Wagner - Siegfried-Götterdammerung  Barenboim/Cassiers - Staatsoper Berlin - 26-29/9/19

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Il prezzo
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Wagner - Siegfried-Götterdammerung  Barenboim/Cassiers - Staatsoper Berlin - 26-29/9/19

Message par Il prezzo » 30 sept. 2019, 14:39

Direction musicale, Daniel Barenboim
Mise en scène et décors, Guy Cassiers
Costumes, Tim Van Steenbergen
Lumières, Enrico Bagnoli
Vidéo, Arjen Klerkx, Kurt D'Haeseleer
Choréographie, Sidi Larbi Cherkaoui

Siegfried:
Siegfried, Andreas Schager
Mime, Stefan Rügamer
Fafner, Falk Struckmann
Wotan, Michael Volle
Alberich, Jochen Schmeckenbecher
Brünnhilde, Irene Theorin
Erda, Anna Larsson
Der Waldvogel, Serena Saenz

Götterdammerung :
Siegfried, Andreas Schager
Gunther, Roman Trekel
Alberich, Jochen Schmeckenbecher
Hagen, Falk Struckmann
Brünnhilde, Irene Theorin
Gutrune, Anna Samuil
Waltraute, Ekaterina Gubanova
Erste Norn,  Anna Lapkovskaya
Zweite Norn, Ekaterina Gubanova
Dritte Norn, Anna Samuil
Woglinde, Evelin Novak
Wellgunde, Natalia Skrycka
Flosshilde, Anna Lapkovskaya

Siegfried:
Je ne sais pas ce que donnait la vidéo,  succintement décriée ici (http://www.odb-opera.com/viewtopic.php? ... 1731&hilit) mais sur scène, la production, et son absence de "message", involontaire ou ratée, tient plutôt la route.

Et a priori quand on voit cette distribution, on n'a pas de raison de s'inquiéter. C'est d'ailleurs essentiellement pour ça qu'on est là d'ailleurs!

Ce Siegfried m'aura été moins impactant, tout au moins avant un sublime duo final, que les deux premières journées. Est-ce dû à un mauvais rhume (attrapé aux terrasses de Weimar, où je passai cet entracte de 3 jours), ou à une baisse de tension sentie chez Barenboim ? Ou encore au simple ralentissement de l'action et de l'inspiration musicale (sauf bien sûr pour les murmures de la forêt, merveilleuse et originale composition).

Concernant les décors, seules les projections de fond de scène sont à sauver. Au 1er acte en particulier, où le fond de forêt se transforme subtilement en nuages de feuilles/insectes tournoyant à l'arrivée du Wanderer.
Dragon peu impressionnant (une toile agitée à vue par des machinos-danseurs).
Ballet de nouveau et heureusement assez discret: quand les danseurs incarnent le Tarnhelm, ça passe très bien, quand ils ponctuent stérilement les murmures de la forêt, beaucoup moins.
Costumes (et maquillages) sinon beaux du moins très sophistiqués, à l'exception du "biker" Siegfried. Alberich en particulier, surchargé de nippes façon  vagabond / héroic fantasy moyennageuse (un peu comme chez Lepage), avec un maquillage ébouriffant.

Schager, un peu en "Alagna teuton", cabotine autant que chez Lepage. On se demande si un metteur en scène peut maintenant obtenir de lui un autre jeu que celui qu'il semble s'être approprié dans ce rôle fétiche, en privilégiant, ou ne gardant que, le côté gamin impulsif et teigneux du personnage. Mais on lui pardonnera tout et plus encore, car quel chant! Le timbre s'améliore, il me semble (par rapport au claquant et à la sécheresse que je garde de son Tristan). Et le chanteur subjugue, qui conserve jusqu'au bout, pour le duo final, fraîcheur et énergie incroyables.

Theorin magnifique, très charismatique en vierge nordique blond platine. Elle a changé de robe pendant son sommeil (il me semble!), et joue merveilleusement d'une immense traîne qui recouvre les marches de son autel. Vision hollywoodienne saisissante. La chanteuse est investie et bouleversante, aigus assurés et graves touchants de vulnérabilité. Et scénographie relativement réussie alors, pour ce réveil d'où ont disparu les lampes à bronzer que Wotan avait fait descendre des cintres, et qui nous avaient inutilement distrait des superbes projections de fond de scène.

Mime moins sautillant et excentrique que parfois. Mais interprétation juste.

Me restera donc de ce Siegfried essentiellement un 3ème acte, ou plutôt une dernière scène, de la même puissance émotive, vocalement et  orchestralement, que ce désormais inoubliable 1er acte de Walkyrie, nouvelle référence live de mon itinéraire wagnérien.

Götterdämmerung:
De cette production, la 4e journée est à mon sens la mieux réussie scénographiquement. Les projections, qui dérivent toujours plus ou moins de la fameuse fresque "Les passions humaines" de Jeff Lambeaux (Bruxelles, 1889), dont l'histoire mouvementée est très bien contée dans le programme, sont belles, et bien illustrantes (parfois) des affres qui habitent nos héros.

Les nornes tissent leur ouvrage sur un escarpement joliment entoilé et éclairé (extraordinaire 1ère norne d'Anna Lapkovskaya: que ne l'a-t-on distribuée en Erda, plutôt que la trop faible Anna Larsson...), qui nous ramène ensuite directement sur la sublime image du rocher/emmarchement de la fin de Siegfried, où se réveillent les deux amants. Ce moment est vocalement et esthétiquement l'un des plus réussis de la soirée. On retrouve le port souverain de Theorin qui maîtrise parfaitement le jeu très décoratif de son immense traîne.

Avec Schager, elle forme un couple très équilibré sur le plan de l'aisance vocale. Leur duo est un régal. Schager se laisse enfin aller à un peu plus d'intériorité,  même si ça lui est difficile: il retrouvera sa "vulgarité" coutumière dans les scènes suivantes avec Gunther (des petits gestes de main semblant lui signifier "aboule, mec!" ). Il est maintenant à un tel  niveau de maîtrise et de brillant dans ce rôle qu'il ne lui manque que cette dose de retenue que probablement ses metteurs en scène n'arrivent pas à obtenir de lui, intimement convaincu qu'il est peut-être  que Siegfried est forcément un garçon brutal et mal dégrossi, du début à la fin😊

Quant à Theorin, n'en déplaise à certains Stemmolâtres de ce forum, elle a une crédibilité physique et vocale qui surpasse à mon sens celle de sa compatriote (mes deux voisins, à leur 3e tétralogie de l'année après Londres et New York, en étaient hystériques). Mais soyons honnêtes, je n'ai vu la prestation de Stemme qu'en vidéo, où les gros plans ne la flattent pas forcément.

Les scènes chez les Gibichungen sont moins illustrées que chez Lepage, certes  (rappel: 3 décors différents à NY dans cette seule scène d'introduction), mais l'esthétique de panneaux et buffets coulissants, en verre Arts Deco, et la direction d'acteurs précise, structurent assez bien le déroulement de ce vaudeville tragique.

Struckmann trouve en Hagen un rôle plus à l'échelle de son talent que les précédents Fafner et Hunding. La veulerie du personnage est très bien campée, et l'émission percutante plus que crédible.
Ses demi-frère et soeur le sont moins, surtout le Gunther de Roman Trekel, qui ne nous avait pas semblé si falot en Donner.

Retour attendu avec impatience sur le rocher de Brünnhilde, pour le duo (adulé) avec Waltraute. Les pieux enflammés et les fonds projetés incandescents forment l'image très puissante que Cassiers aurait dû tout simplement mettre à la fin de sa Walkyrie, en lieu et place de ses ridicules lampes à bronzer (ça semble d'ailleurs si simple à modifier qu'on ne comprend pas que les reprises de la production ne le fassent pas...). Gubanova n'égale bien sûr pas pour moi l'insurpassable Meier dans cette scène, mais le pathos est quand même bien là.

Échange très fort dramatiquement entre  Hagen et Alberich, ce dernier remportant décidément la palme du plus beau costume/maquillage (combien d'heures, pour ces 10mn de chant...?).

La suite verra une petite baisse d'inspiration du metteur en scène, avec les gradins coulissants qui supportent le choeur, un peu artificiels, tout comme les bords du Rhin (simple carré de moquette mollement éclairé) où l'on retrouve les robes vainement agitées des Rheintöchter. L'utilisation du ballet accusera les mêmes défauts qu'auparavant: parfaite en Tarnhelm pour Siegfried/Gunther sur le rocher de Brünnhilde, parfaitement superfétatoire pendant le voyage de Siegfried sur le Rhin.

Et la direction dans tout ça? Peut-être moins enthousiasmante que dans les autres journées (Walküre surtout). Souvent excessivement lente. Mais autorisant de fait de quasi piani à Brünnhilde dans son Starke Scheite.
Des solistes hors pair. Et pas les problèmes de cors du Met...

Au final, une production bien plus intéressante que ce que les critiques de la création à la Scala pouvaient laisser craindre. Servie, évidemment, par la crème wagnérienne vocale et instrumentale, et dans un lieu qui, s'il n'est pas Bayreuth, en possède  probablement la même "vibration teutone", ne serait-ce que par l'extrême attention de son public.
Quanto?
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Gia, mi dicon venal, ma, a donna bella io non mi vendo a prezzo di moneta.

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