Rabaud - Mârouf - Minkowski / Deschamps - OC- 04/2018
Rabaud - Mârouf - Minkowski / Deschamps - OC- 04/2018
Rabaud - Mârouf, savetier du Caire
Mârouf Jean-Sébastien Bou
La Princesse Saamcheddine Vannina Santoni
Le Sultan Jean Teitgen
Le Vizir Franck Leguérinel
Ali Lionel Peintre
Fattoumah Aurélia Legay
Le Fellah Valerio Contaldo
Ahmad Luc Bertin-Hugault
Le Chef des marins/ Un ânier/ 1. Muezzin/ 1. Homme de police Yu Shao
Chef d'orchestre Marc Minkowski
Metteur en scène Jérôme Deschamps
Décors Olivia Fercioni
Costumes Vanessa Sannino
Lumières Marie-Christine Soma
Chorégraphie Peeping Tom
Paris, Opéra-Comique, le 23 avril 2018
Mârouf a vu le jour Salle Favart le 15 mai 1914 et y connut une carrière triomphale mais assez courte, riche de 128 représentations, le compositeur dirigeant la centième le 14 juin 1923. Le 22 juin 1928, cet opéra-comique fit son entrée au répertoire de l’Opéra dans une version pour ténor défendue initialement par Georges Thill lui-même et qui totalisa 116 levers de rideau au Palais Garnier jusqu’au 6 février 1950. Après une éclipse d’un quart de siècle, Mârouf fut remis au théâtre en novembre 1976 à Nantes avec une intégrale discographique à la clé, sous la direction de Jesus Etcheverry et avec Michel Lecocq dans le rôle-titre.
La partition s’origine dans un creuset d’influences profuses, de Lalo à Ravel en passant par Debussy (le premier Mârouf fut le premier Pelléas, Jean Périer, et le premier Sultan, Félix Vieulle, avait créé Arkel douze ans plus tôt) ou Florent Schmitt dans une veine orientalisante alors fort en vogue. Elle plut beaucoup à Gabriel Fauré qui écrivit ces lignes au lendemain de la première mondiale : « Le succès de Mârouf sera durable. Il le sera grâce aux qualités essentielles musicales, à l’abondance et à la variété, à la solidité du style, au charme de la couleur, au tour très spirituel de certaines périodes de la partition ». Henri de Curzon, quant à lui, en louait « le parfum d’Orient qui s’en dégage. Cette couleur légère et fine, cette lumière, cette aisance, cette limpidité spirituelle (…) les danses de l’acte du mariage (…) d’une verve étonnante, à fleur de terre (…) le récit fantaisiste de Marouf pour décrire sa caravane, les rappels de cette fameuse caravane, les chants lointains et discrets, de-ci de-là, pour donner la note dans les moments de silence ou de mimique, le choix des instruments chargés de souligner telle idée, telle péripétie, le sérieux aussi de certaines pages (…) le magnifique ensemble fugué de louange et gloire au Distributeur céleste…en vérité voici une partition dont l’attrait ne se dément pas un instant.»
Le retour de la réjouissante production de Jérôme Deschamps créée dans ce théâtre en mai 2013, se fait avec une distribution profondément renouvelée où l’on ne retrouve uniquement que Jean-Sébastien Bou dans le rôle-titre et Luc Bertin-Hugault dans celui du pâtissier généreux.
Pilier des saisons de Favart, Bou porte le spectacle par son engagement total dans le rôle quasi omniprésent du savetier et les qualités éminentes de chanteurs-acteurs qu’on apprécie tant chez lui. Jean Teitgen se montre parfait dans le rôle du « roi du temps », sultan qui tente de faire bonne figure mais que ronge sa sourde anxiété face au gouffre financier occasionné par ses libéralités fastueuses en faveur de Mârouf et le doute de plus en plus âpre sur la réalité des munificentes richesses de son mystérieux gendre. Vocalement, c’est une splendeur !
Vannina Santoni, princesse voilée comme éclose de l’immense pivoine dilatée de sa robe de mariage, amoureuse éperdue et aventurière dans l’âme, charme par son allant, sa fraîcheur et un chant aussi raffiné que fruité.[
Franck Leguérinel campe un vizir trop lucide, en perte sévère d’influence, odieux avec le bas peuple qu’il chasse comme on chasse les mouches, obséquieux avec un maître qui l’exaspère (et vice et versa), cauteleux et revanchard. Avec le relief qu’il imprime à chacune de ses incarnations scéniques.
Lionel Peintre dessine un Ali très convaincant mais le timbre a perdu beaucoup de son velours. Aurélia Legay, fille d’un grand spécialiste de Mârouf, Henri Legay, brille elle aussi plus par ses dons de comédienne que par la beauté du timbre, en déployant une énergie de virago patentée.
Tous les seconds rôles sont tenus avec une réelle efficacité.
Marc Minkowski fait caracoler son orchestre comme on chevauche vers une oasis délectable et ardemment espérée. Il éclaire avec brio les milles détails de l’orchestration si brillante et enlevée de Rabaud et c’est presque enivrant.
Jérôme Deschamps signe là une de ses toutes meilleures productions d’opéra rehaussée par les formidables costumes de Vanessa Sannino, d’une inventivité débridée et jouissive, d’une orientale exubérance, digne des Indes Galantes des années 1950 à Garnier, dans l’esprit de Carzou (les mameluks !) qui se détachent avec un vif éclat sur le jeu de lego des décors minimalistes d’Olivia Fercioni.
Bref, c’est à l’Opéra-Comique que l’on a vécu les deux soirées les plus jubilatoires de la saison parisienne : le Comte Ory et Mârouf !
Jérôme Pesqué
Mârouf Jean-Sébastien Bou
La Princesse Saamcheddine Vannina Santoni
Le Sultan Jean Teitgen
Le Vizir Franck Leguérinel
Ali Lionel Peintre
Fattoumah Aurélia Legay
Le Fellah Valerio Contaldo
Ahmad Luc Bertin-Hugault
Le Chef des marins/ Un ânier/ 1. Muezzin/ 1. Homme de police Yu Shao
Chef d'orchestre Marc Minkowski
Metteur en scène Jérôme Deschamps
Décors Olivia Fercioni
Costumes Vanessa Sannino
Lumières Marie-Christine Soma
Chorégraphie Peeping Tom
Paris, Opéra-Comique, le 23 avril 2018
Mârouf a vu le jour Salle Favart le 15 mai 1914 et y connut une carrière triomphale mais assez courte, riche de 128 représentations, le compositeur dirigeant la centième le 14 juin 1923. Le 22 juin 1928, cet opéra-comique fit son entrée au répertoire de l’Opéra dans une version pour ténor défendue initialement par Georges Thill lui-même et qui totalisa 116 levers de rideau au Palais Garnier jusqu’au 6 février 1950. Après une éclipse d’un quart de siècle, Mârouf fut remis au théâtre en novembre 1976 à Nantes avec une intégrale discographique à la clé, sous la direction de Jesus Etcheverry et avec Michel Lecocq dans le rôle-titre.
La partition s’origine dans un creuset d’influences profuses, de Lalo à Ravel en passant par Debussy (le premier Mârouf fut le premier Pelléas, Jean Périer, et le premier Sultan, Félix Vieulle, avait créé Arkel douze ans plus tôt) ou Florent Schmitt dans une veine orientalisante alors fort en vogue. Elle plut beaucoup à Gabriel Fauré qui écrivit ces lignes au lendemain de la première mondiale : « Le succès de Mârouf sera durable. Il le sera grâce aux qualités essentielles musicales, à l’abondance et à la variété, à la solidité du style, au charme de la couleur, au tour très spirituel de certaines périodes de la partition ». Henri de Curzon, quant à lui, en louait « le parfum d’Orient qui s’en dégage. Cette couleur légère et fine, cette lumière, cette aisance, cette limpidité spirituelle (…) les danses de l’acte du mariage (…) d’une verve étonnante, à fleur de terre (…) le récit fantaisiste de Marouf pour décrire sa caravane, les rappels de cette fameuse caravane, les chants lointains et discrets, de-ci de-là, pour donner la note dans les moments de silence ou de mimique, le choix des instruments chargés de souligner telle idée, telle péripétie, le sérieux aussi de certaines pages (…) le magnifique ensemble fugué de louange et gloire au Distributeur céleste…en vérité voici une partition dont l’attrait ne se dément pas un instant.»
Le retour de la réjouissante production de Jérôme Deschamps créée dans ce théâtre en mai 2013, se fait avec une distribution profondément renouvelée où l’on ne retrouve uniquement que Jean-Sébastien Bou dans le rôle-titre et Luc Bertin-Hugault dans celui du pâtissier généreux.
Pilier des saisons de Favart, Bou porte le spectacle par son engagement total dans le rôle quasi omniprésent du savetier et les qualités éminentes de chanteurs-acteurs qu’on apprécie tant chez lui. Jean Teitgen se montre parfait dans le rôle du « roi du temps », sultan qui tente de faire bonne figure mais que ronge sa sourde anxiété face au gouffre financier occasionné par ses libéralités fastueuses en faveur de Mârouf et le doute de plus en plus âpre sur la réalité des munificentes richesses de son mystérieux gendre. Vocalement, c’est une splendeur !
Vannina Santoni, princesse voilée comme éclose de l’immense pivoine dilatée de sa robe de mariage, amoureuse éperdue et aventurière dans l’âme, charme par son allant, sa fraîcheur et un chant aussi raffiné que fruité.[
Franck Leguérinel campe un vizir trop lucide, en perte sévère d’influence, odieux avec le bas peuple qu’il chasse comme on chasse les mouches, obséquieux avec un maître qui l’exaspère (et vice et versa), cauteleux et revanchard. Avec le relief qu’il imprime à chacune de ses incarnations scéniques.
Lionel Peintre dessine un Ali très convaincant mais le timbre a perdu beaucoup de son velours. Aurélia Legay, fille d’un grand spécialiste de Mârouf, Henri Legay, brille elle aussi plus par ses dons de comédienne que par la beauté du timbre, en déployant une énergie de virago patentée.
Tous les seconds rôles sont tenus avec une réelle efficacité.
Marc Minkowski fait caracoler son orchestre comme on chevauche vers une oasis délectable et ardemment espérée. Il éclaire avec brio les milles détails de l’orchestration si brillante et enlevée de Rabaud et c’est presque enivrant.
Jérôme Deschamps signe là une de ses toutes meilleures productions d’opéra rehaussée par les formidables costumes de Vanessa Sannino, d’une inventivité débridée et jouissive, d’une orientale exubérance, digne des Indes Galantes des années 1950 à Garnier, dans l’esprit de Carzou (les mameluks !) qui se détachent avec un vif éclat sur le jeu de lego des décors minimalistes d’Olivia Fercioni.
Bref, c’est à l’Opéra-Comique que l’on a vécu les deux soirées les plus jubilatoires de la saison parisienne : le Comte Ory et Mârouf !
Jérôme Pesqué
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
Odb-opéra
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Re: Rabaud- Marouf- Minkowski / Deschamps- 04/2018
Courez-y, il ne reste que 3 représentations !
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- Ténor
- Messages : 556
- Enregistré le : 09 août 2004, 23:00
Re: Rabaud- Mârouf- Minkowski / Deschamps- 04/2018
Oui, belle soirée.
Déjà il y a 5 ans, sous la baguette claire d'Altinoglu, j'ai aimé cette musique délicieuse et raffinée qui ne manque pas de trouvailles harmoniques et rythmiques.
Mais Minkowski transfigure cette partition en lui donnant une ossature robuste et dramatique, les couleurs fouillées avec le sens extraordinaire de tension / détente. Avec lui l'oeuvre s'avère splendide et captivante, non seulement la musique légère, élégante et spirituelle. Pour la première fois depuis 30 ans le chef m'a épaté. Les forces bordelaises motivées.
Bou qui était déjà très à l'aise dans ce rôle de savetier il y a 5 ans, est désormais confondant de maîtrise quasi parfaite vocale, stylistique et dramatique.
Santoni en Princesse sans faille malgré un peu de tension vocale dans l'aigu forte. Elle a le physique du rôle.
La surprise est venue pour moi de Teitgen en Sultan qui a la belle voix sonore et le style digne.
Tous les autres rôles bien tenus.
Content d'applaudir Deschamps au salut qui était grand directeur de ce théâtre pendant 8 ans.
Déjà il y a 5 ans, sous la baguette claire d'Altinoglu, j'ai aimé cette musique délicieuse et raffinée qui ne manque pas de trouvailles harmoniques et rythmiques.
Mais Minkowski transfigure cette partition en lui donnant une ossature robuste et dramatique, les couleurs fouillées avec le sens extraordinaire de tension / détente. Avec lui l'oeuvre s'avère splendide et captivante, non seulement la musique légère, élégante et spirituelle. Pour la première fois depuis 30 ans le chef m'a épaté. Les forces bordelaises motivées.
Bou qui était déjà très à l'aise dans ce rôle de savetier il y a 5 ans, est désormais confondant de maîtrise quasi parfaite vocale, stylistique et dramatique.
Santoni en Princesse sans faille malgré un peu de tension vocale dans l'aigu forte. Elle a le physique du rôle.
La surprise est venue pour moi de Teitgen en Sultan qui a la belle voix sonore et le style digne.
Tous les autres rôles bien tenus.
Content d'applaudir Deschamps au salut qui était grand directeur de ce théâtre pendant 8 ans.
Re: Rabaud- Mârouf- Minkowski / Deschamps- 04/2018
Photos Vincent Pontet
la mélodie est immorale
Nietzsche
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Re: Rabaud- Mârouf- Minkowski / Deschamps- 04/2018
Merci Jean-Yves !
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- MariaStuarda
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Re: Rabaud- Mârouf- Minkowski / Deschamps- 04/2018
En effet, un vrai petit plaisir que cet opéra (dans cette production et servi par une belle distribution)
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Re: Rabaud- Mârouf- Minkowski / Deschamps- 04/2018
Comme Parsifal, le mieux c'est à partir de l'acte IV.
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).
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Re: Rabaud- Mârouf- Minkowski / Deschamps- 04/2018
+1MariaStuarda a écrit : ↑25 avr. 2018, 22:09En effet, un vrai petit plaisir que cet opéra (dans cette production et servi par une belle distribution)
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère
Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr
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Re: Rabaud- Mârouf- Minkowski / Deschamps- 04/2018
J'ai trouvé la direction de Minkowski exceptionnelle, incomparablement supérieure à celle d'Altino-GLUE©
En revanche, placé cette fois au premier rang de Paradis, les chanteurs étaient souvent couverts.
Personne ne mentionne le Fellah de Valerio Contaldo : incroyable dans cette tessiture épouvantable
En revanche, placé cette fois au premier rang de Paradis, les chanteurs étaient souvent couverts.
Personne ne mentionne le Fellah de Valerio Contaldo : incroyable dans cette tessiture épouvantable
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).
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Re: Rabaud- Mârouf- Minkowski / Deschamps- 04/2018
remarquable Minkowski tout à fait d'accord et très incroyable performance de Contaldo (mais je ne suis pas encore entrée dans les détails..., c'était hier soir )...PlacidoCarrerotti a écrit : ↑26 avr. 2018, 08:34J'ai trouvé la direction de Minkowski exceptionnelle, incomparablement supérieure à celle d'Altino-GLUE©
En revanche, placé cette fois au premier rang de Paradis, les chanteurs étaient souvent couverts.
Personne ne mentionne le Fellah de Valerio Contaldo : incroyable dans cette tessiture épouvantable
Par contre, non seulement les chanteurs n'étaient absolument pas couverts entendus depuis le parterre-orchestre, mais nous nous sommes même demandés si Bou n'était pas sonorisé, tellement sa voix sonnait "clair" (et superbe d'ailleurs....). Boutade bien sûr, mais les mystères de l'acoustique restent insondables.
Moi, j'ai adoré la musique de cet opéra (et je trouve très injuste qu'on ait perdu de vue ce compositeur). J'y reviendrai....
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère
Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère
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