Donizetti – L’Elixir d’amour – d’Agostini / Garcia Serra – Palerme – juin 2018

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jeantoulouse
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Donizetti – L’Elixir d’amour – d’Agostini / Garcia Serra – Palerme – juin 2018

Message par jeantoulouse » 30 juin 2018, 15:03

Direction Alessandro d’Agostini
Mise en scène Victor García Sierra
Costumes Marco Gujon
Lumières Bruno Ciulli

Adina Laura Giordano
Nemorino Arturo Chacón-Cruz
Belcore Giuseppe Altomare
Il Dottore Dulcamara Giovanni Romeo
Giannetta Maria Francesca Mazzara

Dimanche 24 juin 2018

L’Elixir d’amour
se prête aisément aux transpositions. On a vu Adina à la plage (Bruxelles), Nemorino chez les Lilliputiens (Lausanne, Tours)… Voici Belcore au cirque Botero (non ! la réalisation n’est pas signée Rolando Villazon). Cette libre adaptation due à Victor García Sierra, baryton-basse et metteur en scène espagnol, et étrennée à Séville en 2016, s’inspire explicitement en effet du cycle pictural que le peintre colombien a composé sur le cirque. Le décor situe l’action devant, puis sous la tente d’un cirque ambulant dont les chœurs garnissent les gradins, alors que les personnages principaux deviendraient autant d’acteurs de la Piste aux Étoiles : Belcore serait dompteur de fauves, Dulcamara, M Loyal (plaisante antiphrase). Nemorino délaissé revêt l’habit de Paillasse. Quant à Adina, elle apparait telle une Alice de Disney, sage écolière de bleu vêtue. Les références au cycle de Botero, revendiquées, se multiplient : projection d’un Paillasse à la clarinette que reproduit la pose de Nemorino pour la Furtiva lagrima, rideau de scène, galerie de tableaux, couleurs acidulées du peintre… Cette lecture fonctionne-t-elle ? Fort heureusement à nos yeux, elle n’est pas poussée jusqu’au bout et l‘univers du cirque reste seulement une toile de fond pittoresque, prétexte à quelques numéros prestes de jongleurs ou autres funambules. Funambulesque, en effet, aérienne, enjouée, joyeuse, elle s’avère conforme à l’esprit de l’œuvre, à sa fraicheur, à sa palette acidulée, à sa poésie ludique. Les costumes sont inventifs, les couleurs pimpantes, les éclairages tendres ou lumineux scandent les épisodes de l’intrigue amoureuse. Même si la scène est très animée, la direction d’acteurs, surtout des chœurs, parait plus conventionnelle sans l’aisance, le mouvement que la transposition ludique semblerait imposer. Mais c’est peccadille, l’humour et la légèreté, l’esprit d’enfance, le sourire de l’interprétation, de la musique, chassent ce reproche furtif.

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Crédit Franco Lannino

Arturo Chacón-Cruz chanteur d’origine mexicaine, connu pour son Duc de Mantoue aixois, et lauréat du concours Operalia en 2005, a en 2015 sagement abandonné les rôles dramatiques lourds (Manrico, Don José) pour suivre les conseils de Domingo et se recentrer sur des rôles plus lyriques (Werther) ou bel cantistes : ainsi son Nemorino possède-t-il la suavité nécessaire à l’expansion du lyrisme élégiaque, de la douce mélancolie qui enveloppe le touchant personnage. La tenue de la ligne et du souffle servent le développement harmonieux de la mélodie, le timbre sourit et s’épanouit avec beaucoup de grâce et de virilité à la fois. Évidemment, la Furtiva lacrima emporte tous les cœurs après lui et nous vaut un bis apprécié. Très à l’aise scéniquement, acteur souvent subtil, il compose avec Adina un couple d’amoureux frais et charmants qui participe pleinement à la grâce festive de la représentation.
Les Parisiens avaient applaudi Laura Giordano au TCE dans Don Pasquale sous la direction de Mutti en 2009. C’est l’enfant du pays : elle est née ici. Le public de Palerme l’adore et on cède aisément à son charme. Elle allie fraicheur du timbre et agilité. Sa vivacité en scène, la qualité du jeu égalent la souplesse d’une voix riante, qui convient idéalement à la musique de Donizetti. La scène finale la voit brillamment engagée dans l’aveu de son amour d’une subtile virtuosité. On a apprécié le fier Belcore de Giuseppe Altomare, le volubile Dulcamara de Giovanni Romeo, tous deux maitres de l’autodérision.

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Crédit Rosselina Garbo

L’Orchestre du Teatro Massimo et les Chœurs préparés par Piero Monti prouvent leur aisance dans la comédie comme la veille dans le drame avec Cavalleria. Cette plasticité est la marque d’un travail régulier, approfondi et d’une fine adaptation aux climats des œuvres. Allessandro d’Agostini dirige de main de maître, avec souplesse et conviction une musique qui, mal jouée, apparaitrait futile et aujourd’hui pétille. Le spectateur sort du théâtre guilleret et chantonnant en retrouvant le splendide ciel bleu de Palerme et la douceur marine estivale. On en a la conviction : l’élixir d’amour, c’est du Spumante !

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