Récital J. Camarena - A. Rodriguez - Peralada - 27/07/2018
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Récital J. Camarena - A. Rodriguez - Peralada - 27/07/2018
Festival de Peralada
Esglesia del Carme
27 juillet 2018
Javier CAMARENA, ténor
Ángel RODRÍGUEZ, pianiste
Première partie:
In qual fiero contrasto (“Cosi fan tutte” (1790))
Più dubitar mi fan...
Là dai regni dell’ombre e di morte (“Giulietta e Romeo” (1786))
Mais que vois je?... Vous dont l’image... (“La mort du Tasse” (1821))
Hernando desventurado... Cara gitana del alma mia (“El gitano po amor” (1829))
Formaré mi plan... En mi comedia juntamente...(“El poeta Calculista” (1805))
Sí, ritrovarla io giuro! (“La Cenerentola” (1817))
Seconde partie:
A te, o cara...(“I puritani” (1835))
Languir per una bella... Contenta quest’alma ( “L’italiana in Algeri” (1835))
Tombe degli avi miei ("Lucia di Lammermoor"(1835))
A mes amis! Quel jour de fête (“La fille du régiment” (1840))
Voir et entendre Javier Camarena dans l’église du Carme de Peralada est un bonheur de happy few. L’exiguïté du lieu, sa beauté austère, la proximité avec l’artiste donnerait presque l’impression d’un concert privé. Lorsque de surcroît, l’artiste se nomme Javier Camarena, ce bel artiste généreux et humble, la soirée s’annonce belle et exclusive.
Javier Camarena est probablement aujourd’hui le ténor qui porte au mieux le bel canto en étendard ; il est et reste un Tonio de référence et pénètre chaque année plus avant dans ce répertoire, comme en témoigne sa récente prise de rôle madrilène dans Edgardo de Lucia. Mais à côté de ces rôles connus, il souhaite apporter sa pierre à des œuvres moins célèbres. Ainsi, pour cette soirée il met à l’honneur Manuel García (1775 – 1832) qui fut, à la fois chanteur d'opéra, compositeur, chef d'orchestre et directeur de troupe. Si son œuvre n’est pas très connue, son statut de père de Maria Malibran et de Pauline Viardot lui donna définitivement une place dans l’histoire de la musique. C’est donc trois airs du compositeur qui nourriront la première partie du récital suivi par un autre, en bis. Ces airs qui collent parfaitement à l’identité vocale du ténor permettent d’apprécier les subtilités et la grande variété d’une voix qui est non seulement dotée d’aigus ébouriffants mais peut également s’aventurer sans risque dans le médium, en mettant en évidence une belle rondeur du timbre, qualité pas toujours présente chez les ténors s’étant fait connaître chez Rossini.
De l’extrait de « la mort du Tasse », triste mélodie en français dans laquelle le ténor s’épanche magnifiquement à celui de « El gitano por amor » qui lui permet de mettre en évidence son art de la vocalise et des incursions triomphantes dans les aigus, Camarena démontre qu’exhumer le répertoire d’un compositeur s’avère un pari gagné lorsqu’on le fait avec la voix idoine et un talent tel que le sien.
Avant cela, Camarena commençait avec un air de Cosi fan tutte, superbement interprété mais qui semble presque incongru ici, au regard de ce qui suivra. On se prend à penser qu’il s’agissait d’un tour de chauffe avant de se lancer dans le redoutable air "Là dai regni dell’ombre e di morte" de Giulietta e Romeo de Niccolo Antonio Zingarelli (1752 - 1837).
Enfin la première partie s’achève avec l’air de la Cenerentola, transition parfaite et fer de lance évident du ténor rossinien. Rien n’y manque, les notes éclatent avec vaillance, l’aigu final est triomphant.
Après Zingarelli et Garcia, la deuxième partie revient en terrain connu.
Air sublime, « A te, o cara » est pris comme une caresse amoureuse sous l’accompagnement attentionné d’Angel Rodriguez. Le jeune pianiste d’origine cubaine sera d’ailleurs tout au long de ce récital le complice parfait du ténor et l’artiste talentueux qui contribuera à la beauté de ce récital très bien composé.
Puis, fort de sa récente prise de rôle dans Lucia, on sent que Camarena porte à Edgardo une attention toute particulière pour son nouveau-né qu’il semble encore façonner dans une dynamique qui portera loin son interprétation. C’est magnifique, implorant, juste peut-être encore un peu avare de nuances.
Finalement, quand arrive l’air de « La fille du régiment », incontournable carte de visite du ténor, pièce virtuose que le public attend goulûment, exécutée comme une évidence avec l’éclat nécessaire, on en vient presque à se dire, capricieux, qu’on aurait pu s’en passer tant le reste du programme était beau, harmonieux et construit magnifiquement. On ne rechigne pas, pour autant, devant la cerise pyrotechnique sur ce si beau gâteau et son décompte inexorable de contre-ut.
Mais la fête ne s’arrête pas là, Javier nous gratifiera de 7 bis à commencer par un superbe et mélancolique « Vaga luna » de Bellini suivie d’une « Danza » rossinienne échevelée.
Il est touchant de constater que la générosité de Javier Camarena, tout d’abord soucieux de respecter le protocole qui veut qu’un artiste se fasse désirer pour ses bis, va vite le conduire à s’extraire de ces réserves pour enchaîner les airs. L’artiste n’est pas venu là, on le sent, pour faire semblant, mais bien pour donner à son public avec un plaisir non feint, comme en témoignait son sourire épanoui en cette fin de concert. D’un petit retour à Garcia (« Yo que soy contrabandista »), il se fera ensuite ambassadeur du Mexique avec Maria Grever (compositrice notamment de « What a Difference a Day Makes »), le trio Los Planchos (le savoureux « Piel Canela ») et Vicente Fernandez. Faire découvrir un compositeur méconnu, populariser son patrimoine, telles sont les qualités de Javier Camarena, un artiste sensible, humble et généreux. Un artiste d’exception.
Paul Fourier
Esglesia del Carme
27 juillet 2018
Javier CAMARENA, ténor
Ángel RODRÍGUEZ, pianiste
Première partie:
In qual fiero contrasto (“Cosi fan tutte” (1790))
Più dubitar mi fan...
Là dai regni dell’ombre e di morte (“Giulietta e Romeo” (1786))
Mais que vois je?... Vous dont l’image... (“La mort du Tasse” (1821))
Hernando desventurado... Cara gitana del alma mia (“El gitano po amor” (1829))
Formaré mi plan... En mi comedia juntamente...(“El poeta Calculista” (1805))
Sí, ritrovarla io giuro! (“La Cenerentola” (1817))
Seconde partie:
A te, o cara...(“I puritani” (1835))
Languir per una bella... Contenta quest’alma ( “L’italiana in Algeri” (1835))
Tombe degli avi miei ("Lucia di Lammermoor"(1835))
A mes amis! Quel jour de fête (“La fille du régiment” (1840))
Voir et entendre Javier Camarena dans l’église du Carme de Peralada est un bonheur de happy few. L’exiguïté du lieu, sa beauté austère, la proximité avec l’artiste donnerait presque l’impression d’un concert privé. Lorsque de surcroît, l’artiste se nomme Javier Camarena, ce bel artiste généreux et humble, la soirée s’annonce belle et exclusive.
Javier Camarena est probablement aujourd’hui le ténor qui porte au mieux le bel canto en étendard ; il est et reste un Tonio de référence et pénètre chaque année plus avant dans ce répertoire, comme en témoigne sa récente prise de rôle madrilène dans Edgardo de Lucia. Mais à côté de ces rôles connus, il souhaite apporter sa pierre à des œuvres moins célèbres. Ainsi, pour cette soirée il met à l’honneur Manuel García (1775 – 1832) qui fut, à la fois chanteur d'opéra, compositeur, chef d'orchestre et directeur de troupe. Si son œuvre n’est pas très connue, son statut de père de Maria Malibran et de Pauline Viardot lui donna définitivement une place dans l’histoire de la musique. C’est donc trois airs du compositeur qui nourriront la première partie du récital suivi par un autre, en bis. Ces airs qui collent parfaitement à l’identité vocale du ténor permettent d’apprécier les subtilités et la grande variété d’une voix qui est non seulement dotée d’aigus ébouriffants mais peut également s’aventurer sans risque dans le médium, en mettant en évidence une belle rondeur du timbre, qualité pas toujours présente chez les ténors s’étant fait connaître chez Rossini.
De l’extrait de « la mort du Tasse », triste mélodie en français dans laquelle le ténor s’épanche magnifiquement à celui de « El gitano por amor » qui lui permet de mettre en évidence son art de la vocalise et des incursions triomphantes dans les aigus, Camarena démontre qu’exhumer le répertoire d’un compositeur s’avère un pari gagné lorsqu’on le fait avec la voix idoine et un talent tel que le sien.
Avant cela, Camarena commençait avec un air de Cosi fan tutte, superbement interprété mais qui semble presque incongru ici, au regard de ce qui suivra. On se prend à penser qu’il s’agissait d’un tour de chauffe avant de se lancer dans le redoutable air "Là dai regni dell’ombre e di morte" de Giulietta e Romeo de Niccolo Antonio Zingarelli (1752 - 1837).
Enfin la première partie s’achève avec l’air de la Cenerentola, transition parfaite et fer de lance évident du ténor rossinien. Rien n’y manque, les notes éclatent avec vaillance, l’aigu final est triomphant.
Après Zingarelli et Garcia, la deuxième partie revient en terrain connu.
Air sublime, « A te, o cara » est pris comme une caresse amoureuse sous l’accompagnement attentionné d’Angel Rodriguez. Le jeune pianiste d’origine cubaine sera d’ailleurs tout au long de ce récital le complice parfait du ténor et l’artiste talentueux qui contribuera à la beauté de ce récital très bien composé.
Puis, fort de sa récente prise de rôle dans Lucia, on sent que Camarena porte à Edgardo une attention toute particulière pour son nouveau-né qu’il semble encore façonner dans une dynamique qui portera loin son interprétation. C’est magnifique, implorant, juste peut-être encore un peu avare de nuances.
Finalement, quand arrive l’air de « La fille du régiment », incontournable carte de visite du ténor, pièce virtuose que le public attend goulûment, exécutée comme une évidence avec l’éclat nécessaire, on en vient presque à se dire, capricieux, qu’on aurait pu s’en passer tant le reste du programme était beau, harmonieux et construit magnifiquement. On ne rechigne pas, pour autant, devant la cerise pyrotechnique sur ce si beau gâteau et son décompte inexorable de contre-ut.
Mais la fête ne s’arrête pas là, Javier nous gratifiera de 7 bis à commencer par un superbe et mélancolique « Vaga luna » de Bellini suivie d’une « Danza » rossinienne échevelée.
Il est touchant de constater que la générosité de Javier Camarena, tout d’abord soucieux de respecter le protocole qui veut qu’un artiste se fasse désirer pour ses bis, va vite le conduire à s’extraire de ces réserves pour enchaîner les airs. L’artiste n’est pas venu là, on le sent, pour faire semblant, mais bien pour donner à son public avec un plaisir non feint, comme en témoignait son sourire épanoui en cette fin de concert. D’un petit retour à Garcia (« Yo que soy contrabandista »), il se fera ensuite ambassadeur du Mexique avec Maria Grever (compositrice notamment de « What a Difference a Day Makes »), le trio Los Planchos (le savoureux « Piel Canela ») et Vicente Fernandez. Faire découvrir un compositeur méconnu, populariser son patrimoine, telles sont les qualités de Javier Camarena, un artiste sensible, humble et généreux. Un artiste d’exception.
Paul Fourier
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- Ténor
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Re: Récital J. Camarena - A. Rodriguez - Peralada - 27/07/2018
"Not available in your country" disent-ils....
- MariaStuarda
- Basse
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Re: Récital J. Camarena - A. Rodriguez - Peralada - 27/07/2018
On peut trouver de nombreux extraits sur Voldemort.
- MariaStuarda
- Basse
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Re: Récital J. Camarena - A. Rodriguez - Peralada - 27/07/2018
La critique est enfin en tête de fil.
J'en profite pour remercier Romance qui, forte de ses connaissances dans notre belle langue, relis, quand elle le peut, mes papiers, corrige mon orthographe défaillante et mes accords exubérants et découpe mes phrases proustiennes (uniquement par la longueur) reflets de mon trop grand enthousiasme
J'en profite pour remercier Romance qui, forte de ses connaissances dans notre belle langue, relis, quand elle le peut, mes papiers, corrige mon orthographe défaillante et mes accords exubérants et découpe mes phrases proustiennes (uniquement par la longueur) reflets de mon trop grand enthousiasme
Re: Récital J. Camarena - A. Rodriguez - Peralada - 27/07/2018
Pffff... Obligée d’avouer ! Je te lis uniquement pour être la première (et simplement ajouter quelques virgules parfois).
Ton compte rendu est top !
Ton compte rendu est top !
Re: Récital J. Camarena - A. Rodriguez - Peralada - 27/07/2018
Ce récital est, effectivement, une indiscutable réussite...et, pourtant, je n'aime pas entendre le piano se substituer à l'orchestre.
Chapeau bas...
fomalhaut
Chapeau bas...
fomalhaut
Re: Récital J. Camarena - A. Rodriguez - Peralada - 27/07/2018
Merci pour ce beau compte rendu!
Juste pour mémoire : Dans son émission passionnante Carrefour des Amériques (France Mu) Marcel Quilleveré a évoqué le destin fabuleux de la chanson “Yo que soy contrabandista “ de Garcia, jusqu’à sa dernière métamorphose en dans une mélodie de Schumann . Très intéressant ! (Postcastsble).
Ph.
Juste pour mémoire : Dans son émission passionnante Carrefour des Amériques (France Mu) Marcel Quilleveré a évoqué le destin fabuleux de la chanson “Yo que soy contrabandista “ de Garcia, jusqu’à sa dernière métamorphose en dans une mélodie de Schumann . Très intéressant ! (Postcastsble).
Ph.
Re: Récital J. Camarena - A. Rodriguez - Peralada - 27/07/2018
La vidéo n'est plus dispo mais on peut écouter les morceaux séparés.
Magnifique récital. Quelle voix, quelle joie de chanter. Dans les morceaux comparables, j'en arrive à le préférer à Florez. On a actuellement de merveilleux ténors de ce type de voix. Tant mieux.
Magnifique récital. Quelle voix, quelle joie de chanter. Dans les morceaux comparables, j'en arrive à le préférer à Florez. On a actuellement de merveilleux ténors de ce type de voix. Tant mieux.