Scarlatti - Il Primo Omicidio - Jacobs/Castellucci - ONP - 01-02/2019

Représentations
Avatar du membre
PlacidoCarrerotti
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 17209
Enregistré le : 04 mars 2003, 00:00
Contact :

Re: Scarlatti - Il Primo Omicidio - Jacobs/Castellucci - ONP - 01-02/2019

Message par PlacidoCarrerotti » 14 févr. 2019, 14:07

HELENE ADAM a écrit :
14 févr. 2019, 12:38
J'ai juste compris pour le moment que comme il s'agit du premier homicide, la notion de "crime", de culpabilité et de faute reste à établir exactement comme pour les péchés véniels d'un innocent enfant.
Diable...
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

Avatar du membre
fomalhaut
Ténor
Ténor
Messages : 985
Enregistré le : 20 mai 2005, 23:00
Localisation : Levallois-Perret

Re: Scarlatti - Il Primo Omicidio - Jacobs/Castellucci - ONP - 01-02/2019

Message par fomalhaut » 14 févr. 2019, 18:44

PlacidoCarrerotti a écrit :
14 févr. 2019, 14:07
HELENE ADAM a écrit :
14 févr. 2019, 12:38
J'ai juste compris pour le moment que comme il s'agit du premier homicide, la notion de "crime", de culpabilité et de faute reste à établir exactement comme pour les péchés véniels d'un innocent enfant.
Diable...
Se pose-t-on de telles questions après le meurtre de Pélléas ?

fomalhaut

Avatar du membre
HELENE ADAM
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 19899
Enregistré le : 26 sept. 2014, 18:27
Localisation : Paris
Contact :

Re: Scarlatti - Il Primo Omicidio - Jacobs/Castellucci - ONP - 01-02/2019

Message par HELENE ADAM » 14 févr. 2019, 22:42

Contre toute attente Castelluci m'a éblouie. Pourtant c'était mal parti en première partie. Faut dire que cet oratorio n'est pas ce qu'on fait de plus rock and roll même en baroque... :lol:
Heureusement il ne respecte pas les costumes de l'époque :oops:
CR demain.
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr

Avatar du membre
HELENE ADAM
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 19899
Enregistré le : 26 sept. 2014, 18:27
Localisation : Paris
Contact :

Re: Scarlatti - Il Primo Omicidio - Jacobs/Castellucci - ONP - 01-02/2019

Message par HELENE ADAM » 15 févr. 2019, 11:39

Soirée du 14 février
Dans son programme artistique, Stéphane Lissner avait prévu quelques entrées au répertoire d’œuvres jusque-là ignorées par la grande maison. Cet oratorio de Alessandro Scarlatti (à ne pas confondre avec son fils Domenico compositeur prolixe de fameuses sonates au clavier), m’était totalement inconnu en dehors de l’écoute d’un enregistrement et il ne me paraissait pas évident d’en faire une œuvre de scène qui capte l’attention dans une salle aussi grande que celle de l’opéra Garnier. L’oratorio aurait été donné pour la première fois à Venise en 1707, sans doute à l’occasion du Carnaval et sans doute dans un lieu privé, donc lui gardant un caractère intimiste en relation avec les petites formations vocales et orchestrales alors prévues par le compositeur.

Pour résoudre l’équation d’une œuvre non prévue ni pour être mise en scène, ni pour être donnée dans une salle de cette dimension, René Jacobs a doublé les effectifs des musiciens.
Cela modifie substantiellement l’écoute de la musique délicate et souvent contemplative de Sarlatti et m’a sans doute conduite lors de la première partie, prise sur un tempo très lent, de trouver un tantinet ennuyeux ce long exposé des « fautes » d’Adam et Eve, chantés de manière un peu monocorde par les deux artistes, sur une mise en scène très statique de Castelluci : le ciel en fond de scène, lumière claire rose ou bleue, les personnage en front de scène, quelques mouvements en ombres chinoises et un beau retable de Simone Martini (peinture or, rouge et bleue sur bois) qui descend des cintres à l’envers. Le recueillement et la contemplation sont volontaires mais un léger ennui s’installe lors de ces cinquante premières minutes. Pourtant c’est esthétiquement très beau, l’orchestre brille de mille feux (un peu trop sans doute, écrasant quelque peu la beauté des voix), mais l’oratorio lui-même comme le veut le genre, répète à l’infini les mêmes phrases à la manière d’une psalmodie.
Long récitatif puis longue aria de Adam (Mi balena ancor sul ciglio), idem pour Eve (Caro sposo, prole amata) suivies du même exercice pour le pasteur Abel (Dalla mandra un puro agnello) et le cultivateur Cain (Della Terra i frutti primi.). René Jacobs a choisi des voix particulièrement éclatante dans le medium (l’oratorio comporte peu d’aigus) qui passent très bien la rampe à Garnier et déploient un joli chant lui aussi un peu « psalmodiant » auquel on s’habitue progressivement pour le trouver très touchant finalement. On est assez loin des virtuoses que l’on entend souvent aujourd’hui dans le baroque (voir les compte-rendus des deux derniers opéras de Haendel donnés au TCE, Serse et Rodelinda).

Image

Castelluci qui réalise la scénographie, les décors, les lumières crée donc une atmosphère très religieuse pour cette première partie, sans trahir d’ailleurs l’esprit de l’œuvre de Sarlatti qui « campe » la situation de ces premiers temps : Dieu est en colère, Adam et Eve sont punis, chassés du paradis (et prennent conscience de leur nudité), ils cherchent tous les moyens pour se faire pardonner. Mais la colère de Dieu est impitoyable. Les symboles sont légions :le sacrifice de son troupeau par Abel et la poche de sang accrochée au retable avant qu’il ne remonte vers Dieu, les fumigènes des holocaustes réalisés par les frères pour que la fumée puisse monter vers Dieu avec Lucifer éteignant celui de Cain et favorisant Abel, etc. (sur l’air de la « voix » de Dieu « L'olocausto del tu Abelle ». J’en ai oublié c’est un vrai jeu de pistes.
A l’entracte je ne suis pas très convaincue malgré l’incontestable esthétisme de la représentation, je ne suis pas loin de penser que l’oratorio de Scarlatti est une œuvre à écouter chez soi sans aucune tension dramatique nécessaire à la réalisation d’une mise en scène.
Mais, après l’entracte, changement de décor, d’atmosphère et de rythme (et ajout de bruitages impressionnants de tonnerre et de roulements de tambour).
Le décor sort des vapeurs célestes pour devenir terrestre (comme l’oratorio d’ailleurs) : plage, pierres, herbes de dunes et ciel étoilé. C’est superbe. On retrouve pour ceux qui s’en souviennent les renversements de décor de Moise et Aaron.
Musicalement c’est aussi la plus belle partie à mon sens : les échanges entre les frères qui vont aboutir au crime, le premier homicide de l’humanité naissante. Ils se cherchent, s’enlacent, se jalousent, s’aiment et se haïssent. C’est magnifiquement chanté et chorégraphié (Perché mormora il ruscello et Ti risponde il ruscelletto puis Cain dov'è il fratello? Abel dov'è?). On mesure alors l’harmonie vocale des choix faits par Scarlatti dans la tessiture de ses interprètes et l’ensemble est vraiment splendide.
Castelluci en donne une lecture à la fois romantique et fataliste : Cain doit accomplir son dessein (c’est dans le livret), il doit tuer Abel.
Et là se situe juste avant le « crime » le fameux renversement voulu par Castelluci : ce « crime » est le premier. Qui sait ce qu’est un crime ? Pourquoi les desseins de Dieu sont-ils aussi cruels ? Quelle est la part du mal dans le dessein divin, quelle est la place du « malin » dans la destinée de l’humanité ? Telles sont les interrogations de l’oratorio que le metteur en scène va traduire en remplaçant les adultes par des enfants qui montent sur le plateau (tandis que les chanteurs chantent depuis la fosse mais surélevés ou dans la loge côté jardin au deuxième niveau). Le crime comme un jeu innocent d’enfant « tu serais mort et je t’aurais tué ». Les enfants (très doués) miment alors non seulement les gestes (la lapidation de Abel par Cain) mais aussi le chant (avec beaucoup de talent, on peut presque imaginer qu’ils chantent vraiment). D’autres camarades de jeux les rejoignent, des enfants qui représentent Adam, Eve, Lucifer, Dieu (petit ange blond…). Cain, chassé, condamné à ne pas mourir pour vivre dans la culpabilité éternelle se construit un mur des pierres qui lui ont servi à lapider son frère. Abel ensanglanté, presque une figure christique d’enfant, est enseveli avec les honneurs d’une cérémonie succincte. Cain, enfin, est couronné puisque, on le sait, il sera le père des descendances futures de l’humanité née du premier meurtrier.

Image

Tout cela fonctionne très bien et cette deuxième partie est incroyablement émouvante et tragique : la fin de l’innocence de l’humanité dans ces jeux cruels d’enfants qui redeviendront des adultes lors de l’ultime final.
J’ai beaucoup aimé tous les chanteurs : le contraste entre le Cain de Kristina Hammarström, sombre et tourmenté et le Abel d’Olivia Vermeulen à l’ingénuité volontairement agaçante du frère « préféré », la sobriété soumise de l’Eve de Birgitte Christensen, la beauté vocale très « mâle » de l’Adam de Thomas Walker, l’impressionnante Voix de Dieu du contre-ténor Benno Schachtner où l’on perçoit fort peu d’empathie pour le genre humain qu’il a créé et enfin la belle « Voix de Lucifer » de la basse Robert Gleadow.
La soirée a été très chaleureusement applaudie. L’orchestre est d’ailleurs monté sur la scène.

Hélène Adam
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr

Répondre