'étoile dans un spectacle destiné à servir de vitrine et à représenter le théâtre milanais à l'étranger : une nouvelle production de La Bohème par Zeffirelli destinée d'abord à Renata Scotto. c'est le metteur en scène et le chef d'orchestre, Herbert von Karajan, qui insistent auprès du surintendant pour obtenir l'engagement de Mirella. Le résultat dépasse leurs plus folles espérances tant l'adéquation semble parfaite entre le rôle et l'interprète qui atteint des sommets d'émotion. On raconte même l'anecdote suivante : Karajan, très ému lors de la première, aurait embrassé Freni en lui disant: "c'est la seconde fois de ma vie que je pleure, la première c'était pour la mort de ma mère". Cette nouvelle production voyagera à Vienne et à Moscou avec le même succès éclatant et sera la première de l'histoire de la Scala à être filmée. »

Hélas, en 1964 elle revient à la Scala dans la mythique production de Visconti qui n'avait jamais été reprise depuis Callas. A l'impossible nul n'est tenu et Mirella Freni ne parvient pas à exorciser le fantôme de la Divine ; elle jette l'éponge après une seule représentation très houleuse. C'est le seul échec notable de sa très longue carrière. Elle reprendra le rôle de Violetta dans d'autres théâtres notamment dans l'autre production de cet opéra par Visconti à Londres avant de l'abandonner assez rapidement.

Le 26 septembre 1965 elle retourne aux USA, et fait ses débuts au MET de New York dans Mimi. Commence alors une longue histoire d'amour avec le plus grand Opéra d'Amérique. Freni a participé au Gala d'ouverture de la saison 2002-2003 en septembre dernier.

La suite décline les jalons d'une géographie prestigieuse. En 1966 elle est à l'affiche du Festival de Salzbourg pour la première fois Elle y chante Micaëla sous le direction de Karajan face aux volcaniques Grace Bumbry et Jon Vickers.

En 1968, pour sa prise de rôle dans la Fille du Régiment à la Scala elle retrouve son vieux compère Luciano Pavarotti qui gagne dans l'air de Tonio et son enfilade de neuf suraigus son surnom de « roi du contre-ut ».

Dès 1970, à la demande de Karajan, elle donne une première inflexion à sa carrière en se risquant à des oeuvres plus dramatiques et corsées qu'elle sert avec son habituelle musicalité, son sens scrupuleux, presque philologique, des indications de la partition, sa technique sans faille. Elle est donc Desdemona d'abord sur l'immense scène du Grosse Festpielhaus de Salzbourg puis dans le film qui suivra toujours avec Jon Vickers.

En décembre 1971 elle participe à un Simone Boccanegra qui ouvre la saison de la Scala et entre d'emblée dans la légende grâce au génie conjugué de Claudio Abbado et de Giorgio Strehler, touchés par la grâce.

Au printemps 1973 elle retrouve le grand metteur en scène pour un autre spectacle qui fera date, les Noces de Figaro dirigé par Georg Solti, d'abord dans le cadre idéal de l'Opéra royal de Versailles , en mars, puis au Palais Garnier, en avril. Pouvait-elle débuter à l'Opéra de Paris sous de meilleurs auspices ? Elle retrouve Garnier trois ans plus tard, pour créer, dans le plus grand tumulte, une autre mise en scène inoubliable : Faust revivifié par Jorge Lavelli.

Fidèle à Mozart, elle est Suzanne partout dans le monde, dont une fois à Londres face à Tito Gobbi, l'autre fois à la Scala dans une mise en scène de Jean Vilar, et tente même en Avril 1974 la Comtesse sous la baguette d'Abbado. Une expérience sans lendemain.

La fin des années 1970 est placée, pour elle, sous le signe de Verdi En 1975 elle ose sa première Elisabetta (Don Carlo) à Salzbourg toujours fidèle à Karajan, aux côtés du plus déchirant des infants d'Espagne, José Carreras, qu'elle retrouve dans des circonstances exceptionnelles, l'ouverture de la saison du bicentenaire de la Scala servie par un plateau superlatif :Ghiaurov, Obraztsova, Cappuccilli, Nesterenko, Roni ! Mais les maîtres d'oeuvre de cette soirée historique sont bien sûr Claudio Abbado et Luca Ronconi au sommet de son inspiration qui fait planer sur tout le drame l'ombre tentaculaire, insidieuse, omniprésente et omnipotente de l'Inquisition d'Espagne, comme une procession obsédante et perpétuelle.

L'été 1979 elle est à nouveau confrontée au pouvoir des prêtres, ceux de l'Egypte cette fois, lors d'une première Aïda à Salzbourg. C'est dans un rôle verdien, peut-être son meilleur, qu'elle met le Japon à ses pieds c'était le 1 septembre 1981 à Tokyo dans Simone Boccanegra « de » Strehler et devant un public fasciné.

Elle ajoute un ultime rôle verdien à sa galerie de personnages le 7 décembre 1982, avec un Ernani à la Scala (Muti / Ronconi) que le disque et la vidéo font rayonner aux quatre coins du globe.

Sans abandonner le maestro de Busseto, elle se tourne dans les années quatre-vingt vers ses successeurs, Puccini et la nouvelle école italienne réduite à tort au vérisme. C'est le 17 novembre 1983, qu'elle incarne sa première Manon Lescaut de Puccini à San Francisco. Deux ans plus tard, toujours aux USA, le 10 septembre 1985, elle aborde le personnage fascinant de la grande tragédienne française Adriana Lecouvreur dans l'opéra éponyme de Cilea. C'était San Francisco, une nouvelle fois, qui eu la primeur de cette interprétation magistrale.

La même année, elle ouvre un autre volet de sa carrière, celui du répertoire russe. Elle est d'abord Tatiana à Bordeaux et à Chicago en 1985, puis, en 1990, elle chante sa première Lisa de La Dame de Pique à La Scala.

Deux ans plus tard, toujours portée par la curiosité de nouveaux rôles, elle aborde le 27 avril 1992, un personnage altier et vindicatif, véritable contre-emploi, Fedora, qu'elle fait triompher dans le monde entier .c'est avec lui que le 5 février 1995, elle célèbre le quarantième anniversaire de ses débuts à Modène aux côtés de Placido Domingo. En 1999, elle ressuscite un autre personnage haut en couleurs et injustement oublié faute d'interprètes à sa mesure : Madame sans Gène de Giordano.

Enfin, le 3 juillet 2002, elle renoue avec Tchaïkovsky et sa trop rare Pucelle d'Orléans à Turin. La maladie l'oblige à n'assurer que la première. Elle reprend ce nouveau rôle en juin 2003 à Palerme et à Montpellier dans quelques jours.

Démentant avec vigueur des rumeurs intempestives, Mirella Freni écrit sa carrière au futur et nous promet de nouvelles représentations de la Pucelle à Washington en avril 2005 et à San Francisco la même saison, à l'occasion de ses 70 printemps.

Avec à son actif quatre des spectacles les plus abouties du siècle, (Faustpar Lavelli, Simon et les Nozzepar Strehler, Don Carlo Ronconi), un legs discographique immense qui aligne une bonne demi-douzaine de références absolues (Mimi, Manon Lescaut, Tatiana, Butterfly, Margueritte, Fedora, Liu, Micaëla...), une longévité exceptionnelle, la figure historique de Mirella Freni ne cesse de grandir. Elle apparaît comme la dernière « prima donna » sans se départir de sa proverbiale bonhomie qui en fait une anti-diva. Pour ses intimes elle reste « Cha-Cha », pour ses admirateurs, la grande dame du sourire.

En 1990, elle publie un livre d'entretiens avec Giuseppe Gherpelli : Mio Caro Teatro (Modène, 1990, ISBN 88-7792-016-5).

 

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Mirella Freni en France

 

3 mars 1965, Pleyel, concert dir. Nello Santi, avec M. Freni et Oralia Dominguez et L. Pavarotti (concert TV Prestige de la musique)

23 juin 1971, Requiem de Verdi dir Karajan avec M. Freni, C. Ludwig, C. Cossutta, N. Ghiaurov

Mars 1973, Opéra Royal de Versailles Le Nozze di Figaro
G. Solti; G. Bacquier, G. Janowitz, J. Van Dam, M. Freni, F. Von Stade

11, 14, 16, 19 mai 1973, Palais Garnier, Nozze di Figaro
C. Mackerras ; T. Krause, M. Price, J. Van Dam, M. Freni, T. Berganza

Avril 1976, Paris, Garnier, Faust
C. Mackerras / J. Lavelli, M. Freni, N. Gedda, J. Van Dam, T. Krause, R. Auphan

15, 18, 21, 24, 28 janvier 1977: Bohème Patanè; Freni, Domingo, Krause, Sarroca, Soyer

octobre-novembre 1978, Simon Boccanegra,
C. Abbado / G. Strehler, M. Freni, P. Cappuccilli, N. Ghiaurov, V. Luchetti

1 décembre 1978, Garnier, concert de gala dirigé par N. Santi avec E. Connell, M. Freni, P. Cappucccilli, N. Ghiaurov, V. Luchetti, M. Salminen. Elle chante le grand air d'Elisabetta (Don Carlo) et de Lauretta (Gianni Schicchi)

Mai 1980, Paris, Garnier, récital (Nozze di Figaro, Don Carlo, Louise, mélodies de Duparc, Fauré, ?)

Avril 1981, Paris, Châtelet, concert avec l'orchestre Colonne

28 juin 1 et 4 juillet 1982, Avignon, Don Carlo
B. Amaducci / J. Karpo avec S. Toczyska, V. Luchetti, N. Ghiaurov, G. Zancanaro, L. Roni

15 avril 1984, Paris, TCE, "Lundis de l'Athénée", concert avec N. Ghiaurov et l'orchestre Colonne dirigé par Wladimir Ghiaurov

2 mai 1984, Monte-Carlo, Salle Garnier

5 mai 1984, Marseille, récital

8 mai 1984, Avignon, récital

12 mai 1984, Bordeaux, récital

10, 12, 14 mai 1985, Bordeaux, Eugène Onéguine Kasprzik / M. Géliot, M. Freni (prise de rôle), H. Skram, W.Ochman, R. Gorr, D. Kavrakos, M. Sénéchal

13 avril 1987, Paris, Théâtre de l'Athénée

11 décembre 1989, Châtelet, récital avec Paolo Molinari (piano)

9 juin 1992, Paris, Salle Gaveau

20 décembre 1993 au 15 janvier 1994, Bastille, Adrienne Lecouvreur
M. Benini /J. L. Boutté, M. Freni, Peter Dvorsky / A .Cupido, A.Miltcheva, L. Naouri

 

 

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