Wolfgang Amadeus Mozart : Die Zauberflöte
Singspiel en 2 actes
Livret d’Emmanuel Schikaneder
Créé le 30 septembre 1791 à Vienne, au Theater an der Wieden
Direction musicale Gergely Madaras
Mise en scène, décors & costumes Jürgen Rose
Reprise de la mise en scène Mark Daniel Hirsch
Lumières Manfred Voss
Sarastro Jeremy Milner
Tamino Joachim Bäckström
Stanislas de Barbeyrac
L'Officiant Tom Fox
La Reine de la nuit Mandy Fredrich
Svetlana Moskalenko
Pamina Urška Arlič Gololičič
Pretty Yende
Première Dame Emalie Savoy
Deuxième Dame Inès Berlet
Troisième Dame Lindsay Ammann
Papageno André Morsch
Andreas Wolf
Papagena Mary Feminear
Amelia Scicolone
Monostatos Loïc Félix
Les Trois Garçons Membres du Zürcher Sängerknaben :
Premier Garçon Mischari Ünesen
Alejandro Mariño Lopez
Deuxième Garçon Léopold de Buman
Manuel Orendain
Troisième Garçon Gabriel Molino
Sebastian Zimmermann
1er Prêtre / 2ème Esclave Wolfgang Barta
2ème Prêtre / 1er Homme d'armes Michael Austin
2ème Homme d'armes Alexander Milev
1er Esclave Omar Garrido
3ème Esclave Phillip Casper
Chœur du Grand Théâtre de Genève ; direction : Alan Woodbridge
Chœur du Zürcher Sängerknaben : direction : Alphons et Konrad von Aarburg
Orchestre de la Suisse Romande
Production de l’Opéra de Bonn, avril 2014
Au Grand Théâtre de Genève, le 27/12/2015.
Conte de fée, conte philosophique, fable enfantine, oratorio maçonnique ? Mozart, dans les derniers mois de sa vie, est capable de passer d’un genre à l’autre, du profane au sacré, de la farce à l’épique, et cela, en quelques mesures, d’une scène à l’autre. La Flûte enchantée, de ce fait, appartient à tous : aux adultes en quête d’absolu qui peuvent s’identifier à Tamino, ou plutôt à Papageno, anti-héros trouillard, bon vivant et plein de bon sens, comme aux enfants se régalant de merveilleux. Tout l’art de Mozart est de nous contraindre à considérer toutes ces composantes et à ne s’appesantir sur aucune. Inutile de revenir sur les incohérences du livret et particulièrement sur la Reine de la Nuit qui fournit elle-même les instruments qui permettront à Tamino et à Papageno de franchir les étapes de leur initiation et qui leur assureront de déjouer tous les pièges posés par… la Reine de la Nuit elle-même ! Cela n’a pas empêché le succès immédiat de l’œuvre et de renflouer les caisses vides de Schikaneder.

Cette Flûte enchantée du Grand Théâtre de Genève est une reprise de celle de l’Opéra de Bonn d’avril 2014. Mise en scène par Jürgen Rose , célèbre décorateur et costumier des grandes scènes lyriques et particulièrement de la production du Covent Garden de 1978, dans la mise en scène d’August Everding et sous la direction de Colin Davis, reprise jusqu’en 1989. Son œuvre a fait l’objet d’une rétrospective au Deutsches Theatermuseum de Munich et à l’Académie bavaroise des Beaux-Arts qui s’est terminée en 2015. Le décor du premier acte n’est que voiles de couleur rouge tandis que le deuxième acte est un intérieur de pyramide renversée d’un jaune éclatant permettant un effet de perspective et de profondeur aux interventions de Sarastro et des prêtres et indiquant la direction du parcours d’initiation de nos héros. Aucun objet ne vient distraire le regard du spectateur. Les costumes de Papageno et Papagena sont magnifiquement « baroques ». Ceux de Sarastro et des prêtres jouent avec les noirs et les blancs géométriquement disposés sur leurs capes, de manières différentes pour chacun. Avec le triomphe de la Lumière, quittant leurs capes, leurs costumes du même jaune que le décor se dévoilent dans leur intégralité. Le spectateur est saisi par cette rigueur solennelle renforcée par la lenteur des mouvements des hommes de « bien » tandis que le plus grand désordre règne dans les scènes avec Papageno, Papagena, les trois Dames, Monostatos et la Reine de la Nuit. Jürgen Rose offre une lecture multiple de l’œuvre. Au deuxième acte, par exemple, les Prêtres tiennent tous une petite pyramide éclairée, couleur or, très maçonnique, dans leurs mains. Et le dernier duo de Papagano et Papagena (scène 29) est d’une drôlerie assurée : Papagena éclot d’un énorme œuf dont elle casse la coquille et l’un et l’autre apparaissent en fin d’ouvrage avec chacun un petit… œuf à la main pour la plus grande joie du public.

Distribution très homogène. Excellent Tamino de Joachim Bäckström ce soir (en alternance avec Stanislas de Barbeyrac) : voix souple bien projetée, peine d’humanité. Sarastro, B]Jeremy Miller[/B], basse à la taille impressionnante bien adaptée à son rôle, possède un très beau timbre de basse profonde (une petite réserve sur sa diction pas toujours claire). Papageno , ce soir Andreas Wolf (en alternance avec André Morsch) est parfait, bon acteur, bon vivant, très à l’aise dans ce rôle « bouffe » (impeccable et impayable dans les Pa,Pa,Pa, Pa, Pa, Pa….). Son duo sur l’amour avec Tamina (scène 14) est un moment d’une grande émotion et d’une belle sincérité. Pamina, Pretty Wende, ce soir, est une soprano à la voix large et puissante, dotée d’un beau legato. Son interprétation de Pamina convainc de bout en bout dans les moments d’exaltation comme dans les moments de découragement. La Reine de la nuit, ce soir Mandy Fredrich, est une colorature qui chante ses deux airs avec grande musicalité mais ses vocalises manquent de hargne et ses contre-fa ne sont que des poignards émoussés. Papagena, ce soir Amelia Scicolone, est une excellente comédienne en vieille femme enamourée et forme un duo avec Papageno parfait : joli timbre et voix virtuose. B]Loïc Félix [/B]est un traître vicieux à souhait. Les Dames (Emalie Savoy, Inès Berlet et Lindsay Ammann) forment un excellent trio fort harmonieux. L’Officiant (ou premier prêtre), Tom Fox, est une basse à la voix solennelle, au timbre chaud et diction impeccable. On peut regretter de ne pas l’entendre plus. Les trois garçons (ce soir : Alejandro Marino Lopez, Manuel Orandain et Sébastien Zimmermann) sont membres du Zürcher Sängerknaben. Ils tiennent leurs parties comme de vrais professionnels.

L’orchestre de la Suisse Romande est toujours de qualité, parfait dès l’ouverture, soutenant avec brio les chanteurs solistes et le chœur dirigé par Alan Woodbrige. Celui-ci a rejoint le Grand Théâtre de Genève l’an dernier après avoir dirigé pendant de nombreuses années et porté à un très haut niveau le chœur de l’Opéra de Lyon. Le chœur de Genève est fort noble dans cet « antique-religieux » qu’admirait tant Berlioz. Gergely Madaras , jeune chef hongrois, sait obtenir de son orchestre de la grandeur lors des scènes graves et solennelles et fait mousser les scènes légères et comiques : l’orchestre devient alors pétillant.
Une production de qualité. Dernières représentations les 3, 5, 6, 7, et 8 janvier 2016
Pierre Tricou