D'autres impressions : mon épouse (moins lyricomaniaque que moi) a adoré Bernheim, et été gênée par certains passages du registre de Peretyatko, que je comprends comme son registre medium, puisqu'on ne peut nier que ses aigus, eux, se sont bien affermi depuis ses débuts, et sont assez enthousiasmants. Mais je me trompe peut-être, puisque certains ont souligné ici que son médium était très bon
Je ne commenterai pas beaucoup plus la prestation de la (très belle) chanteuse russe, qui m'a fait assez peu vibrer : certainement pas dans Norma, et pas plus dans les acrobaties de sa Villanelle, dont il nous a fallu 3mn avant de réaliser que c'était du français (seul le mot "jasmin" fut intelligible !). Elle fut cependant très touchante dans Traviata, et surtout possède et interprète magnifiquement Gilda, que nous avions déjà entendue, identification réussie à un rôle, comme pour beaucoup de ses consœurs, qui leur permet de transcender l’interprétation puisqu’elles en connaissent le moindre détail et la moindre indication de partition.
Bernheim au contraire m'a (nous) a littéralement transporté(s), et nous ne saisissons pas bien les réserves lues plus haut sur son manque d'implication, son approche soi-disant dilettante des personnages qu'il avait choisi d'évoquer. Sa décontraction, et ses "jeux" d'entrée en scène (gamineries -anti-stress ?- échangées avec Peretyatko d’ailleurs) ne l'empêchaient nullement ensuite, après une brève concentration échangée avec le chef, d'incarner magnifiquement Roméo (ah, ce Lève-toi soleil, bien loin de la nasalité de Kraus -remarque sacrilège, je sais...), Nemorino (sans rivaliser avec Pavarotti ou Grigolo, bien sûr), et surtout Werther (là, en soutenant AMHA tout à fait la comparaison avec un ténor célèbre que je ne nommerai pas afin de ne pas me faire lapider ici). Nous aimons à la fois sa personnalité attachante, et son timbre singulier, élégant, clair et puissant, et sa très bonne diction. Et franchement, dans les duos de cette soirée, le déséquilibre en sa faveur nous a semblé patent, tant sa projection est supérieure à celle de Peretyatko (et son jeu, pas plus cabotin dans le duo de l’Elisir qu’Alagna sur cette même scène il y a quelque temps). Cette soirée m’a fait amèrement regretter de ne pas être allé écouter la 2e distribution de Bohème à Bastille
Concert généreux, comme ça a été souligné, complété d’un réel plaisir à l’exécution de ces si brillantes ouvertures donizettiennes.
Erratum: après verif, le duo d'Alagna (Elisir) était avec Kurzak au TCE l'an dernier... Confondu avec le récital qu'il donna avec la mezzo Zhytynska à la Philharmonie en 2015. On s'y perd...