Charpentier/Rameau-Actéon/Pygmalion-Fallis/Pynkoski-Versailles - 11&12/2018

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pingpangpong
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Charpentier/Rameau-Actéon/Pygmalion-Fallis/Pynkoski-Versailles - 11&12/2018

Message par pingpangpong » 03 déc. 2018, 18:32

Actéon, pastorale en musique, en six scènes. Musique de Marc Antoine Charpentier, livret anonyme. Créé en 1684.
Pygmalion, acte de ballet, musique de Jean-Philippe Rameau, livret de Ballot de Sauvot. Créé le 27 août 1748 à l'Académie royale de musique de Paris.

Distribution
Colin Ainsworth Actéon, Pygmalion
Mireille Asselin Diane, Amour
Meghan Lindsay Aréthuze, Chasseuse, Galatée
Allyson McHardy Junon, Hyale, Céphise
Jesse Blumberg Chasseur
Christopher Enns Chasseur
Anna Sharpe Chasseuse, Nymphe
Cynthia Smithers Nymphe

Tafelmusik Baroque Orchestra (Direction Elisa Citterio)
David Fallis Direction
Chœur Marguerite Louise
Gaétan Jarry Direction
Marshall Pynkoski Mise en scène
Jeannette Lajeunesse Zingg Chorégraphie
Gerard Gauci Décors
Michelle Ramsay Lumières
Michael Legouffe Costumes
Artistes de l’Atelier Ballet


Venant s'ajouter à Persée et Armide de Lully, ainsi qu'à Médée de Charpentier, donnés à Versailles ces dernières années par la même troupe, les deux œuvres de ce spectacle sont présentées par l'Atelier Opéra de Toronto.
Elles ont en commun de puiser leurs sujets dans les Métamorphoses d'Ovide : celle d'Actéon en cerf, dévoré par ses chiens, puni d'avoir osé porter le regard sur Diane au bain ; celle de Galathée prenant vie sous les yeux énamourés de son créateur Pygmalion, lequel délaisse alors la belle Céphise.
Alors que le second, avec son action réduite à l'extrême, est prétexte à un pur divertissement autant chanté que dansé, le premier de ces actes de ballet présente une action dramatique en continu dans laquelle la danse est intégrée avec naturel.
Actéon © Bruce Zinger(21).JPG
Actéon © Bruce Zinger(21).JPG (181.23 Kio) Vu 1207 fois
Actéon est plus “de chasse“ que “pastoral“, prenant un ton de tragédie dès que le héros, roulant les mécaniques l'instant d'avant, sûr de se rincer l'œil à peu de frais, se fait surprendre par Diane et ses compagnes. L'allégresse fait alors place au tragique. Ses accents plaintifs lorsque, se mirant dans l'eau, Actéon s'aperçoit de sa transformation, n'annoncent rien de bon. Et si un danseur bondissant nous le montre en cerf affolé avant que l'annonce de sa mort, qui a eu lieu hors de la scène comme cela se faisait dans la tragédie antique, ne nous soit rapportée par l'implacable Junon, ce n'est pas pour mener à d'aimables rigaudons et autres gavottes mais bien à un chœur de lamentations, celui des compagnons de chasse d'Actéon déplorant ce sort cruel. Dès l'ouverture d'ailleurs, les aboiements de la meute - dont celui, sonore, lancé par David Fallis, le chef d'orchestre - n'annoncent-ils pas l'issue fatale de cette partie de chasse à laquelle Charpentier donne tous les accents et couleurs que l'on peut attendre, les bassons et hautbois ayant fort à faire, et le faisant fort bien.
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Actéon © Bruce Zinger(17).JPG (207.35 Kio) Vu 1207 fois
Dans Pygmalion, le magicien Rameau nous subjugue par son inventivité, sa science des coloris et la fluidité d'une musique magnifiant tant l'art lyrique que chorégraphique. Et peu importe que l'action se réduise aux lamentations du sculpteur, aux récriminations de son amante, puis à l'intervention d'Eros donnant vie à la statue. Le reste de l'acte est consacré à des divertissements glorifiant les pouvoirs de l'amour, suite d'airs gracieux ou gay, sarabandes et pantomimes, dont l'une est qualifiée de “niaise et un peu lente“!
A noter que, tout comme l'œuvre de Charpentier était précédée du prélude H514, l'acte de ballet de Rameau est introduit par un prologue poétique où le violoniste Edwin Huizinga quitte son rang d'orchestre pour jouer sur la scène nue avant que le décor ne se mette en place à vue, sa propre composition, Inception, inspirée de Bach, tandis qu'un ange aux ailes rouges évolue autour de lui dans une gracieuse chorégraphie de et par Tyler Gledhill.

Pour l'aspect visuel, les artistes canadiens, qu'ils soient chorégraphe, metteur en scène, décorateur ou costumiers, ont opté, comme à leur habitude, pour une mise à distance évitant la reconstitution d'époque stricto sensu. Les costumes, la chorégraphie, comme les décors de toiles peintes, ont ainsi un côté décalé qui manque de naturel et paraît franchement daté, particulièrement dans l'atelier de Pygmalion, suspendu dans les nuées, rappelant les travaux de Georges Wakévitch.
La direction d'acteurs de Marshall Pynkoski nous fait également faire un bond de quelques décennies en arrière, avec ces poses mains sur le cœur et le front, bras et jambes écartés, pour dire tout à tour la détresse, l'amour ou la joie. Il est assez drôle de revoir se replacer exactement au même endroit le ténor dès qu'il s'agit de se lamenter.
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Pygmalion © Bruce Zinger JPG.JPG (237.68 Kio) Vu 1207 fois
Colin Ainsworth, à l'allure de jeune premier, est un ténor séduisant, dont la voix au souffle long est un régal de clarté, d'expressivité, faisant merveille, après un petit temps de chauffe, dans “Agréable vallon, paisible solitude“ d'Actéon, gagnant en chaleur, en générosité et en projection au fil de la soirée, terminant sous les acclamations du public en Pygmalion. Il faut dire que son air “Règne Amour, lance tes traits dans nos âmes“, mettant en valeur une tessiture et des vocalises impeccables, chanté à l'avant-scène bras ouverts face au public a de quoi conquérir les cœurs les plus arides. Et lorsqu'un feu d'artifice de cotillons et de confettis éclate au-dessus des spectateurs, que le bleu du ciel moutonnant laisse place à un énorme cœur flamboyant, le succès est complet.

Mireille Asselin, avec une puissance insuffisante, est un Amour de bon aloi, et une Diane mutine qui jette son gant avec désinvolture, imitée par ses nymphes, en un strip-tease tout ce qu'il y a de plus suggestif.
L'Aréthuse tout comme la Galathée de Meghan Lindsay, n'offrent pas la même séduction de timbre, mais la puissance et la musicalité compensent.
En Junon et Céphise, Allyson MacHardy fait valoir un mezzo aux couleurs automnales charnues, donnant à ses personnages un caractère autoritaire bienvenu.
Le Chœur Marguerite Louise, réactif et homogène, placé en corbeille contribue à la réussite musicale de la soirée au même titre que le goûteux Tafelmusik Baroque Orchestra dirigé par un chef plein d'allant, le torontois David Fallis, .

E.Gibert
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard

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