Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018

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micaela
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Re: Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018

Message par micaela » 04 avr. 2018, 20:38

Je viens de le lire. C'est en effet très critique. Seuls Hubeaux et Degout s'en tirent...
Le sommeil de la raison engendre des monstres (Goya)

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MariaStuarda
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Re: Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018

Message par MariaStuarda » 04 avr. 2018, 22:39

Voici le commentaire que j’ai écrit juste après la représentation de vendredi soir dernier :

Je veux dire d’abord que, définitivement, et après avoir vu les représentations parisiennes du début de saison, je préfère la version italienne en cinq actes.
Je m’interrogeais néanmoins hier pour savoir si, à force d’écouter un de mes opéras préférés, je ne finissais pas tous bonnement par m’en lasser.
Bref, il eut fallu sûrement quelque chose de plus motivant que la mise en scène de Christophe Honoré pour emporter mon adhésion complètement hier soir.
Celle-ci m’est apparue non seulement cheap, avec des choix franchement contestables quand je ne l’ai pas trouvé, pour tout dire, carrément pénible comme pendant le ballet. On pouvait imaginer que tout a déjà été essayé avec la pauvre princesse Eboli. La coincer dans un fauteuil roulant n’apporte rien de plus dans l’optique d’une princesse infirme qui chercherait à se venger de la vie et des autres. Mais cet effet de mise en scène oblige, de surcroît, Eve-Maud Hubeaux à exécuter pendant toute la représentation des pirouettes qui ne sont sûrement ni confortables pour elle ni utiles pour les spectateurs. Ceci la contraint, par ailleurs, à avoir un jeu souvent outré qui colle assez peu à une princesse de la cour d’Espagne.
Car, la deuxième critique que je pourrais faire c’est que l’on sombre assez facilement dans le trivial voire la vulgarité. C’est ainsi perdre de vue que, indépendamment du fait que ce sont des hommes et des femmes qui vivent, au milieu d’un décor extraordinaire, des passions elles tout à fait ordinaires, nous avons quand même affaire à la descendance de Charles Quint et à son entourage. Enfin, dernière critique sur Christophe Honoré, la direction d’acteurs n’est absolument pas homogène et chacun semble jouer sa propre partition.
Côté distribution, c’est plus excitant sans provoquer le choc qu’on peut attendre d’un don Carlos.
Le gros point faible qui fut pour moi un véritable handicap toute la soirée c’est la Elisabeth de Sally Matthews qui, si elle n’a pas une voix particulièrement déplaisante, ne m’a pas apporté une once d’émotion pendant toute la représentation.
Le don Carlos de Sergey Romanovsky est autrement séduisant dans le rôle du prince fragile et introverti (mais indéniablement aussi souvent en difficulté dans ce rôle écrasant).
J’avoue que je me suis inquiété dans les premières mesures pour le Philippe de Michele Pertusi, d’autant qu’à l’acte II il est face à l’incroyable Stephane Degout qui mène assez facilement le bal. En revanche, son acte IV et son affrontement avec un inquisiteur (assez pâle et très caricatural) est de toute beauté. Il incarne parfaitement par un chant subtil ce roi tiraillé, malheureux en amour et dont le pouvoir lui échappe face à l’inquisition.
Eve-Maud Hubeaux, malgré ses contorsions, est une Eboli surprenante qui ne recule devant aucune des difficultés du rôle et les assure avec panache et des aigus et des graves de toute beauté. La progression spectaculaire de cette artiste mérite le respect autant que l’admiration.
Enfin, roi de la soirée, Stephane Degout est tout bonnement stupéfiant. Son phrasé, son français, sa ligne de chant, son incarnation tant face à Carlos que face à Philippe sont des modèles du genre. On peut dire, qu’avec Ludovic Tézier à Paris dernièrement, Stephane Degout incarne un art incomparable qui porte le chant français dans ses plus hautes cimes.
Pour finir, j’avoue avoir été un peu déçu par la baguette du maestro Daniele Rustioni qui sait souvent mettre des belles couleurs mais sombre trop souvent, à mon goût, dans un spectaculaire un peu bruyant, appuyé par une gestuelle souvent hystérique, qui n’est pas franchement indispensable dans cette œuvre.
Une assez belle soirée en définitive et j’attends maintenant avec impatience le Macbeth de Ivo Van Hove ce soir.

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Re: Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018

Message par MariaStuarda » 04 avr. 2018, 22:46

micaela a écrit :
04 avr. 2018, 20:38
Je viens de le lire. C'est en effet très critique. Seuls Hubeaux et Degout s'en tirent...
Je suis assez d’accord avec cette critique sans être aussi impitoyable sur la distribution,

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Re: Verdi- Don Carlos - Rustioni / Honoré- Lyon- 03 & 04/2018

Message par dge » 04 avr. 2018, 23:25

Mes impressions après la représentation du 2 avril.

C'était la 6eme représentation de la série et certains problèmes soulevés plus haut dans ce fil ont disparu, la production étant bien rôdée.

La mise en scène: après celle de Pelléas que j'avais détestée, je redoutais le pire...qui n'a pas eu lieu. La lecture que nous propose C.Honoré est inégale mais intéressante à certains points. Les réserves tiennent au fait que le metteur en scène a écarté une relecture radicale et une reconstitution historicisante à la façon grand opéra. Et la voie intermédiaire qu'il a choisie n'est pas toujours bien inspirée. Ca commence bien avec un acte de Fontainebleau plutôt réussi. Par contre j'ai trouvé la scène du jardin au deuxième acte ridicule: toute cette cour de la reine assise sur des vieilles chaises en bois noires que chacun peut avoir, remisées dans sa cave ou son garage, n'est pas du meilleur goût ( faut il faire trash pour prétendre être un génie?) et l'inspiration est en panne y compris pour la direction d'acteurs. Idem pour la scène du ballet où l'on se demande bien ce que metteur en scène et chorégraphe ont voulu dire. On frise le vulgaire. De même je n'ai pas apprécié la scène du couronnement/autodafé. La volonté de gommer l'esthétique grand opéra ( ce qu'est DC) le conduit à faire évoluer les nombreux personnages dans les cases minuscules d'une scénographie qui malgré ses qualités et ses références picturales, n'est pas à la hauteur de la dramaturgie du livret. L'affrontement des personnages, moment très fort, est, faute d'espace, complètement gommé. On est presque dans une version concert.
Par contre j'ai bien aimé les deux derniers actes qui présentent une belle cohérence stylistique dans une ambiance intimiste qui souligne la grande solitude des protagonistes. Il y a qq belles idées ( la mort de Posa, le petit enfant dans la scène finale...) et ces deux actes sont une belle réussite.
J'ai été choqué au départ par une Eboli en fauteuil roulant mais il faut reconnaître que Honoré fait quelque chose de ce parti-pris et lorsqu'on arrive à la fin on se dit "pourquoi pas". Par contre les caresses qu'elle se fait sur les cuisses pour montrer qu'elle est amoureuse sont une concession bien inutile aux canons du Regie

La distribution: Globalement très intéressante malgré qq réserves.

Deux prises de rôles magistrales. Stéphane Degout est un Posa impressionnant: qualité du timbre, legato, phrasé exceptionnel, musicalité. Une très grande prestation. Eve Maud Hubeaux dont on pouvait craindre que la marche soit encore un peu haute au stade de sa très jeune carrière est elle aussi stupéfiante de phrasé, de style, de moyens, très à l'aise dans l'air du voile et maîtrisant bien l'écriture et l'ambitus du Don fatal. Comme S.Degout, la compréhension du texte est parfaite, l'incarnation du personnage voulu par le metteur en scène, totale, et l'on perçoit très bien que c'est le personnage qui l'a le plus intéressé.

Sergyey Romanovsky a une voix un peu légère pour le rôle de Don Carlos qui exige par moments un peu plus de spinto. Mais le timbre clair convient très bien à la juvénilité de l'infant voulu par le mes. La souplesse de la voix, l'aigu sûr, l'expression, la musicalité en font un Don Carlos attachant et émouvant. Lui aussi réussit très bien sa prise de rôle, ce qui n'était pas évident a priori.

Sally Matthews est en deçà des attentes. J'aime beaucoup cette artiste sincère et attachante mais elle s'égare dans un rôle qui n'est pas pour elle. Elle est handicapée par un vibrato trop important et la voix est devenue moins souple, la ligne de chant heurtée. Comme toujours l'engagement est total. Bien dirigée, son Elisabeth traduit bien la sensibilité et les souffrances de la jeune femme amoureuse, mais l'incarnation vocale n'est pas au même niveau que l'incarnation scénique.

Michele Pertusi m'a semblé un peu en retrait au deuxième acte. Mais dès le troisième acte et surtout lors du monologue du quatrième acte et la scène avec l'inquisiteur puis la reine, il fait apprécier un chant d'une belle musicalité, avec un français parfaitement compréhensible. Bel inquisiteur de Roberto Scandiuzzi même si la voix trahit quelques signes d'usure, mais les moyens sont encore là.

J'ai lu que beaucoup sur ce fil faisaient quelques réserves sur la direction de Daniele Rustoni. Je l'ai trouvée superbe, raffinée, trouvant des couleurs et des nuances que l'on n'entend très rarement. C'est une direction qui tient compte d'une part du caractère intimiste de la mise en scène, mais surtout du fait que c'est un opéra français. Son orchestre sonne français et son travail est en cela très méritoire. la direction n'est jamais exubérante ( c'était un de mes griefs de son Macbeth où elle l'était trop par moments) comme par exemple lors du premier duo entre Carlos et Posa au cours duquel certains chefs militarisent les cuivres. Ce qu'il fait au cinquième acte m'a semblé exceptionnel: prélude magnifique, accompagnement du duo ou l'orchestre est en osmose complète avec les sentiments des chanteurs. Jamais les chanteurs ne sont couverts et l'attention qu'il leur porte est constante. Il respire avec eux et ce n'est pas une simple image.

Malgré quelques réserves, une production qui fera date je pense tant les prises de risque ont été grandes. J'y retourne pour la dernière.

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