Verdi - Simon Boccanegra - Luisi/Bieito - ONP - 11-12/2018

Représentations
VivaLaMamma
Soprano
Soprano
Messages : 94
Enregistré le : 14 nov. 2018, 11:37

Re: Verdi- Simon Boccanegra- Luisi / Bieito- ONP- 11 & 12/2018

Message par VivaLaMamma » 14 nov. 2018, 12:19

Forcément, il se trouvera toujours un thuriféraire pour défendre le travail de M. Bieito.
J'avais adoré (presque) sans réserve sa Carmen, force est de constater qu'avec Boccanegra, nous ne sommes plus sur les mêmes cimes.
L'inspiration fait visiblement défaut et l'on s'ennuie ferme.
Une fois passée la surprise de découvrir le décor (unique) constitué d'un grande coque de bateau en coupe, avec un étage et équipée de caméras dont les images sont projetés sur grand écran en fond de scène (la nouvelle marotte des metteurs en scène "dans le coup" visiblement - cf Don Carlos par Warli, Rigoletto de Guth...), il ne se passe rien ou presque.
Ce bateau ne cesse de tourner durant tout l'ouvrage, un procédé lassant à la longue.
Les chanteurs sont la plupart du temps laissés à l'abandon sur ce grand plateau vide : Mika Kares et Nicola Alaimo grimacent comme des méchants de films muets, Maria Agresta est très empruntée et son jeu sonne terriblement faux, Francesco Demuro nous sert tous les poncifs scéniques du ténor. Seul Ludovic Tézier, malgré sa raideur scénique habituelle, parvient à nous émouvoir un tant soi peu.
Parmi les "trouvailles" :
- on comprend que Fiesco assassine sa fille pour l'avoir déshonoré (étouffée dans un sac, ce qui nous vaut de ravissants bruits de plastique froissé tout le long du sublime "Il lacerato spirito") ; le fantôme de Maria, battue et échevelée, repliera consciencieusement le sac plastique ayant servi à son assassinat (pendant un long moment de silence cette fois) et errera pendant une bonne partie de l'opéra, parfois seins nus. Elle ne semble visible que par Simon (qui la rejoint une fois mort) et parfois Amelia.
- Paolo traîne avec lui un seau en métal, dans lequel il plonge un mouchoir pour s'éponger. Il est aussi équipé d'une ventoline qu'il utilise fréquemment. Le seau, où a été versé le poison et laissé à l'avant-scène, servira à Simon pour se désaltérer.
- Simon semble atteint de Parkinson après avoir bu le poison (il reste à l'avant-scène avec des tremblements incontrôlables dans la main gauche). Fiesco, qui le soutient pendant toute son agonie, lui essuie le visage et la bouche (aurait-il bavé ?) avant qu'il ne meurt.
- les personnages font constamment l'inverse de ce qu'ils disent : lors de leur duo, Simon et Amelia répètent "M'abbraccia, o figlia mia" et "Stringi al sen Maria che t'ama", ils ne se touchent ni même se regardent. Idem lors des duos entre Amelia et Gabriele...
- la vidéo projetée durant l'entracte citée plus haut par PBdLB.

Bien évidemment, tout ce petit monde est en costume/cravate, les femmes et les chœurs habillés de façon hideuse dans un style pseudo-70s (ah ce ravissant trench en skaï camel porté par Amelia !).

Musicalement, la soirée est menée superbement par Fabio Luisi, à la tête d'un orchestre en grand forme et scrupuleux, parvenant à créer de superbes ambiances, qui manquent cruellement sur scène. Les chœur sont excellents.
Le plateau est dominé par un Ludovic Tézier impérial. Après un Rodrigue exceptionnel l'an passé, il livre un Boccanegra absolument magistral. Ce rôle écrasant est assumé de bout en bout, des plus infimes nuances aux éclats puissants de la scène du conseil. Malgré la vacuité de la mise en scène, le chanteur parvient à dessiner un portrait émouvant du doge, tiraillé entre devoir et amour, marqué par la perte de l'être aimé et confronté malgré lui aux querelles de clans et à la colère du peuple. Le baryton est aujourd'hui au sommet de ses moyens et on rêve de l'entendre dans tout le répertoire verdien tant sa maîtrise laisse ébloui (Foscari, Nabucco, Macbeth, Iago, Miller...).
Mika Kares est un Fiesco solide et hiératique, dont la haute silhouette en impose. C'est vocalement superbe, le sublime duo avec Simon étant l'un des grands moments de la soirée.
Nicola Alaimo, malgré un jeu souvent outré, dessine un Paolo veule et noir à souhait, absolument parfait dans ce rôle de traitre revanchard.
Maria Agresta s'est montré assez inégale durant la soirée. Après un ravissant air d'entrée, elle alterne de très belles envolées lyriques et des nuances diaphanes, avec des passages beaucoup moins maîtrisés (notamment une tentative de trille raté à la fin du grand ensemble "Piango su voi") et de vilaines sonorités dans le bas de la tessiture.
Francesco Demuro est en revanche assez constamment mauvais : coups de glotte à foison, voix poussée et raide, souvent fâché avec la justesse (qui gâche notamment le magnifique trio "Perdono, Amelia" au 2e acte) et avec un timbre qui me déplaît fortement (je n'arrive pas vraiment à l'expliquer mais je pense que c'est à cause d'une technique très "mixée" qui donne un son assez désagréable).

Salle froide durant la soirée mais enthousiaste aux saluts, avec triomphe mérité pour Tézier et quelques huées pour Bieito (seconde fois que j'entends des huées à une avant-première jeunes, après La Bohème cosmique de Guth).

paco
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 12894
Enregistré le : 23 mars 2006, 00:00

Re: Verdi- Simon Boccanegra- Luisi / Bieito- ONP- 11 & 12/2018

Message par paco » 14 nov. 2018, 14:04

VivaLaMamma a écrit :
14 nov. 2018, 12:44
Fabio Luisi,
Voilà un chef dont on parle peu mais qui ferait un successeur de Jordan tout à fait estimable. Je l'ai entendu plusieurs fois à Gênes, il est notamment un Mahlerien remarquable et réussit plutôt bien Verdi.

MezzoPower
Alto
Alto
Messages : 335
Enregistré le : 03 oct. 2011, 23:00
Contact :

Re: Verdi- Simon Boccanegra- Luisi / Bieito- ONP- 11 & 12/2018

Message par MezzoPower » 14 nov. 2018, 14:07

David-Opera a écrit :
14 nov. 2018, 11:18
Ce n'est pas du tout ce qui est montré sur scène, mais il faut savoir lire un langage théâtral bien évidemment.
Si la majorité ne le voit pas (majorité pour l'instant hypothétique sur cette production), que faut-il en conclure ?
Que la MES a été faite pour des gens supérieurement intelligents, et/ou sachant lire supérieurement un langage théâtral ?

Si l'intention du MES, aussi louable soit-elle, n'arrive pas jusqu'au ressenti des spectateurs, ce ne sont pas les spectateurs qui en sont blâmables.

veniziano
Ténor
Ténor
Messages : 658
Enregistré le : 29 août 2007, 23:00

Re: Verdi- Simon Boccanegra- Luisi / Bieito- ONP- 11 & 12/2018

Message par veniziano » 14 nov. 2018, 14:07

He ben ça promet pour la Première Jeudi.

Avatar du membre
David-Opera
Basse
Basse
Messages : 7823
Enregistré le : 06 févr. 2004, 00:00
Localisation : Boulogne Billancourt
Contact :

Re: Verdi- Simon Boccanegra- Luisi / Bieito- ONP- 11 & 12/2018

Message par David-Opera » 14 nov. 2018, 14:12

MezzoPower a écrit :
14 nov. 2018, 14:07
Si l'intention du MES, aussi louable soit-elle, n'arrive pas jusqu'au ressenti des spectateurs, ce ne sont pas les spectateurs qui en sont blâmables.
Tout à fait d'accord, car chaque spectateur fait avec ses moyens. Mais le metteur en scène fait lui aussi avec ses moyens et n'est donc pas blâmable pour autant.
http://fomalhaut.over-blog.org/
"Le problème à l'opéra, c'est son public." Patrice Chéreau.

Avatar du membre
Bernard C
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 12735
Enregistré le : 04 mai 2011, 23:00

Re: Verdi- Simon Boccanegra- Luisi / Bieito- ONP- 11 & 12/2018

Message par Bernard C » 14 nov. 2018, 14:16

paco a écrit :
14 nov. 2018, 14:04
VivaLaMamma a écrit :
14 nov. 2018, 12:44
Fabio Luisi,
Voilà un chef dont on parle peu mais qui ferait un successeur de Jordan tout à fait estimable. Je l'ai entendu plusieurs fois à Gênes, il est notamment un Mahlerien remarquable et réussit plutôt bien Verdi.
Luisi méconnu ? :cry:

Bernard
Sunt lacrymae rerum et mentem mortalia tangunt Énéide I v

veniziano
Ténor
Ténor
Messages : 658
Enregistré le : 29 août 2007, 23:00

Re: Verdi- Simon Boccanegra- Luisi / Bieito- ONP- 11 & 12/2018

Message par veniziano » 14 nov. 2018, 14:18

Tout à fait d'accord avec toi ,MezzoPower , si c'est illisible pour la majorité des spectateurs qui veulent voir du spectacle et entendre la musique et des voix, c est raté,il y en assez de ce terrorisme imposé par ces metteurs en scène qui pratiquent la branlette intello , se font plaisirs et n'en ont rien à faire de la majorités des spectateurs , dailleurs ils se font sifflés mais c'est pas grave , ils reviennent quand même et les responsables en premier lieu ce sont les Directeurs .

Avatar du membre
David-Opera
Basse
Basse
Messages : 7823
Enregistré le : 06 févr. 2004, 00:00
Localisation : Boulogne Billancourt
Contact :

Re: Verdi- Simon Boccanegra- Luisi / Bieito- ONP- 11 & 12/2018

Message par David-Opera » 14 nov. 2018, 14:23

veniziano a écrit :
14 nov. 2018, 14:18
, si c'est illisible pour la majorité des spectateurs qui veulent voir du spectacle et entendre la musique et des voix ...
S'il était illisible pour la majorité des spectateurs (c'est à dire par plus de 1373 personnes chaque soir dans la salle Bastille), cela se saurait et il n'aurait pas la carrière qu'il a.
Mais j'ai bien compris qu'il existe des cas de spectateurs qui prennent leur petit nombril pour celui de la majorité.

Rien que cette saison, Calixto Bieito est invité à Dresde, Bastille (2 fois), Leipzig, Mannheim, Hambourg, Munich, Theater an der Wien, Gand, Florence et Stuttgart.
http://fomalhaut.over-blog.org/
"Le problème à l'opéra, c'est son public." Patrice Chéreau.

Avatar du membre
Bernard C
Hall of Fame
Hall of Fame
Messages : 12735
Enregistré le : 04 mai 2011, 23:00

Re: Verdi- Simon Boccanegra- Luisi / Bieito- ONP- 11 & 12/2018

Message par Bernard C » 14 nov. 2018, 14:29

David-Opera a écrit :
14 nov. 2018, 14:23
veniziano a écrit :
14 nov. 2018, 14:18
, si c'est illisible pour la majorité des spectateurs qui veulent voir du spectacle et entendre la musique et des voix ...
S'il était illisible pour la majorité des spectateurs (c'est à dire par plus de 1373 personnes chaque soir dans la salle Bastille), cela se saurait et il n'aurait pas la carrière qu'il a.
Mais j'ai bien compris qu'il existe des cas de spectateurs qui prennent leur petit nombril pour celui de la majorité.

Rien que cette saison, Calixto Bieito est invité à Dresde, Bastille (2 fois), Leipzig, Mannheim, Hambourg, Munich, Theater an der Wien, Gand, Florence et Stuttgart.
Oui la mode allemande , c'est ça...
On va subir ça combien de temps encore.

Moi , contribuable français ( je sais ça fait très poujadisme ) je suis contraint à ne plus pouvoir profiter de la principale scène nationale avec ces conneries .


Bernard
Sunt lacrymae rerum et mentem mortalia tangunt Énéide I v

Avatar du membre
David-Opera
Basse
Basse
Messages : 7823
Enregistré le : 06 févr. 2004, 00:00
Localisation : Boulogne Billancourt
Contact :

Re: Verdi- Simon Boccanegra- Luisi / Bieito- ONP- 11 & 12/2018

Message par David-Opera » 14 nov. 2018, 14:38

Bernard C a écrit :
14 nov. 2018, 14:29
Moi , contribuable français ( je sais ça fait très poujadisme ) je suis contraint à ne plus pouvoir profiter de la principale scène nationale avec ces conneries .
Pauvre Bernard, malheureux contribuable français, qui ne profite plus de l'ONP, et en est contraint à se rabattre sur le MET, alors que chaque année 98% des contribuables français ne profitent pas une seule fois de l'ONP. :wink:
http://fomalhaut.over-blog.org/
"Le problème à l'opéra, c'est son public." Patrice Chéreau.

Répondre