Louati/Perconte- Faust d'après Berlioz- Rouen- 11/2108

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pingpangpong
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Louati/Perconte- Faust d'après Berlioz- Rouen- 11/2108

Message par pingpangpong » 16 nov. 2018, 19:00

Faust, opéra-vidéo
D’après La Damnation de Faust d’Hector Berlioz
Création originale de Jacques Perconte et Othman Louati
Livret d’Hector Berlioz - Création au centre des Arts d’Enghien
le 15 décembre 2017
Direction musicale Fiona Monbet
Mise en scène et création vidéo Jacques Perconte
Création son Baptiste Chouquet, Mickaël Tainturier
Lumières Philippe Gladieux et Nolwenn Delcamp-Risse
Faust Jérôme Billy
Marguerite Albane Carrère
Méphistophélès Romain Dayez
Ensemble Miroirs Étendus
Coproduction Miroirs Étendus, Opéra de Rouen Normandie, Le Phénix – scène nationale de Valenciennes, Centre des arts d’Enghien-les-Bains, Le Cube – Centre de création numérique d’Issy-les-Moulineaux


Si tout le monde s'accorde à dire que la Damnation de Faust est mal ficelée, avec ces personnages qui ont bien du mal à interagir et cette action éparpillée qui nous mène des plaines de Hongrie au bureau du docteur Faust, puis dans un cabaret de Leipzig, en passant par les bords de l'Elbe, l'intérieur d'une église, la maison de Marguerite, un défilé montagneux, sans compter les nuées célestes et les Enfers, il faut rappeler que cette “Légende dramatique“ n'était pas destinée à la scène, et que ce n'est qu'en 1893 que Raoul Gunsbourg décida de la mettre en scène pour l'opéra de Monte-Carlo, soit quarante-six ans après sa création à Paris. Hector Berlioz, lui, était mort en 1869.

Aussi, cinq ans après l'efficace production de F.Roels à l'opéra de Rouen, pouvait paraître pertinente l'idée de créer un spectacle brassant les technologies actuelles du son et de l'image afin de donner un autre souffle à une œuvre qui n'en manque pas. Et c'est bien là le hic ! Si souffle il y a, c'est bien parce que Berlioz a utilisé les ressources musicales d'un véritable opéra, romantique de surcroît, où chœurs et orchestre se voient attribuée une place égale aux trois solistes.
Or, dans cette création, qui prétend “extraire le suc de l'orchestre initial“ et plonger le spectateur “dans les images et la musique pour une expérience quasi extatique“, point de chœurs, si ce n'est enregistrés et insérés comme des virgules musicales au sein d'un ensemble orchestral classique de dix musiciens dont un pianiste. D'une console électronique, le percusionniste (vraisemblablement le compositeur Othman Louati lui-même) produit et mixe des sons d'où émergent des échos de la partition, mais aussi divers bruitages. Surgissent ainsi, dans un ordre qui n'a rien, on s'en doute, d'aléatoire car tout ceci semble très travaillé, des réminiscences de Tristan de Wagner ou des quatre saisons de Vivaldi, du menuet des follets traité à la manière de Max Richter, etc.

Visuellement, la création de Jacques Perconte, où la palette graphique s'en donne à cœur joie, propose sans s'imposer vraiment si ce n'est par des saturations de couleurs, rendant abstraites des images de la nature (mer agitée, rivières, hautes montagnes enneigées, verdure, lac, cosmos....), où des oiseaux passent et repassent, des essais nucléaires mururoesques s'invitant dans les plaines de Hongrie. Les mots projetés sur écran, Alcool, Matière ou Lumière, ne suffisent pas à masquer une direction d'acteurs minimaliste.

Côté orchestre, la partition originale s'en sort plutôt bien, essentiellement lors des scènes intimes, solitude de Faust, duo Faust/Marguerite, airs séparés en général. Mais l'ampleur d'un grand orchestre fait défaut plus d'une fois, surtout lorsqu'on a dans l'oreille l'orchestration fouillée de Berlioz. Ainsi, La Marche hongroise, ici avec son piano en compétition avec cordes et bois, donne-t-elle l'impression de sortir tout droit du Carnaval des animaux de Saint-Saëns, et “Merci doux crépuscule“, avec accompagnement de xylophone, dériver de la danse macabre du même.
Les voix pourraient bénéficier de cet allègement orchestral, voire se passer des micros dont ils sont, comme les instrumentistes, affublés, sonorisation très désagréable au demeurant. Or, en ce qui concerne les hommes, cela ne suffit pas, la justesse et les tessitures étant mises à mal aussi bien chez Romain Dayez, avare de graves, fâché avec la justesse dans une chanson de la puce plaquée artificiellement, seul morceau rescapé de la taverne d'Auerbach (scène intitulée ici “Alcool“) que dans les airs de Faust, que Jérôme Billy, ténor trop léger pour ce rôle, a tendance à prendre par en-dessous et à détimbrer dans des aigus prudents.
Heureusement, merveilleuse Suzuki à Rouen même en début de saison, Marion Lebègue, dont la sonorisation,, semble avoir été moindre que celle de ses partenaires. Il faut dire que sa voix, en terme d'amplitude mais aussi de musicalité, n'a rien à craindre qui semble même bien à l'étroit sur la scène de ce théâtre de la Foudre du Petit-Quevilly qui accueille ce spectacle hors les murs. On peut dire que son air, D'amour l'ardente flamme, est le moment le plus remarquable de la soirée, le seul hélas puisque l'œuvre s'arrête de manière totalement imprévisible après qu'elle ait chanté “Que l'air est étouffant“ précédant sa chanson gothique; ensuite de quoi elle se couche, Méphisto apparaît côté cour et....c'est tout !
Ce qui n'a pas aidé le public à manifester son enthousiasme.

E.Gibert
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard

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