Wagner - Der Ring des Nibelungen - Petrenko/Kriegenburg - BSO Munich - 07/2018

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Efemere
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Re: Wagner – Der Ring des Nibelungen – Petrenko/Kriegenburg – BSO Munich – 07/2018

Message par Efemere » 29 juil. 2018, 10:11

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Tant pis si je me fais éventuellement descendre par tous ceux qui ont adoré ce Ring, mais je n'ai guère apprécié S. Vinke globalement, même si j'ai été sensible à sa prestation dans Siegfried, et dans l'Acte III de Götterdämmerung. Déjà, il était limite dans Siegfried du point de vue des intonations, mais dans le dernier volet, mes oreilles ont souffert, sauf à la fin. En parallèle à une émission que je qualifierais de nasale, il a aligné je ne sais combien de fausses notes selon ma perception. Je ne sais pas si c'était une question d'harmoniques perçues différemment selon son emplacement dans la salle, mais je n'ai pas été la seule à l'avoir entendu chanter faux.
Aux entractes, on m'a dit que je ne venais pas du monde de la musique et que je n'étais pas une critique intervenant sur un site spécialisé pour essayer de me faire comprendre que j'avais mal entendu Vinke. Mes oreilles sont ce qu'elles sont, et formatées différemment, et ont bien perçu les nombreuses faussetés (attaques des notes à peu près justes mais pas ou mal tenues selon moi).

Sinon, en dehors de ce bémol, j'ai beaucoup aimé ce Ring, qui, en plus, m'a aidée à mieux appréhender Siegfried qui m'ennuyait jusqu'à présent.
Ravie d'avoir découvert Lundgren, re-découvert Ablinger-Sperrhacke, ainsi que Ernst (dont je n'avais pas aimé plusieurs Aegisth récents), et revu-réentendu Petrenko et les autres chanteurs dont Nina Stemme, exceptionnelle.


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HELENE ADAM
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Re: Wagner - Der Ring des Nibelungen - Petrenko/Kriegenburg - BSO Munich - 07/2018

Message par HELENE ADAM » 29 juil. 2018, 12:26

Retour détaillé sur Götterdämmerung, 27 juillet à Munich

« The world isn’t working » telle est la phrase que le programme cartonné de l’opéra de Munich décide de mettre en exergue pour illustrer cette dernière journée du Ring, celle de la fin d’un monde.
Un monde qui ne tourne pas rond. Celui des Gibichungen, la lignée du roi Gibich, où règne le roi Gunther, sa soeur Gudrune et leur demi-frère Hagen, dans leur somptueux palais au bord du Rhin.
Mais avant d’entrer dans ce monde riches et de puissants, le Prologue nous conduit en continuité locale et temporelle totale, sur le rocher des Walkyries, où les trois nornes tissent une corde rouge, celle du destin, avec laquelle elles enroulent, attachent, retiennent les hommes. Et elles narrent le triste récit de la mutilation du frêne de la vie par Wotan, qui a fini par faire périr l’arbre, abattu et débité en bois entassé au pied du Walhalla, le royaume des dieux. S’il prend feu, celui-ci disparait. Et justement, les nornes inquiètes ne distinguent pas bien le futur... S’ensuit l’un des rares moments de bonheur de la tétralogie, le dialogue entre Brünnhilde et Siedgfried dans leur petite cabane (construite de planches verticales amenées par les fameux figurants-danseurs prévus par la mise en scène). Sublime échange qui annonce pourtant le destin fatal du héros, devenu mûr, dont le chant sera alors essentiellement dans le registre du heldenténor. Mais Siegfried doit partir, il ne peut pas rester à savourer son amour, il a tant de choses à voir, à faire.
Les murs de la cabane reculent, les figurants se couvrent d’une cape bleue nuit, se courbent, se font vagues sombres du Rhin tandis que le bateau de Siegfried apparait au dessus des flots.
Moment sublime là aussi à Munich où rarement orchestre et mouvements de scène m’ont paru aussi évocateurs. Le voyage est mouvementé, le héros courbe l’échine, la musique donne tous ses thèmes.
Puis tout se calme.
Comme miraculeusement ceux qui étaient « vagues » et « flots » se relèvent, se redressent, apparaissent en costumes de ville, nous sommes dans un immense décor représentant une gigantesque banque, tout à la fois lieu du pouvoir, de l’argent, de l’esclavage moderne (tous ces clones à petite mallette qui s’affairent à tous les étages). Un complexe jeu de galeries qui montent et descendent permet de donner du volume à l’ensemble tandis qu’au sol, un salon chic, un bar opulent et quelques accessoires dont un « euro » qui sert de cheval à bascule, et surtout un superbe cheval au fond, illuminé par les projecteurs comme une oeuvre d’art hautement symbolique.
L’arrivée de Siegfried en « bon sauvage », son épée à la main, dans ce monde policé où l’on conspire sa perte, est un grand moment. Contraste total là encore, avec ses effets comiques et la sourde angoisse née de la musique obsessionnelle qui accompagne ces scènes.
Je serai un peu plus circonspecte sur le personnage de Hagen qui semble avoir du mal à trouver un relief, le plus souvent immobile et casé dans un fauteuil ou celui de Gutrune à qui à l’inverse, le metteur en scène donne un rôle de vamp, très appuyé et très suggestif avant d’en faire une mariée d’une touchante blancheur immaculée omniprésente sur le plateau, bien plus qu’elle ne l’est dans la réalité de l’opéra. Le décryptage me manque un peu même si j'ai apprécié quelques clins d'oeil d'un cynisme incroyable quand elle se balance sur son "euro" comme sur le dérisoire jouet de la puissance financière alors que trône en vitrine le fier cheval réduit à l'impuissance de Brünnhilde...
Par contre Gunther est un personnage très « jet-set », jeune et fringant, ambitieux et dévoré de désirs, très bien représenté.
La mise en scène prévoit donc essentiellement des allers et retour entre le « rocher » (et la fameuse cabane), notamment pour la scène où Waltraude tente de convaincre sa soeur des dangers qui la menacent et pour celle où Siegfried, ayant pris les traits de Gunther et oublié sa bien-aimée, vole l’anneau à Brünnhilde, et la grande banque dont les galeries intérieures évoluent et où un énorme « euro » servira de table pour les noces, les artistes dansant presque sur ce décor gigantesque.
On l’a compris : ce monde ne va pas bien. Les figurants montrent même la révolte des hommes après l’assassinat de Siegfried, la destruction du mobilier, des archives, des dossiers, juste avant que Brünnhilde ne mette le feu au bûcher et ne s’y jette. Alors au milieu des fumées de la destruction quand la musique se fait si douce, retour aux sources oblige, les trois filles du Rhin réapparaissent au détour d’une galerie portant l’or retrouvé comme un Graal dans leurs mains et nos jeunes gens qui se baignaient insouciants dans le Rhin reviennent un à un et s’enlacent pour former une ronde....
Silence.
Immense ovation.

Une fois encore, c’est le génie de Kiril Petrenko que je retiendrai d’abord pour qualifier ce dernier épisode du Ring, haut en couleurs et en drames et qui sait pourtant nous ménager ces moments de bonheur furtif symbolisé par ces leitmotivs (la chevauchée, le rocher, le cor, notung et tant d’autres) qui s’entremêlent, s’ébauchent puis s’évanouissent ou s’alourdissent sous la puissance des gros cuivres, semblent parfois vouloir s’échapper de la masse orchestrale pour retomber emprisonnés dans le filet tragique du destin.
Alors dans ce Ring, chaque voix, les choeurs et chaque instrument de l’orchestre forment un tout que Petrenko dirige avec une précision horlogère, envoyant de la main gauche un petit signal à chacun (chanteur comme instrumentiste) tandis que sa main droite indique le tempo, les silences, les forte et les pianis, les changements de volume. La composition de Wagner confime déjà au génie (et on voit l’influence considérable qu’elle a eu sur les grandes sagas cinématographiques comme Star Wars), interprétée par Petrenko, elle prend encore d’autres détours, et surtout, vous touche en permanence avec une violence des passions qui reste intacte des jours durant.
Le niveau des chanteurs, là encore, est un puissant facteur de perfection.

Pour cette dernière journée de l'anneau, chapeau bas d’abord à la seule Brünnhilde actuelle (vue), capable de garder tous ses fabuleux moyens à la fin d'un acte épuisant, et nous servir des nuances pour finir en beauté... Nina Stemme construit son personnage, de la petite Walküre, fifille à son papa, primesautière de la première journée, à la femme blessée, meurtrie et qui salue la fin d'un monde qui se détruit entièrement sous nos yeux, son hommage à Siegfried est sublime. Rares sont les Brünnhilde capables d’un tel exploit : celui d’interpréter le rôle dans les trois journées du Ring, à quelques jours d’intervalle sans avoir une minute de faiblesse ou de réserve, en se donnant à fond, nuances et subtilités respectées jusqu’à la dernière note. A l’acte 3, alors qu’elle vient de nous étourdir d’émotions immenses avec son « Wie Sonne lauter », timbre sublime nullement altéré par la longueur de ce monumental solo, elle parvient encore à adoucir sa voix dans les moments les plus émouvants avant de terminer par un glorieux et magnifique « Siegfried, Siegfried, sieh », la voix aussi fraîche et émouvante, renversante même que si elle venait de commencer à chanter.
Je pense qu’elle a depuis longtemps rejoint les grandes Brünnhilde de l’histoire de ce rôle, Astrid Varnay comme Birgitt Nilson. Voire..
Le Siegfried de Stefan Vinke est beaucoup plus convainquant dans cette dernière journée sur lors de la précédente. Même si heldentenor manque souvent de subtilité, le côté brut de décoffrage de ce super héros qui va se trouver totalement désarmé, trahir malgré lui et va être abattu d’un coup dans le dos lui qui ne fuit jamais, est globalement très bien rendu. Sûr qu’il ne rejoindra pas le Panthéon des grands Siegfried qu’ont été Wolfgang Windgassen ou Siegfried Jerusalem, mais actuellement on manque de ce genre de voix capables d’exploits d’endurance tout en pratiquant un chant expressif et de grande beauté vocale. Car au delà d’un chant parfois un peu déstabilisé, notamment lors du duo d’ouverture avec Stemme, Vinke manque parfois de l’éclat magnifique des références ci dessus, son timbre est beau mais un tout petit peu pauvre et surtout assez monocolore.
A l’inverse dans un rôle moins difficile, le Gunther de Markus Eiche est absolument parfait, sonore, bien chantant, bien joué, le baryton familier des scènes munichoises, démontre un vrai talent qui se confirme à chaque apparition, excellent acteur par ailleurs.
Wagner voulait faire de Gutrune une soprano légère à l’opposé de la soprano dramatique de sa rivale. Anna Gabler a le format requis mais pas la brillance vocale qui permettrait d’atteindre une sorte d’idéal d’opposition entre les deux chanteuses. C’est une excellente actrice et elle chante très bien son rôle mais on regrette un peu le côté parfois terne de sa voix.
Le Hagen de Hans-Peter König, déjà présent en ce rôle lors de la création de cette mise en scène, est assez bien campé (dans les limites d’un rôle statique mais ne manquant pas d’autorité), a une belle voix de basse mais a manqué parfois lui aussi de l’éclat nécessaire au rôle.
Très brillante apparition de John Lundgren en Albérich décidément marquant dans ce Ring.
Le retour de Okka von der Damerau en Waltraute après ses apparitions en Erda, prouve tout son talent quand elle est dans la bonne tessiture. Son duo avec Nina Steme est de haute tenue et public munichois montre à chaque fois, sa reconnaissance à ses « enfants », ce qui lui a valu, comme à Eiche, une ovation appuyée et méritée.
On retrouve également avec plaisir les belles et talentueuses filles du Rhin, elles aussi de la troupe munichoise et souvent brillantes solistes : la Woglinde de Hanna-Elisabeth Müller, la Wellgunde de Rachael Wilson et la Floßhilde de Jennifer Johnston.
Les trois norn qui ouvrent très brillamment ce Götterdämmerung sont d’ailleurs également, respectivement Waltraude et Erda (Okka Von der Damerau), Flosshielde (Jennifer Johnson) et Gutrune (Anna Gabler).

Et en guise de conclusion ce que j'écrivais plus haut sur les échos de ce Ring, longtemps après ce final exceptionnel....Une aventure dont on ne ressort pas indemne.
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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Re: Wagner – Der Ring des Nibelungen – Petrenko/Kriegenburg – BSO Munich – 07/2018

Message par Wim » 30 juil. 2018, 09:19

Efemere a écrit :
29 juil. 2018, 10:11
Tant pis si je me fais éventuellement descendre par tous ceux qui ont adoré ce Ring, mais je n'ai guère apprécié S. Vinke globalement, même si j'ai été sensible à sa prestation dans Siegfried, et dans l'Acte III de Götterdämmerung. Déjà, il était limite dans Siegfried du point de vue des intonations, mais dans le dernier volet, mes oreilles ont souffert, sauf à la fin. En parallèle à une émission que je qualifierais de nasale, il a aligné je ne sais combien de fausses notes selon ma perception. Je ne sais pas si c'était une question d'harmoniques perçues différemment selon son emplacement dans la salle, mais je n'ai pas été la seule à l'avoir entendu chanter faux.
Aux entractes, on m'a dit que je ne venais pas du monde de la musique et que je n'étais pas une critique intervenant sur un site spécialisé pour essayer de me faire comprendre que j'avais mal entendu Vinke. Mes oreilles sont ce qu'elles sont, et formatées différemment, et ont bien perçu les nombreuses faussetés (attaques des notes à peu près justes mais pas ou mal tenues selon moi).
Je comprends ta relative déception: idéalement on a un Siegfried à la hauteur de Brünnhilde. Tous ceux qui étaient à Munich seront sans doute d'accord pour dire que ce n'était malheureuesement pas le cas. Mais avec Stemme on était vraiment au sommet, dans les nuages...

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Bernard C
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Re: Wagner - Der Ring des Nibelungen - Petrenko/Kriegenburg - BSO Munich - 07/2018

Message par Bernard C » 30 juil. 2018, 09:38

Oui en ce moment face à Stemme il n'y a guère que les américains Gould ,voire Brenna qui soient réellement capables de tenir le rôle .

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Re: Wagner - Der Ring des Nibelungen - Petrenko/Kriegenburg - BSO Munich - 07/2018

Message par Snobinart » 13 août 2018, 12:32

Je savais que j'aurais pas dû vous lire. Je regrette (presque) d'avoir revendu mes places (et je suis content d'être rentré en une seul morceau de Lombok).

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Gros HS Re: Wagner - Der Ring des Nibelungen - Petrenko/Kriegenburg - BSO Munich - 07/2018

Message par Bernard C » 13 août 2018, 13:24

Snobinart a écrit :
13 août 2018, 12:32
Je savais que j'aurais pas dû vous lire. Je regrette (presque) d'avoir revendu mes places (et je suis content d'être rentré en une seul morceau de Lombok).
Qu'est ce que tu pouvais bien faire à Lombok !
Là seule chose que j'y ai jamais faite furent d' inombrables plongées sur les coraux et dans les passes scabreuses des Gili.

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Re: Wagner - Der Ring des Nibelungen - Petrenko/Kriegenburg - BSO Munich - 07/2018

Message par Wim » 13 août 2018, 13:26

Snobinart a écrit :
13 août 2018, 12:32
Je savais que j'aurais pas dû vous lire. Je regrette (presque) d'avoir revendu mes places (et je suis content d'être rentré en une seul morceau de Lombok).
Nous n'en sommes pas sortis indemnes non plus, du moins émotionnellement :D Nouvelle chance pour voir le couple Stemme/Vinke au ROH dans un peu plus d'un mois.

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