Trilogie Figaro : Rossini(Le Barbier)–Mozart(Les Noces)-Langer(Figaro Gets a Divorce)-Genève 09/2017

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petitchoeur
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Trilogie Figaro : Rossini(Le Barbier)–Mozart(Les Noces)-Langer(Figaro Gets a Divorce)-Genève 09/2017

Message par petitchoeur » 29 sept. 2017, 14:41

La Trilogie de Figaro :
Gioacchino Rossini : Le Barbier de Séville
Wolfgang Amadeus Mozart : Le Mariage de Figaro
Elena Langer : Figaro Gets a Divorce

En co-production avec le Welsh National Opera

Scénographie : Ralph Koltaï
Costumes : Sue Blane
Lumières : Linus Fellbom


Tobias Richter, directeur du Grand Théâtre de Genève (et metteur en scène des Noces de Figaro de cette trilogie, ndlr)) dans le Journal du cercle du Grand Théâtre, n° de septembre 2017 : « à l’origine il y a une idée germée dans l’esprit de David Pountney (directeur du Welsh National Opera de Cardiff, auteur du livret et metteur en scène de Figaro Gets a Divorce, ndlr), il voulait que nous réfléchissions à une trilogie de Beaumarchais. Il m’avoua ensuite qu’il y pensait depuis longtemps et surtout au problème du troisième volet : certes il existait La Mère coupable (L’Autre Tartuffe ou La Mère Coupable, drame de Beaumarchais, 1792, ndlr) mis en opéra par Darius Milhaud en 1966 (et d’ailleurs créé à Genève sous la direction de Serge Baudo avec Eric Tappy) , mais ça nous semblait une œuvre un peu inscrite dans son temps. Par ailleurs nous connaissions le travail d’Elena Langer, sons sens du théâtre et son goût pour la littérature. Bref, nous avons entrevu la possibilité d’une trilogie, que nous pourrions coproduire, le Welsh National Opéra et le Grand Théâtre et de ces discussions est découlé un livret écrit par David Pountney ».
Cette trilogie de Figaro forme l’ouverture de la saison lyrique de Genève après avoir été présentée à Cardiff en 2016 : quatre fois les trois opéras, trois soirs de suite. Au départ nos deux directeurs espéraient faire appel aux mêmes orchestre, chef, distribution et metteur en scène. Ce qui s’est vite révélé impossible d’autant que la tradition britannique de chanter les opéras en anglais est encore très forte ! En revanche c’est la même équipe pour la scénographie, les costumes et les lumières des trois productions assurant ainsi une belle unité et continuité à l’ensemble. C’est Ralph Koltaï, Hongrois de 93 ans, chassé par les Nazis et réfugié en Grande-Bretagne où il a révolutionné le décor de théâtre notamment à la Royal Shakespeare Company, qui a conçu une scénographie adaptée à cette trilogie donnée par groupe de trois soirées : deux immenses panneaux aux décors changeants. Mobiles, ils sont déplacés de manière à dégager les espaces, à les fermer, à les entrouvrir pour laisser passer les personnages ou bloquer les issues… C’est simple, efficace et … astucieux. Les costumes de Sue Blane sont très réussis jonglant entre le XVIIIème siècle et les années 50 : colorés ou graves, excentriques ou sévères selon les rôles. Les lumières de Linus Fellbom sont essentielles : elles donnent vie aux panneaux de Ralph Koltaï.
PS : pour toutes les photos : copyright GTG/Magali Dougados


Gioacchino Rossini : Le Barbier de Séville, melodramma buffo en 2 actes.

Livret de Cesare Sterbini d’après la comédie de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1775). Créé à Rome le 20 février 1816 au Teatro di Torre Argentina.

Direction musicale : Jonathan Nott
Mise en scène : Sam Brown
Assistant à la mise en scène : Julien Chavaz
Chorégraphie : Morgann Runacre-Temple

Il Conte di Almaviva : Bogdan Mihai
Figaro : Bruno Taddia
Rosina : Lena Belkina
Bartolo : Bruno de Simone
Basilio : Marco Spotti
Berta : Mary Feminear*
Fiorello : Rodrigo Garcia**
Un Ufficiale : Aleksandar Chaveev**
Ambrogio : Peter Baekeun Cho**

Chœur du Grand Théâtre
Direction : Alan Woodbridge
Orchestre de la Suisse Romande

*Membre de la Troupe des jeunes solistes en résidence
** membre du Chœur

Au Théâtre des Nations à Genève le 25 septembre2017,

Sam Brown, metteur en scène, traite Le Barbier de Séville, en comédie légère avec beaucoup d’humour, de fantaisie et d’excentricités toutes britanniques. Une danse des ciseaux sur scène durant l’ouverture est désopilante et donne le ton à tout l’ouvrage.

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Jonathan Nott est fascinant dans sa direction de l’Orchestre de la Suisse Romande et des chanteurs par des gestes d’une précision d’une rare élégance aussi attentif au plateau qu’à la fosse. Résultat : pas un seul décalage de la soirée ! Il enflamme toute la troupe, son orchestre et … le public qui l’ovationne. C’est le nouveau directeur artistique et musical de l’Orchestre de la Suisse Romande qu’il mène ce soir tambour-battant ! Belle distribution : Bruno Taddia est un Figaro malin, rusé , grand comédien à la voix puissante dotée d’un beau timbre.

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Rosine, Lena Belkina , espiègle et mutine, enchante par sa voix lumineuse. Bruno de Simone (Bartolo) et Marco Spotti (Basilio) possèdent des voix de bronze dans leurs costumes burlesques.
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Bogdan Mihaï est un Comte à la voix très noble mais pas toujours très puissante face à des partenaires doués d’un bel abattage. Les seconds rôles sont fort bien tenus par Mary Feminear (Berta), Rodrigo Garcia (Fiorello), Aleksandar Chaveev (un officier) et Peter Baekeun Cho (Ambrogio).

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Une production enthousiasmante.

PS : diffusion le samedi 7 octobre 2017 à 20h dans l’émission A l’opéra. Fréquences FM : 100,1 et 100,7. de RTS Espace2.


Wolfgang Amadeus Mozart : Les Noces de Figaro,
opera buffa en 4 actes.
Livret de Lorenzo da Ponte, d’après le Mariage de Figaro de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1784). Créé à Vienne au Burgtheater le 1er mai 1786.

Direction musicale : Marko Letonja
Mise en scène : Tobias Richter
Assistant à la mise en scène : Max Hoehn
Chorégraphie : Denni Sayers

Il Conte di Almaviva : Ildebrando D'Arcangelo
La Contessa di Almaviva : Nicole Cabell
Susanna : Regula Mühlemann
Figaro : Guido Loconsolo
Cherubino : Avery Amereau
Marcellina : Monica Bacelli
Don Basilio : Bruce Rankin
Don Curzio : Fabrice Farina
Bartolo : Bálint Szabó
Barbarina : Melody Louledjian* (12, 17 & 21 septembre)
Seraina Perrenoud (25 septembre)
Antonio : Romaric Braun
Deux paysannes : Chloé Chavanon & Marianne Dellacasagrande

Continuo : Xavier Dami
Chœur du Grand Théâtre
Direction : Alan Woodbridge
Orchestre de la Suisse Romande
*Membre de la Troupe des jeunes solistes en résidence

Au Théâtre des Nations à Genève le 26 septembre 2017,

Pour Tobias Richter, Les Noces de Figaro sont « une grande comédie de caractère avec des sous-entendus mélancoliques ». Sa mise en scène, au cordeau, incite les chanteurs à l’humour, à la frivolité, à l’audace, au dramma giocoso. Le résultat est remarquable et drôle, par exemple dans le grand air de Marcelline à l’acte III où Monica Bacelli finit par trinquer avec le chef d’orchestre ! Mais certains, du coup, forcent leurs talents de comédiens et en font un peu trop : le Comte à certains moments.

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La distribution est d’une grande homogénéité : le Comte, Ildebrando d’Arcangelo, est magnifique de puissance et d’engagement. La Comtesse, Nicole Cabell, possède la voix de charme, de tristesse et de doutes nécessaires à son personnage : c’est une confirmation de son talent (elle a été admirée dans le rôle de Mimi à Paris). Guido Loconsolo a la voix de son rôle de Figaro : pleine d’assurance, tendre ou roublarde, tirant les ficelles de la comédie avec talents.

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Regula Mühlemann est une Susanna pétillante et volontaire mais pas insensible aux avances du Comte. Chérubin, Avery Amereau, possède un beau timbre de mezzo qui la rend très crédible dans ce rôle travesti. Seraina Perrenoud est une Barberine à la voix fine et légère, à laquelle personne ne peut résister, le Comte le premier qui lui accorde la main de Chérubin.

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Excellents Basile (Bruce Rankin) et Bartolo (Balint Szabo). Antonio, Romaric Braun, est un jardinier et un père outré. Les interventions du Chœur du Grand Théâtre, dirigé par Alan Woodbridge, sont, comme toujours, parfaites. Marko Letonja dirige l’Orchestre de la Suisse Romande avec la même vigueur et la même dynamique que Jonathan Nott dans Le Barbier de Séville la veille. Mais son attention au plateau paraît moins grande d’où quelques petits décalages dans les deux premiers actes.
Ces Noces de Figaro sont une production d’une belle tenue.

PS : diffusion le samedi 14 octobre 2017 à 20h dans l’émission A l’opéra. Fréquences : FM 100,1 et 100,7 de RTS Espace 2



Elena Langer : Figaro Gets a Divorce,
opéra en 2 actes.
Livret de David Pountney. Créé à Cardiff le 21 février 2016 au Welsh National Opera.

Direction musicale : Justin Brown
Mise en scène : David Pountney
Assistant à la mise en scène : Robin Tebbutt
Chorégraphie : Denni Sayers

Figaro : David Stout
Susanna : Marie Arnet
Count : Mark Stone
Countess : Ellie Dehn
Serafin : Naomi Louisa O'Connell
Angelika : Rhian Lois
The Cherub : Andrew Watts
The Major : Alan Oke

Basel Sinfonietta



Au Théâtre des Nations à Genève le 26 septembre 2017,

Figaro Gets a Divorce est un drame aux arrière-plans contemporains. Le livret de David Pountney s’inspire de L’Autre Tartuffe ou La Mère Coupable de Beaumarchais , suite, créée en 1792, du Barbier et des Noces et aussi de Figaro divorce d’Odön von Horvath, pièce de 1937. Nous sommes six ans après le Mariage de Figaro. L’intrigue est compliquée : le Comte et la Comtesse fuient. Ils sont arrêtés à la frontière par un Major qui, sous prétexte de les aider, va les mettre sous son pouvoir et veut épouser la fille illégitime du Comte, Angelika qui, elle, veut épouser le fils illégitime de la Comtesse, Serafin. Pour faire vivre la famille Figaro a rouvert un salon de barbier. Susanna veut un enfant de Figaro qui refuse. Elle le quitte pour suivre The Cherub, propriétaire d’un bar louche et dont elle devient enceinte. Figaro décide de divorcer. Mais il tente de sortir tout ce monde des griffes du Major en les guidant de nuit jusqu'au château du Comte transformé en asile de fous mais il tue The Cherub dans la fuite. Le Major, qui est un agent double, essaie alors d’organiser leur meurtre mais le Comte dévoile un passage secret qui permettra à Figaro, Susanna, Angelika et Serafin de fuir tandis que le Comte et la Comtesse décident de rester et « d’assumer les conséquences ». Au fil des deux actes les histoires d’adultères et d’enfants illégitimes se dénouent et l’intrigue politique (nous sommes pendant la Révolution française avec Beaumarchais et ici dans la montée des fascismes des années 30) en est le cadre.

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C’est le Basel Sinfonietta qui, ce soir, est dans la fosse renforcé de multiples percussions et d’un accordéon. A sa tête Justin Brown qui dirige une partition complexe avec beaucoup de lyrisme et une attention permanente au plateau. Elena Langer, compositrice russo-britannique, a écrit une musique d’aujourd’hui, savante mais peu dissonante, avec des références aux comédies musicales, au cabaret et à la danse. Son orchestration est d’une grande fluidité et clarté. Les tableaux sont très courts et les enchaînements très rapides. Aucun ennui, aucune lassitude à l’écoute de sa musique: Elena Langer sait capter l’auditoire. David Pountney , dans la scénographie glaçante de Ralph Koltaï et les froides lumières de Denni Sayers arrive à rendre ses personnages profondément humains avec leurs faiblesses et leur désarroi mais aussi avec leur amour-propre et leur fierté .
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Tout le plateau est à citer : le Major ignoble et vicieux servi par le timbre percutant et la voix solide et puissante d’Alan Oke. Le Comte, violent puis affaibli et de plus en plus humain de Mark Stone est très convaincant. La Comtesse, Ellie Dehn, possède une voix à l’assurance de plus en plus affirmée face au Comte diminué.
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Un Figaro, David Stout, tout aussi brillant que ses confrères barbiers des deux soirs précédents mais perdant un peu de sa puissance en fin d’ouvrage (fatigue ?). Belle performance du contre-ténor Andrew Watts , vicieux à souhait en insolent The Cherub. Marie Arnet est une Susanna très entrainante en chanteuse de cabaret chez the Cherub. Naomi Louisa O’Connell (Serafin) et Rhian Lois (Angelika) apportent la fraîcheur de leurs voix et de leur jeunesse à ce sombre drame. Belle découverte que ce Figaro bien de notre époque.

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Réussite du Grand Théâtre de Genève d’un pari difficile : monter trois opéras dont une création en réalisant avec des équipes en partie différentes et en partie identiques une vision chronologiquement cohérente de l’œuvre de Beaumarchais magnifiée par Rossini et Mozart et prolongée par le talent d’Elena Langer.
Pierre Tricou

philipppe
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Re: Trilogie Figaro : Rossini(Le Barbier)–Mozart(Les Noces)-Langer(Figaro Gets a Divorce)-Genève 09/2017

Message par philipppe » 29 sept. 2017, 15:31

J ai fait un compte rendu nettement plus mitigé de la représentation des Noces de Figaro à laquelle j'ai assisté, en particulier en ce qui concerne une certaine lourdeur de la production et la grossièreté du chant d'ildebrando D Arcangelo.

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Bernard C
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Re: Trilogie Figaro : Rossini(Le Barbier)–Mozart(Les Noces)-Langer(Figaro Gets a Divorce)-Genève 09/2017

Message par Bernard C » 29 sept. 2017, 16:03

Vos deux remarques concernant D'Arcangelo si on les assemble rejoignent l'impression que j'ai eue
petitchoeur a écrit :
29 sept. 2017, 14:41
le Comte, Ildebrando d’Arcangelo, est magnifique de puissance et d’engagement.
philipppe a écrit :
29 sept. 2017, 15:31
... la grossièreté du chant d'ildebrando D Arcangelo.
En juin dans Don Giovanni :
une énergie et une projection remarquables.
(...)
Tout au plus je regretterai un certain manque de legato et étonnamment un manque de couleurs dans la sérénade prise d'ailleurs un peu bas.


C'est vraiment un excellent artiste , mais je pense que sa voix durcit .

Bernard

( Merci à Pierre pour cet impressionnant CR :bowdown: )
Sunt lacrymae rerum et mentem mortalia tangunt Énéide I v

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Re: Trilogie Figaro : Rossini(Le Barbier)–Mozart(Les Noces)-Langer(Figaro Gets a Divorce)-Genève 09/2017

Message par JdeB » 29 sept. 2017, 16:23

oui, bravo à Pierre !

En ce qu concerne d'Arcangelo, je me suis fait la même remarque la dernière fois que je l'ai entendu. Dans le Mephisto de Berlioz à Liège (au début de cette année)
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Re: Trilogie Figaro : Rossini(Le Barbier)–Mozart(Les Noces)-Langer(Figaro Gets a Divorce)-Genève 09/2017

Message par petitchoeur » 01 oct. 2017, 09:27

L'impression mitigée laissée par Ildebrando D'Arcangelo n'a-t-elle pas pour origine la mise en scène de Tobias Richter qui pousse les chanteurs à surjouer?

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