Verdi - Il Trovatore - Benini/Ollé - ONP - 06-07/2018

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Re: Verdi - Il Trovatore - Benini/Ollé - ONP - 06-07/2018

Message par jerome » 08 juil. 2018, 10:51

Oui mais Muti, dont la direction orchestrale de l'œuvre est certainement une des plus belles de la discographie, a toujours été un peu psycho-rigide concernant le come scritto dont il se prévalait même s'il y a fait parfois quelques entorses ...
La tradition de ces contre-notes remonte à l'époque de Verdi qui, lui-même, les a acceptées. La dimension belliqueuse de cette cabalette autorise parfaitement ce contre-ut. Evidemment que pouvoir sortir triomphalement cette note ne dédouane pas les ténors de leur obligation à réussir l'air précédent et les exemples célèbres que j'ai cités, auxquels d'ailleurs je peux rajouter un Bergonzi même si le contre-ut plafonnait souvent avec lui, réussissaient parfaitement l'ensemble de cette grande scène. Il suffit de réécouter le ah si ben mio de Bjoerling, de Corelli, de Bergonzi, de Pavarotti et même de Bonisolli.
Ce qui est problématique à la vérité et aux confins de la malhonnêteté, c'est lorsque le ténor baisse d'un demi-ton la cabalette (normalement pour être plus à l'aise et pour sortir un si aigu retentissant et plein) et qu'en fait il ne fait pas la reprise et même s'économise les avant dernières mesures pour sortir quoi ? un pauvre si aigu écourté et crié ??? Alors là évidemment, c'est sûr qu'il est préférable de s'abstenir du moindre contre-ut et de chanter dans le ton plutôt que cette arnaque.

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Re: Verdi - Il Trovatore - Benini/Ollé - ONP - 06-07/2018

Message par jerome » 08 juil. 2018, 11:10

altini a écrit :
08 juil. 2018, 10:37
Petites questions, cher Jérôme.
Sur mon disque HRE avec Del Monaco, Gencer... il est indiqué "Live italian performance Italy 1957". Et sur le coffret "In a magnificent live performance".
S'agit-il vraiment d'un live? Pour le coup la note de Del Monaco est vraiment stupéfiante.
Connais-tu des ténors qui ont sorti ce ré bémol de la fin de l'acte 1 en live? (inutile de tous les mettre s'il y en a beaucoup!)
C'est un live qui sans être un vrai live l'est un peu tout de même ... En fait c'est une prise unique faite à la RAI pour les besoins d'un film à la télévision italienne:
ImageImage

Et la bande son a été rapidement éditée en 33t puis plus tard en CD avec des dates parfois fantaisistes ...

Pour les ténors connus pour avoir balancé le contre ré bémol en live, il y a eu notamment Corelli, Pavarotti (dans les années 70) et Bonisolli et quelques autres ...

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Re: Verdi - Il Trovatore - Benini/Ollé - ONP - 06-07/2018

Message par PlacidoCarrerotti » 08 juil. 2018, 11:13

David-Opera a écrit :
08 juil. 2018, 10:21
De toute façon, comme l'a toujours rappelé Riccardo Muti - lire Verdi, l'italiano. Ovvero, in musica, le nostre radici - , Verdi a écrit un sol et non un contre-ut à la fin de "Di quella pira",et, comme il l'a lui-même remarqué, beaucoup de ténors ne chantent pas correctement l'air qui précède la cabalette (Ah sì, ben mio, coll'essere), mais s'ils réussissent ce contre-ut, alors une partie du public lui pardonne tout, ce qui n'a aucun sens.
L'ut est apparu dès l'année de la création, à Florence, donné par Carlo Baucardé (selon d'autres sources Enrico Tamberlick). Verdi n'a jamais protesté durant tout le restant de sa vie où c'est devenu la tradition. Sa crainte était qu'on ne retienne que la réussite de cette note quand tout le reste était saboté.
Il n'avait pas tort : on a parlé en long en large et en travers de la Pira d'Alagna le 28 en oubliant de préciser que son A si ben mio était une horreur...
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Re: Verdi - Il Trovatore - Benini/Ollé - ONP - 06-07/2018

Message par David-Opera » 08 juil. 2018, 11:20

jerome a écrit :
08 juil. 2018, 10:51
...
Ce qui est problématique à la vérité et aux confins de la malhonnêteté, c'est lorsque le ténor baisse d'un demi-ton la cabalette (normalement pour être plus à l'aise et pour sortir un si aigu retentissant et plein) et qu'en fait il ne fait pas le reprise et même s'économise les avant dernières mesures pour sortir quoi ? un pauvre si aigu écourté et crié ??? Alors là évidemment, c'est sûr qu'il est préférable de s'abstenir du moindre contre-ut et de chanter dans le ton plutôt que cette arnaque.
Oui, Muti pointe également ce défaut, et qualifie même de "delitto" ce changement de couleur pour tenir un aigu final.
http://fomalhaut.over-blog.org/
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Re: Verdi - Il Trovatore - Benini/Ollé - ONP - 06-07/2018

Message par jerome » 08 juil. 2018, 11:25

Si la cabalette est chantée sans économie des dernières mesures et que le si aigu est royal, la transposition d'un demi-ton est recevable même si moi je préfère évidemment que tout reste dans le ton.
Là où ça devient inacceptable, c'est lorsqu'il y a transposition, économie et plantage final. Pour moi, ça s'appelle du foutage de gueule.

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Re: Verdi - Il Trovatore - Benini/Ollé - ONP - 06-07/2018

Message par JdeB » 08 juil. 2018, 11:27

PlacidoCarrerotti a écrit :
08 juil. 2018, 11:13
L'ut est apparu dès l'année de la création, à Florence, donné par Carlo Baucardé (selon d'autres sources Enrico Tamberlick). Verdi n'a jamais protesté durant tout le restant de sa vie où c'est devenu la tradition. Sa crainte était qu'on ne retienne que la réussite de cette note quand tout le reste était saboté.
Il n'avait pas tort : on a parlé en long en large et en travers de la Pira d'Alagna le 28 en oubliant de préciser que son A si ben mio était une horreur...
oui, alors que, s'l y a longtemps qu'il échoue sur la Pira, il réussit souvent très bien ce A si ben mio...mais le 28...
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Re: Verdi - Il Trovatore - Benini/Ollé - ONP - 06-07/2018

Message par dongio » 08 juil. 2018, 11:28

Alors oui, Alvarez transpose la Pira (surprenant à l'oreille attentive hier) et cet air est malmené, frustrant qui plus est par l'absence de reprise. De toutes façons j'ai toujours été plus sensible au "Ah si ben moi" et à sa ligne belcantiste qu'à la claironnante Pira qui suit et à laquelle on ne peut résumer Manrico.Oui aussi la ligne de chant globale durant la soirée est chaotique et la phrase est cassée avant chaque aigu de façon à ce que celui ci soit donné en force après cette minime interruption. Mais quel aigu quand même avec ce timbre magnifique et retrouvé, qui semblait perdu lors des dernières prestations parisiennes où on l'avait entendu. Ce Trovatore là est de loin supérieur à celui qui avait été montré lors de la création in loco de la production d'Ollié. Aminci, Alvarez n'en reste pas moins un piètre acteur mais la mise en scène (s'il faut appeler cela comme ça) ne l'aide pas à faire autre chose qu'ouvrir et fermer les bras. Il n'en reste pas moins que son Trovatore tient la route et ne démérite pas malgré les défauts rappelés çà et là dans le forum.
Lucic commence magnifiquement bien et dès son entrée on se dit que, boosté sans doute par le bis de Radvanovsky de la représentation précédente, il va faire des efforts pour soigner sa ligne de chant et nous donner une leçon sensible de belcanto de baryton Verdi. Des diminuendos magnifiques, des aigus à pleine voix, la noirceur de la voix et le mordant laissent espérer le meilleur jusqu'à hélas un "Il balen" qui le voit s'effondrer, la voix devenant blanche tout à coup et le final de l'air se perdant dans les limbes avec un chant vacillant et instable. Le reste de la prestation alternera de beaux moments avec des insatisfactions flagrantes. Quel dommage. Piètre acteur lui aussi, son Luna reste sur le seuil des grandes incarnations :merci aussi à la mise en scène (même remarque que ci-dessus) qui ne fait rien du personnage avec ses allées et venues et ses bras ouverts et fermés. La vraie déception ce sera malheureusement lui.
On aura glosé sur le Ferrando de Mika Kares auquel j'aurai trouvé un timbre séduisant, peu sombre toutefois, à l'aigu peu projeté mais à la caractérisation dramatique efficace. Rien à dire de vraiment négatif.
Bien entendu on se sera trouvé sur des cîmes avec les deux dames. Radvanosvsky magnifique effectivement, jouant des diaprures , des couleurs, des alternances de forte et de pianis assez remarquables et jouant parfaitement le rôle tourmenté de Leonore. Pas de bis hélas hier soir car sans doute pas l'électricité de la représentation précédente qui se devait d'être unique (zut). Une vraie voix verdienne à n'en pas douter, qui m'a beaucoup plus convaincu que lors des représentations autres où je l'avais entendue. Il faut dire que je l'avais détestée dans le Trouvère d'il y a quelques années avec Alagna et dans les Vêpres Siciliennes à l'ONP: timbre vinaigré et acide, pauvre actrice, piètre chant. Amélia du Ballo à NY avec Alvarez encore était meilleure mais m'avait laissé sur ma faim, Aida à Paris m'avait impressionné mais pas totalement fait chavirer (je n'étais pas à la soirée du fameux contre mi cher à Placido), sans doute aussi à cause de l'insupportable Antonenko, et son Amelia Grimaldi au TCE bien que parfaitement chantée montrait une voix trop lourde et pas assez lyrique pour ce rôle. Ce qui fut entendu hier soir a levé mes craintes et mes réserves et m'a rendu très admiratif pour le travail et la progression vocale qui a eu lieu toutes ces années. Grande, très grande chanteuse. Là où je n'adhérerai pas totalement et ne perdrai pas les sens, ce sera lié au timbre de voix: j'aurai beau être fasciné par tout l'art de la diseuse et de l'artiste, je resterai sur le seuil de l'émotion totale à cause de cette couleur spécifique de voix. Oui sans doute Callas aussi n'avait pas le plus timbre du monde comme il aura été rappelé ici. Mais il y avait une couleur plus chaude, un génie vocal qu'à ce stade Radvanovsky n'a pas ou n'a pas encore. Immense prestation hier néanmoins avec ce léger bémol d'emmerdeur que je suis.
Pas de réserve alors, mais aucune en aucune façon pour la bouleversante et renversante Azucena d'Anita Rashvelishvili. On ne sait quoi admirer de plus chez cette artiste: un timbre magnifique, un chant habité (le récit du II!), une incarnation plus mère douloureuse (le chant mezza voce du "Stride la Vampa", tout le récit qui suit, le IV avec "Ai nostri monti" à faire pleurer des cailloux secs) que sorcière alla Obratszova avec Karajan au disque que pourtant j'adore, des aigus frappés en plein timbre et des graves sonores non vulgaires et poitrinés. Quelle splendeur! Il m'a semblé que le public non plus ne s'y est pas trompé et qu'à l'applaudimètre Azucena fut vainqueure. Là aussi quel progrès depuis la Carmen scaligère avec Kaufmann et Barenboim: on attend avec impatience fébrile sa Carmen de l'an prochain ici, avec Alagna, en espérant que celui ci retrouve le miracle qu'avait été sa confrontation avec Garanca il y a un an).
Très bons choeurs, excellent orchestre, belle direction de Benini. Excellente soirée au total, bien servie pour Verdi. Puisse la dernière de la série avec les mêmes protagonistes montrer une défonce totale encore plus vive. Bravo.

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Re: Verdi - Il Trovatore - Benini/Ollé - ONP - 06-07/2018

Message par JdeB » 08 juil. 2018, 11:35

oui, Anita et Sondra sont les deux chanteuses que j'ai vues progresser de manière le plus spectaculaire de ma vie de mélomane !
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Re: Verdi - Il Trovatore - Benini/Ollé - ONP - 06-07/2018

Message par altini » 08 juil. 2018, 11:50

jerome a écrit :
08 juil. 2018, 11:10
altini a écrit :
08 juil. 2018, 10:37
Petites questions, cher Jérôme.
Sur mon disque HRE avec Del Monaco, Gencer... il est indiqué "Live italian performance Italy 1957". Et sur le coffret "In a magnificent live performance".
S'agit-il vraiment d'un live? Pour le coup la note de Del Monaco est vraiment stupéfiante.
Connais-tu des ténors qui ont sorti ce ré bémol de la fin de l'acte 1 en live? (inutile de tous les mettre s'il y en a beaucoup!)
C'est un live qui sans être un vrai live l'est un peu tout de même ... En fait c'est une prise unique faite à la RAI pour les besoins d'un film à la télévision italienne:
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Et la bande son a été rapidement éditée en 33t puis plus tard en CD avec des dates parfois fantaisistes ...

Pour les ténors connus pour avoir balancé le contre ré bémol en live, il y a eu notamment Corelli, Pavarotti (dans les années 70) et Bonisolli et quelques autres ...
Merci pour toutes ces précisions. J'aime beaucoup Corelli mais je suis un peu surpris qu'il l'ait fait en live...

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Re: Verdi - Il Trovatore - Benini/Ollé - ONP - 06-07/2018

Message par jerome » 08 juil. 2018, 12:13

Ah dans tous les lives disponibles de Corelli en Manrico (au moins 7 ont été édités en CD), il fait ce contre ré bémol.

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