oui, tu vois mais la différence avec mon post, c'est que l'un laisse la surprise et l'autre moins. Bon c'est moins pire que de poster une photo de tout ça...
Verdi - Don Carlos - Jordan/Warlikowski - ONP - 10-11/2017
Re: Verdi - Don Carlos - Jordan/Warlikowski - ONP - 10-11/2017
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Re: Verdi - Don Carlos - Jordan/Warlikowski - ONP - 10-11/2017
Après les lectures des remarques et analyses sur la mise en scène (Franz, Paco, Snobinard entre autres et quelques amis sur les réseaux sociaux), je reste perplexe mais un peu plus nuancée que ma première impression.
Le parti pris de Warli est en effet de montrer l'ensemble de l'opéra à partir des souvenirs d'un Don Carlos suicidaire qui va se remémorer toute l'histoire qui a mené à son désespoir, à la fois en se mettant en scène et en se regardant souffrir. D'où un enfermement quasi permanent si on excepte la très belle scène de Fontainebleau où tout était encore possible. Le Don Carlos vu par Warli est effectivement un être faible qui est en permanence manipulé, jouet de ses émotions et de son amour perdu (qui ne semble jamais réellement partagé par Elisabeth), prêt à suivre un Posa qui est plus son mentor que son ami et qui semble ne vouloir en faire qu'une bouchée pour servir sa cause dans les Flandres, un Don Carlos extrêmement introverti et très en retrait, puisque, tandis qu'il se remémore tout l'histoire, il en connait la fin. Son désir de suicide est le fil rouge de tout l'exercice douloureux de la mémoire. Exercice qui commence alors qu'il est pieds nus sur un lit d'hôpital, les poignets enserrés dans des bandes ensanglantées après sa tentative ratée. Il va donc se regarder espérer et aimer pendant quelques minutes de bonheur absolu (souvenirs réels ou imaginaires, embellis par la mémoire ?), avant de se regarder tomber inexorablement tandis que l'envie irrépressible de suicide est représentée par un film en noir et blanc le montrant en gros plan, revolver sur la tempe. Remarquable rôle à contre emploi pour le ténor qui doit presque disparaitre pour renforcer l'insolence et le brillant de ses compagnons qui vont tous contribuer à sa perte.
Et c'est vrai que les personnages ont tous une dimensions psychologique forte dans cette mise en scène : Elisabeth est en deuil permanent, autant de la France que de son amour de jeunesse que l'infant maladif et torturé lui rappelle et qu'elle fuit résolument, robe noire, lunettes noires, elle ne touche jamais Don Carlos.
Posa est un conquérant et un politique qui a fait du faible Carlos sa "chose" qu'il domine totalement, lui non plus ne touche jamais Carlos malgré toutes les scènes qui y invitent et à l'issue de leur duo c'est Carlos qui se jette dans les bras de Posa qui reste raide comme un piquet. Warli en fait à mon avis le personnage central de sa mise en scène et cela se défend tout à fait.
Philippe est l'héritier des rois de la Reconquista, il vit dans un univers de violence, totalitaire (l'Inquisition) et sombre. Mais ses fêlures sont bien présentes (elle ne m'aime pas). Warli en fait un puissant dominé par ses sentiments, sous l'emprise de l'alcool, un peu orgiaque et qui ne sait pas ce qu'il veut.
Ce qu'il a voulu faire d'Eboli est plus difficile à saisir et sans doute, à mon sens, le personnage refaçonné par Warli, le moins convaincant (mais je ne demande qu'à être convaincue) : elle est trop belle, trop éclatante de couleurs, trop brillante pour que la surprise et le dégout de Carlos la reconnaissant soit crédible.
L'aspect historique est volontairement sacrifié et l'holocauste réduit à la mort d'un prisonnier puis à la vision d'une sorte de monstre dévorant ses enfants (Moloch ?). Le décor évoque tout à la fois la Pologne des années 80 (la chambre de Philippe ) et des évocations indirectes du combat entre la lumière (croisillons mauresques du claustra où Eboli se cache) et l'obscurité (scène globalement assombrie, omniprésence du roi Philippe au travers de son buste, le fils de Charles Quint, chef de la Reconquista)
Comme l'ensemble est à la fois bien chanté et bien joué, cela devrait totalement fonctionner et pourtant ce n'est pas tout à fait le cas.
Cela manque d'émotion incontestablement lors de plusieurs scènes habituellement faites pour ça malgré un plateau vocal réellement top niveau de tous les points de vue. Sans doute parce que ce parti pris de "recul", d'observation par le héros du rôle titre de sa propre déchéance, met trop de distances par rapport aux situations traditionnellement "chaudes".
Ou parce que le tout n'est pas suffisamment rodé...ce qui se vérifiera lors des séances suivantes et de la retransmission cinéma qui devrait montrer d'autres aspects assez difficiles à percevoir depuis le 25ème rang du parterre.
D'accord avec les critiques à l'égard de Jordan que je ne répète pas.
NB : j'ai été captivée du début à la fin sans m'ennuyer une seconde... malgré tout !
Le parti pris de Warli est en effet de montrer l'ensemble de l'opéra à partir des souvenirs d'un Don Carlos suicidaire qui va se remémorer toute l'histoire qui a mené à son désespoir, à la fois en se mettant en scène et en se regardant souffrir. D'où un enfermement quasi permanent si on excepte la très belle scène de Fontainebleau où tout était encore possible. Le Don Carlos vu par Warli est effectivement un être faible qui est en permanence manipulé, jouet de ses émotions et de son amour perdu (qui ne semble jamais réellement partagé par Elisabeth), prêt à suivre un Posa qui est plus son mentor que son ami et qui semble ne vouloir en faire qu'une bouchée pour servir sa cause dans les Flandres, un Don Carlos extrêmement introverti et très en retrait, puisque, tandis qu'il se remémore tout l'histoire, il en connait la fin. Son désir de suicide est le fil rouge de tout l'exercice douloureux de la mémoire. Exercice qui commence alors qu'il est pieds nus sur un lit d'hôpital, les poignets enserrés dans des bandes ensanglantées après sa tentative ratée. Il va donc se regarder espérer et aimer pendant quelques minutes de bonheur absolu (souvenirs réels ou imaginaires, embellis par la mémoire ?), avant de se regarder tomber inexorablement tandis que l'envie irrépressible de suicide est représentée par un film en noir et blanc le montrant en gros plan, revolver sur la tempe. Remarquable rôle à contre emploi pour le ténor qui doit presque disparaitre pour renforcer l'insolence et le brillant de ses compagnons qui vont tous contribuer à sa perte.
Et c'est vrai que les personnages ont tous une dimensions psychologique forte dans cette mise en scène : Elisabeth est en deuil permanent, autant de la France que de son amour de jeunesse que l'infant maladif et torturé lui rappelle et qu'elle fuit résolument, robe noire, lunettes noires, elle ne touche jamais Don Carlos.
Posa est un conquérant et un politique qui a fait du faible Carlos sa "chose" qu'il domine totalement, lui non plus ne touche jamais Carlos malgré toutes les scènes qui y invitent et à l'issue de leur duo c'est Carlos qui se jette dans les bras de Posa qui reste raide comme un piquet. Warli en fait à mon avis le personnage central de sa mise en scène et cela se défend tout à fait.
Philippe est l'héritier des rois de la Reconquista, il vit dans un univers de violence, totalitaire (l'Inquisition) et sombre. Mais ses fêlures sont bien présentes (elle ne m'aime pas). Warli en fait un puissant dominé par ses sentiments, sous l'emprise de l'alcool, un peu orgiaque et qui ne sait pas ce qu'il veut.
Ce qu'il a voulu faire d'Eboli est plus difficile à saisir et sans doute, à mon sens, le personnage refaçonné par Warli, le moins convaincant (mais je ne demande qu'à être convaincue) : elle est trop belle, trop éclatante de couleurs, trop brillante pour que la surprise et le dégout de Carlos la reconnaissant soit crédible.
L'aspect historique est volontairement sacrifié et l'holocauste réduit à la mort d'un prisonnier puis à la vision d'une sorte de monstre dévorant ses enfants (Moloch ?). Le décor évoque tout à la fois la Pologne des années 80 (la chambre de Philippe ) et des évocations indirectes du combat entre la lumière (croisillons mauresques du claustra où Eboli se cache) et l'obscurité (scène globalement assombrie, omniprésence du roi Philippe au travers de son buste, le fils de Charles Quint, chef de la Reconquista)
Comme l'ensemble est à la fois bien chanté et bien joué, cela devrait totalement fonctionner et pourtant ce n'est pas tout à fait le cas.
Cela manque d'émotion incontestablement lors de plusieurs scènes habituellement faites pour ça malgré un plateau vocal réellement top niveau de tous les points de vue. Sans doute parce que ce parti pris de "recul", d'observation par le héros du rôle titre de sa propre déchéance, met trop de distances par rapport aux situations traditionnellement "chaudes".
Ou parce que le tout n'est pas suffisamment rodé...ce qui se vérifiera lors des séances suivantes et de la retransmission cinéma qui devrait montrer d'autres aspects assez difficiles à percevoir depuis le 25ème rang du parterre.
D'accord avec les critiques à l'égard de Jordan que je ne répète pas.
NB : j'ai été captivée du début à la fin sans m'ennuyer une seconde... malgré tout !
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère
Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr
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Re: Verdi - Don Carlos - Jordan/Warlikowski - ONP - 10-11/2017
Ah mais le livret parle explicitement de la beauté dEboli
Si j'avais du pondre j'aurais mis en exergue '"Tout homme reste enchainé à son cœur" (René Char)
Tu oublies en ce qui concerne Philippe II la scène cruciale d'avant-Couronnement "alla Louis XVI" pourrait-on dire.
merci de ne pas trop déflorer cette msc !
je ne vois pas l'intérêt de trop rentrer dans le concret de la chose, restons allusifs puisque chacun pourra se faire une idée précise sur Arte.
"holocauste" ? tu veux dire autodafé je suppose
Si on lit ta synthèse, on a l'impression de quelque chose de presque tradi, je trouve
Moi je crois comme Franz que si ça ne fonctionne pas pleinement c'est à cause de Bastille et de Jordan et du trop fort "surlignage" de Warli. Je pense aussi que c'est une prod qui ne faut pas voir du parterre
Enfin, c'est surtout le cast B qui a beaucoup répété, on verra la différence je pense
Si j'avais du pondre j'aurais mis en exergue '"Tout homme reste enchainé à son cœur" (René Char)
Tu oublies en ce qui concerne Philippe II la scène cruciale d'avant-Couronnement "alla Louis XVI" pourrait-on dire.
merci de ne pas trop déflorer cette msc !
je ne vois pas l'intérêt de trop rentrer dans le concret de la chose, restons allusifs puisque chacun pourra se faire une idée précise sur Arte.
"holocauste" ? tu veux dire autodafé je suppose
Si on lit ta synthèse, on a l'impression de quelque chose de presque tradi, je trouve
Moi je crois comme Franz que si ça ne fonctionne pas pleinement c'est à cause de Bastille et de Jordan et du trop fort "surlignage" de Warli. Je pense aussi que c'est une prod qui ne faut pas voir du parterre
Enfin, c'est surtout le cast B qui a beaucoup répété, on verra la différence je pense
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Re: Verdi - Don Carlos - Jordan/Warlikowski - ONP - 10-11/2017
Ne pas voir du parterre, c'est-à-dire ne pas voir ?
Ça fait très envie ce que vous rapportez de la mise en scène.
Ça fait très envie ce que vous rapportez de la mise en scène.
« Life’s but a walking shadow, a poor player / That struts and frets his hour upon the stage / And then is heard no more. It is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury, / Signifying nothing. »
— Shakespeare, Macbeth
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Re: Verdi - Don Carlos - Jordan/Warlikowski - ONP - 10-11/2017
Si, si, l'émotion est fortement présente, mais elle n'est pas de la forme 'Mon amour, ma chérie, je t'aime!', 'Mon ami, mon frère de sang!', comme certains s'y attendre. Les émotions, cette fois, sont tragiques et naissent du sentiment de pitié pour les personnages, ou de l'admiration devant Elisabeth à tenter de supporter tout cela. Ce ne sont donc pas des émotions exaltantes, et c'est ce que cherche Warlikowski.HELENE ADAM a écrit : ↑11 oct. 2017, 12:19Cela manque d'émotion incontestablement lors de plusieurs scènes habituellement faites pour ça malgré un plateau vocal réellement top niveau de tous les points de vue. Sans doute parce que ce parti pris de "recul", d'observation par le héros du rôle titre de sa propre déchéance, met trop de distances par rapport aux situations traditionnellement "chaudes".
Le duo distant entre Carlo et Rodrigue est très signifiant dans cette logique.
C'est encore plus poignant avec la seconde distribution, comme on le verra en novembre, car elle a répété le spectacle depuis le début.
http://fomalhaut.over-blog.org/
"Le problème à l'opéra, c'est son public." Patrice Chéreau.
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Re: Verdi - Don Carlos - Jordan/Warlikowski - ONP - 10-11/2017
oui, c'est comme toujours chez Warli un théâtre de la cruauté au sens d'Artaud, c'est toujours la même optiqueDavid-Opera a écrit : ↑11 oct. 2017, 12:45Si, si, l'émotion est fortement présente, mais elle n'est pas de la forme 'Mon amour, ma chérie, je t'aime!', 'Mon ami, mon frère de sang!', comme certains s'y attendre. Les émotions, cette fois, sont tragiques et naissent du sentiment de pitié pour les personnages, ou de l'admiration devant Elisabeth à tenter de supporter tout cela. Ce ne sont donc pas des émotions exaltantes, et c'est ce que cherche Warlikowski.HELENE ADAM a écrit : ↑11 oct. 2017, 12:19Cela manque d'émotion incontestablement lors de plusieurs scènes habituellement faites pour ça malgré un plateau vocal réellement top niveau de tous les points de vue. Sans doute parce que ce parti pris de "recul", d'observation par le héros du rôle titre de sa propre déchéance, met trop de distances par rapport aux situations traditionnellement "chaudes".
Le duo distant entre Carlo et Rodrigue est très signifiant dans cette logique.
C'est encore plus poignant avec la seconde distribution, comme on le verra en novembre, car elle a répété le spectacle depuis le début.
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Re: Verdi - Don Carlos - Jordan/Warlikowski - ONP - 10-11/2017
oui, tu vas adorer ! j'ai d’ailleurs pensé à toi hier soir.
Comme chez Bondy, ce travail puisqu'il met l'accent sur la psychologie, est fait pour les 8 premiers rangs. Pas grave puisqu'il est capté pour Arte.
Mais au vue de la verticalisation de la scénographie, je pense que les premiers rangs du premier balcon sont idéaux. J''en fait l"expérience hier soir. C'est delà qu'on saisit l’écrasement des protagonistes, leur nuit mentale seulement éclairée par le flambeau lugubre du Devoir
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Re: Verdi - Don Carlos - Jordan/Warlikowski - ONP - 10-11/2017
Etant au premier balcon et ayant du mal à voir le haut des vidéos, je me demande ce qu'on voit exactement des derniers rangs du second balcon... Pareil depuis les galeries pour les passages qui se déroulent aux extrêmités du plateau.JdeB a écrit : ↑11 oct. 2017, 12:56Mais au vue de la verticalisation de la scénographie, je pense que les premiers rangs du premier balcon sont idéaux. J''en fait l"expérience hier soir. C'est delà qu'on saisit l’écrasement des protagonistes, leur nuit mentale seulement éclairée par le flambeau lugubre du Devoir
Re: Verdi - Don Carlos - Jordan/Warlikowski - ONP - 10-11/2017
oui, enfin, toutes les places du premier balcon ne se valent pas bien sûr
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