Mascagni / Leoncavallo - Cavalleria Rusticana / I Pagliacci - Joel / Dante / Sinigaglia - Genève 03/2018

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Mascagni / Leoncavallo - Cavalleria Rusticana / I Pagliacci - Joel / Dante / Sinigaglia - Genève 03/2018

Message par dge » 15 mars 2018, 09:57

Pietro Mascagni - Cavalleria Rusticana
Opéra en un acte sur un livret de Giovanni Targioni-Tozzetti et Guido Menacci inspiré d’une nouvelle de Giovanni Verga
Crée à Rome – Teatro Costanzi – le 17 mai 1890

Direction musicale : Alexander Joel
Mise en scène : Emma Dante
Décors : Carmine Maringola
Costumes : Vanessa Sannino
Lumières : Cristian Zucaro
Choregraphie : Manuela Lo Sicco

Santuzza : Oksana Volkova
Turridu : Marcello Giordani
Mamma Lucia : Stefania Toczyska
Alfio : Roman Burdenko
Lola : Melody Louledjian*


Ruggero Leoncallo – I Pagliacci
Drame en un prologue et deux actes sur un livret du compositeur.
Crée à Milan - Teatro dal Verme – le 21 mai 1892

Direction musicale : Alexander Joel
Mise en scène : Serena Sinigaglia
Décors : Maria Spazzi
Costumes : Carla Teti
Lumières : Claudio De Pace

Canio : Diego Torre
Nedda : Nino Machaidze
Tonio : Roman Burdenko
Beppe : Migran Agadzhanyan*
Silvio : Mark Stone
Deux villageois : Terige Sirolli et Rodrigo Garcia Muñoz

*Membre de la troupe des jeunes solistes en résidence

Maîtrise du Conservatoire populaire de musique, danse et théâtre
Direction : Magali Dami et Fruzsina Szuromi

Chœur du Grand Théâtre
Direction : Alan Woodbridge

Orchestre de la Suisse Romande


Genève - Opéra des Nations - Mars 20918


Représentation du 23 mars


C’est à deux femmes que le GTG a confié la réalisation des deux volets du diptyque Cavalleria Rusticana / I Pagliacci dont l’association dans une même soirée s’est imposée depuis que le Metropolitan Opera les a associés en 1895, solution reprise par beaucoup de théâtres, un peu par facilité tout en reconnaissant la parenté stylistique qui les rapproche et la proximité géographique des lieux où se déroulent les deux drames.

Si la production de Cavalleria Rusticana d’ Emma Dante existait avant d’être donnée à Genève puisqu’elle a été crée à Bologne en 2017, celle de d’ I Pagliacci de Serena Sinigaglia est une création. On ne sera pas étonné de voir que toutes deux mettent en exergue les deux héroïnes qui subissent la loi masculine : Santuzza victime de la trahison de Turiddu, Nedda victime de la jalousie de Canio et de la violence faite à son genre

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Emma Dante élimine toute représentation pittoresque de la Sicile où se déroule l’action de Cavalleria Rusticana. Le plateau est nu, occupé seulement par quelques éléments scéniques mobiles en escalier qui servent autant au balcon de Lola qu’ à la maison de Mamma Lucia ou à l’entrée de l’église. Les beaux éclairages blafards de Cristian Zucaro impriment une ambiance austère et pesante renforcée par les costumes de Vanessa Sannino qui habille de noir tous les choristes comme s’ils étaient en deuil. Le poids de la religion est omniprésent mais surreprésenté avec une profusion de croix qui descendent des cintres, le rappel de la Passion du Christ en ce jour de Pâques qui fait traverser par trois fois la scène à un homme noir presque nu portant une croix ou les représentations récurrentes de la Pietà. L’ensemble fonctionne malgré tout assez bien mais la touche comique apportée par quatre danseuses enrubannées en lieu et place des chevaux d’Alfio n’est pas du meilleur goût dans une telle lecture.


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Marcello Giordani est un Turridu inégal. Son « O Lola… » initial chanté tout en force montre les limites d’une voix qui a perdu sa ductilité. La suite le voit plus à son avantage avec une projection insolente mais la voix manque cruellement de nuances et reste trop monochrome.
Oksana Volkova possède un timbre superbe et sa voix sombre convient bien au personnage de Santuzza malgré un manque d’italianité et un vibrato parfois mal maîtrisé. En talons hauts et dans un tailleur noir son engagement théâtral est à souligner d’autant qu’elle sait jouer d’une belle palette de nuances pour incarner son personnage.
Roman Burdenko est un Alfio au chant maîtrisé et sûr. Melody Louledjian ne trouve pas en Lola un rôle qui met en évidence ses qualités entendues par ailleurs. Stefania Toczyska que l’on retrouve avec plaisir est une Mamma Lucia dont on admire la composition pleine d’humanité.






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Serena Sinigaglia qui connaissait le travail de sa consœur a voulu en réaliser pour I Pagliacci une sorte de négatif photographique. A l’obscurité et à l’ambiance austère de Cavalleria elle oppose un univers lumineux et coloré. Sur le plateau nu pendant le prélude on voit s’affairer des machinistes et installer le décor très réaliste dû à Maria Spazzi : une estrade où se déroulera le drame, des hautes herbes sèches parsemées de coquelicots qui nous transportent dans un univers rural. Les villageois invités au spectacle, expriment leur attente et leur joie. On se sent un peu immergés dans le réalisme du cinéma italien d’après-guerre. La direction d’acteurs très précise qui individualise chaque choriste et fourmille de petits détails donne à l’ensemble une grande force dramatique. Théâtre dans le théâtre, lecture très illustrative et au premier degré, mais avec un tel talent quel plaisir pour le spectateur !

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D’autant que ce plaisir visuel se double d’une grande satisfaction à l’écoute des interprètes réunis pour cette production.
Diego Torre est un Canio qui impressionne par la qualité du timbre, l’aigu sûr, la belle projection et l’intelligence du chant qui culmine dans un "Vesti la giubba ..."magnifiquement phrasé et nuancé sans jamais verser dans des accents véristes hors de propos.
Nino Machaidze maîtrise parfaitement la tessiture de Nedda. Son timbre chaud, sa recherche de couleurs et de nuances lui permettent d’en faire une composition stylée et émouvante. Elle est bien cette femme sacrifiée au machisme de la société dans laquelle elle vit.
Tour à tour décontracté lorsqu’en tenue de jogging il annonce la représentation du soir, puis vicieux quand il essaie de séduire Nedda, Roman Burdenko traduit bien la complexité du personnage de Tonio avec une voix sombre, longue et bien projetée.
Mark Stone (qui alterne avec Markus Werba) est un Silvio très musical. Migran Agadzhanyan est un Beppe bien chantant. Terige Sirolli et Rodrigo Garcia Muñoz (deux paysans) complètent harmonieusement cette belle distribution.

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Comme beaucoup d’autres, Alexander Joel ne résout qu’imparfaitement l’équation difficile de la balance sonore fosse / plateau de l'Opéra des Nations. C’est surtout vrai dans Cavalleria où le rendu orchestral pourrait être plus théâtral et le lyrisme plus épanché. Paillasse est mieux servi et les différentes ambiances du drame sont bien mises en évidence. L’ Orchestre de la Suisse Romande est parfait de cohésion. Enfin le Chœur du Grand Théâtre très bien préparé par Alan Woodbridge est remarquable de puissance et de couleurs.

Les quelques réserves émises ne doivent pas occulter la qualité de la représentation de ce diptyque qui reçoit au rideau final un accueil chaleureux et mérité.



Gérard Ferrand

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Re: Mascagni / Leoncavallo - Cavalleria Rusticana / I Pagliacci - Joel / Dante / Sinigaglia - Genève 03/2018

Message par dge » 28 mars 2018, 17:06

Je viens de publier le CR ci-dessus

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