dongio a écrit : ↑20 oct. 2017, 23:00
On dira que c'est de l'addiction et on aura sans doute raison.
Depuis hier soir et la transmission d'Arte, ce Don Carlos, déjà vu en salle il y a exactement une semaine, me hante encore. Et pourtant, pourtant je savais à quoi m'attendre, le choc émotionnel ayant déjà eu lieu.
Alors quoi? Sans doute encore et toujours au chant suprême distillé tout au long de la soirée par tous : je ré-écoute en ce moment sans le support de l'image pour mieux m'en imprégner la mort de Posa par Tézier, et ne sais que louer en priorité. De même, je me plonge dans le trio Posa-Carlos-Eboli qui relève des trésors, et me prends à devenir de plus en plus adepte du duo Elisabeth-Eboli au IV avant le "Don fatal". Comme rappelé ici, la version italienne avec sa concision , son dramatisme resserré à l'aveu de l'adultère marque les esprits mais ici, la douleur, l'infinie tristesse, le poids du drame, tout bouleverse au plus haut point.
Mais aussi ce qui m'a tétanisé hier et encore ce soir en regardant des bribes sur le replay que je voulais me remémorer, ce sont les visages, les mains, les regards, le théâtre qui habite cette œuvre et que Warlikowski a mis dans chaque note. Même bien placé avais-je cru il y a une semaine, je me suis rendu compte de ce que j'avais manqué, et que je recherche dans tout opéra: la passion, la vie, si loin des poses convenues que l'on peut y trouver parfois. Sans doute a-t-il fallu un long travail de répétition pour arriver à une telle osmose entre tous et une telle appropriation de leur rôle par les chanteurs. C'est remarquable: j'avoue tenter de me remémorer depuis quand je n'avais vu un Don Carlo(s) qui présente tant de vérité scénique et de force dramatique. Et d'ailleurs, en avais-je vu un tel avant celui là? Oui, les didascalies ne sont pas respectées, mais le propos, le grand arc sont tenus et même ce premier acte qui m'avait gêné de par sa mise en scène m'est apparu limpide si on considère effectivement que l'action commence à St Just au II, et que Carlos y est retiré pour pleurer sa douleur dans la même position qui l'aura vu chuter de sa chaise à la fin du I, qui n'est que réminiscence amère .
(j'écoute en écrivant la fin du IV sans l'image, mais quelle splendeur, et quel bon français aussi. Le travail sur la prosodie et l'articulation est de très haut niveau: Abdrakasov y est fantastique).
Le travail de Jordan reste quand même de très belle facture et ses pauses si décriées ici non seulement ne me sont pas gênantes, mais rajoutent à la tension dramatique. Tézier superlatif, Garanca inouïe, Abdrakasov imposant, Yoncheva bouleversante malgré des scories qui n'entachaient pas son chant vendredi dernier ( et décrites au cours de la transmission : fatigue?) , Kaufmann remarquable. Que trouver encore comme adjectifs?
Dure épreuve pour le cast 2 d'arriver à égaler cette émotion. Dur challenge pour la version italienne l'an prochain de susciter les mêmes émois...et qui y verrions nous pour atteindre le même niveau musical? Ah si seulement...Alagna, Harteros, Keenlyside, Rachvelishvili, Pape...Non? Je sais , je sais...les pronostics affichés sont différents mais que Lissner serait grand s'il arrivait à afficher un équivalent d'équipe à celle de ce moment.