Mozart-La Clémence de Titus-Cremonesi/McVicar- Capitole Toulouse – 06/2018

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jeantoulouse
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Mozart-La Clémence de Titus-Cremonesi/McVicar- Capitole Toulouse – 06/2018

Message par jeantoulouse » 20 juin 2018, 09:35

La Clémence de Titus

Attilio Cremonesi
direction musicale
David McVicar mise en scène réalisée par Marie Lambert
David McVicar scénographie
Jenny Tiramani costumes
Jennifer Tipton lumières
Bettina Neuhaus décoratrice associée

Jeremy Ovenden Tito
Inga Kalna Vitellia
Rachel Frenkel Sesto
Sabina Puértolas Servilia
Julie Boulianne Annio
Aimery Lefèvre Publio


Orchestre national du Capitole

Chœur du Capitole
Alfonso Caiani direction
Coproduction de l’Opéra de Marseille avec le Festival d’Aix et le Capitole de Toulouse (2011)

Du 22 juin au 1 juillet 2018

Présentée déjà en 2012 au Capitole, la mise en scène signée Mc Vicar pour le Festival d’Aix 2011 revient avec une distribution totalement renouvelée. Jeremy Ovenden , Titus à Madrid la saison prochaine, endosse la toge de l’empereur romain. Appelée le premier jour des répétitions, Inga Kalna qui chante Lucio Cinna dans le récent enregistrement DVD de Lucio Silla sous la direction d’Ivor Bolton, remplace dans le rôle de Vitellia, quasi au pied levé, Keri Alkema initialement annoncée. Elle vient d'interpréter le même personnage au Théâtre national de Prague sous la direction de Marc Minkowski. On attend beaucoup du Sesto de Rachel Frenkel et l’on retrouve avec plaisir des habitués de la scène toulousaine Sabina Puértolas, Julie Boulianne et Aimery Lefèvre.
Les représentations de 2012 nous avaient laissé une impression… mitigée. La direction d’Attilio Cremonesi qui avait offert la trilogie Da Ponte/Mozart et singulièrement des Noces alertes, devrait ôter un peu de la pesanteur à cette production très classique.
Compte rendu après la série des cinq représentations.

jeantoulouse
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Re: Mozart-La Clémence de Titus-Cremonesi/McVicar- Capitole Toulouse – 06/2018

Message par jeantoulouse » 02 juil. 2018, 13:11

Dernière représentation. 1 juillet 2018

« Un raté », concluait un critique après la première en Aix de cette production en 2011. Un metteur en scène « à court d’imagination », renchérissait un autre. Et les échos des représentations au Capitole en 2012 de cette production signée David McVicar reflétaient peu ou prou ces point de vue sévères, mais pertinents. La déception se confirme aujourd’hui, au point que l’on peut se demander ce qui a poussé l’ancien directeur à reprogrammer cette œuvre ultime de Mozart dans la même configuration scénique, réalisée par Marie Lambert. Car on n’est guère passionné pendant ces presque trois heures. Pis encore ! Ainsi montée, La Clémence de Titus nous parait souvent mériter toute la triste réputation qui s’attache encore à elle. Rappelons la question que posait Jean-Victor Hocquard : « Avons-nous affaire à une œuvre qui n’est qu’une pièce d’apparat, officielle et conventionnelle, ou bien s’agit-il d’un « véritable opéra », digne de figurer dans la lignée des grands chefs d’œuvre du maître ? ». Mc Vicar nous fait hélas ! choisir la première option, incapable qu’il s’avère de montrer la tension qui déchire chacun des personnages, le conflit intérieur qui les écartèle, les tourments qui les bouleversent, la douleur qu’ils en éprouvent, le sublime du pardon final. Lisse, pesant et froid, l’ensemble apparait tel le marbre des palais ou des statues, noble s’il on veut, hiératique et sans vie. Le décor même semble avoir été défraichi. Terne, il crée un climat non de grandeur et de lumière, mais d’échec et de tristesse. L'incendie du Capitole ne fait guère frissonner avec ses fumeroles pâles et ses rougeoiements étriqués. Quant à l’escalier latéral abrupt que chacun gravit sans cesse pesamment ou à la volée au risque de se rompre le cou, il devient à part entière un élément de la mise en scène et le sujet de toute notre attention : pourquoi tous les personnages s’ingénient-ils à quitter les lieux ou y pénétrer par une voie si dangereuse ?...

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Crédit Patrice Nin

La vie vient-elle de la musique et de la représentation ? A de trop rares moments. La distribution ménage des déceptions, mais aussi par bonheur son lot de belles découvertes (le Sextus de Rachel Frenkel) ou de confirmations (Julie Boulliane, Aimery Lefèvre, les chœurs, l’orchestree et son chef).
La représentation est dominée par le Sextus de Rachel Frenkel . Familière de la première scène de Vienne où on l’attend en Idamante d’Idoménée et en Ascagne des Troyens, où elle chantait Siebel, Chérubin et Rosine du Barbier, la mezzo soprano est idéale dans ce rôle de jeune homme déchiré, désemparé, adolescent qu’assaillent les doutes, les atermoiements et les palinodies. Son « Parto, parto » doublée par la clarinette splendidement aérienne, est un bon exemple de virtuosité sensible. Et la longue confrontation avec Titus avec le magnifique Rondo « Deh per questo istante solo » traduisent avec finesse l’évolution du personnage, à nos yeux le plus important de l'opéra.
Jeremy Ovenden est Titus, comme il le sera à Madrid la saison prochaine. Le ténor britannique chante partout en Europe Lucio Silla, Idomenée, Don Ottavio. C’est dire sa familiarité avec l’univers de Mozart. Si le port et la présence en scène statiques peuvent signifier la majesté, la voix, la projection manquent de puissance et d’autorité, dessinant un Titus plus faible qu’impérieux, plus fragileque noble. Rien d’indigne, mais peu de passion et de fièvre, à l’instar de l’ensemble de la représentation.

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Crédit Patrice Nin

Remplaçant Keri Akelma le jour même des répétitions, Inga Kalna évolue au fil de la représentation. La fin du premier acte la voit en difficulté, les accents de colère devenant plus proches du cri que du chant. Elle redevient maîtresse de la ligne, et offre un second acte plus finement ciselé, même si le personnage apparait plus acariâtre que blessé, plus étroit que tragique. Le très bel air « Non piu di fiori » exprime cependant un tempérament lyrique de bonne facture.
Sabine Puertolas n’a pas toujours dans la voix la douceur et la tendresse de Vitellia, mais son jeu et son élégance font mouche. Julie Boulliane à la voix chaude de mezzo campe un fidèle et convaincant Annio. Le toujours impeccable Aymery Lefèvre complète une distribution composée de beaux talents, mais un peu éteints par les choix du dramaturge.
Le chœur que dirige Alfonso Caïani convainc une fois encore par la puissance de ses accents, que ce soit dans la louange ou la déploration. Saluons l’accompagnement des récitatifs par Robert Gonella, comme toujours, parfait de netteté et d’intensité.

Instruments privilégiés, les bois de l’Orchestre du Capitole brillent par leur virtuosité, l’onctuosité de la courbe mélodique. Attilio Cremonesi souriant et heureux de son orchestre cherche à donner à la représentation la légèreté et la profondeur que le dramaturge mal inspiré lui a déniées. C’est à lui que l’on doit essentiellement les moments d’émotion, et singulièrement dans la seconde moitié du second acte, où l’on s’approche d’une forme de grandeur noble sans pesanteur. Le spectacle remporte un vif succès, mais la salle est bien peu remplie en ce premier juillet … Mais est-il judicieux de terminer une saison par un spectacle aussi empesé ? Commencée avec la remarquable découverte de Tiefland, rehaussée par une Walkyrie de haut rang, une Carmen dramatiquement engagée, un Macbeth puissant, la saison du Capitole méritait mieux que ce final sans grâce. On, se prend à souhaiter la rentrée pour une Traviata et une programmation qui promettent de grands moments, plus enfiévrés.

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Re: Mozart-La Clémence de Titus-Cremonesi/McVicar- Capitole Toulouse – 06/2018

Message par Piero1809 » 02 juil. 2018, 17:35

Merci pour le CR très détaillé et informatif. Dommage que le spectacle ne suscite pas l'enthousiasme car la troupe composée de jeunes chanteurs prometteurs méritait mieux. Effectivement je ne "vois" pas Jeremy Ovenden dans Titus. Cet excellent ténor me semble trop tourmenté (génial dans Tamerlano) pour ce rôle qui demande un ténor majestueux et impérial (Richard Croft évidemment).

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Re: Mozart-La Clémence de Titus-Cremonesi/McVicar- Capitole Toulouse – 06/2018

Message par fomalhaut » 02 juil. 2018, 18:31

A Aix, ce spectacle ne m'avait pas paru si "pire que cela" et les critiques m'avaient parues bien sévères et injustifiées.

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Re: Mozart-La Clémence de Titus-Cremonesi/McVicar- Capitole Toulouse – 06/2018

Message par jeantoulouse » 03 juil. 2018, 14:30

Le spectacle n'est pas " si pire que cela". Il est éteint, comme on le dit d'un vin qui a perdu toute saveur. Quelques moments, quelques airs raniment l'attention. Mais rien ne vibre vraiment aux exceptions près que j'ai signalées. Je dois à la vérité de dire qu'une critique très élogieuse a paru ailleurs, que tel ami(e) a aimé et que le public a réservé un bel accueil à l'ensemble des artistes.
Je me réjouis de découvrir que Jeremy Ovenden, artiste estimable à coup sûr, est capable de fendre son armure et d'apparaitre tourmenté. Mais dans ce Titus, il ne se départit pas, la mise en scène aidant (ou n'aidant pas), d'un hiératisme, d'une froideur bien peu italiens. Et la voix ne dégage pas un charme immédiat...

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Re: Mozart-La Clémence de Titus-Cremonesi/McVicar- Capitole Toulouse – 06/2018

Message par fomalhaut » 04 juil. 2018, 08:36

Peut-être est-ce la distribution aixoise (plus forte que la distribution toulousaine ?) qui a influencé mon point de vue ?

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