Debussy- Pelléas et Mélisande- Opéra-Comique - 23/10/2018

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Debussy- Pelléas et Mélisande- Opéra-Comique - 23/10/2018

Message par HELENE ADAM » 22 oct. 2018, 06:31

Pelleas et Mélisande

"Drame lyrique"
De Claude Debussy
Livret de Maurice Maeterlinck
Création le 30 avril 1902 à l'Opéra-Comique, Paris


Version concert, salle Favart, le mardi 23 octobre 2018.


Distribution
Pelléas Jean-Christophe Lanièce
Mélisande Amaya Dominguez
Golaud Stéphane Degout
Geneviève Majdouline Zerari
Yniold Chanteur de la Maîtrise Populaire de l'Opéra Comique
Arkel Thomas Dear
Médecin Nathanaël Tavernier

Piano Martin Surot


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La version piano proposée ce soir à l’opéra comique, est la version originale en quelque sorte, composée par Claude Debussy entre 1893 et 1895.
C’est en 1902 qu’il orchestrera sa partition pour faire de cette œuvre inoubliable, l’opéra sous la forme où il est généralement présenté. La Première s’était déroulée le 30 avril 1902... salle Favart à l’opéra comique.

C’est donc toujours avec une certaine émotion que l’on retrouve cette histoire d’eau, de château mystérieux, de bague perdue, de forêts sombres, de grottes profondes, d’amour et de haine, de joie et de drame, dans la salle qui l’a vue naitre.
Pelléas et Mélisande est un long poème, un drame symboliste de Maurice de Maeterlinck, à plusieurs voix, enroulé dans une musique hypnotique de Debussy, qui épouse chaque note chantée et vous emmène au pays mystérieux d’Allemonde où règne le roi Arkel. Ni époque précise, ni lieu autre qu’imaginaire, pourtant le réel s’invite par incursions discrètes tels ces trois mendiants réfugiés près de la grotte parce qu’on meurt de faim dans le vaste monde, ou telles ces servantes invisibles qui affluent à la mort de Mélisande alors que personne ne leur a demandé de venir, ou ce médecin, ce berger, ces moutons qui apparaissent un court temps comme des flashes dans les fantasmes d’un imaginaire poétique.
Les thèmes "symboles" reviennent sans cesse s’enroulant, se déroulant dans les paroles, dans la musique : la peur d’abord, celle de Mélisande, celle de Golaud, celle de Pelléas. L’obscurité ensuite, celle de la forêt où Golaud chasse et découvre Mélisande apeurée, celle du château d’où on ne voit pas le ciel, celle de la grotte dont Pelléas illumine les parois, celle des souterrains où Golaud conduit son frère. L’eau aussi, celle où Mélisande menace de se jeter si Golaud la touche, celle de la mer où elle perd son anneau, celle des larmes qu’Yniold ne comprend pas. La longue chevelure de Mélisande, plus longue que ses bras, ses toutes petites mains et sa robe déchirée, son amour fou pour Pelléas, l’enfance dont elle ne sortira que pour mourir…

C’est un opéra envoûtant dont on ne sort jamais indemne même après l’avoir vu des dizaines de fois. Même en simple version concert comme ce soir à l’Opéra Comique accompagné d’un piano sans les richesses de l’orchestre, sans les couleurs des instruments, avec juste les voix et le ruban des touches jouant les jeux d’eau et les cavalcades de l’amour ou de la mort.

C’est évidemment déconcertant au début et lors de quelques moments-clés, mais l’interprétation de Martin Surot, également chef de chant de la formation, est suffisamment colorée, animée et contrastée pour qu'on adopte assez vite cet original inédit à mes oreilles.
L’avantage en retour, c’est de ne rien perdre, pas une miette, pas un mot, pas une syllabe, pas un « e » muet élégamment suggéré, de ce « chant parlé » qui compose les longs dialogues-monologues de l’opéra.

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Ajoutons aussitôt que nos artistes, pourtant tous novices dans leurs rôles, nous donnaient ce soir une leçon de diction, de beau français, si impeccable que tout sous-titre aurait été superflu.

Le double choix d’une concertante et d’un simple piano, permet mieux que jamais de se concentrer sur le chant et, si nécessaire, de découvrir encore et toujours la poésie de l’œuvre autant que la puissance de sa trame dramatique.

En Golaud pour la première fois de sa carrière, alors qu’il fut si souvent Pelléas, Stéphane Degout a l’autorité des anciens sur le plateau de jeunes pousses et il donne une interprétation fascinante du mari maudit, assassin et victime, qui aimait tant Mélisande sans savoir la garder. Chant et voix magnifique, émouvante, sans cesse sur le fil du drame, jouant son rôle uniquement au travers des couleurs de son « chant », il emporte l’adhésion immédiate et entraine tout le monde dans son sillage. On comprend sa peine, sa jalousie, son envie, son impuissance et sa colère fatale.
A l’inverse le baryton Jean-Christophe Lanièce, a la voix jeune et claire d’un Pelléas presque immature, rêveur et amoureux, romantique et inconscient, regardant son frère souffrir sans pouvoir renoncer à sa passion. La voix est sûre dans le difficile exercice et on retient le nom, la silhouette, la voix et le talent de ce baryton « léger » que j’avais déjà remarqué en ces lieux, dans le rôle de Marcel, pour la « Bohème, notre jeunesse », l’adaptation de l’opéra de Puccini, donnée l’an dernier salle Favart.
Amaya Dominguez est une Mélisande encore plus « verte », à la voix un peu acide mais d’une grande profondeur d’expression, qui vit dans son monde de crainte et de douleur, éclairé par l’amour de Pelléas avant de s’éteindre tristement.
La Geneviève de Majdouline Zerari a la bonté rassurante de la mère qui a connu, elle aussi, la peur qu’éprouve Mélisande en arrivant sur cette terre d’hommes dans les longs couloirs sombres du château, belle voix, belle prestance.
L’Arkel de Thomas Dear est une superbe basse, généreuse et émouvante dont le final est inoubliable. Et sa fameuse sentence « Si j'étais Dieu j'aurais pitié du cœur des hommes », sonne comme une lourde cloche de bronze dans le petit univers de Favart où il parait presque surdimensionné (et d’autant plus impressionnant).
C’est un jeune chanteur de la Maîtrise Populaire de l'Opéra Comique qui incarne de manière très crédible le petit Yniold.
Enfin le médecin est brillamment incarné par un Nathanaël Tavernier à la voix nette et brillante.

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« J'ai voulu que l'action ne s'arrêtât jamais, qu'elle fût continue, ininterrompue. La mélodie est anti-lyrique. Elle est impuissante à traduire la mobilité des âmes et de la vie. Je n'ai jamais consenti à ce que ma musique brusquât ou retardât, par suite d'exigences techniques, le mouvement des sentiments et des passions de mes personnages. Elle s'efface dès qu'il convient qu'elle leur laisse l'entière liberté de leurs gestes, de leurs cris, de leur joie ou de leur douleur. » avait écrit Debussy à propos de son œuvre.

On regrettera que, sans respecter cette évidence, l’Opéra Comique ait cru bon de rajouter au début de chaque acte un récit, résumé de chaque acte, qui n’apporte rien à une histoire que le chant des artistes raconte si bien en rajoutant un petit exercice de diction à chacun des chanteurs puisqu’ils introduisent à tour de rôle.

Mais même ce défaut auquel on peut rajouter le bruit inélégant de la porte du fond de scène s’ouvrant et se fermant en grinçant, ne peut nous faire regretter cette belle performance.

Hélène Adam

Photos idem.
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
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Re: Pelleas et Mélisande - Debussy/VC - Opéra Comique - 23 Octobre 2018

Message par Bernard C » 22 oct. 2018, 07:17

Version concert sans orchestre ?
La version piano, une rareté pour archéologues :wink:

Bernard
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Re: Pelleas et Mélisande - Debussy/VC - Opéra Comique - 23 Octobre 2018

Message par PlacidoCarrerotti » 22 oct. 2018, 09:02

Bernard C a écrit :
22 oct. 2018, 07:17
Version concert sans orchestre ?
La version piano, une rareté pour archéologues :wink:

Bernard
Jourdan l'a donnée plusieurs fois à Compiègne. C'est ainsi que j'ai appris son existence.
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Re: Pelleas et Mélisande - Debussy/VC - Opéra Comique - 23 Octobre 2018

Message par Loïs » 22 oct. 2018, 09:47

PlacidoCarrerotti a écrit :
22 oct. 2018, 09:02
Bernard C a écrit :
22 oct. 2018, 07:17
Version concert sans orchestre ?
La version piano, une rareté pour archéologues :wink:

Bernard
Jourdan l'a donnée plusieurs fois à Compiègne. C'est ainsi que j'ai appris son existence.
le gros danger : l'oreille part parfois sur la piano et oublie le chant

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Re: Pelleas et Mélisande - Debussy/VC - Opéra Comique - 23 Octobre 2018

Message par HELENE ADAM » 22 oct. 2018, 10:31

PlacidoCarrerotti a écrit :
22 oct. 2018, 09:02
Bernard C a écrit :
22 oct. 2018, 07:17
Version concert sans orchestre ?
La version piano, une rareté pour archéologues :wink:

Bernard
Jourdan l'a donnée plusieurs fois à Compiègne. C'est ainsi que j'ai appris son existence.
C'est en fait la première version qui date de 1893-1895, alors que la "version orchestrale" date de 1902.
C'est une version qui repose évidemment sur la qualité du pianiste.... :wink: et une curiosité dans l'art lyrique car elle est rarement proposée. Outre le rappel de Placido, l'auditorium du musée d'Orsay l'avait également proposé en 2004 avec Alexandre Tharaud au piano.

A noter : c'est une prise de rôle pour tous les artistes !
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Re: Debussy- Pelleas et Mélisande- Opéra-Comique - 23/10/2018

Message par Bernard C » 22 oct. 2018, 10:35

C'est bien pourquoi je parle de rareté pour archéologues.
Bernard
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Re: Debussy- Pelleas et Mélisande- Opéra-Comique - 23/10/2018

Message par fomalhaut » 22 oct. 2018, 11:52

En dehors de l'aspect archéologique, une audition en vaut-elle le coût ?
A priori, j'écouterai plutôt une telle page dans le calme de ma demeure.

fomalhaut

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Re: Debussy- Pelleas et Mélisande- Opéra-Comique - 23/10/2018

Message par Piero1809 » 22 oct. 2018, 12:07

Je serais curieux d'entendre cette version pour piano car ce n'est pas une transcription mais une oeuvre originale et Debussy pouvait tirer de cet instrument des sonorités étonnantes. Je ne crois pas cependant que l'auditeur va se focaliser sur cette partie de piano comme il le fait naturellement sur la partie orchestrale qui contient l'essentiel de la musique du drame lyrique. Le piano, instrument à percussion ne peut traduire qu'une faible partie des effets que produit l'orchestre symphonique (les trompettes en fa des dernières mesures par exemple!).

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Re: Debussy- Pelleas et Mélisande- Opéra-Comique - 23/10/2018

Message par HELENE ADAM » 22 oct. 2018, 14:19

Quelqu'un sait-il s'il existe un enregistrement de cette version initiale de Pelléas ? Je n'en ai pas trouvé mais.... :?: :?:
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
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Re: Debussy- Pelleas et Mélisande- Opéra-Comique - 23/10/2018

Message par HELENE ADAM » 23 oct. 2018, 23:57

Ma critique est en tête de ce fil.
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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