Lully - Phaëton - Dumestre/Lazar - Versailles- 05&06/2018
Posté : 31 mai 2018, 16:34
Pour qui attendait un spectacle proche du splendide "Cadmus et Hermione" que Dumestre et Lazar ont monté il y a 10 ans, c'est rapé !
Lazar s'essaye à la modernité (en tout cas, à ma connaissance, n'ayant vu de lui que des mises en scènes visant à la reconstitution) et je dois dire que, pour moi, ça tombe complètement à plat. Je vais y revenir.
Dumestre quant à lui essaie de varier un maximum sa direction en variant énormément les climats, donc l'orchestration, les nuances, les tempi. S'il y a des réussites, des moments vraiment très beaux, il y a aussi parfois une étonnante mollesse (notamment le finale qu'on nous annonce "violent" dans le programme et qui n'a vraiment, mais alors vraiment pas de relief sur scène) et une préciosité, une artificialité pénible à la longue, il y a aussi quelques bizarreries, par exemple après le "Je vole" de Phaëton à la fin de l'acte III, Dumestre prend un tempo assez lent et surtout une nuance piano, un caractère sans aucun élan bien peu compatibles avec la musique qui évoque l" "envol" de Phaëton justement (il faut dire qu'à ce moment-là, Phaëton se couche sur scène et semble s'endormir...).
L'orchestre est beau mais pas renversant. En cette première, on note quelques décalages, compréhensibles mais récurrents à un moment de l'acte IV ou V : les bois se décalent toujours au même moment... Il faut dire que la gestique de Dumestre, très particulière n'aide pas toujours... (elle est parfois incompréhensible pour moi, je ne sais pas comment ils arrivent à jouer et chanter parfois en le regardant).
La distribution mélange chanteurs français et quelques chanteurs russes puisqu'il s'agit d'une coproduction avec l'Opéra de Perm (dont Currentzis est le directeur musical). On pouvait craindre pour la prononciation du français (qui plus est, à l'ancienne pour la Tragédie alors qu'il s'agit d'une prononciation moderne dans le Prologue), mais dans l'ensemble, c'est tout à fait correct. Le chœur est celui de Currentzis, à savoir MusicÆterna et se montre à la hauteur de la situation avec de très belles couleurs.
La distribution est dominée par le splendide Phaëton de Mathias Vidal, très mâle de timbre, avec une superbe projection, une finesse dans les aigus quand il le faut (mais aussi une puissance certaine à d'autres moments-clés) et une excellente prononciation. Il est assez proche de ce que faisait Howard Crook et cela montre combien ce rôle gagne à être distribué à un haute-contre viril de timbre. Chez les femmes, je citerais la Théone de Victoire Brunel, superbe de timbre et très émouvante, gros coup de cœur. Je cite juste pour finir Cyril Auvity qui a été au bord de l'accident à plusieurs reprises, j'espère que c'était une méforme passagère mais on le sentait vraiment très fragile ce soir. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas entendu et j'ai trouvé sa voix bien plus puissante qu'auparavant (forcerait-il ?... Il est sûr qu'à côté de Mathias Vidal, il faut y aller...).
Benjamin Lazar donc... Quelle déception pour ma part !!
Le metteur en scène a voulu mélanger les époques, l'Egypte antique (époque de l'action), la période baroque et l'époque contemporaine. Ce mélange, pour moi, ne marche pas et rend l'ensemble confus. La gestique est bien baroque mais elle m'a semblé beaucoup moins travaillée et poussée que dans Cadmus et Hermione où on arrivait à des sommets d'émotion et d'intensité (le duo d'adieu entre Cadmus et Hermione, mazette....). Les costumes ne m'ont pas du tout emballé (certains étant franchement moches), le mélange des genres et des époques fonctionnant ici fort mal. Les décors sont très pauvres.
J'ai signalé le "Je vole" sans élan, je ne m'étalerai donc pas sur la fin de l'ouvrage qui voit, en principe, la chute de Phaëton depuis le char du soleil qu'il veut conduire à la place de son père. Il "chute" certes (dans une beau décor, pour une fois), mais surtout il est assassiné par une balle qu'on lui tire dans le dos... J'ai trouvé cela vraiment consternant.
Autre énorme déception : il y a zéro danse, ce qui est un comble pour un opéra baroque français qui en est rempli !! En lieu et places, des défilés du chœur à la gestique sommaire ou bien des vidéos ineptes, par exemple la chaconne de la fin du II voit se succéder des images de défilés militaires (dont celui du 14 juillet avec des images de Macron au visage flouté !!!) ou de dictatures (???). Lazar a visiblement cherché l' "universalité" et la vanité de la quête du pouvoir, mais que de choses banales et complètement inadéquates sur une musique aussi splendide car oui, Phaëton est sans doute l'un des plus beaux opéras de Lully (personnellement, je le considère quasiment comme son meilleur dans son entier : il n'y a vraiment rien à jeter, pas de temps mort) et c'est un bonheur absolu d'entendre ce chef-d'œuvre.
Musicalement, la version de référence reste pour moi celle de Minkowski, qui me paraît difficilement surpassable... (et pas par Rousset en tout cas).
Lazar s'essaye à la modernité (en tout cas, à ma connaissance, n'ayant vu de lui que des mises en scènes visant à la reconstitution) et je dois dire que, pour moi, ça tombe complètement à plat. Je vais y revenir.
Dumestre quant à lui essaie de varier un maximum sa direction en variant énormément les climats, donc l'orchestration, les nuances, les tempi. S'il y a des réussites, des moments vraiment très beaux, il y a aussi parfois une étonnante mollesse (notamment le finale qu'on nous annonce "violent" dans le programme et qui n'a vraiment, mais alors vraiment pas de relief sur scène) et une préciosité, une artificialité pénible à la longue, il y a aussi quelques bizarreries, par exemple après le "Je vole" de Phaëton à la fin de l'acte III, Dumestre prend un tempo assez lent et surtout une nuance piano, un caractère sans aucun élan bien peu compatibles avec la musique qui évoque l" "envol" de Phaëton justement (il faut dire qu'à ce moment-là, Phaëton se couche sur scène et semble s'endormir...).
L'orchestre est beau mais pas renversant. En cette première, on note quelques décalages, compréhensibles mais récurrents à un moment de l'acte IV ou V : les bois se décalent toujours au même moment... Il faut dire que la gestique de Dumestre, très particulière n'aide pas toujours... (elle est parfois incompréhensible pour moi, je ne sais pas comment ils arrivent à jouer et chanter parfois en le regardant).
La distribution mélange chanteurs français et quelques chanteurs russes puisqu'il s'agit d'une coproduction avec l'Opéra de Perm (dont Currentzis est le directeur musical). On pouvait craindre pour la prononciation du français (qui plus est, à l'ancienne pour la Tragédie alors qu'il s'agit d'une prononciation moderne dans le Prologue), mais dans l'ensemble, c'est tout à fait correct. Le chœur est celui de Currentzis, à savoir MusicÆterna et se montre à la hauteur de la situation avec de très belles couleurs.
La distribution est dominée par le splendide Phaëton de Mathias Vidal, très mâle de timbre, avec une superbe projection, une finesse dans les aigus quand il le faut (mais aussi une puissance certaine à d'autres moments-clés) et une excellente prononciation. Il est assez proche de ce que faisait Howard Crook et cela montre combien ce rôle gagne à être distribué à un haute-contre viril de timbre. Chez les femmes, je citerais la Théone de Victoire Brunel, superbe de timbre et très émouvante, gros coup de cœur. Je cite juste pour finir Cyril Auvity qui a été au bord de l'accident à plusieurs reprises, j'espère que c'était une méforme passagère mais on le sentait vraiment très fragile ce soir. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas entendu et j'ai trouvé sa voix bien plus puissante qu'auparavant (forcerait-il ?... Il est sûr qu'à côté de Mathias Vidal, il faut y aller...).
Benjamin Lazar donc... Quelle déception pour ma part !!
Le metteur en scène a voulu mélanger les époques, l'Egypte antique (époque de l'action), la période baroque et l'époque contemporaine. Ce mélange, pour moi, ne marche pas et rend l'ensemble confus. La gestique est bien baroque mais elle m'a semblé beaucoup moins travaillée et poussée que dans Cadmus et Hermione où on arrivait à des sommets d'émotion et d'intensité (le duo d'adieu entre Cadmus et Hermione, mazette....). Les costumes ne m'ont pas du tout emballé (certains étant franchement moches), le mélange des genres et des époques fonctionnant ici fort mal. Les décors sont très pauvres.
J'ai signalé le "Je vole" sans élan, je ne m'étalerai donc pas sur la fin de l'ouvrage qui voit, en principe, la chute de Phaëton depuis le char du soleil qu'il veut conduire à la place de son père. Il "chute" certes (dans une beau décor, pour une fois), mais surtout il est assassiné par une balle qu'on lui tire dans le dos... J'ai trouvé cela vraiment consternant.
Autre énorme déception : il y a zéro danse, ce qui est un comble pour un opéra baroque français qui en est rempli !! En lieu et places, des défilés du chœur à la gestique sommaire ou bien des vidéos ineptes, par exemple la chaconne de la fin du II voit se succéder des images de défilés militaires (dont celui du 14 juillet avec des images de Macron au visage flouté !!!) ou de dictatures (???). Lazar a visiblement cherché l' "universalité" et la vanité de la quête du pouvoir, mais que de choses banales et complètement inadéquates sur une musique aussi splendide car oui, Phaëton est sans doute l'un des plus beaux opéras de Lully (personnellement, je le considère quasiment comme son meilleur dans son entier : il n'y a vraiment rien à jeter, pas de temps mort) et c'est un bonheur absolu d'entendre ce chef-d'œuvre.
Musicalement, la version de référence reste pour moi celle de Minkowski, qui me paraît difficilement surpassable... (et pas par Rousset en tout cas).