La Clémence de Titus - P. Daniel /Hemleb -Aix, juillet 2005

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emji
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"titus" & la chaise électrique

Message par emji » 23 juil. 2005, 11:59

Bon, et bien voilà, je l'ai vue hier soir cette fameuse "Clémence..."! 8O
tout cela ne vaut pas tant d'excès: ni dans un sens ni dans l'autre.
Musicalement c'est plutôt pas mal, voire même bien: la direction musicale de
P.Daniel est intéressante: son travail sur les articulations baroques, sa façon
de faire ressortir la polyphonie de l'orchestre mozartien, tout cela nous vaut plutôt d'agréables surprises. Il est certain que K.Spicer est loin d'incarner
un Titus vocalement idéal: la voix est lourde pour ce rôle, et à la limite
de l'éraillement dans l'aigü (en tout cas, c'était le cas hier au soir).
Les femmes sont plutôt OK, surrtout la Vitellia de Stoyanova: voix souple et
longue; elle déroule une musicalité élégante sur tout son rôle (la pauvre! c'est
bien mal la récompenser que de la faire terminer son "Non Più di fiori" dans
une malle de voyage!!(sic!)).
Le Publio de Luca Pisaroni est excellent et sobre.
Reste le Sesto de K.Jepson: si vocalement elle s'en sort bien (malgré un Rondo laborieux, peu habité et d'un ennui incommensurable au II), si vocalement elle s'en sort donc bien...Quelle misère de l'avoir affublée ainsi !! C'était surtout pas ce genre de vêtement qui pouvait lui être seyant: c'est ridicule et inesthétique au possible.De toute manière c'est là l'énorme point faible de cette représentation: la laideur des costumes est immense; heureusement camouflée dans les scènes publiques par des pseudos drapés romains joliment colorés, cette horreur vestimentaire affaiblt considérablement le spectacle.Quand à Hemleb et son "travail": c'est assez insignifiant dans l'ensemble, passée une scène d'ouverture elle aussi très moche (le plumard rond, digne d'un lupanar, la partie de jambes en l'air aussi ridicule que déplacée dans ce contexte), bref tout cela crée une entrée en matière laborieuse, qui s'endormira par la suite dans un ronronnement provincial: ce sera assez vite oublié, tout celà!
Le décor en lui-même passe relativement bien: sorte d'hommage maladroit aux géniaux murs articulés de Peduzzi.Ici celà se veut des structures de marbre blanc, d'où se détachent aux instants cruciaux des silhouettes de colonnes.Quand au fameux trône de Titus, il ressemble à s'yméprendre à une chaise...électrique! Pour y coller Hemleb et sa costumière ?!
:twisted:

ironstyling
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Message par ironstyling » 23 juil. 2005, 13:47

merci pour ce compte rendu tres fouillé
amitiés iron

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perrine
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Message par perrine » 25 juil. 2005, 18:26

Emmanuelle,

J'ai un reproche à te faire .... de n'être pas restée jusqu'au bout pour profiter de ta plume un peu plus !!!

En allant à Aix dimanche soir pour la dernière, nous nous sommes déléctés de tes propos pimentés.
Comme les critiques avaient été mauvais envers Chereau, et que l'on te connait comme étant Mozartienne au fond des tripes, on s'est dit qu'on ne pouvait qu'avoir une bonne surprise, comme pour le Cosi.

Las ... Las .... de déception en déception (sauf pour l'air de vitellia qui sauve un peu ce carnage, mais que l'on ne peut malheureusement pas applaudir !) nous avons eu une mise en scène, une direction d'acteurs, des décors et un plateau vocal sans plus, parfois limite.

La mise en scène et la direction d'acteur aurait été bonne, le plateau aurait pu passer.. ou inversement. Or là, la seule chose à laquelle on essayait de se rattraper n'était pas satisfaisante non plus.

Plusieurs craquages, notes pas atteintes, vocalises trop aléatoires, pas d'investissement dans les rôles (voix et récitatifs) et un titus qui est tout le temps forte et pas juste font que l'oeil se tourne vers la mise en scène.
Erreur votre honneur. C'est une mise en scène de comédie que nous avons là. La clémence est une comédie .. oui oui...
Titus qui mange la feuille détenant le nom des conjurés .. arf ! je me marre...
Le feu au capitole représenté par de superbes lumières roses.. ö c'est beau ... C'est vrai ca, c'était le moment le plus joli sauf que le couché de soleil à la place de l'incendie, ca le fait moyen.
Publius lachant dans l'orchestre les menottes de sextus (oui oui, il le menotte quand il doit l'emmener voir titus), et le bruit des menottes au haut parleur qui dure bien 3 secondes en faisant cling cling recling... mort de rire...
Le choeur qui rentre à reculons sur scène au final... pfffffff
J'en passe et des meilleures. Une sorte de peplum mélangé à du cinéma muet... Bref ... cette mise en scène n'apporte rien, n'est ni novatrice ni avant gardiste, ni retro gradiste. Elle n'est ... rien.

L'oeuvre a été donnée mercredi, vendredi et dimanche ... les chanteurs étaient ils fatigués ??? c'est la seule explication qui expliquerait ce manque d'investissement de chaucun d'eux, sinon les voix sont 'justes' (enfin presque !!!)

Le seul bienfait de cette représentation, est que dans la voiture au retour, on s'est bidonnés à repenser à tous ces détails de mise en scène, et que ca nous a tenus éveillés jusqu'à la maison (ouais, ok, papa avait aussi eu le temps de roupiller pendant la représentation, ce qui lui a permis d'être frais au retour !)

PS : tu dis que Titus pardonne, lui .. mais nous, on aurait préféré que Sextus ne rate pas son coup à la fin du 1er acte !!
PS2 : encore merci Mr Chéreau (c'est pas le bon fil, oups .. pardon...)

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EdeB
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Message par EdeB » 26 juil. 2005, 08:44

perrine a écrit :Emmanuelle,

J'ai un reproche à te faire .... de n'être pas restée jusqu'au bout pour profiter de ta plume un peu plus !!!
Rétrospectivement, je le regrette presque... On a pas souvent l'occasion de se fendre la fiole comme cela... :oops:
En allant à Aix dimanche soir pour la dernière, nous nous sommes déléctés de tes propos pimentés.
Comme les critiques avaient été mauvais envers Chereau, et que l'on te connait comme étant Mozartienne au fond des tripes, on s'est dit qu'on ne pouvait qu'avoir une bonne surprise, comme pour le Cosi.
Ben.....
PS : tu dis que Titus pardonne, lui .. mais nous, on aurait préféré que Sextus ne rate pas son coup à la fin du 1er acte !!
Merci merci merci.... je n'avais pas osé l'écrire.... :lol:
PS2 : encore merci Mr Chéreau (c'est pas le bon fil, oups .. pardon...)
:D

Bises,
Emmanuelle

bajazet
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Message par bajazet » 27 juil. 2005, 18:40

La Clémence de Titus, Aix, 22 juillet


"Mon opéra de chevet", c'est ce que dit L. Hemleb de La Clémence. Après avoir vu le spectacle, ce doit être au sens où on peut trouver plus facilement le sommeil en gardant sur sa table de nuit un volume de Heidegger (anti-intellectualisme primaire, je ne recommencerai pas).

Bon. Le ratage est d'abord scénique, mais hélas aussi musical.

Commençons par la scène : le folklore attendu, avec les accessoires obligés de la modernisation (Vitellia est une poule un peu garce, Sesto un grand couillon d'ado mou, Titus "a un problème avec le pouvoir", Publius est un néo-stalinien, ou ce genre). Des oripeaux à la romaine, avec des sous-vêtements cool. Le problème, c'est que Hemleb semble n'avoir aucune idée précise, et son travail est d'une vacuité parfaite, meublé avec des gadgets (la malle de Vitellia, les menottes de Sextus, Titus mange le papier des aveux de Sextus, Annius et Sextus miment un combat de boxe pendant leur duo, on est joueur à cet âge ?) mais la direction d'acteur est littéralement nulle. Titus roule des yeux les poings sur les tempes pendant 10 minutes (il souffre), Vitellia gesticule comme une vedette du muet (mais sans charisme), bref la gestuelle pourrait être celle d'un Titus en 1940, ou du Grand Yaka dans "Titus le petit lion" (pour ceux qui connaissent).

On se rend compte en fait assez vite que, aux antipodes de ce que fait Chéreau, la mise en scène n'a pas de rapport nécessaire avec la musique. On a l'impression de voir un spectacle de théâtre sur lequel on aurait, après coup, plaqué une bande-son. L'entrée de Servilia dans le finale du I, par exemple, tombe complètement à plat.

Mais le pire, c'est l'étirement des récitatifs : 3 mots, 4 secondes de silence, 2 mots, 2 secondes de silence, etc. "Tu lo ? [comptez 4 secondes] tradisti ?" Le texte se trouve constamment troué, désarticulé : ça m'a fait penser à un Bajazet éprouvant :wink: vu au Vieux-Colombier il y a 10 ans, et qu'on aurait pu sous-titrer "Marguerite Duras a encore frappé", des silences vachement signifiants entre chaque alexandrin, ou peu s'en faut. Interminable, effet dissolvant garanti. J'ajoute que ces fantaisies ajourées sévissaient aussi parfois à l'intérieur d'un même air.


Tout cela, j'imagine, avec la complicité active du chef. Et c'est d'abord là où le bât blesse : Paul DANIEL dirige Titus avec des pincettes, ce ne sont que notes détachées, maniérismes de phrasé, zigouigouis en série, bref on n'a jamais l'impression de rentrer dans la musique, qui ne prend pas corps. Dieu sait si je ne suis pas inconditionnel d'Harnoncourt, mais là je l'ai regretté tout du long tant cette direction musicale édulcorait les couleurs et la force de la musique.

De même, le ch?ur Arnold Schoenberg en est réduit à chanter tout détaché, aucune phrase ne s'épanouit. Résultat : "Ah, grazie si rendano" tombe en morceaux et le ch?ur sur un rythme d'ouverture à la française à la fin, ridicule scéniquement, est comme pulvérisé. Lamentable.

Quant aux solistes ?

L. PISARONI (Publius) a une voix splendide, mais chante sans nuances, sans finesse, aligne les notes. Je subodore que cette option dans l'air en forme de menuet a été voulue par le régisseur.

A. BRAHIM JELLOUL (Servilia) est la grâce incarnée, quelle beauté, mais elle me semble en-deçà de ce que demande le rôle. Dans son air, "non giovera" est chanté raide, un peu dur. Si on n'a pas un minimum de tendresse et quelque chose de caressant dans cet air, est-ce la peine ? C'est une belle artiste au demeurant, mais on attend plus en l'occurrence.

C'est un peu pareil pour S. d'OUSTRAC, beau timbre, mais "Tu fosti tradito" la trouve démunie, et pas loin de la débâcle, ce qui révèle à quel point ses qualités vocales sont fragiles ? En outre, elle a un air de gavroche ahuri extrêmement lassant, mais bon ce n'est sans doute pas de sa faute.

Kr. SPICER n'a pas la voix de crapaud annoncée, mais l'aigu est difficile, la voix s'éraille presque par moments. Curieusement, il se sort bien des vocalises de "Se all'impero", mais tout cela manque d'envergure.

Kr. STOYANOVA m'a beaucoup déçu en Vitellia : vocalement c'est la plus intéressante et de très loin, belle voix chaude et longue, mais elle manque de mordant (défaut fatal), peut-être bien aussi d'imagination, le grave est terne, la présence scénique quelconque et surtout elle ne s'élève jamais à un minimum de grandeur : pauvre petite emmerdeuse, conformément aux Écritures du metteur en scène.

Alors se consolera-t-on avec Kr. JEPSON ? Elle chante impeccablement le rôle de Sextus, et tout le rôle, mais pour elle aussi la gaucherie scénique et l'inertie du visage sont éprouvantes. Et absolument aucun caractère individuel : un timbre anonyme, un style passe-muraille, une personnalité indécelable, bref un exemple de plus de la qualité américaine (sa qualité est en l'occurrence de ne pas avoir de défaut technique).

Bilan plus que pauvre, donc (production indigne du festival d'Aix, je crois) et la crainte, déjà exprimée par EdeB qu'une bonne partie du public soit ressortie en se disant que décidément La Clémence de Titus est un opéra mortellement ennuyeux.

P.S. aux deB.
Quelle est votre technique pour quitter la cour de l'Archevêché au bout de 40 minutes de spectacle ? Je me suis posé la question vu que les portes à double battant paraissaient solidement fermées pendant la représentation.

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Message par JdeB » 31 juil. 2005, 14:16

bajazet a écrit :P.S. aux deB.
Quelle est votre technique pour quitter la cour de l'Archevêché au bout de 40 minutes de spectacle ? Je me suis posé la question vu que les portes à double battant paraissaient solidement fermées pendant la représentation.
A pied. Par une issue dérobée, indiquée par une ouvreuse affolée.

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